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Le Sang des Cerisiers

Chapter 2: Cendres et nouveaux commencements

Chapter Text

Les jours qui suivirent l'attaque des Senju se déroulèrent dans un brouillard de douleur et de rituels. Le clan Uchiha honora ses morts avec la solennité caractéristique de leur lignée - des bûchers funéraires s'élevant dans la nuit, les flammes illuminant les visages stoïques des survivants. Hanae fut célébrée comme une héroïne. Son sacrifice avait permis de sauver huit enfants Uchiha pris au piège par l'offensive de Butsuma Senju.

Pourtant, toute cette gloire posthume n'apportait aucun réconfort à Sakura. Debout aux côtés de son père, vêtue du noir traditionnel du deuil Uchiha, elle fixait les flammes qui consumaient le corps de celle qui avait été sa mère dans cette nouvelle vie.

C'est injuste, pensait-elle, ses petits poings serrés si fort que ses ongles marquaient ses paumes. J'ai déjà vécu tant de pertes. Pourquoi encore ?

Kaito restait silencieux, son visage figé dans une expression impénétrable que seuls ses yeux trahissaient - vides, hantés. Sakura savait ce regard. Elle l'avait vu sur trop de visages pendant la Quatrième Grande Guerre dans sa vie précédente.

Le clan ne s'attarda pas longtemps près des ruines de leur ancien campement. Trois jours après les funérailles, Tajima Uchiha donna l'ordre de déplacement. Les Senju connaissaient désormais leur position ; rester serait suicidaire.

— Nous partons vers le nord, annonça-t-il lors du conseil de guerre. Les forêts denses nous offriront une meilleure protection, et l'hiver approche. Le froid sera notre allié contre les Senju qui préfèrent les terres plus chaudes.

Cette nuit-là, Sakura aidait Kaito à rassembler leurs maigres possessions rescapées de l'attaque. Leur maison, comme la plupart du campement, n'était plus que cendres. Ils avaient trouvé refuge temporaire sous une tente commune partagée avec deux autres familles endeuillées.

— Est-ce que nous reviendrons un jour ? demanda-t-elle doucement, pliant un kimono qui avait appartenu à Hanae, l'un des rares souvenirs qu'ils avaient pu sauver.

Kaito marqua une pause dans son inventaire d'armes.

— Non, répondit-il simplement. Les lieux ne sont rien pour les Uchiha. Seul le clan compte.

Il la regarda, et pour la première fois depuis les funérailles, l'ombre d'une émotion traversa son visage.

— Tu dois comprendre cela, Sakura. Notre force n'est pas dans les murs que nous construisons, mais dans les liens qui nous unissent. C'est pourquoi nos ennemis nous craignent. Nous pouvons tout perdre, et pourtant rester invaincus.

Ces paroles résonnèrent étrangement en Sakura.

Dans sa vie précédente, Konoha était l'incarnation même de la permanence, un village dont les racines s'enfonçaient profondément dans l'histoire. Mais ici, dans cette ère de conflits perpétuels, les Uchiha étaient nomades, définis non par leur territoire mais par leur identité de clan.

Le voyage vers le nord fut éprouvant pour le clan affaibli. Une semaine de marche à travers des forêts denses et des cols montagneux, toujours sur le qui-vive. Les enfants et les blessés ralentissaient leur progression, mais un Uchiha n'abandonnait jamais les siens. C'était une loi aussi ancienne que le clan lui-même.

Sakura observait tout avec des yeux nouveaux. Son corps d'enfant peinait sous l'effort, mais son esprit adulte cataloguait chaque détail : les formations de combat qu'adoptaient naturellement les guerriers Uchiha lors des déplacements, les techniques de survie en milieu hostile, la façon dont les guetteurs utilisaient leur Sharingan pour scruter l'horizon à la recherche de pièges ou d'embuscades.

C'était une éducation qu'aucun livre d'histoire n'aurait pu lui offrir : observer le légendaire clan Uchiha à son apogée, avant les tragédies qui marqueraient son déclin.

Le troisième jour du voyage, Sakura marchait aux côtés de son père quand Madara apparut soudainement près d'eux. À quinze ans, il était déjà un guerrier accompli, participant aux patrouilles de reconnaissance avec les adultes.

— Kaito-san, salua-t-il respectueusement. Mon père souhaite te voir à l'avant.

Kaito hocha la tête et, après une hésitation presque imperceptible, se tourna vers Sakura.

— Reste avec Madara-sama, ordonna-t-il avant de s'éloigner d'un pas rapide.

Un silence inconfortable s'installa entre l'adolescent et l'enfant. Sakura continua de marcher, consciente du regard curieux que Madara posait sur elle.

— Tu ne pleures pas, remarqua-t-il finalement.

Sakura leva les yeux, surprise par cette observation directe.

— Mon père ne pleure pas non plus, répondit-elle prudemment. Un sourire fugace traversa le visage de Madara.

— C'est vrai. Les Uchiha ressentent profondément, mais gardent leur douleur à l'intérieur. C'est ce qui rend notre Sharingan si puissant.

Il ralentit son pas pour s'adapter à ses petites jambes.

— Mais tu es différente, ajouta-t-il. La plupart des enfants de ton âge seraient brisés après ce que tu as vécu. Pourtant, tu marches comme si tu portais déjà le poids du monde sur tes épaules.

Sakura sentit un frisson la parcourir.

Madara était bien plus perceptif qu'elle ne l'aurait cru. Devait-elle jouer le rôle de l'enfant effrayée ? Ou risquer d'être honnête, dans les limites du raisonnable ?

— Je ne peux pas me permettre d'être brisée, répondit-elle finalement. Haha est morte en protégeant d'autres enfants. Si je m'effondre, son sacrifice n'aura servi à rien.

Les yeux de Madara s'élargirent légèrement, comme s'il réévaluait la petite fille marchant à ses côtés.
— Ton père a raison, murmura-t-il. Tu as vraiment le cœur d'une guerrière.
Ils continuèrent en silence pendant un moment, gravissant une pente douce qui serpentait à travers des pins centenaires. L'air devenait plus frais à mesure qu'ils prenaient de l'altitude.

— As-tu déjà perdu quelqu'un, Madara-sama ? demanda soudain Sakura, curieuse malgré elle de connaître ce jeune Madara, si différent du monstre qu'il deviendrait.

Le visage de l'adolescent s'assombrit.

— Trois frères, répondit-il simplement. Deux sur le champ de bataille. Le troisième de maladie.

Sakura savait par ses cours d'histoire que Madara avait eu quatre frères, mais seul Izuna avait survécu jusqu'à l'âge adulte, pour finalement succomber face à Tobirama Senju. C'était cette perte qui avait définitivement brisé Madara et l'avait envoyé sur la voie de la vengeance.

— Je suis désolée, dit-elle avec une sincérité qui sembla le surprendre.

— Ne le sois pas, répliqua-t-il. La mort fait partie de notre monde. Les Senju nous prennent les nôtres, nous prenons les leurs. C'est ainsi depuis des générations. Sakura secoua la tête, incapable de contenir l'indignation qui montait en elle.

— Ça ne devrait pas être ainsi. Ce cycle est insensé.

Dès que les mots quittèrent sa bouche, elle craignit d'être allée trop loin. Mais au lieu de la réprimande attendue, Madara laissa échapper un rire étrange, presque amer.

— Tu parles exactement comme lui, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour elle.

— Comme qui ? osa demander Sakura, bien qu'elle suspectât déjà la réponse. Madara sembla hésiter, puis secoua la tête.

— Peu importe. C'était quelqu'un que j'ai connu autrefois. Un idéaliste, comme toi.

Avant qu'elle ne puisse insister, Kaito réapparut, mettant fin à leur conversation.

Il hocha respectueusement la tête vers Madara.

— Merci de l'avoir surveillée, Madara-sama.

— Ce n'était pas une corvée, répondit l'adolescent, son regard s'attardant sur Sakura avec une curiosité nouvelle. Ta fille est... intéressante.

Sur ces mots énigmatiques, il s'éloigna pour rejoindre l'avant-garde.

Kaito observa sa fille avec une expression indéchiffrable.

— De quoi parliez-vous ?

— De la guerre, répondit honnêtement Sakura. Et des personnes que nous avons perdues.

Son père soupira, passant une main fatiguée sur son visage.

— Madara-sama n'est pas comme les autres héritiers du clan. Il réfléchit trop. Comme toi.
Il y avait quelque chose dans son ton – était-ce de l'inquiétude ? De la fierté ? Sakura n'aurait su le dire.

— Est-ce mal de réfléchir ? demanda-t-elle innocemment.

— Non, répondit Kaito après un moment. Mais c'est dangereux dans notre monde. Les penseurs remettent en question ce qui est. Or, pour un Uchiha, accepter ce qui est constitue notre force et notre survie.

Sakura ne répondit pas, tournant ces paroles dans son esprit. Son père venait sans le savoir d'identifier précisément ce qui avait conduit les Uchiha à leur perte dans sa ligne temporelle originale : leur incapacité à évoluer, à remettre en question leur place dans un monde changeant.

***

Dix jours après leur départ, le clan Uchiha atteignit enfin sa destination. Au cœur d'une vallée étroite, protégée par d'imposantes falaises sur trois côtés, s'étendait une forêt dense d'arbres aux feuillages rougeoyants. Une rivière aux eaux claires traversait la vallée, offrant une eau pure et l'opportunité de pêcher. C'était un emplacement stratégique parfait : facile à défendre, riche en ressources, et suffisamment isolé pour leur permettre de se reconstruire.

— Nous établirons le campement au centre de la vallée, annonça Tajima lors du conseil de guerre improvisé. Les familles au cœur, les guerriers en périphérie. Je veux un système de surveillance permanente, avec des relais de Sharingan couvrant chaque angle d'approche.

Le campement prit forme avec une efficacité remarquable. En deux jours à peine, des tentes structurées remplacèrent le chaos du voyage, des zones communes furent délimitées, et des patrouilles organisées.

Les Uchiha avaient manifestement l'habitude de ces déplacements forcés.

Kaito et Sakura se virent attribuer une tente modeste mais privée, un privilège accordé en reconnaissance du sacrifice d'Hanae. Leur nouvel espace était spartiate : deux futons, un petit brasero pour les nuits froides, et une malle contenant leurs rares possessions.

Le soir de leur installation, Sakura observait son père qui, assis en tailleur, nettoyait méthodiquement ses armes - un rituel qu'il effectuait chaque soir, comme si la routine pouvait tenir à distance la douleur.

— Chichi, commença-t-elle doucement. Qu'allons-nous faire maintenant ?

Kaito leva les yeux de son katana, semblant surpris par la question.

— Nous survivons, répondit-il simplement. Nous nous renforçons. Et nous attendons.

— Nous attendons quoi ?

Un éclair de quelque chose – peut-être de la culpabilité ? – traversa son regard avant qu'il ne se reconcentre sur la lame qu'il polissait.

— La prochaine bataille, admit-il. Les Senju ne nous laisseront pas en paix bien longtemps. Et nous devons être prêts à les repousser.
Sakura acquiesça lentement, bien que son cœur se serrait à cette perspective. Encore plus de morts, encore plus d'orphelins comme elle. Le cycle sans fin de la haine.

— Mais en attendant, poursuivit Kaito avec une douceur inattendue, nous devons aussi vivre, Sakura. Ta mère n'aurait pas voulu que nous ne fassions qu'attendre la mort.

Il posa son arme et, dans un geste rare depuis la mort d'Hanae, tendit la main pour caresser les cheveux de sa fille.

— Demain, ton entraînement reprendra. Plus intensif qu'avant. Non pas parce que le clan l'exige, mais parce que je ne supporterais pas de te perdre aussi.

Sakura sentit les larmes lui monter aux yeux, mais les retint. Cette vulnérabilité soudaine chez son père la touchait profondément.

— Je ne te décevrai pas, chichi, promit-elle, sa voix d'enfant chargée d'une détermination adulte. Je deviendrai forte.

Ce qu'elle ne dit pas, c'est pour quelle raison elle voulait cette force. Pas pour perpétuer le cycle de haine, mais pour avoir une chance de le briser. Pour protéger ceux qu'elle aimait dans cette nouvelle vie, mais aussi pour changer le destin tragique qui attendait les Uchiha – et Madara en particulier.

Cette nuit-là, allongée sur son futon, Sakura contempla le plafond de toile de leur tente, écoutant la respiration régulière de son père endormi. Un plan commençait à se former dans son esprit. Un plan audacieux, peut-être impossible, mais qui pourrait, si elle réussissait, altérer le cours de l'histoire.

Pour cela, elle aurait besoin non seulement de force, mais aussi d'influence. Et le chemin vers l'influence commencerait par gagner le respect des membres les plus puissants du clan. À commencer par le jeune héritier qui, sans le savoir, portait déjà en lui les graines de la destruction qui définirait un jour son nom : Madara Uchiha.

***

Les premières lueurs de l'aube filtraient à travers la toile de la tente lorsque Sakura fut réveillée par son père. Sans un mot, il lui tendit un petit paquet enveloppé dans un tissu usé.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle, encore ensommeillée.

— Ouvre-le, répondit-il simplement.

À l'intérieur, elle découvrit une tenue d'entraînement neuve, aux couleurs traditionnelles du clan – bleu nuit et noir, avec le symbole de l'éventail cousu soigneusement dans le dos. Le tissu était résistant mais souple, conçu pour le combat.

— C'était censé être ton cadeau d'anniversaire, expliqua Kaito, une pointe de tristesse dans la voix. Ta mère l'avait commandé il y a des mois.

Sakura caressa doucement le tissu, imaginant Hanae en train de choisir méticuleusement le matériau, de prendre ses mesures pendant son sommeil pour que la surprise soit complète.

— Elle est parfaite, murmura-t-elle, la gorge serrée.

— Mets-la, dit Kaito. Aujourd'hui, tu commences un nouvel entraînement.

Tandis qu'elle enfilait la tenue, Sakura remarqua qu'elle était légèrement trop grande pour elle.

— Tu grandiras dedans, affirma son père, comme s'il lisait dans ses pensées. Hanae a toujours eu un don pour anticiper l'avenir.

Une fois habillée, Sakura suivit son père à travers le campement qui s'éveillait progressivement.

Quelques Uchiha étaient déjà actifs, préparant des repas, affûtant des armes, ou méditant silencieusement. Plusieurs d'entre eux inclinèrent respectueusement la tête sur leur passage – un hommage à la veuve d'Hanae et à sa fille.

Ils atteignirent une petite clairière à la lisière du campement, suffisamment isolée pour s'entraîner sans être dérangés, mais assez proche pour rester en sécurité. À leur grande surprise, quelqu'un les y attendait déjà.

— Madara-sama, salua Kaito avec une surprise évidente.

L'adolescent se tenait au centre de la clairière, les bras croisés. Ses cheveux noirs en bataille contrastaient avec sa peau pâle dans la lumière matinale.

— Kaito-san, répondit-il avec un hochement de tête. J'espère que ma présence ne dérange pas.

— Bien sûr que non, mais... puis-je demander la raison de votre visite ?

Madara tourna son regard vers Sakura, l'observant avec une intensité qui lui rappelait étrangement le Madara adulte qu'elle avait affronté.

— J'ai parlé à mon père de ta fille, expliqua-t-il. De son Sharingan précoce et de sa... perspective unique.

Il fit une pause, semblant choisir soigneusement ses mots.

— Tajima-sama pense, et je suis d'accord, qu'un talent comme le sien mérite une attention particulière. Avec votre permission, j'aimerais superviser une partie de son entraînement.

La stupéfaction figea Kaito un instant.

C'était un honneur sans précédent – l'héritier du clan offrant personnellement son tutorat à une enfant qui, bien que prometteuse, n'appartenait pas à la branche principale des Uchiha.

— C'est... nous sommes honorés, Madara-sama, finit-il par articuler. Mais puis-je demander pourquoi ?

Un sourire énigmatique étira les lèvres de Madara.

— Disons que j'ai mes raisons, répondit-il. Alors, acceptez-vous ? Kaito regarda sa fille, puis l'héritier Uchiha, visiblement partagé entre la fierté et une inquiétude diffuse.

— Ce n'est pas à moi de décider, dit-il finalement. C'est à Sakura.

Tous les regards se tournèrent vers la petite fille qui, intérieurement, n'en était pas une.

Sakura comprenait parfaitement l'importance de ce moment. C'était une opportunité inespérée de se rapprocher de Madara, de comprendre ce qui le façonnerait, et peut-être, d'influencer son chemin. Mais c'était aussi dangereux. Plus elle passerait de temps avec lui, plus elle risquait de révéler sa véritable nature – ce savoir du futur qui ne devait jamais être découvert. Le risque en valait-il la peine ?

Pour changer le destin du clan Uchiha, pour éviter la tragédie que je connais, je dois prendre ce risque, décida-t-elle.

Sakura s'inclina profondément devant Madara, dans un geste formel qui surprit les deux hommes.

— Ce serait un honneur d'apprendre de vous, Madara-sama, dit-elle avec toute la solennité dont une enfant de six ans pouvait faire preuve.

Les yeux de Madara brillèrent d'une lueur approbatrice, presque amusée.

— Bien, déclara-t-il. Nous commencerons par évaluer tes capacités actuelles. Montre-moi ce que tu sais faire.

Tandis que Sakura se mettait en position de combat, elle sentit une étrange excitation monter en elle. Son corps était celui d'un enfant, mais son esprit contenait les techniques et l'expérience d'une kunoichi d'élite. Elle devrait marcher sur une ligne fine – montrer suffisamment de talent pour justifier l'intérêt de Madara, mais pas au point d'éveiller les soupçons.

Un jeu dangereux commençait, un jeu où l'enjeu n'était rien de moins que l'avenir du monde shinobi. Et peut-être, au fond d'elle-même, Sakura admettait-elle une autre motivation : la simple curiosité de connaître ce Madara d'avant la chute, ce garçon qui, selon la légende, avait un jour rêvé de paix aux côtés de Hashirama Senju.

— Commence par me montrer ta position de base, ordonna Madara, se tenant au centre de la clairière, bras croisés.

Sakura prit une profonde inspiration. C'était le moment d'être stratégique. Elle adopta la posture de combat classique des Uchiha que Kaito lui avait enseignée – jambe droite légèrement en retrait, poids équilibré, mains positionnées pour former rapidement des mudras. Elle y intégra délibérément quelques imperfections : une légère tension dans les épaules, un angle un peu trop prononcé du coude gauche. Madara l'observa avec un œil critique, circulant lentement autour d'elle.

Sans prévenir, il donna un coup léger sur son coude.

— Trop rigide ici, commenta-t-il. Et tes épaules sont trop hautes. Tu gaspilles de l'énergie.

Il se plaça derrière elle, ajustant sa posture avec une précision étonnante. Ses corrections étaient efficaces mais pas condescendantes – il la traitait comme une élève sérieuse malgré son jeune âge.

— Mieux, approuva-t-il après quelques ajustements. Maintenant, montre-moi comment tu lances un kunai.

Sakura prit l'arme que lui tendait son père. Le poids lui semblait différent de ceux qu'elle avait maniés dans sa vie précédente – plus lourd, plus brut. Les kunai de cette époque n'avaient pas la finition standardisée de ceux de Konoha.

Elle visa un arbre à dix mètres et lança. Le kunai se ficha dans le tronc, pas exactement au centre mais suffisamment proche pour démontrer une précision inhabituelle pour une enfant de six ans.

Le regard de Madara s'attarda sur le kunai, puis revint sur elle avec une curiosité renouvelée.

— Ta coordination œil-main est remarquable, observa-t-il. Même sans activer ton Sharingan.

— Mon père m'a beaucoup entraînée, répondit Sakura, jetant un regard reconnaissant à Kaito.

— Hmm. Et tes jutsus ? Que maîtrises-tu déjà ?

C'était une question délicate. Dans sa vie précédente, Sakura avait maîtrisé de nombreuses techniques, certaines d'un niveau jōnin. Mais une enfant de six ans, même prodige, aurait à peine commencé à manipuler son chakra pour les jutsus les plus basiques.

— Je peux produire une petite boule de feu, affirma-t-elle avec une humilité calculée. Pas aussi grande que celle des adultes, mais…

— Montre-moi, l'interrompit Madara.

Sakura forma les mudras du Katon Goukakyuu no Jutsu, la technique emblématique des Uchiha. Elle modula consciemment son chakra, réduisant son flux pour produire une boule de feu modeste mais bien formée, qui s'éleva dans les airs avant de se dissiper.

À sa surprise, Madara sourit – un sourire sincère qui le rajeunissait considérablement.

— Intéressant, dit-il. La plupart des enfants de ton âge produisent à peine de la fumée à leur premier essai. Ton affinité avec le feu est forte.

Il se tourna vers Kaito.

— A-t-elle commencé l'entraînement aux genjutsus ?

— Pas encore, répondit Kaito. Je pensais attendre qu'elle développe davantage son Sharingan.

Madara secoua la tête.

— C'est une erreur commune chez les nôtres. Le Sharingan amplifie notre aptitude naturelle aux illusions, mais cette aptitude doit être cultivée d'abord. Sinon, quand le doujutsu atteint sa maturité, le genjutsu reste sous-développé.

Il se tourna vers Sakura.

— Nous travaillerons sur les bases du genjutsu. Ton affinité avec le chakra est prometteuse, et avec ton second tomoe déjà présent, tu pourrais progresser rapidement.

L'adolescent se redressa, adoptant une posture plus formelle.

— Voici comment nous procéderons : ton père continuera ton entraînement quotidien de base. Deux fois par semaine, en fin d'après-midi, tu me rejoindras ici pour des sessions spécifiques sur le Sharingan et les techniques avancées.

Kaito s'inclina respectueusement.

— C'est plus que généreux, Madara-sama.

— Ce n'est pas de la générosité, corrigea Madara avec une franchise déconcertante. C'est un investissement pour le clan. Des temps difficiles nous attendent, et nous aurons besoin de chaque Uchiha talentueux.

Son regard s'attarda sur Sakura avec une intensité qui la mit mal à l'aise.

— Surtout ceux qui voient le monde... différemment.

Sur ces paroles énigmatiques, il prit congé, laissant Kaito et Sakura seuls dans la clairière.

— Eh bien, soupira son père après un long silence. Il semble que tu aies fait une impression sur l'héritier Uchiha.

— Est-ce une bonne chose ? demanda Sakura, sincèrement incertaine.

Kaito caressa pensivement sa barbe naissante.

— Je ne sais pas, admit-il. L'attention des puissants est une lame à double tranchant. Mais refuser aurait été un affront.

Il s'agenouilla pour être à son niveau, posant ses mains sur ses épaules avec une gravité inhabituelle.

— Écoute-moi bien, Sakura. Madara-sama est l'avenir de notre clan. Son talent est... extraordinaire. Terrifiant, même. Mais il est aussi imprévisible. Apprends tout ce qu'il peut t'enseigner, mais garde toujours une part de toi-même en réserve. Comprends-tu ?

Sakura hocha solennellement la tête, surprise par cet avertissement à peine voilé. Son père, loyal au clan jusqu'à la moelle, venait implicitement de la mettre en garde contre l'héritier Uchiha.

— Oui, chichi. Je comprends.

— Bien, sourit-il, ébouriffant ses cheveux. Maintenant, reprenons là où nous nous étions arrêtés avant... tout cela. Cinquante flexions, puis nous travaillerons sur tes enchaînements de taijutsu.

***

Les jours se transformèrent en semaines, et un rythme s'installa dans la vie de Sakura. Chaque matin, elle s'entraînait avec son père, perfectionnant les bases du ninjutsu et du taijutsu. Les après-midis étaient consacrés aux tâches quotidiennes du clan – aider à la cuisine commune, apprendre les plantes médicinales avec les femmes plus âgées, ou écouter les anciens raconter l'histoire des Uchiha aux enfants rassemblés.

Ces moments ordinaires lui offraient des aperçus précieux de la vie quotidienne du clan, bien loin des récits sombres qui dominaient les livres d'histoire de sa vie précédente. Les Uchiha n'étaient pas seulement des guerriers redoutables ; ils étaient aussi des artisans habiles, des conteurs passionnés, et des familles unies par des liens plus profonds que le simple sang.

Deux fois par semaine, comme convenu, elle rejoignait Madara pour des sessions d'entraînement spéciales. Ces moments étaient devenus à la fois les plus stimulants et les plus périlleux de sa nouvelle existence. Un après-midi particulièrement chaud de la fin de l'été, ils travaillaient sur la perception visuelle améliorée du Sharingan.

Assis face à face dans la clairière devenue leur espace d'entraînement habituel, ils avaient chacun activé leur doujutsu.

— L'erreur la plus courante avec le Sharingan, expliquait Madara, est de trop dépendre de sa capacité à percevoir le mouvement. Le véritable pouvoir réside dans sa capacité à voir le chakra lui-même. Il forma un mudra simple, produisant une petite flamme sur sa paume.

— Regarde au-delà du feu. Que vois-tu ? Sakura plissa les yeux, concentrant son Sharingan immature. Autour de la flamme, elle distinguait des filaments bleutés – le chakra pur qui alimentait le jutsu.

— Je vois... des lignes de chakra, comme des fils tissés autour de la flamme.

— Bien, approuva Madara. Maintenant, concentre-toi sur le motif. Chaque jutsu a une signature unique, une empreinte de chakra que le Sharingan peut mémoriser et reproduire.

Sakura observa attentivement, captant les subtilités du flux énergétique. C'était fascinant – dans sa vie précédente, même en travaillant aux côtés de Sasuke, elle n'avait jamais compris si intimement le fonctionnement du Sharingan.

— C'est comme une... danse, murmura-t-elle, absorbée par sa vision. Le chakra change constamment, mais suit toujours le même motif de base. Un sourire satisfait se dessina sur les lèvres de Madara.

— Exactement. C'est cette compréhension qui nous permet de copier les techniques ennemies. Mais aussi…

Il fit un geste brusque de la main et la flamme se transforma soudainement, passant du rouge-orange au bleu pâle.

— ...de les modifier, de les améliorer. Le Sharingan ne se contente pas de copier ; il comprend, et ce qui est compris peut être transformé.

Sakura écarquilla les yeux, sincèrement impressionnée. Cette application subtile du doujutsu n'était mentionnée dans aucun des textes qu'elle avait étudiés à Konoha.

— Est-ce ainsi que les Uchiha ont développé tant de variations du Katon ? Demanda-t-elle.

Madara éteignit la flamme, la regardant avec une approbation évidente.

— Tu poses les bonnes questions, Sakura. Oui, c'est l'une des façons dont notre clan a affiné ses techniques au fil des générations. Nous observons, nous comprenons, nous adaptons.

Il désactiva son Sharingan, signalant une pause dans l'entraînement.

Sakura fit de même, sentant le soulagement habituel quand la pression sur ses réserves de chakra diminuait.

— Tu progresses plus vite que je ne l'avais anticipé, commenta-t-il en lui tendant une gourde d'eau. Ton second tomoe est maintenant pleinement développé dans ton œil droit, et je vois les prémices du premier dans ton œil gauche.

Sakura but une longue gorgée, consciente de l'honneur implicite dans ces paroles. Pour les Uchiha, le développement du Sharingan était la mesure ultime du potentiel.

— J'ai un bon professeur, répondit-elle simplement.

Madara l'observa avec une expression indéchiffrable.

— Tu sais, dit-il après un moment, tu me rappelles quelqu'un.

— Qui ça ? demanda-t-elle, curieuse malgré sa prudence habituelle.

L'adolescent sembla hésiter, comme s'il regrettait d'avoir ouvert cette porte.

— Mon plus jeune frère, Takuma, finit-il par répondre. Il aurait à peu près ton âge maintenant. Il posait toujours des questions qui déstabilisaient les adultes.

Sakura sentit son cœur se serrer. Elle n'avait jamais entendu parler d'un frère nommé Takuma dans les récits historiques. Un autre nom effacé par le temps et les tragédies.

— Qu'est-ce qui lui est arrivé ? osa-t-elle demander, bien qu'elle suspectât la réponse.

Le visage de Madara se ferma, une ombre passant sur ses traits.

— Fièvre hivernale. Il y a deux ans. Les médecins n'ont rien pu faire.

Il se leva brusquement, tournant le dos à Sakura.

— Ça suffit pour aujourd'hui. Demain, nous commencerons les bases du genjutsu. Prépare-toi : ce sera exigeant.

Sans attendre sa réponse, il s'éloigna à grands pas, la laissant seule avec ses pensées.

Sakura resta assise un moment, méditant sur cette révélation. Ce bref aperçu de vulnérabilité chez Madara était précieux. Le futur adversaire d'Hashirama, l'homme qui déclarerait un jour la guerre au monde entier, était encore capable de s'émouvoir au souvenir d'un petit frère perdu. Elle comprenait mieux maintenant pourquoi il avait accepté de l'entraîner – elle lui rappelait un être cher disparu.

Cette connexion émotionnelle pourrait être sa meilleure chance d'influencer le cours de son destin. Mais à mesure qu'elle se rapprochait de lui, une question troublante germait dans son esprit : et si, en essayant de changer Madara, c'était elle qui finissait par changer ? Si elle commençait à voir le monde à travers les yeux des Uchiha, à ressentir leurs pertes et leurs rancœurs comme les siennes ?

Où s'arrêterait l'acte et où commencerait la vérité ?

***

L'automne transforma la vallée en un kaléidoscope de rouges et d'ors. Le campement Uchiha s'était progressivement organisé en une structure semi-permanente – les tentes remplacées par des cabanes en bois pour l'hiver approchant, des zones d'entraînement clairement délimitées, et des routines établies pour la chasse, la garde et l'entraînement.

Un matin frais d'octobre, Sakura aidait à la cuisine communautaire, préparant des provisions pour les équipes de patrouille, quand un tumulte soudain attira son attention. Des cris et des ordres retentissaient près de l'entrée principale du campement.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle à Naori, une femme d'âge moyen qui supervisait la cuisine.

— Des éclaireurs reviennent, répondit celle-ci, fronçant les sourcils en direction du bruit. Et vu l'agitation, ils ne rapportent pas de bonnes nouvelles.

Sakura s'essuya les mains et, prétextant un besoin de chercher plus d'eau, se dirigea vers la source du tumulte.

Au centre d'un cercle de guerriers Uchiha se tenaient trois éclaireurs, leurs vêtements déchirés et couverts de sang séché. L'un d'eux était soutenu par ses compagnons, visiblement incapable de tenir debout seul.

— Une embuscade, expliquait le plus âgé des trois à Tajima Uchiha. À la passe Est. Nous étions six. Seuls nous trois avons survécu.

— Les Senju ? demanda Tajima, son visage impassible mais ses yeux brillant d'une fureur contenue. L'éclaireur secoua la tête.

— Non, Tajima-sama. C'étaient des Hagoromo.

Un murmure surpris parcourut l'assemblée.

Sakura, cachée derrière un groupe de guerriers, sentit son cœur s'accélérer. Le clan Hagoromo – elle connaissait ce nom par ses études historiques. Un clan mineur mais ancien, spécialisé dans les techniques de terre et les armes à longue portée.

— Les Hagoromo n'ont jamais représenté une menace sérieuse, déclara un Ancien avec dédain. Pourquoi nous attaqueraient-ils maintenant ?

— Ils étaient équipés d'armes Senju, intervint le blessé, sa voix faible mais claire. Et ils portaient des armures forgées dans un style qui n'est pas le leur.

Tajima plissa les yeux, comprenant immédiatement les implications.

— Butsuma a engagé les clans mineurs contre nous, conclut-il.

Une tactique lâche, mais efficace. Il espère nous épuiser sans risquer ses propres hommes.

Il se tourna vers son fils aîné, qui se tenait silencieusement à ses côtés.

— Madara, prépare une équipe de frappe. Dix guerriers, pas plus – nous devons rester rapides et discrets. Les Hagoromo doivent comprendre le prix de leur trahison.

— Je veux mener l'attaque, père, répondit Madara, son Sharingan s'activant sous l'effet de l'émotion.

Tajima considéra brièvement la requête, puis hocha la tête.

— Soit. Prends Izuna avec toi. Partez à la tombée de la nuit.

Alors que l'assemblée se dispersait, Sakura resta immobile, le sang glacé dans ses veines. Elle connaissait la réputation des « équipes de frappe » Uchiha de cette époque. Ce n'étaient pas des missions de combat ordinaires – c'étaient des purges, des massacres destinés à terrifier les ennemis du clan. Et Madara, à seulement quinze ans, allait diriger l'une d'elles.

Sans réfléchir, elle se précipita à sa suite, le rattrapant alors qu'il se dirigeait vers l'armurerie.

— Madara-sama ! Il se retourna, surpris par son apparition soudaine.

— Sakura ? Je dois me préparer. Notre séance d'entraînement est annulée pour aujourd'hui.

— Ce n'est pas pour l'entraînement, répondit-elle, respirant profondément pour calmer les battements frénétiques de son cœur. Je... j'ai entendu parler de la mission.

Son expression se durcit immédiatement.

— Tu ne devrais pas écouter aux portes. Ce sont des affaires de guerriers.

— Les Hagoromo ont des enfants, lâcha-t-elle abruptement. Des enfants comme moi.

Madara fronça les sourcils, visiblement déstabilisé par cette remarque inattendue.

— Cela n'a aucune importance. Ils ont fait leur choix en s'alliant aux Senju.

— Les enfants n'ont pas choisi, insista-t-elle, consciente qu'elle marchait sur une ligne dangereuse. Ils ne sont pas responsables des décisions des adultes.

Un silence lourd s'installa entre eux.

Madara l'observait avec une expression indéchiffrable, quelque part entre la colère et la confusion.

— Pourquoi me dis-tu cela ? demanda-t-il finalement, sa voix étrangement calme.

Sakura chercha ses mots avec soin. Ce moment pourrait être crucial – elle ne pouvait pas se permettre de simplement plaider pour la pitié, qui n'aurait aucun poids dans ce monde brutal. Elle devait parler le langage que Madara comprendrait.

— Parce que vous m'avez dit que le véritable pouvoir du Sharingan est de comprendre, pas seulement de détruire, répondit-elle lentement. Si vous tuez leurs enfants, vous créerez une nouvelle génération qui nous haïra, comme nous haïssons les Senju. Le cycle ne finira jamais.

Madara la fixa intensément, son Sharingan toujours activé, comme s'il essayait de lire au-delà de ses paroles.
— Tu parles comme une adulte, Sakura, pas comme une enfant de six ans.

Elle soutint son regard, acceptant le risque.

— J'ai vu ma mère mourir. Cela fait grandir rapidement.

Quelque chose dans l'expression de Madara changea – une fissure infime dans son masque d'héritier impitoyable.

— Que suggères-tu alors ? Que nous laissions l'attaque des Hagoromo impunie ?

— Non, répondit-elle fermement. Mais punissez ceux qui ont pris la décision, pas ceux qui n'ont pas eu leur mot à dire. Ce serait... stratégiquement plus judicieux.

À sa grande surprise, un sourire lent étira les lèvres de l'adolescent.

— Stratégiquement plus judicieux, répéta-t-il, presque amusé. Tu as un esprit intéressant, petite Uchiha.

Il s'accroupit pour se mettre à son niveau, son Sharingan se désactivant pour révéler ses yeux noirs habituels.

— Je ne peux pas promettre que cette mission sera sans sang, Sakura. C'est la guerre, et notre clan doit démontrer sa force. Mais…

Il hésita, semblant lutter intérieurement.

— Je considérerai tes paroles. Les enfants Hagoromo ne sont pas notre cible principale.

C'était une concession mineure, presque insignifiante dans le contexte brutal de cette époque. Pourtant, Sakura sentit un frisson d'espoir la parcourir. C'était un début – infime, fragile, mais un début néanmoins.

— Merci, Madara-sama, murmura-t-elle, s'inclinant profondément.

Il se redressa, reprenant son masque de chef implacable.

— Ne parle à personne de cette conversation, ordonna-t-il. Pas même à ton père. Compris ?

Elle acquiesça solennellement.

— Compris. Il lui tourna le dos, reprenant sa marche vers l'armurerie, mais s'arrêta après quelques pas.

— Sakura, appela-t-il sans se retourner. Quand je reviendrai, nous travaillerons sur ton genjutsu. Ta compréhension du monde... mérite d'être développée.

Sur ces paroles ambiguës, il s'éloigna, laissant Sakura seule avec la sensation troublante d'avoir peut-être, pour la première fois, légèrement infléchi le cours du destin. Mais à quel prix ? En révélant une maturité qui ne correspondait pas à son âge apparent, elle venait d'éveiller davantage la curiosité de Madara. Ses soupçons grandiraient inévitablement avec le temps.
Chaque victoire a son coût, pensa-t-elle, regardant la silhouette de l'adolescent disparaître au détour d'une cabane. Je dois juste espérer que le prix final ne sera pas trop élevé.

***

Trois jours passèrent sans nouvelles de l'équipe de frappe. Le campement fonctionnait normalement en apparence, mais une tension sous-jacente était palpable. Les patrouilles avaient été doublées, et les entraînements des jeunes guerriers intensifiés.

Sakura poursuivait sa routine quotidienne, mais son esprit restait focalisé sur Madara et sa mission. Avait-il tenu compte de ses paroles ? Ou les avait-il oubliées dès qu'il avait quitté le campement, emporté par la frénésie guerrière des Uchiha ?

Le soir du troisième jour, alors qu'elle aidait son père à préparer leur modeste repas, des cris d'alerte retentirent à l'entrée du campement. Kaito se leva d'un bond, main sur son katana.

— Reste ici, ordonna-t-il avant de se précipiter dehors.

Sakura attendit exactement trente secondes avant de le suivre discrètement. Si ses années en tant que kunoichi lui avaient appris une chose, c'était que l'information était aussi vitale que le chakra.

Un attroupement s'était formé près de la porte principale. Se faufilant entre les jambes des adultes, elle parvint à apercevoir la source de l'agitation : l'équipe de Madara était de retour. Les dix guerriers, tous présents, portaient les marques du combat – vêtements tachés de sang, armures cabossées – mais aucune blessure grave n'était visible. Et au centre, marchant côte à côte, Madara et Izuna, leurs visages impassibles masquant toute émotion.

— Rapport, exigea Tajima, qui s'était avancé pour accueillir son fils.

— Mission accomplie, répondit sobrement Madara. Le clan Hagoromo a reçu notre message.

— Pertes ennemies ?

— Vingt-trois guerriers confirmés. Leur chef, Hagoromo Tenma, est parmi les morts.

Un murmure approbateur parcourut l'assemblée. C'était une victoire significative – éliminer le chef d'un clan, même mineur, était un coup dévastateur.

— Aucun des nôtres n'est tombé, poursuivit Madara. Deux blessés légers, déjà traités sur place.

Tajima hocha la tête, satisfait.

— Bien. Très bien. Tu as honoré ton clan, mon fils.

La foule commença à se disperser, les guerriers étant accueillis par leurs familles soulagées. Sakura, toujours cachée dans l'ombre, observait attentivement Madara. Quelque chose dans son attitude lui semblait... différent. Une tension subtile, une rigidité inhabituelle dans sa posture.

Alors qu'il passait près de sa cachette, leurs regards se croisèrent brièvement. Il ralentit imperceptiblement, et dans ce moment fugace, elle crut voir une ombre passer dans ses yeux – non pas la satisfaction d'un guerrier victorieux, mais quelque chose de plus complexe, de plus troublé. Puis il détourna le regard et poursuivit son chemin, escorté par un groupe d'Anciens qui le félicitaient pour son succès.

Ce n'est que tard dans la nuit, alors qu'elle ne parvenait pas à trouver le sommeil, que Sakura entendit un léger grattement à l'entrée de leur cabane. Se levant silencieusement pour ne pas réveiller son père, elle entrouvrit la porte. Sur le seuil se tenait Izuna, le jeune frère de Madara.

À treize ans, son visage portait déjà les marques de la guerre – non pas des cicatrices physiques, mais cette dureté prématurée dans le regard qui caractérisait les enfants-soldats.

— Madara-nii veut te voir, chuchota-t-il. Maintenant.

— Pourquoi ? murmura-t-elle en retour, surprise par cette convocation nocturne. Izuna haussa les épaules.

— Je ne pose pas de questions quand mon frère donne des ordres. Viens, et ne fais pas de bruit.

Jetant un regard à son père endormi, Sakura enfila rapidement un manteau et suivit Izuna dans la nuit. Il la guida à travers le campement silencieux, évitant habilement les patrouilles, jusqu'à une petite clairière isolée en bordure du territoire Uchiha. Madara s'y tenait seul, assis sur un rocher, contemplant le ciel étoilé. À leur approche, il fit un léger signe de tête à son frère, qui disparut aussitôt dans les ombres.

— Tu voulais me voir, Madara-sama ? demanda Sakura, incertaine de la conduite à tenir.

Il ne répondit pas immédiatement, continuant de fixer les étoiles.

— Sais-tu pourquoi les Uchiha sont si puissants, Sakura ? demanda-t-il finalement, sa voix étrangement douce dans le silence nocturne.

— À cause du Sharingan ? répondit-elle, bien que suspectant que la question était plus profonde qu'elle n'y paraissait.

— Non, secoua-t-il la tête. Le Sharingan n'est qu'une manifestation. Notre véritable force vient de notre capacité à ressentir profondément – l'amour, la haine, le chagrin. Plus nous ressentons intensément, plus notre chakra devient puissant.

Il tourna enfin son regard vers elle, et Sakura fut frappée par la vulnérabilité qu'elle y percevait – quelque chose qu'elle n'aurait jamais associé au Madara de sa ligne temporelle.

— Lors de notre mission, commença-t-il lentement, nous avons attaqué le campement Hagoromo au crépuscule. Comme prévu, nous avons ciblé leurs guerriers, leurs chefs. Une victoire rapide, efficace.

Il fit une pause, semblant chercher ses mots.

— Mais avant notre départ, j'ai entendu des pleurs. Des enfants cachés dans une structure souterraine. La plupart de mes hommes voulaient incendier l'endroit – c'est notre façon habituelle de s'assurer qu'aucun ennemi ne survive pour se venger.

Sakura sentit son cœur s'arrêter. Avait-il... ?
— Je les en ai empêchés, poursuivit-il, sa voix à peine audible. J'ai ordonné que la structure soit laissée intacte. Certains de mes hommes n'ont pas compris. Izuna non plus, d'ailleurs.

Il tourna son visage vers elle, ses yeux reflétant la lumière des étoiles.

— Je ne comprends pas moi-même pourquoi je l'ai fait. Les paroles d'une enfant de six ans ne devraient pas influencer les décisions d'un chef de guerre.

Sakura resta silencieuse, comprenant l'importance de ce moment. Madara Uchiha, futur leader du clan, venait d'agir contre les traditions guerrières des Uchiha – des traditions vieilles de générations.

— Peut-être, osa-t-elle finalement, que vous avez écouté votre propre cœur, pas seulement mes paroles.

Un sourire triste effleura ses lèvres.

— Mon cœur ? Les Uchiha ne sont pas censés écouter leur cœur au combat. Seulement leur fureur, leur haine. C'est ce que mon père m'a enseigné.

Il se leva, faisant les cent pas devant elle, visiblement troublé.

— Ce qui me perturbe, c'est que je ne regrette pas ma décision. Nous avons accompli notre mission, vengé nos morts, mais sans créer une nouvelle génération d'orphelins qui nous maudiront.

Il s'arrêta brusquement, se tournant vers elle avec une intensité qui la fit presque reculer.

— Comment une enfant comme toi peut-elle comprendre des choses que des guerriers trois fois plus âgés ne saisissent pas ?

C'était la question que Sakura redoutait depuis le début – cette reconnaissance de son anomalie, de la dissonance entre son apparence enfantine et sa sagesse intérieure. Elle devait naviguer avec la plus grande prudence.

— Peut-être que c'est justement parce que je suis une enfant, répondit-elle doucement. Les enfants voient le monde tel qu'il est, pas tel que la tradition dit qu'il devrait être.

Cette réponse sembla l'apaiser, ou du moins lui donner matière à réflexion. Il s'assit à nouveau sur le rocher, lui faisant signe de le rejoindre. Sakura s'installa à ses côtés, contemplant avec lui les étoiles qui parsemaient le ciel d'automne.

— J'ai connu quelqu'un, autrefois, qui parlait comme toi, dit-il finalement. Un garçon d'un autre clan qui rêvait d'un monde sans guerres incessantes.

Sakura sentit son cœur s'accélérer.

Hashirama.

Il parlait d'Hashirama Senju, son futur rival et partenaire dans la fondation de Konoha.

— Qu'est-il arrivé à ce garçon ? osa-t-elle demander. Le visage de Madara s'assombrit.

— La réalité s'est produite. Nous avons découvert que nous étions censés être ennemis. Que nos familles s'entretuaient depuis des générations.

— Mais vous étiez amis malgré tout, n'est-ce pas ? insista-t-elle, sachant qu'elle s'aventurait en territoire dangereux.

Madara la fixa longuement, comme s'il cherchait à déterminer comment elle pouvait être au courant de cette amitié cachée.

— Nous pensions pouvoir changer le monde, admit-il finalement, sa voix teintée d'un regret que Sakura n'avait jamais entendu chez le Madara adulte. Nous étions jeunes et naïfs.

— Peut-être n'étiez-vous pas naïfs, suggéra-t-elle doucement. Peut-être étiez-vous juste... en avance sur votre temps. Un rire sans joie lui échappa.

— En avance sur notre temps ? Ou complètement déconnectés de la réalité ? La paix n'est qu'un rêve d'enfant, Sakura. Le monde shinobi est fait de sang et de trahison. C'est une leçon que j'ai apprise à mes dépens.

Sakura pouvait sentir le fil ténu de l'espoir qui subsistait en lui – cet idéalisme qui, enterré sous des couches de cynisme et de douleur, attendait encore d'être ravivé. Le Madara assis à côté d'elle n'était pas encore l'homme rongé par la haine qu'elle avait affronté. Il hésitait encore entre deux chemins.

— Les rêves d'enfants deviennent parfois la réalité des adultes, dit-elle simplement. Si suffisamment de personnes y croient.

Madara la contempla avec une expression indéchiffrable, quelque part entre l'incrédulité et une curiosité presque affamée.

— Tu es étrange, Sakura Uchiha, déclara-t-il finalement. Je n'arrive pas à déterminer si tu es naïve au point d'en être dangereuse, ou sage au point d'en être inquiétante.

Il se leva, signalant la fin de leur conversation nocturne.

— Garde pour toi ce que je t'ai dit ce soir. Et retourne te coucher – nous avons une séance d'entraînement demain, et je ne serai pas clément si tu manques d'énergie.

Sakura s'inclina respectueusement.

— Oui, Madara-sama. Merci de m'avoir fait confiance.

Alors qu'elle se tournait pour partir, il l'arrêta avec une dernière question.

— Sakura... crois-tu vraiment qu'un monde sans guerres de clans soit possible ? Ou n'est-ce qu'un conte pour apaiser les enfants la nuit ?

Elle le regarda par-dessus son épaule, mesurant soigneusement sa réponse.

— Je crois que ce n'est pas la guerre qui est naturelle, mais la paix. Nous sommes nés pour construire, pas pour détruire. C'est la peur qui nous pousse à combattre, pas notre nature profonde.

Sur ces paroles, elle s'éloigna dans la nuit, laissant Madara seul avec ses pensées et le poids de ses choix.

***

Le premier gel de l'hiver déposa un voile blanc sur la vallée, transformant le campement Uchiha en un paysage cristallin. La vie s'était adaptée au froid – les entraînements se déroulaient désormais dans des espaces couverts, les missions étaient réduites au strict nécessaire, et les nuits s'allongeaient, remplies de récits autour des feux communs.

Pour Sakura, ces trois mois depuis son arrivée dans le nouveau campement avaient été une période de croissance et d'adaptation. Son corps de six ans, bien que toujours limité, avait gagné en force et en agilité grâce à l'entraînement intensif. Son Sharingan s'était développé plus rapidement que prévu – son œil droit arborait maintenant deux tomoe parfaitement formés, tandis que son œil gauche en possédait un.

Mais plus significatif encore était le changement dans sa relation avec Madara. Depuis cette nuit sous les étoiles, une compréhension tacite s'était établie entre eux. Il la traitait moins comme une simple élève et davantage comme une confidente – dans les limites de ce que permettait leur différence d'âge et de statut, bien sûr.

Ce matin hivernal, alors qu'elle s'exerçait à une technique de genjutsu dans la petite cabane qui servait maintenant de dōjō pour les enfants, Izuna fit irruption, son visage habituellement calme marqué par l'excitation.

— Sakura, mon frère te cherche. Tout de suite.

Elle dissipa sa technique, intriguée par cette urgence.

— Que se passe-t-il ?

— Kagami-san est rentré de mission, répondit-il avec une lueur inhabituelle dans les yeux. Et il a demandé à te rencontrer.

Intriguée, elle le suivit à travers le campement jusqu'à la grande structure centrale où Tajima tenait ses conseils. À sa surprise, Izuna ne l'emmena pas à l'intérieur mais la conduisit vers un petit bâtiment adjacent, servant habituellement au stockage des armes précieuses.

Madara l'y attendait, accompagné d'une figure qui fit presque trébucher Sakura sous le choc de la reconnaissance. Un homme grand, aux longs cheveux noirs et au visage marqué par des années de combat, mais portant une expression plus douce que celle de la plupart des guerriers Uchiha. Ses yeux, profondément noirs, reflétaient une sagesse tranquille qui semblait en décalage avec l'époque brutale dans laquelle ils vivaient.

Kagami Uchiha.

L'un des rares Uchiha qui, dans sa ligne temporelle d'origine, était resté loyal à Konoha et avait servi directement sous les ordres du Nidaime Hokage, Tobirama Senju.

Un homme que Sakura n'avait jamais rencontré personnellement, mais dont Tsunade parlait parfois avec un respect évident.
— Sakura, je te présente Kagami Uchiha, annonça Madara. Il revient d'une mission de reconnaissance qui a duré près d'un an.

Elle s'inclina respectueusement, cachant son trouble.

— C'est un honneur, Kagami-sama.

L'homme lui sourit, un geste rare chez les Uchiha de haut rang.

— Alors c'est elle, la jeune prodige dont tu m'as parlé dans tes messages, Madara ? J'avoue que tu n'as pas exagéré – son regard est remarquable, même pour une Uchiha.

Madara hocha la tête, un éclair de fierté traversant son visage.

— Sakura a éveillé son Sharingan à six ans, sans traumatisme déclencheur. Et son développement depuis lors a été... exceptionnel. Kagami s'approcha, s'agenouillant pour être au niveau de Sakura.

Contrairement à la plupart des adultes qui la traitaient avec condescendance, il s'adressait à elle comme à une égale.

— Madara m'a expliqué que tu t'intéresses particulièrement aux applications défensives du Sharingan. C'est inhabituel pour un Uchiha si jeune.

Sakura jeta un regard surpris à Madara. Elle n'avait jamais formulé explicitement cette préférence, bien qu'elle ait effectivement orienté ses questions et ses entraînements vers les aspects protecteurs plutôt qu'offensifs du doujutsu.

— Notre pouvoir peut servir à protéger autant qu'à détruire, répondit-elle prudemment.

— Une perspective sage, approuva Kagami. C'est exactement pourquoi j'ai demandé à te rencontrer. Il se redressa, se tournant vers Madara.

— Tu avais raison de me parler d'elle. Cette enfant a une compréhension qui dépasse son âge.

— Une compréhension pour quoi ? osa demander Sakura, de plus en plus intriguée.

Madara et Kagami échangèrent un regard, comme s'ils évaluaient jusqu'où ils pouvaient se confier.

Finalement, ce fut Madara qui prit la parole.

— Kagami-san et moi-même, ainsi que quelques autres membres du clan, partageons certaines... perspectives qui ne sont pas toujours en accord avec la vision dominante des Uchiha.

— Des perspectives sur quoi ? demanda-t-elle, bien qu'elle commençât à deviner.

— Sur l'avenir de notre clan, répondit Kagami sans ambages. Sur la possibilité d'une existence qui ne serait pas définie uniquement par la guerre perpétuelle.

Cette révélation stupéfia Sakura, non pas tant par son contenu que par l'identité de ceux qui la partageaient. L'histoire officielle qu'elle avait apprise à Konoha n'avait jamais mentionné que Madara lui-même, avant sa rupture avec Hashirama, avait activement cherché des alternatives à la guerre au sein même de son clan.
— Mais... Tajima-sama l'approuve ? demanda-t-elle, incrédule.

Un sourire ironique étira les lèvres de Kagami.

— Disons qu'il tolère nos discussions tant que nous restons discrets et que nous continuons à être utiles au clan sur le champ de bataille. J'ai développé des techniques de barrière et de protection inégalées, et même Tajima reconnaît leur valeur.

Izuna, qui était resté silencieux jusqu'alors, intervint avec une pointe d'impatience.

— Nous ne sommes pas ici pour parler politique clanique. Kagami-san a quelque chose à proposer à Sakura.

Kagami acquiesça, son expression devenant plus sérieuse.

— En effet. Durant ma mission, j'ai recueilli des rouleaux anciens appartenant à notre clan, perdus depuis des générations. Des techniques rares, principalement défensives, qui complètent notre arsenal traditionnel. Tajima-sama m'a autorisé à former un petit groupe d'étude pour les déchiffrer et les maîtriser.

Il regarda Sakura avec une intensité nouvelle.

— Madara pense que tu devrais faire partie de ce groupe. Malgré ton jeune âge, ton contrôle du chakra et ta compréhension du Sharingan te qualifient.

Madara croisa les bras, son visage révélant une tension inhabituelle.

— Ce n'est pas une décision à prendre à la légère, Sakura. Ces séances d'étude s'ajouteraient à ton entraînement quotidien. Ce serait exigeant, peut-être trop pour quelqu'un de ton âge.

— Mais potentiellement très enrichissant, compléta Kagami. Ces techniques ont été développées à une époque où les Uchiha n'étaient pas seulement des guerriers redoutables, mais aussi des protecteurs.

Le cœur de Sakura battait à tout rompre. Une chance inespérée s'offrait à elle – apprendre des techniques anciennes qui pourraient s'avérer cruciales pour son projet de changer l'avenir du clan, tout en se rapprochant d'un cercle intime incluant Madara et visiblement ouvert à des idées alternatives.

— Ces séances... qui d'autre y participerait ? demanda-t-elle, curieuse de connaître la composition de ce groupe dissident.

— Quelques jeunes prometteurs, répondit Kagami. Et deux Anciens qui partagent notre... curiosité intellectuelle. Un groupe restreint, réuni dans la discrétion.

— Et ton père, bien sûr, ajouta Madara. Kaito-san a accepté de participer également. Cette information la surprit. Son père, si loyal à la tradition du clan, s'impliquant dans un groupe qui semblait remettre en question certains de ses principes fondamentaux ?

— Chichi aussi ?

— La mort de ta mère l'a changé, expliqua doucement Madara. Comme ce genre de perte change chacun d'entre nous.

Une ombre passa sur son visage, rappelant à Sakura les nombreux frères qu'il avait déjà perdus. Kagami s'agenouilla à nouveau devant elle, son expression sérieuse mais bienveillante.

— Écoute-moi bien, petite. Ceci n'est pas seulement une opportunité d'apprentissage. C'est aussi un engagement. Ce que nous étudions, ce que nous discutons parfois... ce n'est pas quelque chose que tous les Uchiha approuveraient. Tu devras faire preuve de discrétion.

— Et de loyauté, ajouta Izuna, parlant pour la première fois directement à Sakura. Envers ceux qui te font confiance.

La mise en garde était claire.

Elle était invitée dans un cercle restreint, presque secret, au sein même du clan. Un privilège rare, mais qui comportait des risques.

— Je comprends, répondit-elle solennellement. Et j'accepte.

Kagami sourit, se relevant.

— Bien. Nous commencerons après-demain, à l'heure du crépuscule. Viens à ma cabane, à l'extrémité est du campement.

Il posa une main légère sur l'épaule de Madara.

— Cette enfant est spéciale, Madara. Veille à ce que son esprit ne soit pas étouffé par nos traditions les plus rigides.

Sur ces mots, il quitta la pièce, suivi par Izuna qui semblait soulagé de mettre fin à cette conversation peu orthodoxe.

Sakura resta seule avec Madara, incertaine de ce qu'il pensait réellement de cette situation. Avait-il délibérément organisé cette rencontre ? Quel était son véritable objectif ?

— Tu te demandes pourquoi je ne t'ai pas parlé plus tôt de Kagami et de notre... cercle, devina-t-il, lisant son expression.

Elle acquiesça silencieusement.

— Parce que j'ignorais moi-même si tu étais prête, admit-il. C'est seulement après notre conversation sous les étoiles que j'ai su que ton esprit était suffisamment ouvert pour y participer sans danger.

Il s'assit sur une caisse en bois, l'invitant à faire de même.

— Notre clan est puissant, Sakura. Mais cette puissance nous a enfermés dans un cycle de haine et de vengeance qui semble sans fin. Certains d'entre nous se demandent s'il existe une autre voie.

— Et vous, Madara-sama ? osa-t-elle demander. Qu'en pensez-vous vraiment ?

Un sourire énigmatique traversa son visage.

— Je pense que tu apprendras des choses précieuses avec Kagami, répondit-il, évitant habilement sa question. Ses techniques sont... uniques. Certaines remontent aux origines mêmes de notre clan, avant que nous ne nous concentrions presque exclusivement sur l'aspect offensif du Sharingan.

Il la regarda droit dans les yeux, avec une intensité qui lui rappela momentanément le Madara adulte de sa ligne temporelle.

— Mais n'oublie jamais que quelles que soient les idées que tu découvres dans ce cercle, notre loyauté ultime va au clan tout entier. Pas seulement à ceux qui pensent comme nous.

Cette mise en garde, prononcée avec une solennité inhabituelle, rappela à Sakura la complexité du personnage qu'était Madara.

Même dans sa recherche d'alternatives à la guerre, il restait profondément attaché à son clan, à son identité d'Uchiha.

— Je comprends, Madara-sama. Le clan passe avant tout.

Il se leva, posant une main sur sa tête dans un geste presque fraternel.

— Bien. Maintenant, retourne à ton entraînement. Nous avons encore une séance cet après-midi, et je ne serai pas plus indulgent parce que tu as été choisie pour le groupe de Kagami.

Sur ces paroles, il quitta la pièce, laissant Sakura seule avec le poids d'une nouvelle responsabilité et l'excitation d'une opportunité inattendue.

***

L'hiver s'installa pleinement sur la vallée, recouvrant le campement Uchiha d'un épais manteau blanc. Malgré le froid mordant, la vie du clan suivait son cours – entraînements, missions, conseils de guerre et, pour Sakura, une nouvelle routine qui incluait désormais les séances avec le groupe de Kagami.

Deux fois par semaine, à la tombée du jour, elle se rendait discrètement à la cabane de Kagami, située à l'extrémité est du campement.

Là, un petit groupe se réunissait pour étudier les rouleaux anciens qu'il avait rapportés de sa mission. Le groupe était étonnamment diversifié : Kagami lui-même, bien sûr ; son père, Kaito ; Naori, la femme qui supervisait souvent la cuisine communautaire mais qui, Sakura le découvrit, était aussi une spécialiste des sceaux de protection ; deux Anciens aux visages sévères mais aux yeux curieux ; et occasionnellement, Madara ou Izuna, selon leurs disponibilités.

Ce soir-là, alors que la neige tombait doucement à l'extérieur, ils étaient penchés sur un rouleau particulièrement ancien, sa calligraphie presque effacée par le temps.

— Ce passage décrit une technique de barrière qui, contrairement à nos méthodes actuelles, ne vise pas à bloquer l'ennemi, mais à dévier son intention hostile, expliquait Kagami, son doigt suivant les caractères à demi effacés. L'auteur la compare à l'eau qui contourne la pierre plutôt que de tenter de la briser.
— Cela semble inefficace, grommela l'un des Anciens, Takeo. Une barrière doit être infranchissable ou ne pas être.

— Pas nécessairement, intervint Sakura, oubliant momentanément son statut d'enfant supposée être vue mais pas entendue.

Tous les regards se tournèrent vers elle, certains surpris, d'autres intrigués.

Kagami lui fit un signe encourageant.

— Continue, Sakura. Quelle est ta pensée ?

Elle déglutit, rassemblant son courage.

— Si l'ennemi est déterminé, il finira toujours par trouver un moyen de briser une barrière conventionnelle, quel que soit sa puissance. Mais s'il ne réalise pas que son intention a été détournée, il pourrait ne jamais comprendre qu'il a été manipulé.

Un silence suivit sa déclaration, brisé finalement par le rire appréciateur de Kagami.

— Par les ancêtres, cette enfant a une compréhension instinctive des principes fondamentaux du genjutsu défensif ! C'est exactement ce que décrit ce rouleau – une technique qui, plutôt que d'opposer une résistance directe, influence subtilement la perception et l'intention de l'adversaire.

Naori observait Sakura avec un intérêt accru.

— Ces concepts ne sont généralement pas enseignés avant l'adolescence. Où as-tu développé cette compréhension, petite ?

Sakura sentit un frisson d'alarme. Elle devait être prudente – sa connaissance des principes avancés du genjutsu venait de sa formation avec Tsunade et Kakashi, dans une vie qui n'existait pas encore.

— J'écoute beaucoup, répondit-elle simplement. Et j'observe.

Kaito intervint, une fierté évidente dans sa voix.

— Ma fille a toujours eu une intelligence inhabituelle. Même avant l'éveil de son Sharingan, elle comprenait des concepts que la plupart des enfants ne saisissent pas avant des années.

Cette explication sembla satisfaire le groupe, et l'attention se reporta sur le rouleau.

Mais Sakura surprit le regard pensif de Madara, assis dans un coin de la pièce. Il l'observait avec une intensité troublante, comme s'il essayait de résoudre une énigme particulièrement complexe.

La séance se poursuivit, passant de la théorie à la pratique. Sous la guidance de Kagami, ils tentèrent de reproduire les signes complexes décrits dans le rouleau, adaptant l'ancien jutsu aux techniques modernes des Uchiha.

— L'essence de cette méthode, expliquait Kagami tout en formant une série de mudras, est de fusionner notre contrôle du genjutsu avec la manipulation physique du chakra pour créer une barrière qui n'est pas seulement matérielle, mais aussi psychique.

Sakura observait attentivement, son Sharingan activé pour mémoriser chaque détail. Cette technique ressemblait étrangement aux barrières protectrices que Konoha utiliserait un jour – un mélange de défense physique et d'altération perceptive qui rendait le village presque invisible aux yeux hostiles.

Était-il possible que ces techniques anciennes des Uchiha aient été la base des protections futures de Konoha ? Une autre pièce du puzzle historique que les livres avaient omise ? Après deux heures d'étude et de pratique, la séance toucha à sa fin.

Les membres du groupe se dispersèrent discrètement, retournant à leurs quartiers par petits groupes pour ne pas attirer l'attention.

Alors que Sakura s'apprêtait à partir avec son père, Madara l'arrêta d'un geste.

— Sakura, reste un moment. J'aimerais te parler.

Kaito hésita, mais un regard de Madara le convainquit de laisser sa fille.

— Ne rentre pas trop tard, dit-il simplement avant de sortir dans la nuit neigeuse.

Une fois seuls, Madara s'assit en face d'elle, son expression indéchiffrable à la lueur vacillante des lanternes.

— Tu sembles très à l'aise avec ces concepts avancés, observa-t-il. Presque trop à l'aise.

Sakura sentit son cœur s'accélérer. Avait-elle été trop audacieuse ? Trop révélatrice de ses connaissances ?

— J'essaie d'apprendre du mieux que je peux, répondit-elle prudemment.

— Hmm. Il ne s'agit pas seulement d'apprentissage, Sakura. Il s'agit de compréhension intuitive. Comme si ces idées te semblaient... familières.

Il se pencha en avant, ses yeux plongés dans les siens.

— Dis-moi, as-tu déjà eu l'impression de connaître des choses que tu n'as jamais apprises ? De comprendre instinctivement ce que d'autres mettent des années à saisir ?

La question frôlait dangereusement la vérité de sa situation. Sakura choisit ses mots avec un soin extrême.

— Parfois, admit-elle lentement. Certaines choses semblent... évidentes, alors que je sais qu'elles ne devraient pas l'être.

Au lieu de la suspicion qu'elle redoutait, une lueur de compréhension s'alluma dans les yeux de Madara.

— C'est ce que je pensais, murmura-t-il. Les Anciens ont une théorie sur ce phénomène. Ils l'appellent "la mémoire du sang".

— La mémoire du sang ? répéta-t-elle, sincèrement intriguée.

— L'idée que certaines connaissances, certaines compréhensions, sont si profondément ancrées dans le sang des Uchiha qu'elles peuvent parfois se manifester spontanément chez ceux dont le lien avec nos ancêtres est particulièrement fort.

Il sourit légèrement en voyant son expression surprise.

— Les rouleaux que Kagami étudie ne sont pas nouveaux pour notre clan, Sakura. Ce sont des techniques que nous avons perdues, oubliées au fil des générations de guerre. Mais le savoir reste, quelque part, dans notre sang.

Sakura saisit immédiatement l'opportunité que cette croyance lui offrait – une explication parfaite pour ses connaissances anachroniques.

— Vous pensez que c'est ce qui m'arrive ? Que je... me souviens de choses que je n'ai jamais apprises ?

— Je le crois, confirma Madara. Et c'est précisément pourquoi ta présence dans notre groupe est si précieuse. Tu possèdes une connexion aux aspects les plus anciens, les plus purs de notre héritage Uchiha.

Il se leva, mettant fin à leur conversation.

— Continue à suivre ton instinct, Sakura. N'aie pas peur de ces connaissances qui semblent venir de nulle part. Elles sont un don, pas une malédiction.

Alors qu'elle s'apprêtait à partir, il ajouta une dernière chose qui la figea sur place.

— Et peut-être qu'un jour, ce que tu nous aides à redécouvrir changera le destin même de notre clan.

Ces paroles, prononcées avec une conviction tranquille, résonnèrent profondément en elle. Car c'était exactement son intention – changer le destin des Uchiha, mais pas de la façon dont Madara l'imaginait probablement.

Cette nuit-là, alors qu'elle rentrait à travers le campement endormi, Sakura sentit un mélange d'espoir et d'appréhension. La "mémoire du sang" était une explication parfaite pour sa connaissance inhabituelle, un bouclier contre les soupçons. Mais plus elle s'intégrait au clan, plus elle formait des liens véritables avec ses membres – Kaito, Madara, Kagami, et les autres – plus il devenait difficile de maintenir la distance émotionnelle nécessaire à sa mission.

Car comment changer le destin de personnes que l'on commence à aimer comme sa propre famille, sans être transformé soi-même par ces liens ? C'était la question qui la hantait désormais, alors que l'hiver s'installait sur le campement Uchiha et que son intégration au cœur même du clan se renforçait jour après jour.

***

L'hiver s'installa pleinement sur la vallée, transformant le campement Uchiha en un monde de blanc et de silence. Les missions diminuèrent, la mobilité étant restreinte par la neige abondante, offrant au clan un rare moment de répit dans leur existence guerrière perpétuelle.

Pour Sakura, cette saison devint une période d'intense apprentissage, divisée entre ses entraînements réguliers avec son père, ses séances avec Madara, et maintenant les études clandestines avec le cercle de Kagami. Mais ce n'était pas seulement dans les arts ninjas qu'elle progressait. Pour la première fois, elle s'immergeait véritablement dans la vie quotidienne du clan Uchiha – non pas comme une étrangère observant à travers le prisme des livres d'histoire, mais comme un membre à part entière partageant leurs traditions hivernales.

Un matin particulièrement froid, elle se retrouva avec les autres enfants du clan, rassemblés autour d'un Ancien qui leur enseignait l'art de tisser le hikage-ami – un motif traditionnel de l'artisanat Uchiha, destiné à créer des vêtements qui pouvaient dissimuler subtilement le chakra de celui qui les portait.

— Les fils doivent s'entrecroiser exactement sept fois, expliquait patiemment l'Ancien, ses doigts déformés par l'âge et les combats manipulant les fibres avec une dextérité surprenante. Chaque croisement représente une des sept émotions fondamentales qui nourrissent notre Sharingan.

Sakura, assise parmi une dizaine d'enfants, observait attentivement. Cette technique n'existait plus à son époque – un autre savoir perdu après la tragédie du clan. Dans ses mains, les fils s'emmêlaient constamment, sa coordination encore insuffisante pour reproduire le motif complexe.

À sa gauche, une petite fille aux cheveux ébouriffés réussissait beaucoup mieux qu'elle, ses doigts volant avec assurance sur son ouvrage.

— Tu tiens ton fil trop tendu, lui chuchota la fillette, remarquant sa frustration. Il faut qu'il reste souple, comme un serpent qui ondule.

— Merci, murmura Sakura, ajustant sa technique suivant le conseil.

La petite fille sourit, révélant une dent manquante.

— Je m'appelle Hikari. Mon grand-père dit que je suis douée pour le tissage parce que j'ai des mains de guérisseuse, pas de guerrière.

— C'est aussi important que de savoir combattre, répondit Sakura, touchée par cette rencontre. Je m'appelle Sakura.

— Je sais qui tu es, gloussa Hikari. Tout le monde parle de toi. La fille qui a éveillé le Sharingan sans avoir peur.

Sakura se figea, surprise par cette réputation.

— Ce n'est pas tout à fait…

— C'est ce que mon frère a dit, coupa Hikari avec l'innocence caractéristique des enfants. Il dit que tu es différente des autres Uchiha. Que tu ne regardes pas les autres avec des yeux froids.

Cette simple observation la troubla. Était-ce ainsi que les enfants la percevaient ? Comme une anomalie dans le clan ? Ou peut-être, espéra-t-elle, comme un signe que les Uchiha n'étaient pas tous condamnés à la froideur et à l'isolement émotionnel qui les caractériseraient à l'époque de Konoha.

Leur conversation fut interrompue par l'arrivée de Tajima lui-même dans la salle. Immédiatement, les enfants se turent et s'inclinèrent respectueusement. Le chef du clan balaya le groupe du regard, avant de s'arrêter sur Sakura.
— Toi, dit-il simplement. Viens avec moi.

Le cœur battant, Sakura posa son tissage inachevé et suivit Tajima qui sortait déjà de la salle.

Derrière elle, elle pouvait sentir les regards inquiets des autres enfants – être convoqué personnellement par le chef du clan n'était généralement pas signe de bonnes nouvelles.

Tajima marchait rapidement à travers le campement, sa silhouette imposante fendant la neige avec autorité. Il ne dit pas un mot, et Sakura n'osa pas demander où ils se rendaient. Finalement, ils arrivèrent devant une structure que Sakura n'avait encore jamais eu l'autorisation d'approcher : le sanctuaire ancestral des Uchiha, un bâtiment modeste mais soigneusement entretenu, situé au cœur du campement.

— Entre, ordonna Tajima, écartant le rideau qui en masquait l'entrée. L'intérieur était plus spacieux qu'il n'y paraissait de l'extérieur. Des lanternes à la flamme perpétuelle éclairaient l'espace d'une lueur chaude. Sur les murs étaient affichés des éventails Uchiha anciens, certains portant des traces de bataille, d'autres ornés de calligraphies complexes. Au centre, un petit autel sur lequel brûlait de l'encens.

Avec surprise, Sakura constata que Madara était déjà présent, agenouillé devant l'autel, ainsi qu'un troisième Uchiha qu'elle reconnut comme étant l'un des Anciens les plus respectés, Shinoru. Madara lui jeta un regard bref mais intense, comme pour lui signifier silencieusement de rester calme.

L'Ancien Shinoru l'observait avec une curiosité non dissimulée.

— Agenouille-toi, ordonna doucement Tajima.

Elle obéit, prenant place à côté de Madara, face à l'autel. Un silence oppressant régnait dans le sanctuaire, rompu seulement par le crépitement doux des flammes.

Finalement, ce fut l'Ancien Shinoru qui prit la parole.

— Sakura Uchiha, commença-t-il, sa voix craquante mais puissante. Sais-tu pourquoi tu as été amenée au sanctuaire ancestral ? — Non, Shinoru-sama, répondit-elle respectueusement.

Le vieil homme échangea un regard avec Tajima, puis poursuivit.

— Ce sanctuaire n'est normalement ouvert qu'aux membres du clan ayant accompli leur douzième année, ou à ceux qui ont prouvé leur valeur sur le champ de bataille. Ta présence ici est... inhabituelle.

Sakura sentit une goutte de sueur froide couler le long de son dos. Avaient-ils découvert quelque chose sur elle ? Sur sa véritable nature ?

— Cependant, continua Shinoru, les circonstances inhabituelles appellent parfois des exceptions.

Il fit un signe à Tajima, qui sortit un petit coffret en bois laqué d'une niche dans le mur. Le chef du clan l'ouvrit solennellement, révélant un rouleau ancien, sa surface jaunâtre témoignant de son grand âge.

— Ce que tu vois ici est la Chronique d'Indra – l'un des textes les plus sacrés de notre clan, expliqua Shinoru. Il contient les enseignements originels de notre ancêtre, Indra Ōtsutsuki, ainsi que les prophéties concernant l'avenir du clan. Sakura retint son souffle.

Indra Ōtsutsuki – le fils aîné du Sage des Six Chemins et l'ancêtre direct du clan Uchiha. Dans sa ligne temporelle d'origine, ces textes avaient été perdus lors de la destruction du clan.

— Normalement, poursuivit Shinoru, seuls les héritiers directs du clan et les Anciens ont le droit de consulter ce rouleau. Mais Madara-sama a plaidé pour une exception.

Surprise, Sakura jeta un coup d'œil à Madara, qui gardait son regard fixé sur l'autel, son expression indéchiffrable.

— Kagami-san nous a rapporté tes... intuitions lors de vos séances d'étude, intervint Tajima, parlant pour la première fois depuis leur entrée. Ta compréhension de techniques que tu n'as jamais apprises. Ce phénomène est mentionné dans la Chronique.

L'Ancien Shinoru déroula partiellement le parchemin, révélant une calligraphie ancienne que même Sakura, avec son éducation avancée, peinait à déchiffrer entièrement.

— Ici, dit-il en pointant un passage spécifique. "Il viendra un temps où les enfants du clan porteront dans leur sang la mémoire des anciens jours. Leurs yeux verront ce qui fut et ce qui pourrait être, au-delà des limitations du temps. Ces enfants guidés par la mémoire du sang seront à la fois un rappel de notre origine et un présage de notre destin."

Sakura sentit un frisson la parcourir. Cette prophétie semblait décrire exactement sa situation – bien que dans un sens totalement différent de la réalité. Elle n'était pas guidée par une mystique "mémoire du sang", mais par les souvenirs bien réels d'une vie future.

— Les Anciens et moi-même pensons que tu pourrais être l'un de ces enfants décrits dans la prophétie, déclara Tajima. Un réceptacle de la mémoire ancestrale des Uchiha.

Il y avait dans sa voix une nuance qu'elle n'avait jamais entendue auparavant – quelque chose qui ressemblait presque à du respect.

— Cette... cette théorie explique-t-elle pourquoi j'ai éveillé mon Sharingan sans traumatisme ? demanda-t-elle, jouant prudemment le jeu.

— Précisément, acquiesça Shinoru. Le texte suggère que pour ces enfants particuliers, le Sharingan n'est pas tant éveillé que... rappelé. Comme si tes yeux se souvenaient de ce qu'ils ont toujours été destinés à devenir.

L'explication était fascinante, et dans un sens ironiquement proche de la vérité. Ses yeux avaient effectivement une "mémoire" – celle de son esprit adulte qui connaissait déjà le potentiel et les secrets du Sharingan.

— Si cette interprétation est correcte, intervint Madara, parlant pour la première fois, cela signifie que Sakura pourrait avoir accès à des connaissances perdues depuis des générations. Des techniques, des perspectives que même nos archives les plus anciennes ne contiennent plus.

Tajima hocha gravement la tête.
— C'est pourquoi nous avons pris une décision exceptionnelle. À partir d'aujourd'hui, Sakura Uchiha, tu seras autorisée à consulter les textes sacrés du clan, sous la supervision de l'Ancien Shinoru ou de mon fils.

La portée de cette autorisation était vertigineuse. On offrait à une enfant de six ans l'accès à des connaissances normalement réservées à l'élite absolue du clan.

— Je ne sais pas... si je suis digne d'un tel honneur, murmura-t-elle, sincèrement impressionnée par la confiance qu'on lui accordait.

— Ce n'est pas une question de mérite, répliqua Tajima avec une certaine dureté. C'est une question d'utilité pour le clan. Si tu peux interpréter ces textes d'une façon que d'autres ne peuvent pas, alors c'est ton devoir de le faire.

L'Ancien Shinoru tempéra ces paroles sévères d'un sourire bienveillant.

— Ne vois pas cela uniquement comme un devoir, enfant, mais aussi comme un privilège. Peu d'Uchiha ont l'opportunité de communier si directement avec la sagesse de nos ancêtres.

La cérémonie se conclut par un rituel bref mais solennel, où Sakura dut prêter serment de ne jamais révéler le contenu des textes sacrés à quiconque n'y était pas autorisé. Puis Tajima et l'Ancien Shinoru les laissèrent seuls, Madara étant chargé de lui montrer quelques-uns des textes qu'elle serait autorisée à étudier.

Une fois qu'ils furent seuls, Sakura se tourna vers lui.

— Pourquoi avez-vous fait cela pour moi ? demanda-t-elle doucement. Plaider ma cause auprès de votre père et des Anciens…

Madara considéra sa question un moment, ses doigts effleurant distraitement le rouleau sacré.

— Parce que je crois que tu vois le monde d'une façon que les autres Uchiha ont oubliée, répondit-il finalement. Et parfois, pour avancer, nous devons nous souvenir de ce que nous étions avant que la guerre ne devienne notre seule identité.

Il déroula partiellement un autre parchemin, plus petit que la Chronique d'Indra, mais tout aussi ancien.

— Ce texte décrit la philosophie originelle des Uchiha, avant que nous ne devenions principalement un clan guerrier. Sais-tu ce que signifie véritablement notre emblème, l'éventail ? Sakura secoua la tête. Cette symbolique spécifique n'était pas mentionnée dans les livres d'histoire de Konoha.

— L'éventail attise les flammes, expliqua Madara. Mais pas seulement celles de la destruction. Il s'agissait à l'origine d'attiser la flamme de la connaissance, de la vérité. Nos ancêtres étaient d'abord des gardiens du savoir, avant de devenir des maîtres de la guerre.

Il la regarda intensément, comme s'il cherchait quelque chose dans ses yeux.

— Quelque part au fil des générations, nous avons perdu cet équilibre. Nous n'attisons plus que les flammes de la haine et de la vengeance. Mais toi, Sakura…

Il s'interrompit, semblant chercher ses mots.
— Je crois que tu portes encore cette flamme originelle. Et c'est pourquoi je veux que tu aies accès à ces textes – pour comprendre ce que nous étions, ce que nous pourrions redevenir.

Ces paroles, prononcées avec une conviction tranquille, résonnèrent profondément en Sakura. Était-il possible que Madara lui-même, des années avant sa rencontre avec Hashirama, aspirait déjà à un autre destin pour son clan ? Que les graines de la vision qui mènerait à la fondation de Konoha existaient déjà en lui ?

— Je ferai de mon mieux pour honorer cette confiance, promit-elle, sincèrement émue.

Un sourire rare apparut sur le visage habituellement sévère de Madara.

— Je n'en doute pas un instant. Maintenant, examinons ces textes avant que mon père ne revienne et ne décide que nous avons passé trop de temps à philosopher.

***

Les semaines qui suivirent apportèrent une nouvelle dimension à la vie de Sakura au sein du clan. En plus de ses entraînements physiques et de ses séances avec le cercle de Kagami, elle passait maintenant plusieurs heures par semaine dans le sanctuaire ancestral, étudiant les textes anciens sous la supervision alternée de Madara et de l'Ancien Shinoru.

Ces moments d'étude devinrent précieux, non seulement pour les connaissances qu'ils lui apportaient, mais aussi pour les conversations qui en découlaient. Particulièrement avec Madara, ces séances dépassaient souvent le simple cadre académique pour toucher à des questions plus profondes sur la nature du clan, sa mission, et son avenir.

Un après-midi, alors qu'ils étudiaient un texte particulièrement cryptique sur les différentes manifestations du Sharingan, Madara lui posa une question qui la prit au dépourvu.

— Si tu pouvais changer une chose dans notre clan, quelle serait-elle ? Sakura leva les yeux du parchemin, surprise par cette interrogation soudaine.

— Pourquoi me demandez-vous cela ?

Il haussa les épaules, son regard fixé sur les flammes des lanternes.

— Simple curiosité. Tu as une perspective... différente. Je me demande ce que tu vois que je ne vois pas.

C'était une opportunité unique – Madara lui-même l'invitait à partager ses pensées sur la transformation possible du clan. Mais elle devait rester prudente, ne pas révéler trop de sa connaissance du futur.

— Je changerais peut-être... la façon dont nous définissons la force, répondit-elle lentement.

— Explique-toi, l'encouragea-t-il, visiblement intéressé.

— Le clan mesure la force principalement par notre capacité à détruire, à dominer nos ennemis. Mais les textes anciens parlent d'autres formes de puissance – la capacité à protéger, à créer, à unifier. Elle pointa un passage spécifique du rouleau qu'ils étudiaient.
— Regardez ici – cette description du Sharingan ne le présente pas comme un outil de combat, mais comme un moyen de "voir la vérité au-delà des illusions du monde". Comme si sa fonction première était la perception, pas la destruction.

Madara resta silencieux un long moment, méditant sur ses paroles.

— Ce serait un changement profond, dit-il finalement. Presque une révolution dans notre façon de penser.

— Est-ce impossible ? demanda-t-elle doucement.

— Difficile, mais pas impossible, répondit-il. Le principal obstacle n'est pas tant la résistance de notre clan que la réalité du monde qui nous entoure. Comment cultiver la paix quand nos ennemis ne respirent que la guerre ?

— Peut-être faut-il commencer quelque part, suggéra-t-elle. Un petit changement, un geste, qui pourrait en inspirer d'autres. Un sourire énigmatique apparut sur les lèvres de Madara.

— Comme épargner des enfants ennemis lors d'une mission punitive ?

Elle acquiesça, reconnaissant la référence à sa décision concernant les enfants Hagoromo.

— Exactement comme cela. Des choix qui rompent le cycle, même momentanément.

Il referma le rouleau qu'ils étudiaient, signalant la fin de leur séance.

— Tu donnes matière à réflexion, Sakura Uchiha. Plus que tu ne le réalises peut-être.

Alors qu'ils quittaient le sanctuaire, il ajouta une dernière remarque qui la suivrait longtemps.

— Tu sais, dans ces textes anciens, il est aussi écrit que parfois, le plus grand changement commence par la plus petite des actions. Peut-être que ton influence sur notre clan a déjà commencé, sans que nous le sachions encore.

Ces paroles résonnèrent en elle comme une promesse – l'espoir que ses efforts, aussi modestes soient-ils, pourraient vraiment infléchir le cours de l'histoire.

***

L'hiver céda finalement sa place aux premiers signes du printemps. La neige commença à fondre, révélant progressivement la terre sombre en dessous. Dans le campement Uchiha, l'activité s'intensifiait avec la saison – les missions reprenaient, les entraînements extérieurs recommençaient, et une énergie nouvelle semblait parcourir le clan.

Pour Sakura, maintenant âgée de sept ans, ce printemps marquait aussi une étape importante. Son Sharingan avait continué à se développer, son œil gauche possédant désormais aussi deux tomoe. Ses progrès en ninjutsu et en taijutsu étaient remarquables, bien que toujours limités par les capacités physiques de son jeune corps.

Mais plus significatif encore était le changement dans sa position au sein du clan. Elle n'était plus simplement "l'enfant prodige" ou "la fille de Kaito et Hanae". Elle avait forgé sa propre identité : disciple de Madara, membre du cercle de Kagami, et maintenant l'une des rares personnes autorisées à accéder aux textes sacrés du clan.