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Voyons où ça nous mène

Summary:

Reconstruire sa vie après une guerre n’a pas la même saveur pour tout le monde. Pour certains, cela sonne l’heure de gloire. Pour d’autres, c’est la descente aux enfers. Pour Drago Malefoy, c’est un entre-deux. Il a finalement trouvé un équilibre dans une vie paisible, loin de tout tracas.

C’était sans compter la propension de Ron Weasley à tout gâcher.

Pour tout le monde.

Si le monde de Drago vacille ce matin-là, c’est entièrement de sa faute. Et d’une séduisante française, évidemment.

Si le monde d’Hermione a vacillé ce soir-là, c’est entièrement de sa faute. Et d’une séduisante française, évidemment.

Notes:

Disclaimer :

L'œuvre d'origine ne nous appartient pas et nous n'avons aucun droit dessus.
Cette histoire n'a pas vocation à suivre le déroulé canon et nous nous dissocions des idées de l'autrice, qui ne reflètent pas nos opinions.

Disclaimer bis:
Cette fanfiction nous appartient, nous n'autorisons aucune autre publication sur d'autres plateformes.
Elle est écrite en collaboration avec certains membres du groupe Discord Dramione Society.
Merci, les filles, pour les idées et le travail de bêta.

Chapter Text

POV Hermione

 

— Hermione, chérie, je veux bien que tu m’aides à mettre la table !

Molly passait de cocotte en cocotte, agitée comme à son habitude quand elle recevait tout le monde au Terrier.

— Bien sûr Molly, dit Hermione et elle se dirigea vers un des cabinets pour en sortir des assiettes.

Hermione adorait les dimanches. Se retrouver avec les Weasley et Harry lui donnait vraiment le sentiment d'avoir une famille. Après la guerre, elle s'était rendue en Australie et avait réussi à rendre la mémoire à ses parents. Ce fut un moment difficile pour Hermione, car après quelques disputes, ses parents avaient refusé de rentrer à Londres. Ils s'étaient habitués au climat et avaient pris leur marque dans leur nouveau cabinet. Hermione n'avait pas eu le cœur à se battre, elle comprenait que ses parents puissent toujours éprouver de la rancœur envers elle. Elle était rentrée seule à Londres et avait passé la soirée à pleurer dans les bras de Ron. Loin de ses parents, elle n'avait pu s'accrocher qu'aux Weasley et aux Potter.

— Oh Molly, s'exclama Gabrielle en piquant un morceau de carotte dans le plat à salade, j'aime tellement votre hachis parmentier, ça sent divinement bon !

— Et votre gâteau au chocolat, renchérit Fleur en prenant les verres, c'est la seule chose que j'attends le dimanche !

— Je peux littéralement mourir pour le gâteau de maman, soupira Ginny. Eh Hermione, passe-moi les assiettes. Est-ce que tu peux emmener le jus de citrouille ?

Hermione acquiesça et tendit les assiettes à Ginny. Son ventre gargouilla. Elle salivait déjà à l'idée du repas qui les attendait.

— Maman ! Victoire, elle veut même pas partager les bulles soufflantes, hurla James en arrivant dans la cuisine et en s'accrochant à la jambe de sa mère.

Ginny manqua de trébucher et posa la pile d'assiettes sur la table.

— James, on va bientôt manger. Ça te dirait de m'aider à apporter les assiettes ? Je parlerai avec Victoire après, d'accord ?

— Mmh-mh, répondit-il en faisant la moue et en prenant les deux assiettes que sa mère lui tendait.

James s'appliqua à les emmener, le bout de la langue dépassant de ses lèvres pendant qu'il se concentrait sur sa tâche.

— Ginny ! Lily doit être changée, cria George en débarquant et avec Lily hurlant dans ses bras.

— Par Merlin, mais où est le père ? grogna la rousse en suivant George.

Hermione sourit puis se remit à préparer les carafes.

— Hermione, tu crois que tu peux garder Louis, mercredi ? demanda Gabrielle en la suivant près du comptoir.

— Mercredi, tu dis ? Elle réfléchit un instant alors qu'elle posait les boissons et les assiettes abandonnées de Ginny sur un plateau. Je crois avoir du temps, je n'ai rien de prévu. Pour la soirée ?

Gabrielle hocha la tête en croquant dans la carotte qu'elle grignotait.

— Mes amies viennent visiter Londres, cette semaine ! Je voulais passer du temps avec elles.

— C'est d'accord, je vais dire à Fleur d'emmener Louis à la maison, répondit Hermione en souriant.

— Tu es vraiment un trésor, s'exclama-t-elle, son accent français ressortant plus sur le "trésor".

Elle sortit en courant de la cuisine afin de prévenir sa sœur. Hermione emmena les deux carafes sur la grande table et termina de dresser la table avec l'aide de Ginny.

Lorsqu'ils se retrouvèrent autour de la table, le brouhaha habituel s'éleva autour d'eux. Tout le monde parlait toujours en même temps. Les petits Potter et les petits Weasley parlaient tellement fort que les adultes étaient obligés d'élever la voix pour se faire entendre. Même Louis participait en voulant imiter ses sœurs alors que Fleur tentait de lui donner une cuillerée de soupe. Il venait tout juste d'avoir un an, mais était déjà bien éveillé pour son âge. Sa première magie accidentelle avait eu lieu lorsqu'il n'avait même pas eu six mois et cela s'était passé au Terrier. Il avait envoyé son yaourt sur la tête d'Arthur.
Lily dormait profondément après que Ginny l'eût changée – enfin, après qu'elle eût obligé Harry à le faire en le regardant – et elle s'occupait de donner de la soupe à Albus.

— Dominique ! Arrête de jouer avec la purée, s'écria Fleur.

— Et toi Victoire, rends sa serviette à ta sœur, ordonna Bill, exaspéré.

— C'est la plus grande mais c'est un gros bébé, remarqua James.

— Maman, t'as vu qu'est-ce qu'il a dit ?

— Si vous continuez comme ça, on ne viendra plus chez mamie, trancha Ginny, en tapant la table.

C'était comme ça tous les dimanches mais Hermione ne s'en lassait jamais. Elle se languissait déjà de garder Louis cette semaine. Il était arrivé qu'elle garde Victoire et Dominique par le passé mais c'était les Potter qu'elle gardait le plus. Les Weasley-Delacour passaient beaucoup de temps avec leur famille maternelle pendant la semaine alors il était rare pour Hermione et Ron de les garder. Mais elle adorait toute cette nouvelle génération, donc cela ne la dérangeait absolument pas.

— Louis risque de passer la soirée à la maison, mercredi, glissa-t-elle à Ron, qui était assis à côté d'elle.

— Mercredi ? dit-il, la bouche pleine. Mais Hermione, j'ai Quidditch le mercredi soir. Tu vas devoir rester seule avec lui.

— Je savais que j'avais oublié quelque chose, s'exclama-t-elle en levant les yeux au ciel.

— Tu es très tête en l'air en ce moment, dit Ron après avoir bu une gorgée de jus.

Hermione soupira et prit un morceau de pain pour accompagner son plat.

— Mon agenda est très chargé, ça me fait beaucoup à penser…

— Eh Ron, quel est le nom du glacier au chemin de Traverse, déjà ? coupa Gabrielle, qui était assise en face de lui.

— C'est Florian Fortarôme, répondit Hermione car Ron avait encore la bouche pleine. Tu vas y aller avec tes amies, c'est ça ?

— Exact, répondit Gabrielle. Je veux leur montrer les meilleures boutiques sorcières pour les rendre jalouses.

— Pourtant, c'est plus chic en France, non ? demanda Ginny en pouffant.

— Tout est plus chic en France, intervint Fleur et Louis lui tira les cheveux.

— Comme si je lui avais demandé son avis, à celle-là, souffla la rousse à l'oreille d'Hermione.

 


 

La semaine fut très longue pour Hermione. Elle se sentait fatiguée et avoir passé la soirée avec Louis n’avait pas été de tout repos.

Elle adorait les enfants de Bill et de Fleur, là n’était pas la question. Mais s’occuper de lui seule alors qu’elle avait pour habitude d’être avec Ron pendant les gardes, c’était autre chose. Ron était rentré tard d’ailleurs, Bill était venu récupérer le petit depuis longtemps et elle n’avait même pas entendu Ron rentrer.

Le travail au ministère lui prenait beaucoup de temps mais elle tentait tant bien que mal de séparer le professionnel du privé et elle trouvait qu’elle s’en sortait plutôt bien. Mais Ron, de son côté, ne semblait pas vraiment prêter attention à ses efforts. Il passait son temps au Quidditch avec les autres et il lui arrivait d’aller aider George dans sa boutique de farces et attrapes.

Hermione ne se souvenait même pas du dernier restaurant qu’ils avaient fait en tête à tête. Mais voilà la vie d’adulte. Ils n’avaient plus le temps et Hermione angoissait un peu à l’arrivée d’un enfant s’ils sautaient le pas. Elle ressentait vraiment l'envie d'en avoir et c'était pour elle le but ultime de sa vie avec Ron.

Elle en avait déjà parlé avec lui, mais il lui disait qu’il valait mieux vivre au jour le jour et que les enfants viendraient quand ils seraient prêts.

Hermione était affalée à son bureau et n’arrivait plus à lire un mot correctement sur le parchemin qu’elle tenait devant elle.

Il y avait de nouvelles restrictions concernant la commercialisation des queues de Malagriffs tachetés comme ingrédient de potion. Le service de Contrôle et Régulation des Créatures Magiques souhaitait préserver et réguler la population des Malagriffs, en danger d’extinction à cause de l’explosion des cas de braconnage et de trafic et elle allait devoir se déplacer très bientôt à Brighton pour vérifier que tout suivait bien les législations.

Ses yeux se posèrent sur le petit cadre photo qu’elle avait sur son bureau et elle se mit à sourire. C’était une photo de Ron et d’elle après un des ses matchs de Quidditch, où il en était sorti gagnant. Ron souriait de toutes ses dents en envoyant des pouces vers l’objectif et Hermione le regardait amoureusement, et le mouvement recommençait encore et encore.

Elle se frotta les yeux et décida de rentrer à la maison plus tôt. Ron avait dit qu’il passerait à la boutique de George en fin d’après-midi et Hermione se dit qu’il serait sympa de lui faire une surprise et de l’accueillir à la maison avec un bon petit plat. Oui, ça lui ferait certainement plaisir.

— Susan, je vais rentrer plus tôt aujourd’hui, annonça Hermione à sa collègue, alors qu’elle rangeait un de ses dossiers dans son sac.

— Pas de problème, répondit-elle en souriant. Tu vas prévoir quelque chose avec Ron ?

— J’ai bien envie de lui faire une surprise, oui, dit Hermione, légèrement rougissante.

Susan lui sourit et lui fit un clin d’œil.

— Passez une bonne soirée, madame, dit-elle d’un ton plein de sous-entendus.

Hermione lui fit un petit signe de la main et transplana directement devant la porte de la maison. Une fois à l’intérieur, elle se débarrassa de ses escarpins avec un soupir de soulagement. Elle déboutonnait sa veste couleur taupe, quand elle entendit un bruit sourd venant de l’étage.

Ses réflexes prenant le dessus, elle prit sa baguette en main, alerte. Un autre bruit se fit entendre et son cœur palpita d’angoisse dans sa poitrine. Ron était-il rentré plus tôt ? Elle lança un sortilège de silence à ses pieds et monta les escaliers, le souffle court.

Elle entendit des voix. Ils se faisaient cambrioler, ça y est. Elle savait qu’ils auraient dû mettre en place des barrières magiques mais Ron lui disait qu’elle était trop paranoïaque et que la guerre était terminée.
Elle déglutit difficilement et récita mentalement les sorts qu’elle était prête à lancer.

Les bruits venaient de la chambre et la porte était entrouverte.

Elle avança, toujours aussi discrètement et regarda à l’intérieur.

Seul son buste était visible. Le reste, sous la couverture, laissait suggérer les coups de rein qu’il donnait et qui faisaient gémir la personne qui le tenait par le cou avec force.

— Ne t’arrête pas Ron, gémit-elle.

Ron ne s’arrêta pas. Il accéléra le rythme en soupirant. Cet homme qu’elle connaissait par cœur et qui la connaissait par cœur, était en train de coucher avec une femme qui n’était pas elle.

Hermione ne s’était pas rendue compte que ses mains tremblaient. Elle n’arrivait pas à détourner le regard. Très vite, les sons de leurs gémissements ne lui parviennent plus aux oreilles. Elle n’entendait plus rien et tout devenait flou. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait.

Un cri de plaisir la ramena sur terre.

— Ron, plus vite, cria-t-elle.

— Gab, tu vas…me…, marmonna-t-il, le souffle saccadé.

Gab ?

Hermione recula, horrifiée. Une main contre la bouche, elle dévala les escaliers, attrapa son sac et sortit rapidement. Ses genoux cédèrent sur le palier et sa vue se brouilla tandis qu’elle tentait de faire venir l’oxygène à ses poumons. Sa main, toujours contre sa bouche, étouffait ses gémissements de douleur et elle serra sa baguette contre elle.

Perdue entre le déni et la confusion, elle transplana dans le premier lieu auquel elle pensa : chez Harry et Ginny.

— Hermione ?

Elle distingua Ginny qui s’accroupissait devant elle, le visage inquiet.

Mais Hermione ne parvenait pas à former des mots. La douleur dans sa poitrine était si sourde qu'elle n'arrivait pas à penser à autre chose. C'était comme si quelque chose s'était brisé, tout tournoyait autour d'elle et pesait lourd.

Elle se leva soudain et se précipita aux toilettes pour vomir. Elle sentit une main lui caresser le dos.

— Elle est arrivée comme ça, tu dis ?

— Tu penses qu’on devrait prévenir Ron ?

Hermione éclata en sanglots et se tourna vers Harry et Ginny.

Pas lui. Pas Ron.

Elle secoua la tête. Elle ne voulait pas le voir. Il fallait qu'elle réfléchisse, qu'elle remette ses idées en place pour y voir plus clair. Elle se sentit encore nauséeuse et se pencha sur la cuvette.

Ginny lui murmurait des choses qu'elle ne distinguait pas. C'était sans doute sa main qu'elle sentait dans son dos.

Quand son estomac fut vide, elle s'adossa contre le mur, le souffle court. Elle leva les yeux vers Harry quand il réapparut dans son champ de vision, James à ses côtés.

— Maman, elle a quoi Mione ? demanda James, très inquiet.

— Elle est un peu malade, répondit-elle, d'une voix douce. Va jouer, Papa va bientôt t'amener chez mamie.

— J'ai envoyé un Patronus à Ron pour le prévenir. Il ne devrait pas tarder, dit Harry en s'accroupissant à côté de Ginny.

Hermione blêmit et secoua encore la tête.

— Je t'en prie…Ne l'appelle pas, supplia-t-elle.

Sa voix se bloqua dans sa gorge et Ginny prit son visage entre les mains et essuya ses larmes avec ses pouces.

— Je ne veux pas voir Ron, murmura-t-elle si bas que Ginny ne sembla pas comprendre tout de suite.

Mais quelque chose traversa son regard. Elle fixa Hermione, les sourcils froncés.

— Harry. Dis à Ron qu'Hermione est malade et qu'il est préférable qu'elle reste ici parce qu'elle est trop contagieuse, dit Ginny sans la quitter des yeux.

— Quoi ?

— Allez, Harry. Et dépose James et Albus chez maman.

Ses pas s'éloignèrent et Ginny aida Hermione à se relever. Elle l'entraîna dans leur chambre d'amis et l'installa dans le lit.

— Qu'est-ce qu'il a fait ? demanda Ginny, d'un ton grave.

Hermione leva les yeux et tenta de formuler une phrase cohérente.

Avait-elle rêvé ? Ce qu'elle avait vu n'avait pas été le fruit de son imagination ? Depuis combien de temps cela avait-il duré ? Est-ce que c'était la première fois que Ron…

Une humiliation glaciale la traversa. Lui qu'elle embrassait chaque soir depuis des années, qu'elle chérissait, qu'elle aimait plus que tout au monde…avait osé lui faire ça ?

La scène se rejouait dans son esprit encore et encore. Elle se sentait trahie. Comment avait-il pu ?

Elle étouffa un sanglot et Ginny la serra contre elle. Elle pleura longtemps, en silence. Et Ginny ne la quitta pas, pas même une minute.

 


 

Hermione avait du s'endormir car elle émergea dans le noir complet. L’angoisse envahit son ventre et elle regarda autour d’elle en tentant de se rappeler où elle se trouvait.

Elle remarqua Ginny, endormie à côté d’elle, et les battements de son cœur se calmèrent. Lily dormait dans son berceau, juste à côté de Ginny.

Hermione attrapa sa baguette pour lancer un Tempus. Il était minuit passé.

Les yeux dans le vague, elle revoyait Ron avec cette autre fille, Gab. Elle se sentit instantanément malade.

Ron la trompait avec Gabrielle. Hermione le savait au fond d’elle et elle ne connaissait pas d’autre Gab. Et vue l’ampleur de leurs ébats, ils avaient l’air habitués à se retrouver à deux. Depuis combien de temps Ron jouait-il ce double jeu ? Et Gabrielle ?
Elle se repassa chaque détail qui lui venait en tête. Les dimanches. Gabrielle toujours assise en face de Ron. Quand elle lui coupait la parole pour lui poser une question futile.
Et lui ? Toutes ces soirées Quidditch étaient-elles vraiment des soirées Quidditch ? Hermione ne l’avait jamais accompagnée et Ron savait qu’elle n’était pas tant intéressée par le Quidditch pour poser plus de questions. Elle lui faisait une confiance aveugle.

Ginny bougea à côté d’elle et se redressa. Elle lança un Lumos et posa sa baguette sur le lit. La faible lueur éclaira la pièce et Hermione put distinguer le visage alarmé de son amie.

— Hermione, ça va ? chuchota-t-elle.

Hermione soupira. Elle repoussa ses boucles en arrière et les larmes lui remontèrent aux yeux.

— Ginny, qu’est-ce que je vais faire ?

— Qu’est-ce qu’il a fait ?

Ginny attrapa une de ses mains et la serra entre les siennes.

— Tu sais que tu peux tout me dire.

Hermione hocha la tête mais elle ne put s’empêcher de pleurer.

— Je suis rentrée du travail plus tôt, souffla-t-elle en sanglotant. J’ai entendu du bruit à l’étage et…

Ginny resserra ses doigts dans les siens. Hermione leva les yeux vers elle et se sentit terriblement mal. Comment pouvait-elle raconter ça à sa sœur ?

— Prends ton temps, Hermione.

Elle renifla et fixa le mur, désemparée.

— Je suis montée et je l’ai vu dans notre lit avec une autre fille.

Le souffle de Ginny se coupa sous le choc. Elles ne dirent rien pendant quelques minutes et seulement les pleurs d’Hermione résonnaient dans la chambre.

— Ginny, lâcha-t-elle, le cœur douloureux. C’était Gabrielle.

 

POV Drago

 

— Tu n’as plus de Whisky PurFeu ?

— Si je n’en ai plus, c’est que tu as tout sifflé, Nott. Et sors la tête de mon placard, on t’attend pour jouer.

— Je ne peux pas jouer la prochaine manche le verre vide. Ça porte malheur. Tu n’as même pas une petite réserve de vin elfique ? Au moins de l’hydromel ?

— Il y a de la Bièraubeurre au frigo. Et je dois avoir un reste de brandy dans la porte à côté. Et ramène ton cul, qu’on puisse jouer !

— Au frigo… du brandy… on croirait entendre un né-moldu. Tu te ramollis, Malefoy, ironisa Nott en se saisissant de ladite bouteille de brandy, tout en faisant léviter un verre propre jusqu’à leur table de jeu.

— Dit-il au milieu d’une partie de poker… marmonna le troisième joueur en bout de table sans lever les yeux de ses cartes.

— Je t’emmerde, Zabini, lança Théodore Nott du bout des lèvres, occupé à arracher le bouchon de sa trouvaille avec les dents.

— Et moi, je suis bonne à me dessécher sur place ? s’exclama la voix quelque peu haut perchée de leur croupière, depuis l’autre extrémité de la table en retournant trois cartes au centre. Fais tourner la potion moldue, Nott.

— Tu as une baguette, Parkinson, s’interposa Drago Malefoy avec un ricanement discret en avisant son jeu et les cartes retournées devant lui. Et tu sais où sont les verres.
Pansy Parkinson lui tira la langue dans une attitude enfantine, avant d’invoquer un petit verre de cristal ciselé depuis le vaisselier qui trônait dans un coin de la salle à manger.

Drago fit mine de ne pas le remarquer, mais ne put contenir un demi-sourire.

Il appréciait particulièrement leurs soirées rituelles hebdomadaires, qui leur permettaient de se retrouver immanquablement au milieu de leurs semaines bien divergentes.

Si Blaise se contentait des rentes héritées de sa mère et ses nombreux veuvages, cela ne l’empêchait pas de gérer ses revenus d’une main de maître pour les faire fructifier, en homme d’affaires accompli.

Quant aux trois autres, ils avaient pris la décision de refuser de continuer à vivre des biens et de la fortune de leurs familles, entachés des actes de leurs parents.

Leur réputation avait pas mal compliqué les choses pour eux, mais ils commençaient à voir le bout du tunnel.

Pansy, après s’être vu refuser nombre de postes dans diverses branches prestigieuses, avait dû se faire une raison, ravaler sa fierté, et accepter l’emploi que le rédacteur en chef de Sorcière Hebdo avait bien voulu lui proposer en tant que correctrice (ou gratte-papier, comme elle se définissait elle-même). Elle détestait cet emploi de bureau, mais il lui avait permis de quitter le manoir familial pour un appartement quelque peu étroit mais tout de même confortable, non loin du Chemin de traverse. Elle avait su faire profil bas, s’entendait plutôt bien avec son équipe et ses supérieurs, et avait bon espoir d’arriver à évoluer au sein du journal si elle continuait à faire ses preuves.

Théo, pour sa part, avait entendu parler de la nouvelle petite entreprise artisanale de bière sorcière, montée quelque temps après la guerre par un couple d’anciens Gryffondor de leur promotion, Seamus Finnigan et Dean Thomas. N’ayant connu aucun contentieux avec eux à l’époque de leur scolarité – fait assez rare chez un Serpentard pour être souligné –, il s’était payé le culot de se présenter à eux un matin, pour leur proposer ses services en tant que responsable de la gestion administrative et comptable. Après d’âpres négociations, il avait été pris à l’essai, avant d’être officiellement engagé lorsque Dean et Seamus avaient finalement observé la bonne tenue de leur entreprise florissante. Depuis, les affaires prospéraient, et Théo était pleinement satisfait de son choix de carrière. Il avait toutefois pris la sage décision de séparer sans condition travail et plaisir et ne parlait pas des deux employeurs Gryffondor avec ses amis Serpentard, et inversement. Certains vécus avaient la dent dure des deux côtés et il valait mieux éviter de raviver les démons du passé.

Quant à Drago, sa vie commençait tout juste à se rééquilibrer.

Les premières années qui avaient suivi la fin de la guerre avaient été plus que compliquées pour lui et sa famille. Le procès avait été long et humiliant, bien qu’il ait tourné en leur faveur, grâce au témoignage de Potter.

Potter, qui dans son infinie bonté d’Elu, avait recontacté sa mère, Narcissa, à la mort de Lucius, survenue cinq ans après la guerre. Drago n’avait appris leur rencontre qu’a posteriori, de la bouche-même de sa mère. Et l’affaire était simple, somme toute.

Potter avait vécu ces dernières années dans la Noble Maison des Black au Square Grimmaurd, qu’il avait héritée de son parrain Sirius Black, le dernier héritier direct de la famille. Mais il ne supportait plus d’y vivre dans le souvenir de cet homme et des moments difficiles que tous avaient vécus dans cette demeure, qu’il n’arrivait pas à rendre moins glauque – sans parler de l’éternel problème du portrait de la vieille tante un peu folle qui ne cessait de vociférer et qu’il était impossible de décrocher de son mur.

Potter n’aurait pas supporté que Lucius puisse vivre dans cette maison, mais après avoir appris son décès, il lui avait semblé naturel de rendre sa maison familiale à Narcissa, afin qu’elle puisse en disposer comme il lui conviendrait. Il n’avait jamais réussi à se sentir légitime à la posséder et se sentait plus à l’aise à l’idée de la rendre à une branche de la famille d’origine.

L’aubaine était trop belle. Narcissa envisageait déjà de quitter le manoir lugubre des Malefoy, où trop d’événements sordides s’étaient produits sous leurs yeux au temps de la guerre. Avec la disparition de son époux, plus rien ne la rattachait à la bâtisse qu’elle avait désormais en horreur. Elle avait donc accepté l’offre de Potter avec enthousiasme et vivait à Square Grimmaurd depuis ce temps. Elle avait entrepris de la rénover avec soin, ce qui lui avait été plus aisé que Potter, puisqu’elle avait connu cette maison aux grandes heures de sa gloire. Depuis qu’elle y avait posé ses valises, la vieille chouette dans son tableau s’était tue, apaisée et satisfaite du retour d’une fille Black digne de ce nom dans la demeure de ses ancêtres. Narcissa avait également repris Kreattur, le vieil elfe, à son service. Saint Potter aurait eu trop de scrupules à l’arracher à la maison qu’il avait servie toute sa vie.

D’après ce que Drago savait, Potter ne vivait plus à Londres et s’était attelé à la rénovation de la maison de ses parents à Godric’s Hollow, où il comptait installer la famille qu’il avait commencé à fonder avec sa rouquine de femme qui, si on en croyait la génétique, serait capable de lui pondre une pleine portée de petites belettes.

Drago n’avait pas mis longtemps à quitter à son tour le manoir familial, où il se sentait oppressé par la mémoire de son père et le poids des souvenirs sombres et douloureux du séjour du mage noir sous leur toit. Pendant plusieurs mois et en attendant de trouver ce qu’il comptait faire de sa vie (ou ce qu’il en restait), il avait logé tour à tour au manoir Zabini, mais également au manoir Nott, que Théo comptait réhabiliter pour en effacer toute trace de son patriarche – il avait d’ailleurs commencé en faisant don de la majorité de son héritage à diverses œuvres caritatives qui venaient en aide aux victimes de la guerre.

La société sorcière était devenue quasiment hermétique à Drago. Les actes de son père, bien qu’officiellement pardonnés aux yeux de la loi, étaient loin de l’être aux yeux de la morale et de la mémoire collective.

Lui-même avait été trop loin dans ses actes pour qu’on lui pardonne si facilement ses erreurs de jeunesse. Trouver un emploi dans le monde sorcier britannique avait été inenvisageable et il ne pouvait se résoudre à s’installer dans un quartier sorcier grouillant de voisins inhospitaliers à son égard.

Il lui avait fallu du temps pour achever son processus de réflexion et en arriver à la conclusion que la meilleure solution pour lui était de s’écarter de ses pairs, au moins pour quelques temps. Il avait finalement emménagé trois ans plus tôt dans le vaste cottage qu’il occupait à présent, en périphérie du village semi-sorcier de Flagley-le-haut. Ici, il pouvait se mêler aux moldus sans craindre leur jugement, et les familles sorcières qui résidaient paisiblement au milieu des moldus depuis la signature du Code international du secret magique de 1689 ne se préoccupaient pas de lui – tant qu’il ne causerait pas de trouble qui mettrait en péril ce statut.

Au fil des mois, il avait appris à s’habituer au rythme plus tranquille de ce village du Yorkshire. Il avait dû se familiariser avec quelques objets moldus indispensables pour une vie sans elfe de maison – qu’il n’aurait décemment pas pu faire venir dans un village à moitié occupé par des moldus –, comme le frigidaire ou le lave-linge. Il ne lui avait pas été facile de prendre en main ces appareils du diable, mais après plusieurs essais infructueux et diverses situations cocasses qu’il n’avouerait pas même sous Veritaserum, il les trouvait finalement bien pratique.

Il conservait toutefois ses habitudes sorcières. Ainsi, bien que sa maison soit reliée au réseau électrique et à l’eau courante, il n’avait pas fait installer le phélétone (ou létéphone, il était incapable de se souvenir du nom de ce gadget) et avait demandé la liaison de sa cheminée au Réseau de Cheminette, bien plus pratique. Sa propriété disposait également de tous les enchantements indispensables à sa tranquillité d’esprit – charmes de protection et de détection d’intrusion, ou encore sortilège repousse-moldu sur la maison elle-même, afin d’éviter tout voisin indésirable qui aurait eu l’idée saugrenue de venir frapper à sa porte.

Sa dernière acquisition moldue consistait en un appareil électrique destiné à fabriquer du café, mais il n’avait pas encore compris exactement son fonctionnement. Les moldus étaient manifestement incapable de rédiger des notices d’utilisation claires et explicites et les dessins immobiles ne l’aidaient décidément pas. Sa « machine à café » flambant neuve trônait donc dans sa cuisine, et en attendant, il continuait de se ravitailler en carburant au café du coin.

— Bon, tu te décides ? A ce rythme, la bouteille sera finie avant que je ne te plume et je n’ai aucune envie de me rabattre sur tes Bièraubeurre.

La voix de Théo, rendue trop forte par l’alcool, le sortit de sa rêverie. Il avisa à nouveau sa main et les mises en jeu, puis avec un profond soupir, se résigna :

— Je me couche.

Les trois autres réagirent avec force exclamations et boutades sur sa prétendue lâcheté et autres joyeusetés salaces. Pansy le railla pour le reste de la soirée, Théo absorba jusqu’à la dernière goutte de brandy – non sans insultes de la part de la croupière assoiffée –, et pour finir ce fut Blaise qui les pluma.

Pour autant, ce fut en homme heureux que Drago se coucha ce soir-là, plutôt satisfait de la vie tranquille qu’il commençait doucement à se bâtir dans ce petit coin d’Angleterre, loin des contrariétés de son passé.

C’était sans compter le coup de tonnerre – ou c’était tout comme – qui le fit se dresser à la verticale au milieu de son lit le lendemain, le cœur battant à tout rompre.

Il fut aussitôt sur pied et se précipita à la fenêtre. Là, il fut comme statufié sur place et mit quelques secondes à retrouver à demi ses esprits, encore abasourdi. Lorsqu’il retrouva enfin toutes ses facultés et l’usage de la parole, ce fut pour lancer derrière son rideau, un franc et sincère :

— MAIS C’EST QUOI CE BORDEL ?

Chapter Text

POV Drago

Drago hésitait entre accuser Nott d’avoir versé un philtre hallucinatoire dans son dernier verre et accuser Blaise de lui avoir lancé un charme de Rêve éveillé (ou plutôt de cauchemar).

C’étaient les deux seules explications qu’il était capable de formuler logiquement pour expliquer la vision qu’il avait sous les yeux depuis sa fenêtre.

Les seules plausibles. Les seules réalistes. Car il n’y avait aucune autre raison, dans aucun monde possible, pour que Potter soit en train d’emménager dans la maison voisine de la sienne.  

D’après ce que ses yeux lui faisaient subir depuis maintenant une dizaine de minutes qu’il était prostré derrière son voilage, c’était exactement ce qui était en train de se passer.

Harry Potter lui-même, aidé par sa Miss-je-sais-tout préférée, ne cessait ses allers-retours entre un camion moldu de location et le foutu cottage qu’il jugeait à présent beaucoup, beaucoup trop près du sien. Le camion se vidait d’un ensemble de meubles disparates et tous plus moldus les uns que les autres – ce qui collait parfaitement à l’idée qu’il se faisait des goûts du balafré – grotesques, absurdes, inqualifiables. Voilà ce qu’on récoltait à grandir sous un escalier moldu (si cette légende était bien vraie) et à épouser une sorcière qui n’avait jamais rien connu d’autre que la seconde main et les objets dépareillés.

Et ce qui l’avait réveillé de si bon matin, c’était la foutue maladresse de l’envahisseur qui n’était pas foutu de faire léviter correctement un satané frigidaire. Il maudirait pour le restant de sa vie, le génie qui lui avait un jour mis une baguette entre les mains. On n’avait pas idée d’autoriser n’importe quel imbécile survivant d’un mage noir à pratiquer la magie.

En attendant, tout ce petit cirque avait lieu chez lui, dans son village, dans son petit monde à l’équilibre fragile et délicat et il ne pouvait en supporter le concept. On aurait dit le scénario d’un mauvais milf moldu (ou film ? il n’était plus sûr du terme exact). 

L’idée fugace lui vint de faire flamber le cottage pendant que le duo était encore à l’intérieur. Plus de cottage, plus de Potter, plus de problème. Equilibre sauvegardé. Une fois le premier choc passé, il décida plutôt de convoquer un conseil de guerre.

 


 

— Je te préviens, s’il n’y a pas au moins eu un mort, je te descends pour m’avoir tirée du lit à une heure pareille.

— Ferme-la, Parkinson, tu me vrilles les tympans…, formula péniblement Théo, allongé sur un des divans du petit salon du manoir Zabini, un bras sur ses yeux qui ne supportaient pas la lumière ambiante.

Pansy était assise sur l’accoudoir au niveau de sa tête et sa voix perçante faisait vibrer toute sa boîte crânienne.

— Si tu avais eu une once d’éducation, tu aurais un peu plus partagé le brandy, au lieu de tout descendre à toi tout seul. Tes tympans, ton problème. Picole moins, la prochaine fois !

— On pourrait en revenir à mon problème ? intervint Drago, toujours fébrile.

— Oui, j’apprécierais assez de connaître la raison qui a amené mon salon à se faire envahir de si bon matin, avant même que j’aie eu le temps de boire mon café, maugréa Blaise depuis son fauteuil, pelotonné dans sa robe de chambre pourpre en épaisse fourrure, assortie à ses pantoufles fourrées.

— Je vais devoir déménager, lâcha Drago tout de go.

— QUOI ? lancèrent en cœur Pansy et Blaise, pour le malheur de Théo qui se mit à gémir et se tortiller sur son divan.

En un instant, Pansy fut debout sur ses deux jambes et Blaise se redressa dans son fauteuil.

— Tu pourrais être plus explicite ? demanda Blaise après avoir appelé ses elfes de maison.

— Je vais devoir changer de lieu d’habitation, reprit Drago.

Pansy et Blaise échangèrent un regard consterné. Théo enfouit sa tête dans un oreiller et en appliqua un autre sur l’arrière de son crâne, dans l’espoir vain de faire taire toutes ces voix.

— On est bien au fait du concept de déménagement, Malefoy, articula lentement Blaise en levant un sourcil. Maintenant, tu pourrais peut-être nous dire ce qui se passe pour que tu en arrives à vouloir quitter une maison dans laquelle tu viens à peine de finir de t’installer ?

 — Potter est en ce moment-même en train de poser ses valises – et son frigo – à côté de chez moi. Un de nous deux est de trop dans cette rue et je refuse de rester là où Potter existe.

— Attends… QUOI ? répéta Pansy, abasourdie par l’information.

Les deux elfes de maison de Blaise choisirent ce moment pour faire leur entrée.

— Korbak, apporte-nous le plus de café possible, commanda Blaise d’un ton impérieux. Barbak, fais-nous grâce de ton meilleur petit-déjeuner. On va avoir besoin de carburant, ici.

— Rajoute un peu de PurFeu dans ma tasse, ajouta une voix étouffée sous les coussins du divan. Faut combattre le mal par le mal.

Les deux elfes s’inclinèrent et disparurent dans un crac sonore.

Théo se redressa péniblement en position assise, et tous les quatre se dévisagèrent, à court de mots.

— On va attendre le café, trancha Blaise. Je ne veux plus rien entendre, tant que je n’ai pas eu ma dose de caféine. Potter et son frigo peuvent attendre.

 


 

— Merde, lâcha Drago.

— Ouais, confirma Pansy.

— C’est peu dire, insista Blaise.

— Ça va mériter un verre, conclut Théo.

Tous les quatre alignés devant la baie vitrée du salon de Drago, observaient d’un œil confus Harry Potter, au volant du camion de location, démarrer, puis manœuvrer pour quitter sa place de stationnement, pour enfin s’insérer sur la voie de circulation et quitter la rue en adressant de grands signes de la main à la nouvelle locataire voisine de Drago. Cette dernière se tenait debout, derrière son portillon, le bras levé et elle ne cessa d’agiter sa main avec enthousiasme que lorsque le camion eut tourné le coin de la rue et qu’il disparut de sa vue.

Drago s’était trompé. Ce n’était pas la famille Potter qui emménageait juste à côté de chez lui. C’était la sorcière la plus brillante agaçante de leur génération. C’était Hermione Granger. Et il ne savait pas si c’était mieux, ou pire. Il hésitait entre un rire nerveux et des larmes de frustration. Il opta pour le verre de PurFeu que Théo lui tendait et le vida d’un trait.

Lorsqu’ils avaient tous débarqué de chez Blaise pour espionner la fin de ce déménagement de malheur, il y avait eu quelques moments de flottement. Potter-épouse n’était pas là. S’agissait-il d’une séparation ? Potter emménageait-il en nouveau célibataire dans cette maison ? La possibilité qu’il se soit fait jeter par sa belette de femme avait un instant réjoui Drago.

Et puis, Pansy avait émis une autre hypothèse : et s’il était en train d’emménager avec Granger ? Drago n’avait pu réprimer un frisson d’angoisse à l’idée de deux membres du Trio de l’horreur emménageant ensemble à deux pas de chez lui.

Peut-être avaient-ils été envoyés par le Ministère de la Magie et missionnés pour espionner Drago chez lui ? C’est ce qu’avait proposé Théo. Et ça ne semblait pas si absurde. Mais si c’était le cas, la mission sous couverture était quelque peu compromise. Il savait que Potter et associés n’étaient pas des génies de la discrétion, mais à ce point-là…

Ce ne fut donc qu’avec le départ de Potter dans le camion, qu’ils comprirent tous leur erreur. Cette arrivée ne concernait que Granger.

Et une nouvelle question taraudait désormais Drago. Qui dit Granger, dit Weaslaid. Il frémit à nouveau. La belette femelle que l'Élu tenait en laisse était une chose, mais la belette mâle… hors de question pour lui de vivre à côté de ce déchet ambulant, de cette pauvre copie d’être humain, de cette fabrique à limaces.

— Qu’est-ce que tu comptes faire ? s’enquit Blaise, qui venait de prendre place sur le canapé.

Drago tendit son verre à Théo, qui le remplit aussitôt – ce dernier en avait profité pour ravitailler le placard de son ami d’une pleine caisse de PurFeu en prévision des prochaines soirées, qu’elles se fassent ici, ou ailleurs.

— Je… aucune idée. Vous savez si Granger et la belette sont toujours ensemble ? Si je le vois débarquer avec ses valises pour s’installer là-dedans, fit-il en désignant du doigt la bâtisse qui se dressait dans son dos tandis que Blaise et Pansy secouaient la tête et que Théo haussait les épaules en signe d’ignorance, je fais les miennes dans la minute et je débarque chez l’un de vous en attendant de me trouver un autre coin tranquille. Sinon…

— Sinon quoi ? demanda Pansy. Tu comptes vivre à côté de Miss-j’ai-les-dents-qui-rayent-le-parquet ?

— J’en sais rien, Pans’ ! s’agaça Drago, sur la défensive. J’en sais foutre rien ! Je suis bien, ici, j’ai mes habitudes, les moldus du coin commencent à me connaître, je peux faire mes courses sans qu’on me regarde de travers, les quelques sorciers que je croise se contentent de m’ignorer et ça me va ! C’est même parfait, on me fout une paix royale et je peux vivre comme j’en ai envie. Je n’ai aucune envie de déménager ! Pourquoi je devrais tout foutre en l’air et recommencer de zéro parce que mes ennemis jurés emménagent à côté ? Bordel…

Sa tirade s’acheva sur un énorme soupir et il s’effondra sur la chaise la plus proche, la tête dans les mains, les coudes sur les genoux, les doigts fourrageant ses cheveux.

— Ça mérite réflexion, admit Blaise les yeux perdus dans le vague. Attends déjà de voir si sa belette de compagnie fait partie des meubles. On avisera après.

Un bruit explosif en provenance de la cuisine interrompit leurs réflexions.

— NOTT ! QU’EST-CE QUE TU FOUS, PUTAIN ?

Théo apparut, les cheveux dressés sur la tête, le bras tenu en écharpe par son autre main. De la fumée s’échappait légèrement de la porte qui menait à la cuisine.

Il avait voulu faire du café pour tout le monde, mais dans sa grande ignorance des appareils moldus, il s’était d’abord aspergé en voulant remplir le réservoir d’eau en tournant le robinet trop fort. Puis il avait jeté un œil rapide à la notice posée à côté de la machine et s’était saisi du câble électrique pour le brancher à la prise… les mains mouillées.

— Je te félicite, Théodore, gloussa Blaise tandis que Drago se précipitait pour inspecter les dégâts. Une grande carrière de barista t’attend si tu en as marre de la bière.

— MERDE, TU FAIS CHIER, THEO, IL N’Y A PLUS DE COURANT ! beugla la voix de Drago depuis la pièce adjacente.

— Bon, déjeuner à la maison ? proposa Blaise en se relevant du canapé. On pourra continuer cette conversation passionnante autour d’un bon gigot et d’un verre de rouge.

Théo, penaud, acquiesça de la tête et Pansy alla rejoindre Drago pour lui faire part de ce nouveau plan.

Partis déjeuner, ils ne virent pas, une heure plus tard, les enfants Potter courir dans le jardin d’à côté, lorsque la petite famille revint au complet pour soutenir Hermione dans cette première journée de femme libre.

 

POV Hermione

— Merde ! s'écria Harry, horrifié.

Hermione était partagée entre l'envie de rire et de pleurer. Pleurer car elle était malheureusement encore très affectée par la trahison de Ron et rire parce que sérieusement, comment est-ce que Harry pouvait espérer pratiquer la magie tranquillement dans un quartier semi-moldu ?

— Harry, si j'ai une mauvaise réputation ici, je te jure que tu l'auras sur la conscience toute ta vie.

— Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? demanda-t-il bêtement, les yeux fixés sur le réfrigérateur complètement détruit.

Hermione leva les yeux au ciel puis regarda autour d'elle afin de vérifier que personne ne les observait.

Elle avait voulu emménager assez tôt ce matin, avant que la rue ne devienne animée. Ce n'était pas gagné vu le boucan que Harry venait de faire. Le soleil venait à peine de se lever et ils avaient fini de charger le camion, qu'elle avait pris en location, à Godric's Hollow la veille. Hermione était allée acheter l'essentiel plus tôt dans la semaine et elle était assez embarrassée que ses achats s'accumulent dans le jardin de ses amis. Harry l'avait aidée à charger une commode, une armoire, un frigo, une table et une petite bibliothèque (évidemment) dans le petit camion. Le reste avait été réduit avec un sort de rétrécissement et rangé dans son sac à main.

— On n'utilise pas la lévitation pour le reste, conclut-elle.

Harry avait lancé un sortilège de lévitation et de désillusion sur le frigo, qui planait doucement en direction de l'entrée de la nouvelle maison, mais Pattenrond avait décidé de sortir du camion de déménagement à ce moment-là. Il passa entre les jambes d'Harry, ce qui lui causa une seconde d'inattention. Le frigo qui lévitait percuta la clôture métallique qui se trouvait devant la petite cour et heurta le sol dans un bruit sec, le sort de désillusion s'évaporant au passage. Hermione était certaine que tout Flagley-le-haut avait entendu leur vacarme, elle qui voulait tant être discrète.

Elle jeta un coup d'œil furtif sur les quelques fenêtres aux alentours et poussa un soupir de soulagement en voyant qu'aucun moldu curieux ne les observait.

— Je crois que ton frigo est mort.

— Il n'aura vécu qu'une heure, constata-t-elle en observant l'appareil tout cabossé et la porte complètement détachée. Mais heureusement que nous sommes des sorciers, pas vrai ?

— Oh, c'est qu'il est bien abimé, votre frigidaire ! s'exclama une voix derrière eux, qui les fit sursauter.

Harry et Hermione se retournèrent pour voir une vieille dame, un panier en osier à la main.

— Oui, euh…Il était un peu lourd pour nous deux, expliqua Hermione en regardant Harry de travers.

— Ah oui, commenta la vieille dame, désolée. Mais vous allez vous casser le dos, à ce rythme. Vous savez, ce n'est pas facile d'avoir mal au dos et c'est souvent jeune qu'on n'y fait pas attention…

Harry se gratta la tête, un peu mal à l'aise et lança un regard de détresse à Hermione.

— Oui, répondit Hermione. Mon ami et moi faisons attention, merci de vous inquiéter.

— Si vous avez besoin d'aide, vous pouvez demander à votre voisin de vous prêter main-forte, conseilla-t-elle, maintenant lancée dans la conversation. C'est un jeune bien bâti, plutôt beau garçon et ma foi, très serviable ! Vous voulez que j'aille lui demander ?

Hermione se mit à rire nerveusement et stoppa la dame dans son élan avec ses deux mains.

— Ça ne sera pas nécessaire, je vous assure. Bon et bien, ravie de vous avoir rencontrée. Je vais continuer à monter mes meubles.

— D'où est-ce que vous venez ? 

— De Londres, se sentit obligée de répondre Hermione.

— Nous sommes ravis d'avoir de nouveaux voisins, ici !

— Ah non, elle emménage seule, précisa Harry en faisant mine d'aller chercher quelque chose dans le camion.

Hermione serra les dents et fit un sourire forcé en direction de la moldue beaucoup trop curieuse.

— Ah, toute seule ? Vous êtes si mignonne, c'est surprenant ! C'est comme votre voisin, là. Lui aussi est célibataire. Un charmant jeune homme d'ailleurs…

— Pattenrond, cria-t-elle en cherchant autour d'elle puis en se tournant de nouveau vers la dame. Veuillez m'excuser, je ne sais pas où mon chat est allé. Il vaut mieux que j'aille le chercher, haha. Bonne journée !

— Bon courage, répondit-elle et elle reprit sa route, en marmonnant à quel point elle était navrée pour ce frigo tout neuf.

— Finissons le travail avant que tous les voisins ne viennent nous proposer leur aide, Harry, lança-t-elle.

Harry ressortit de sa cachette et prit sa baguette mais Hermione l'arrêta.

— C'est beaucoup trop risqué d'utiliser la magie, maintenant. Quelle idiote, nous aurions dû tout rétrécir.

— Il m'arrive aussi parfois d'avoir des réflexes moldus…Ce n'est pas grave. On fait rentrer ce frigo puis on ira rétrécir le reste discrètement à l'intérieur du camion.

Hermione hocha la tête et se plaça à l'extrémité de l'appareil détruit, et Harry de l'autre.

Ils réussirent tant bien que mal à porter le frigo jusqu'à l'entrée et une fois à l'intérieur, Hermione lui lança un sort de lévitation jusqu'à la cuisine. Après l'avoir réparé, elle prépara un thé rapidement et apporta une tasse à Harry, assis sur une chaise dans le salon. Il avait redonné leur taille aux autres meubles, rendant ainsi la pièce un peu plus accueillante.

— Tu as besoin que je te rapporte autre chose ? demanda Harry, en sirotant son thé.

— Non, ça devrait aller. Merci beaucoup, Harry.

— On passera avec Ginny et les enfants quand tu seras bien installée. Ils ne parlent que de ta nouvelle maison et ils ont hâte de la voir.

— Avec grand plaisir, répondit Hermione en souriant. Tu peux venir directement en début d'après-midi, je vous attendrai.

Elle demeura silencieuse quelques secondes, puis demanda hésitante : 

— Est-ce que Ron t'a dit quelque chose en particulier ?

Harry secoua la tête, mais Hermione voyait bien qu'il ne répondait pas honnêtement. Elle attendit, les sourcils froncés.

— Bon…Il a tenté de me contacter par cheminée et m'a aussi envoyé un hibou. Mais nous étions furieux, avec Ginny. Je te le dis sincèrement, Hermione, il n'est pas nécessaire que tu saches ce qu'il dit, ce qu'il fait et ce qu'il demande. 

Elle hocha la tête doucement, consciente que ce que Harry disait était vrai. Ça ne lui servait à rien de revenir sur ce qui s'était passé. Ron ne méritait aucunement une deuxième chance. Elle était vraiment reconnaissante d'être entourée des Potter car sans eux, il y aurait bien longtemps qu'elle aurait commis une erreur.

— Continue de bloquer ses hiboux. On règlera ta cheminée tout à l'heure.

***

Le dernier dimanche au Terrier avait été explosif. Hermione avait débarqué, le cœur au bord des lèvres, accrochée au bras de Ginny. Elle avait eu tellement peur de voir Ron. C'était toutefois une sensation irrationnelle qu'elle ne pouvait pas expliquer. Elle n'avait rien à se reprocher et elle n'avait rien fait de mal.

— Hermione, tu étais malade ? avait demandé Molly, en la voyant arriver.

Tous les Weasley et Delacour étaient installés dans le salon, les yeux rivés sur elle. Elle était par nature mal à l'aise quand elle était placée au centre de l'attention. Mais là, le sentiment avait été encore plus fort sous les yeux de Ron et de Gabrielle.

— Si tu étais souffrante, chérie, tu aurais dû rester te reposer, avait continué Molly en posant un plat de gigot sur la table.

— Tu peux nous contaminer, en plus, avait ajouté Gabrielle. Tu as des cernes horribles, ma pauvre.

Hermione avait serré le poing et avait contrôlé son envie de lever les yeux vers elle. Elle avait senti Ginny lui serrer la main.

— A ta place, j'éviterais d'ouvrir la bouche, avait prévenu Ginny, le regard noir.

Gabrielle avait écarquillé les yeux et avait jeté un regard en coin à Molly.

— Ah, Hermione. On s'inquiétait de ne pas avoir eu plus de tes nouvelles ces derniers jours, avait dit Ron en arrivant à son tour dans le salon.

Hermione l'avait dévisagé, le cœur brisé. Il semblait aller comme à son habitude, comme s'il n'avait jamais couché avec une autre fille dans leur chambre et comme si leur relation était toujours aussi parfaite.

Elle avait voulu répondre mais aucun son n'était sorti. Elle en avait été incapable.

— Si tu t'étais inquiété, tu serais venu la voir, avait craché Harry.

— Qu'est-ce que t'as, Harry ? avait demandé Ron, surpris. Il y a un problème ?

— Oui, avait répondu Ginny, sèchement. Je veux bien que tu nous expliques ce que tu foutais avec Gabrielle dans le lit que tu partages normalement avec Hermione.

***

Hermione observa son ami qui la regardait, soucieux. Elle lui fit un petit sourire avant d'ouvrir un des cartons qui était posé sur le sol.

Après que le voile sur son infidélité soit levé aux yeux de tous, Ginny avait ordonné à Hermione d'aller récupérer ses affaires le dimanche-même. Elle avait d'ailleurs bien fait de quitter le Terrier, elle n'aurait pas supporté de voir tous les autres se mêler de ça.

Elle avait pris ses vêtements et ses livres, qu'elle avait jetés dans son fidèle sac de perle, toujours sous sortilège d'extension, récupéré Pattenrond, puis était retournée à Godric's Hollow où elle avait passé le reste de sa journée à pleurer. Elle avait refusé de voir Ron, malgré ses allées et venues chez les Potter. Ginny ne l'autorisait pas à rentrer.

Au bout d'une semaine, elle avait encouragé Hermione à se trouver un nouvel endroit où vivre.

Elle avait passé plusieurs jours à éplucher les annonces de la Gazette avec l'aide de Ginny, de Harry et de George, quand elle mit enfin le doigt sur cette charmante petite maison disponible à Flagley-le-haut. Elle savait que ce petit village était très réputé chez les sorciers qui souhaitaient un peu prendre leurs distances du 100% magique. Harry avait décrété que c'était parfait et qu'il valait mieux pour elle de s'éloigner de Londres au cas où une certaine journaliste apprenne sa récente situation.

— Ça va aller, Harry. J'ai juste besoin d'un peu de temps, répondit-elle.

— Je vais devoir y aller, avoua Harry, en se passant une main dans les cheveux. Si jamais tu as besoin d'aide, n'hésite pas à m'appeler.

— Reviens juste avec Ginny tout à l'heure. Je vais en profiter pour préparer des biscuits. James sera content.

Harry lui sourit et se dirigea vers la sortie. Hermione l'accompagna jusqu'à la petite clôture et le regarda démarrer le petit camion, avant de partir aisément.

— A tout à l'heure, s'écria-t-elle, en faisant un grand signe de la main.

Elle attendit que le véhicule disparaisse de son champ de vision pour retourner à l'intérieur. Pattenrond l'attendait, à moitié dans le carton qu'elle venait d'ouvrir.

— Tu veux m'aider ? le questionna-t-elle.

Il miaula et Hermione le caressa affectueusement avant de sortir les livres un à un pour en former une pile.

Elle regarda fièrement son œuvre quand la bibliothèque fut remplie et fièrement dressée à côté de la grande fenêtre.

Son salon était encore vide. Il fallait qu'elle se trouve un canapé et une télé. Elle lança un sort de nettoyage puis alla dans la cuisine pour préparer les biscuits qu'elle avait promis à Harry.

Une fois la pâte prête, elle se dirigea vers son four pour l'allumer.

— Tiens, c'est bizarre. Il ne s'allume pas ?

Elle fronça les sourcils et se dirigea vers l'interrupteur, qu'elle actionna plusieurs fois. Rien. Elle soupira longuement, le front collé au mur.

Premier jour et déjà plus d'électricité.

 

Chapter Text

POV Hermione

 

Hermione venait de passer les deux derniers jours affalée sur un matelas, qui jouait le rôle du canapé qu’elle n’avait pas encore. Elle ne décrochait de son livre que pour donner à manger à Pattenrond et aller aux toilettes. Ça lui faisait plaisir de ne rien faire et elle savait qu’elle le méritait. Elle avait pris quelques jours de congé pour pouvoir s’occuper de son emménagement et déprimer en paix. 

L’électricité était revenue quelques minutes après que les plombs eurent sauté, comme par magie, et les Potter avaient passé l’après-midi avec elle. Il était important pour elle qu’elle se construise de nouveaux souvenirs ici et que plus rien ne soit associé à celui-dont-le-nom-donne-la-nausée. 

Lire son livre préféré était donc un bon moyen de se recentrer. Elle était allongée sur le dos, un genou replié et l’autre reposant dessus. Son pied suspendu oscillait d'un mouvement régulier alors qu’elle chantonnait une mélodie en lisant le livre suspendu au-dessus d’elle.

Elle savait qu’il fallait qu’elle se reprenne en main, qu’elle aille faire des courses et qu’elle visite le quartier, mais à chaque fois que cette pensée la traversait, sa conscience lui disait merde. Déprime. Tu as le droit.

C’était donc ce qu’elle faisait. Habillée dans son pyjama préféré, un t-shirt blanc ample et un short assorti.

Pattenrond miaula et Hermione tourna la tête dans sa direction.

Il était totalement en train de la juger.

— Quoi ? grogna-t-elle.

Pattenrond la fixait avec mépris puis se lécha la patte, concentré sur cette nouvelle tâche.

Hermione soupira et se releva. Son salon était dans un état pitoyable. Elle n’avait touché à rien depuis le départ de Harry et de Ginny. Elle se donna du courage et se leva, prête à arranger au mieux son intérieur.

Elle s’empara de sa baguette et remercia mentalement la magie d’exister.

Après une bonne heure, les derniers cartons étaient vidés, repliés et empilés devant son entrée.

— Ok. Priorité numéro 1 : se trouver des meubles. Ah, et il faut que je pense à connecter ma cheminée à celle de Harry. On passe à l’étage ? demanda-t-elle à Pattenrond.

Ce dernier courut à l’étage. Hermione pouffa et lança un sort de lévitation sur le matelas qu’elle entraîna dans les escaliers, jusqu’à sa nouvelle chambre. 

Il fallait qu’elle se procure une bibliothèque, un lit et pourquoi pas une coiffeuse. L’autre n’avait jamais voulu qu’elle en prenne une car « cela prenait trop de place ».

Ginny l’avait aidé à ranger ses vêtements dans son armoire et avait réarrangé la salle de bains.

Elle lança un dernier sort de nettoyage et observa fièrement son œuvre. Un rayon de soleil fit briller la pièce, réchauffant le cœur d’Hermione. Elle alla à la fenêtre et écarta les rideaux pour faire le plein de vitamine D.

Quelque chose attira son attention par la fenêtre, ou plutôt quelqu’un, à l'étage inférieur. Elle supposa que c’était le fameux voisin donc avait parlé la vieille dame le jour de son emménagement. Sa fenêtre étant ouverte, elle pouvait bien le distinguer. Il était accoudé sur le rebord et était pris dans une discussion avec quelqu’un qu’elle ne voyait pas. Il était effectivement bien bâti, les muscles de ses bras étaient bien dessinés sous sa chemise blanche.

Sa curiosité prit le dessus et elle se rapprocha de la vitre pour mieux le voir. Il avait une chevelure blonde, presque argentée, qui lui rappelait presque…

Minute.

Les sourcils froncés, elle tenta de mieux voir son visage. Le jeune homme tourna la tête en direction de la cour et fit une grimace avant de sourire en coin.

Elle se figea net.

Elle se baissa immédiatement contre le sol et retint sa respiration. 

Qu’est-ce que foutait Malefoy derrière la fenêtre d’en face ?

Enfin…était-ce bien Malefoy ? Elle ne l’avait pas revu depuis une dizaine d’années mais l’homme en face correspondait quand même à ce dont elle se souvenait de lui.

Elle remonta tout doucement, en ne laissant dépasser que ses yeux, pour vérifier qu’elle ne s’était pas trompée. Parce qu’après tout, il existait des milliers de blonds dans le monde. Il était fort possible que son esprit lui joue des tours (ce n'était pas le cas).

Malefoy ne semblait pas l’avoir vu, auquel cas, il aurait déjà fait un scandale à faire trembler le Royaume-Uni.

Mais qu’est-ce qu’il fait là ?

Hermione s’assit contre le mur sous la fenêtre, les genoux repliés vers elle, pour réfléchir.

Est-ce qu’il habite…ici ?

— Oh, Merlin, s’étrangla-t-elle.






— Conseil de guerre, annonça Hermione en débarquant chez les Potter. Je vais devoir déménager. 

Elle avait quitté la maison en courant – après avoir enfilé un jean car elle avait quand même un peu de dignité –, s’était rendue au point de transplanage le plus proche et avait transplané directement chez ses amis.

— Ron a trouvé ta nouvelle adresse ? s’affola Ginny en tapotant le dos de Lily pour lui faire faire son rot.

— Non, répondit Hermione. Mais il s’agit d’un cas d’urgence absolue..

— Salut Hermione, lança Harry en arrivant. Tout va bien ?

— Il y a réunion extraordinaire, expliqua Ginny. Hermione doit déménager.

— Ron t’a retrouvée ? s’étrangla Harry.

— Non, protesta Hermione, désespérée que personne ne l'écoute. Je dois impérativement déménager.

— Mais s’il n’y a pas de Ron, pourquoi est-ce que tu veux partir alors que ça ne fait que trois jours que…

— Mais écoutez-moi, bon sang ! La situation est encore pire.

Hermione se pinça l’arête du nez et expira longuement.

— Mon voisin, reprit-elle.

Ginny et Harry attendaient, dans un suspens insoutenable.

— C’est Malefoy.

Ginny poussa un soupir de soulagement.

— Ah, c’est tout ? Tu m’as fait peur, Hermione, dit-elle en donnant Lily à Harry.

Il prit le bébé délicatement pour la poser dans son berceau.

— Je vais récupérer James et Albus, dit-il à Ginny.

— Et si on mangeait de la pizza, ce soir ? Hermione, tu restes pour dîner ? demanda la rousse en ouvrant le frigo pour voir ce qu’il y avait.

Hermione avait l’impression d’halluciner. Elle ne comprenait pas pourquoi ses amis avaient eu aussi peu de réaction.

— Euh…je crois que vous n’avez pas bien entendu. Drago Malefoy est mon voisin. Dans la maison juste à côté.

— On a entendu, dit Harry avant d’embrasser Ginny et il invoqua le Terrier dans la cheminée.

Les deux femmes se retrouvèrent seules dans la cuisine. Hermione se laissa lourdement tomber sur la chaise en face de Ginny.

— Je crois que je me retrouve dans une autre dimension, constata Hermione en s’agrippant à une chaise. Il est impossible que Ron m’ait trompé, que je déménage, que mon voisin de palier soit Malefoy et que mes meilleurs amis ne réagissent pas à ça. Surtout vous.

— Hermione, calme-toi et réfléchis. Honnêtement, rien ne peut être pire que Ron à l’heure actuelle.

Elle avait raison. Mais tout de même…

— Tu n’as qu’à l’ignorer, conseilla Ginny. Ce n’est pas parce que la fouine est ton voisin que tu dois absolument faire ami-ami avec.

— Mais le simple fait de savoir qu’il se trouve à quelques mètres me donne des sueurs froides, pleurnicha-t-elle, en plongeant la tête dans ses bras, sur la table de la cuisine. Pourquoi cela doit m’arriver à moi ?

— Ignore-le, clôtura Ginny. Aide-moi plutôt à préparer les pizzas.

 




L'ignorer n'avait pas suffi. Hermione avait passé la semaine à carrément l'éviter. Elle avait l'impression d'être comme ces vieilles femmes au foyer qui guettaient le moindre mouvement de leurs voisins dans les séries moldues.

Elle le regardait discrètement, de chacune de ses fenêtres, et ça n'aurait même pas été étonnant qu'elle porte des lunettes de soleil pour se camoufler (oui, même chez elle).

Le dimanche ne s'était pas passé au Terrier, bien entendu, et Hermione avait passé la soirée chez les Potter et les pizzas avaient été franchement délicieuses.

Elle avait ensuite repris le travail au Ministère et un drôle de rituel avait commencé. Chaque jour, elle évitait la presse, travaillait d'arrache-pied pour ne pas penser à autre chose et quand elle rentrait, elle surveillait Malefoy pour ne pas risquer de le croiser.

Lundi, elle l'avait aperçu par la fenêtre de sa cuisine en train de faire elle-ne-savait-quoi dans son jardin. Elle s'était planquée derrière son évier quand il avait tourné la tête dans sa direction (mais pas de panique, elle était incognito avec ses lunettes).

Mardi, elle était derrière sa porte d'entrée en train de l'observer à travers la petite lucarne, en train d'aller récupérer son courrier dans la boîte aux lettres près de la clôture (elle devait maintenant attendre plus d'une heure avant de sortir faire ses courses pour s'assurer que la voie était libre. Juste au cas où).

Mercredi, elle l'avait vu depuis son salon, dans son jardin avec toute une horde de Serpentard et cette fois, elle se dit qu'elle était cuite et qu'elle avait été envahie.

Jeudi, la lumière de sa salle de bains était allumée et elle refusa de rentrer dans la sienne tant qu'il n'avait pas terminé (elle avait ses limites).

Vendredi, elle l'avait aperçu à l'étage, dans sa chambre en train de choisir un livre. Elle avait été alors très curieuse et s'était giflée mentalement en se disant qu'il n'était pas normal d'observer son voisin, tapie dans le noir et derrière ses rideaux (à ce stade, il ne manquait plus que la paire de jumelles).

Samedi, rien à signaler. Elle sortit après avoir bien vérifié qu'il n'était pas à l'horizon et alla chercher son courrier moldu. Mais c'était sans compter les pas qu'elle entendit derrière elle.

Pas lui. Merlin, aie pitié de moi.

Elle se retourna, le cœur battant.

— Pas très discrète, hein, Granger ?

 

 

POV Drago

Après une semaine de fine observation – il refusait la qualification de voyeurisme pervers qu’avait insinuée Théo –, il était devenu évident que Granger avait emménagé seule dans le quartier.

La famille Potter au grand complet – il avait vu juste au sujet de la portée de belettes qui comptait déjà trois mouflets, ce qui lui avait fait lever les yeux au ciel à la pensée de s’infliger une telle corvée avant trente ans – était venue en visite dès le premier jour, mais une semaine s’était désormais écoulée et toujours aucun signe de vie du fiancé. Et puisque l’élevage Potter devait s’embêter à passer par la rue et le portillon pour entrer chez Granger, il en avait déduit que sa cheminée n’était pas reliée au réseau. Donc, que Weaslaid ne pouvait certainement pas non plus la rejoindre discrètement sans devoir passer par l’extérieur de la maison.

Les runes du bonheur ne seraient-elles plus alignées pour le véracrasse et le rat de bibliothèque ? À cette seule pensée, Drago se faisait l’effet d’une vieille bique commère. Pourtant, il n’avait pu s’empêcher de ricaner d’un air mauvais à l’idée que l’un des couples stars du monde sorcier ait peut-être explosé en plein vol. Blaise l’avait traité de petit vicelard, mais il s’en moquait. Tout ce qui ne faisait pas le bonheur de la larve rousse, contribuait à son bonheur à lui. Quant à Granger, elle le laissait complètement indifférent.

Tout à fait.

La seule raison pour laquelle il continuait de surveiller ses allées et venues quotidiennes, même après avoir acquis la certitude qu’elle était bien seule ici, c’était uniquement pour pouvoir l’éviter soigneusement.

Absolument.

Car il n’avait aucune envie de la croiser de bon matin en allant acheter son café – il n’avait toujours pas osé toucher à son appareil de malheur depuis l’incident Théo. Ou bien en sortant dans son jardin pour s’occuper de ses plantes. Ou encore en pleine journée en allant faire ses achats habituels. Il l’évitait comme la dragoncelle, pour ne surtout pas avoir à lui adresser le moindre mot. Car ce serait bien la pire chose qui pourrait lui arriver à ce stade.

Sans nul doute.

Jusqu’à présent, il avait d’ailleurs tout à fait mené à bien sa mission.

Quoi que.

Il n’en était pas absolument certain, mais il commençait à avoir le doute affreux qu’elle l’avait peut-être repéré depuis un jour ou deux. Il avait comme la sensation qu’elle aussi, jouait peut-être à ce jeu du chat et de la souris.

Ce qui lui posait problème dans cette nouvelle équation, c’était qu’il ne savait plus très bien s’il était le chat, ou la souris.

Au début, tout allait bien. Elle vaquait à ses occupations tout à fait normalement, comme n’importe quel individu qui vient d’emménager dans un lieu nouveau.

Il l’avait d’abord aperçue depuis son jardin, en train de faire sa vaisselle, lui avait-il semblé. Il avait d’ailleurs été étonné de la voir nettoyer une assiette à la manière moldue (dans une gestuelle peut-être un peu trop nerveuse). Mais ce qui l’avait le plus perturbé, avaient été les larges lunettes noires posées sur son nez, comme celles que les moldus portaient habituellement pour se protéger de la lumière du soleil. Elle faisait la vaisselle à la mode moldue, en portant des lunettes de soleil. Chez elle. Dans sa cuisine. A l’abri du soleil. Un jour particulièrement nuageux, comme de coutume dans cette partie de l’Angleterre.

Il savait qu’elle avait toujours été un peu folle, mais cette scène dépassait son entendement de sorcier.

Après l’avoir observée un temps un peu trop long pour qu’il ne s’autorise à l’avouer sans gêne, il avait finalement secoué la tête d’un air désabusé et repris son travail de jardinage.

Il avait bien sûr sagement évité de rapporter cette anecdote lors de son rapport à ses amis le lendemain, au cours de leur soirée. Il s’était contenté d’annoncer que non, toujours pas de Weasley en vue, que non, elle ne l’avait toujours pas remarqué et que non, il n’avait aucune intention de se présenter à elle ou de lui adresser la parole sous quelque prétexte que ce soit.

— Il va bien falloir que tu lui parles un jour, avait dit Blaise, interloqué.

— Et pourquoi je ferais une chose pareille ?

— Parce que vous vivez à côté ? avait proposé Théo comme si une telle ineptie coulait de source.

— Et alors ?

— Et alors, tu comptes éviter sa personne et organiser ta vie pour les dix prochaines années en fonction du programme de Granger pour être sûr de ne pas te faire repérer ? avait déballé Pansy sans reprendre son souffle, d’un ton monocorde qui ne cherchait même pas à lui épargner à quel point elle le trouvait stupide.

Il n’avait rien trouvé à répondre à cela. Après avoir jeté un œil à la fenêtre d’en face – juste pour s’assurer qu’elle n’avait pas le nez collé à sa vitre –, il était sorti prendre l’air dans son jardin à l’arrière de la maison, ses amis sur les talons.

— Malefoy, c’est ridicule, avait repris Blaise. Vous n’avez plus douze ans. C’est une sorcière adulte, qui vit sa vie, travaille et vient visiblement de se débarrasser de son parasite vérolé. Je pense qu’elle est capable d’entretenir une conversation intelligente avec un petit furoncle dans ton genre, si tu te présentes à elle avec le minimum d’amabilité que tes adorables parents ont pu te léguer.

— Ou alors, elle l’enverra valser par-dessus la clôture avec un sort cuisant bien senti, avait ajouté Théo sur le ton de la conversation.

— Merci, Nott, tu m’aides vachement, avait grommelé Drago.

— Qu’est-ce que tu crains à tenter une approche ? avait demandé Pansy plus doucement.

— De perdre ses valseuses ? avait proposé nonchalamment Théo.

— Ta gueule, Nott, avait assené Blaise d’un ton mordant. Va donc nous resservir une tournée et distribuer la prochaine manche, si tu veux aider.

Théo avait battu en retraite les deux mains levées, non sans ajouter qu’il lui semblait bien peu Serpentard de se jeter les deux pieds dans la fosse aux lions.

— Parkinson a raison, Drago, avait repris Blaise sur un ton radouci. Qu’est-ce que tu as à perdre à faire le premier pas en te présentant à Granger en tant que voisin pacifique ?

— A part ma dignité, tu veux dire ?

— Malefoy, avait soupiré Pansy, notre dignité, tu ne crois pas qu’on l’a laissée au placard depuis un bon moment, avec cette foutue guerre ? Personnellement, je l’ai jetée au feu quand j’ai proposé de livrer Potter au beau milieu de la Grande Salle, ce fameux soir. Et toi, tu l’avais perdue depuis bien longtemps à ce moment-là, non ?

— Justement, ça ne me tente pas trop, de me débarrasser du peu qui me reste.

— C’est surtout ta fierté qui parle, avait conclu Blaise. Tu fais bien comme tu veux, mais si tu veux notre avis, ça se passerait mieux si c’était toi qui enclenchais le processus. Si elle réalise la situation toute seule et qu’elle débarque comme une furie, tu auras perdu la main pour de bon. Et bon courage pour te débarrasser d’elle après ça.

Drago n’avait rien répliqué. Il s’était contenté de hocher vaguement la tête, puis ils avaient repris le chemin de la table de jeu.

Mais cette discussion l’avait fait réfléchir.

Blaise n’avait pas tort. Il avait touché juste en évoquant l’importance de garder la main sur la situation. Et il n’allait certainement pas pouvoir continuer à l’éviter aussi soigneusement pendant des semaines – des mois ? des années ? – si elle comptait s’installer ici définitivement. Surtout qu’entre-temps, il avait lui-même abandonné pour de bon l’idée de déménager. Il se sentait chez lui, ici, et refusait de se laisser chasser par une indésirable, qui ignorait encore sa présence.

Il n’avait rien entrepris de nouveau le lendemain. À peine une œillade de quelques secondes quand, en ouvrant sa fenêtre au matin, il l’avait vue naviguer de sa chambre à sa salle de bain, uniquement vêtue d’un long t-shirt blanc un peu trop transparent et qui laissait peu de place à l’imagination.

Imagination qu’il n’avait pas du tout.

Assurément.

Pourtant, un peu plus tard ce même jour, le doute s’était insinué. Il était en train de sélectionner un livre dans sa bibliothèque, lorsqu’il avait ressenti comme un picotement dans la nuque. Comme l’impression étrange d’un regard posé sur lui. Il s’était aussitôt retourné, les yeux automatiquement rivés sur la fenêtre en face de la sienne. Il était alors presque certain d’avoir distingué sa silhouette, maladroitement dissimulée entre les rideaux comme une goule prise en faute.

Il avait lâché un petit rire sarcastique, hoché la tête machinalement, puis s’était retiré dans le salon pour lire son livre.

Il n’avait pas beaucoup lu. Mais Granger n’avait rien à voir là-dedans, pour sûr. Sa lecture n’était tout simplement pas si passionnante.

Evidemment.

Ce jour-là, cependant, le doute n’était plus permis. Drago avait eu le temps de retourner la situation dans son crâne malmené dans tous les sens possibles et il en était arrivé à la conclusion que Blaise et Pansy étaient dans le vrai. Il devait garder le contrôle. Alors, quand il vit Granger sortir sur son perron et tendre le cou en direction de chacune des fenêtres de son cottage, comme pour s’assurer qu’il n’était pas en vue derrière l’une d’elles, il comprit. Elle savait. Elle savait et elle jouait au même jeu que lui. Un sourire en coin naquit sur ses lèvres et sur un coup de tête, il se leva.

Il sortit en catimini par la porte arrière, puis s’avança le plus silencieusement possible, les mains dans les poches, jusqu’à la clôture qui séparait les deux terrains, alors qu’elle se dirigeait, dos à lui, vers sa boîte aux lettres moldue.

Il la vit se tendre, toujours dos à lui, alors qu’il n’était plus qu’à quelques pas d’elle. Aucun doute possible. Il était le chat, elle était la souris. La tentation était trop grande.

— Pas très discrète, hein, Granger ? la salua-t-il d’un ton faussement désinvolte au moment où elle pivotait sur elle-même, les yeux écarquillés.

Le rouge lui monta instantanément aux joues. Il avait réussi à la déstabiliser. Parfait. Il avait gardé la main.

— M… M… bégaya-t-elle, trop stupéfaite pour articuler quoi que ce soit d’autre. Monsieur ? finit-elle par laisser échapper comme si elle avait laissé son cerveau défaillant choisir le terme à sa place.

— Monsieur ? Vraiment ? répéta-t-il en levant un sourcil, un instant décontenancé par sa réaction.

Puis il partit d’un grand éclat de rire franc. Il ne s’était pas du tout attendu à cela de sa part.

— Malefoy ? essaya-t-elle de nouveau en fronçant si fort les sourcils qu’il crut qu’elle allait se mettre à loucher.

— Ne fais pas l’innocente, Granger. Je sais que tu sais que c’est moi et je sais que tu sais que je suis là depuis un moment, déjà. J’ai failli te laisser le temps de digérer la nouvelle et voir ce que tu allais en faire, et puis finalement, j’ai préféré m’amuser un peu en jouant sur l’effet de surprise, ajouta-t-il avec un haussement d’épaule nonchalant. Je me doutais que tu ne savais pas que je savais, acheva-t-il avec un sourire amusé.

Elle continua de le regarder un instant sans rien dire, se contentant de l’observer attentivement, les sourcils toujours froncés.

Quand enfin elle reprit contenance, elle se redressa, carra les épaules et se composa un air dédaigneux absolument admirable, proche de ce que Pansy était capable de produire face à un individu tout à fait insignifiant à ses yeux (ce qui représentait en général pas mal de monde).

— Malefoy, le salua-t-elle de nouveau beaucoup plus froidement.

— Je pense que nous avons déjà établi cet état de fait, en effet, ricana-t-il. Je ne pensais pas voir le jour où la grande Granger perdrait toutes ses facultés locutives…

Il vit son regard s’assombrir en un éclair, mais avant qu’elle n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche pour se transformer en furie comme l’avait si bien prédit Blaise, il sauta sur l’occasion pour lui assener le coup de grâce. Tout en douceur, en détachant soigneusement chaque syllabe, le buste légèrement penché en avant, comme pour lui souffler une confession.

— Si c’est le manque de lumière naturelle qui te ramollit à ce point, tu devrais peut-être songer à retirer tes lunettes de soleil en intérieur ? lui conseilla-t-il d’un ton faussement bienveillant, à la limite de la condescendance, les yeux pétillants de malice.

Il la vit alors pâlir, se décomposer, puis tourner la tête en direction de la fenêtre de sa cuisine. De cet angle, l’intérieur de la pièce n’était pas visible. Mais comme s’il pouvait voir à travers son crâne les rouages de ses méninges se mettre en route, il comprit qu’elle avait parfaitement saisi son allusion.

Il émit un nouveau petit rire un peu moqueur, puis tourna les talons et reprit la direction de l’arrière de sa maison, par où il était arrivé, la laissant clouée sur place, son courrier moldu à la main.

— Ce fut un plaisir de discuter, voisine ! lança-t-il tout fort sans daigner se retourner. Au plaisir ! conclut-il avec un petit signe de la main, qu’il agita dans sa direction approximative.

Le temps qu’il retourne dans son salon, Granger avait enfin fermé sa boîte aux lettres et remontait les marches de son perron d’un pas rageur. Il était évident qu’elle fulminait.

Un large sourire apparut sur les lèvres fines d’un Drago un peu trop satisfait de ce premier échange.

Qu’est-ce que tu as à perdre à faire le premier pas en te présentant à Granger en tant que voisin pacifique ?

En bon Malefoy et digne Serpentard qui se respectait, il n’aurait décemment pas pu faire plus pacifique sans passer pour un Poufsouffle.

Pour le reste, il faisait confiance à Granger pour se reprendre et contre-attaquer à la première occasion.

Il tourna le dos à la fenêtre et retourna vaquer à ses occupations de sang-pur désœuvré en exil, avec une seule pensée en tête.

Que les joutes commencent.