Chapter Text
Chapitre 1.
Regina se leva ce matin là avec plus ou moins de difficultés. Depuis quelques temps, la reine dormait extrêmement mal. L’horloge semblait la narguer, chaque soir et de plus en plus tard, ses chiffres rouges se gravaient dans ses rétines.
La veille, elle avait vu s’afficher 3 h 56 sur son radio-réveil, avant d’enfouir ses yeux sous son bras avec un grognement agacé. Alors, lorsqu’il avait sonné quatre heures plus tard, Regina avait manqué de faire exploser l’appareil contre le mur.
Le soleil était à peine levé.
Les oiseaux ne sifflaient même pas encore dehors lorsqu’elle sortit les pieds de son lit. Regina passa une main sur son visage, usée.
Lorsqu’elle sortit de sa chambre, elle était déjà apprêtée. Parce qu’elle avait une réunion importante, une parmi tant d’autres. Depuis que les royaumes avaient été réunifiés, elle avait l’impression de ne pas avoir une seule seconde à elle.
C’est pour quoi elle ne fut pas vraiment surprise de ne pas tomber sur Henry de si bon matin. Elle ne faisait que le croiser, depuis quelques temps.
Alors que la brune voulut se servir un café, elle cligna des yeux vers la cafetière qui avait refusé de s’enclencher. Elle appuya sur le bouton de mise en marche, une fois, deux fois, trois.
Regina grogna, et se tourna vers l’interrupteur de la pièce qui, lui aussi, s’enclencha dans le vide. Aucune lumière ne s’alluma.
D’un soupir dépité, Regina sortit du manoir. Elle frissonna sous la brume matinale et frotta ses bras sous son trench.
Elle n’avait pas le temps de s’occuper de cette histoire de coupure de courant, pas le temps du tout.
Lorsqu’elle ouvrit le verrou de sa voiture, elle se saisit alors de son portable qu’elle avait fourré dans son sac à main et chercha le numéro de Marco pour l’appeler, histoire de ne pas avoir à jeter l’ensemble du contenu de son congélateur.
Seulement, son téléphone sonna bizarrement. Regina fronça donc les sourcils et vit qu’elle n’avait pas de réseau.
« Parfait, grogna-t-elle, excédée. Je sens que la journée va être longue. »
Excédée, Regina enclencha la clé et s’estima presque chanceuse que son moteur veuille bien coopérer.
Sa voiture démarra ainsi doucement, arpentant les rues de Storybrooke, vides à cette heure. Regina passa ainsi devant le Granny’s encore fermé, la boutique de Gold qui affichait sa pancarte indiquant qu’il avait changé de secteur pour arriver jusqu’à la mairie où, sans surprise, elle arriva la première.
Regina soupira en ouvrant l’entrée de la bâtisse. Elle laissa tomber lourdement son sac sur le bureau et sortit le dossier sur lequel elle travaillait depuis plusieurs semaines. Puis, elle voulut allumer son ordinateur.
Seulement, ce dernier resta lui aussi, indubitablement éteint.
« Non, mais c’est pas vrai ! pesta la brune entre ses dents serrées. »
Si Storybrooke faisait face à une coupure de courant généralisée, elle devait absolument trouver d’où venait le problème. D'un geste, Regina repoussa sa chaise et sortit à l’extérieur. Elle plissa toutefois le regard, perplexe.
La rue était déserte… Et par là, elle entendait : entièrement déserte. Aucun chien n’aboyait derrière une clôture, aucun volet ne claquait et aucune porte ne s’ouvrait. Regina détourna un peu la tête.
L’air semblait lui-même figé, comme si le monde avait soudain cessé de tourner.
Alors, hésitante, Regina engagea le pas et se mit à arpenter les ruelles de la ville. Le Granny’s ouvrait à 9 heures depuis toujours. Or, lorsque Regina poussa la porte pour y entrer, celle-ci resta indubitablement close.
Contrariée, la brune soupira et regarda la bâtisse d’en bas, le regard fixe.
« Qu’est-ce que c’est que ce bazar… murmura-t-elle.
_ Regina ! »
Regina sursauta et se retourna d’un geste. Elle vit au loin Emma, dans la rue, avancer vers elle d’un pas hâtif.
Une fois arrivée à sa hauteur, la sauveuse s’appuya sur ses cuisses, essoufflée.
« Putain… T’es là. »
La brune leva un sourcil en jaugeant Emma d’un air fatigué.
« Pour l’amour du ciel, ton langage, marmonna Regina en secouant la tête. »
Emma releva la tête vers elle, une mèche blonde collée à sa tempe.
« Sérieusement… j’ai cru que j’allais encore tomber sur… je sais pas… rien, continua-t-elle, encore essoufflée.
_ Rien ? répéta Regina en arquant un sourcil.
_ Ouais. Genre… personne. »
La brune croisa les bras, tentant de masquer la pointe d’inquiétude qui venait de lui glacer l’échine.
« Il est à peine neuf heures.
_ Et ça fait deux heures que je cherche quelqu’un. J’ai fait la moitié de la ville. Pas une âme. Pas une voiture, même pas un putain d’oiseau ! »
Regina ouvrit la bouche, puis la referma, interdite. Enfin, elle finit par pouffer en secouant la tête.
« C’est ridicule. À tous les coups il est en vérité 7h et nos montres ont disjonctées. »
Emma leva les yeux au ciel en prenant une grande inspiration.
Elle était revenue à Storybrooke pour la remise des diplômes de Henry qui arrivait en fin de semaine. Le décalage horaire lui filait les pires insomnies de l’univers. Ça, et Hook qui ronflait à côté d’elle toutes les nuits depuis qu’ils étaient rentrés. Sauf que lorsqu’elle s’était levé avant même le sommeil, ce fut dans un lit vide.
Pensant qu’il était parti régler quelque chose sur le Jolly Rogers, Emma s’y était rendu. Seulement, personne ne lui avait répondu. Alors, elle avait arpenté la ville… et n’avait pu que remarquer le calme anormal qui y régnait.
Jusqu’à tomber à son plus grand soulagement sur Regina.
« Peut-être que c’est encore une malédiction, souffla Emma. »
Regina lui jeta un regard en coin avant de secouer négativement la tête.
« On ne peut pas toujours tout expliquer avec des malédictions, marmonna la brune. »
Regina soupira. Elle regarda autour d’elle.
Il fallait admettre que Emma n’avait peut-être pas tord.
Le soleil était levé depuis un moment déjà, et pourtant, la ville semblait encore figée. Personne ne passait dans la rue. Et aucune voiture ne circulait.
Alors, la reine jeta un coup d’oeil vers Emma qui fixa ses yeux dans les siens.
« Très bien, trancha-t-elle. On va vérifier. »
Et, sans attendre, elle se remit en marche, Emma sur ses talons. Leur rythme s’était naturellement synchronisé. Ni l’une ni l’autre ne s’en rendait compte, mais elles marchaient à la même allure, leurs épaules parfois presque jointes dans l’espace étroit des trottoirs.
« On devrait aller chez Mary Margaret, finit par dire Emma.
_ Et si elle n’est pas là ? demanda Regina sans ralentir. »
Emma soupira.
« Alors on saura que c’est pas juste toi et moi qui sommes de mauvaise humeur ce matin. »
Regina esquissa un très bref sourire, qu’elle effaça aussitôt.
Lorsque la brune arriva jusqu’à la maison des Charming, elle tenta d’ouvrir le portillon, mais celui-ci resta clos.
Alors elle soupira. Emma la dépassa pour faire de même. Rien.
« Snow l’a fait changé la semaine dernière, il faut un bip, lâcha la brune, lasse.
_ Oui, sauf qu’il n’y a aucune électricité nul part depuis que je me suis levée. »
Regina se mordit l’intérieur de la bouche, agacée. Elle rebroussa chemin sans un mot et Emma la suivit, cette fois perplexe.
Au hasard, la brune poussa la porte d’un fleuriste. Mais pas la moindre odeur fraîche ne lui parvint au nez, juste une odeur de poussière stagnante. Elle chercha l’interrupteur par réflexe, appuya… rien.
« Fâcheux, se contenta de dire la reine, embêtée.
_ Fâcheux ? répéta Emma. C’est tout ce que tu as à dire ? Bon sang, chaque fois que je viens dans cette ville, il se passe toujours quelque chose. »
La brune leva les yeux au ciel avant de jeter un regard à Emma, un poil irrité.
« Réserve tes remarques désagréables pour quelqu’un d’autre.
_ Quelle heure il est ? l’ignora la blonde, trop stressée pour se battre. »
Regina soupira et jeta un regard à sa montre.
« 10 heures et demi. »
Emma afficha une mine préoccupée. Elle détourna le regard pour observer la rue autour d’elle. Regina le remarqua et soupira d’un air las.
« Emma, tu dramatises.
_ Non, je constate, répliqua la sauveuse d’un ton piquant. »
Regina observa à son tour la ruelle… qui n’émettait aucun bruit. Strictement, aucun bruit.
« C’est peut-être un jour férié dont j’ai oublié l’existence, tenta de se détendre la reine.
_ Ouais… et tout le monde aurait décidé de dormir jusqu’à midi ? lança Emma, sceptique. Même Gold. »
Regina esquissa un sourire sec.
« Si seulement.
_ On pourrait aller au poste de police ? Je veux dire, si qui que ce soit était avec nous, il irait surement là. Et après s’il n’y a personne, on fouillera le reste de la ville.
_ Emma. Je n’ai pas le temps pour tes lubies.
_ Mes lubies ? releva Emma, incrédule.
_ J’ai une pile pas possible de dossiers à traiter. Depuis que tous les royaumes se sont réunis, j’ai du travail par dessus la tête. Et je n’ose pas imaginer la tête que vont faire les collaborateurs s’ils apprennent que j’ai préféré faire une petite visite guidée de la ville avec toi plutôt que de peaufiner les détails de la prochaine réunion. »
Regina tourna et talons et prit la rue silencieuse, le bruit de ses pas résonnant sur l’asphalte comme dans une ville fantôme. Emma la regarda faire avant de lever les yeux au ciel.
« Regina, tu as remarqué qu’il n’y a pas un seul habitant dehors ? Pas un bruit, pas un gamin qui court, rien ? Ils sont où les gosses qui sont censés aller à l’école ? Et le bus scolaire ?! Réveille-toi, la ville est déserte, tout le monde a disparu ! »
Regina lui répondit uniquement par un soupir fatigué et un geste de la main. De nouveau, elle se retourna pour partir, mais la voix d’Emma l’appela une dernière fois.
« Et tu vas faire comment pour remplir tes dossiers sans électricité ? »
Les pieds de Regina s’arrêtèrent d’un coup. Emma elle, l’observa presque fièrement se retourner vers elle avec un air extrêmement contrarié.
Regina soutint son regard pendant quelques secondes, la mâchoire serrée, comme si elle cherchait une réplique. Mais rien ne vint.
Elle détourna donc les yeux avec exaspération, et tira légèrement sur la manche de sa veste avant de reprendre la marche.
Emma, satisfaite, lui emboîta le pas. Seulement, son sourire s’effaça bien plus rapidement lorsqu’en arrivant au poste du shérif, elle trouvèrent le parking dépourvu des voitures de patrouille.
La blonde entra la première. Le grincement de la charnière de la porte s’étira dans le silence. Ses bottes raisonnèrent sur le carrelage au fil des secondes alors qu’Emma s’avançait avec prudence.
« David ? »
Le hall était impeccable. Les bureaux parfaitement alignés, les chaises rentrées, les dossiers empilés avec soin. Pas de tasse de café à moitié pleine, pas de veste oubliée sur un dossier.
Regina fit le tour du comptoir, ses talons claquant à intervalles réguliers. Elle chercha une fois encore à allumer l’ordinateur. Sans succès.
« Bon. D’accord, soupira-t-elle en postant ses mains sur ses hanches. »
Emma se dirigea vers son le bureau de son père et ouvrit un tiroir. Tout y était : stylos, carnets, clés. Comme si rien n’avait bougé… et pourtant, la pièce ne respirait d’aucune présence humaine.
Elle trouva la radio et l’enclencha. Seulement, celle-ci grésilla dans le vide.
« Ok qu’est-ce qui aurait pu arriver ?
_ Maintenant que les royaumes sont réunifiés, personne n’aurait pu envoyer les habitants ailleurs, trancha Regina.
_ Dans ce cas, c’est nous.
_ Ou la Terre entière.
_ Et c’est moi que tu disais être dramatique ? soupira Emma. Ok d’abord, on doit trouver le moyen de rétablir l’électricité.
_ Non, ce qu’on doit faire en priorité, c’est comprendre, reprit la brune.
_ Ce n’est pas en quelques heures qu’on risque de trouver d’on vient le problème. Et si on ne fait rien, il fera nuit. »
La brune se mordit la lèvre, silencieuse.
« On n’aura rien à manger. Rien à boire. Pas de chauffage, commença à énumérer Emma.
_ Ok d’accord, c’est bon, lâcha Regina en levant les mains devant elle. Je sais où se trouve le générateur, on y va. »
La brune engagea le pas jusqu’à sa voiture, encore garée près de la mairie vide. Dans un silence qui trahissait une espèce d’angoisse grandissante, les deux femmes quittèrent le centre-ville pour suivre la route qui longeait la lisière de la forêt. Au bout de dix minutes, la silhouette familière de l’installation électrique se dessina. Entourée d’une clôture haute barbelés, Regina ignora totalement les transformateurs gris reliés par un enchevêtrement de câbles ainsi que le panneau indiquant « accès interdit - installation électrique ».
Normalement, on entendait le ronflement grave des générateurs avant même de voir le portail. Mais cette fois, rien. Juste le crissement de leurs pas sur le gravier. Regina recula d’un pas et observa le bâtiment. Les lampes de sécurités fixées sur les angles semblaient mortes.
Qu’à cela ne tienne, elle sortit son passe partout et l’utilisa pour ouvrir la porte d’entrée.
En entrant, elles pénétrèrent dans une pièce qui aurait pu faire mourir de trouille un claustrophobe. Emma suivit la brune vers ce qui semblait être la salle de contrôle.
Les écrans étaient éteints, et Regina monta et abaissa les disjoncteurs principaux, sans que ça n’ait aucun effet. Elle fit le tour de la console et toucha un des générateurs qui était glacé.
Et bien sur, aucun technicien aux alentours.
« Par quoi la ville est alimentée ? demanda Emma en observant le matériel.
_ Par un générateur tournant au fioul et un autre au diesel. Il y a aussi une centrale hydroélectrique pas très loin qui utilise le courant d’eau du fleuve qui traverse la ville, mais c’est ici que tout est centralisé. »
Regina soupira. Cette fois, elle paraissait réellement inquiète.
« Il n’y a pas de… boutons de redémarrage ou quelque chose comme ça ?
_ Ils ne fonctionnent pas.
_ Et une clé ?
_ Emma. Ça ne marche pas, siffla la brune. »
L’étau se resserrait doucement autour d’elles.
Voyant que leur présence était rendue inutile, Emma sortit et la brune la suivit, dépitée. Elle ferma le portail du micro-réseau derrière elles et se tourna.
« Bon. On va faire le tour de la ville, proposa la sauveuse. Quartier par quartier. »
Regina hocha lentement la tête, cette fois sans objection.
Elles commencèrent par la rue principale : le Granny’s, l’épicerie, la pharmacie… tout était parfaitement rangé, comme figé en pleine activité.
Sur une table à l’extérieur d’un salon de thé, deux tasses trônaient encore, à moitié pleines, mais froides.
Regina glissa un doigt le long de la porcelaine, le regard fixé sur la surface immobile du café. Elles reprirent la marche, longèrent l’école. Les vélos étaient encore rangés dans le râtelier, cartables accrochés aux porte-manteaux. Le tableau noir affichait une date : mardi. Pas d’effacement, pas de signe de départ organisé.
Aux docks, le vent faisait cliqueter doucement les cordages contre les mats des bateaux. Pas une silhouette sur le quai. Les voiles, pourtant bien enroulées, donnaient l’impression d’attendre un départ qui ne viendrait jamais.
Elles traversèrent ensuite les petites rues résidentielles. Des portes entrouvertes, des téléviseurs éteints, un repas abandonné sur une table de salle à manger.
« Ça n’a aucun sens, souffla Regina. »
Enfin, Emma finit par s’asseoir sur un banc près de là, fatiguée.
« Au moins, maintenant, on sait qu’il n’y a plus que nous dans cette foutue ville. »
La blonde frissonna. Elle leva le visage et vit le soleil décliner dans le ciel. Elles avaient passé la journée à fouiller chaque maison de fond en comble.
« On devrait commencer à essayer de trouver un endroit où dormir, suggéra-t-elle.
_ Je te signale que j’habite dans mon manoir depuis plus de trente ans.
_ Et je ne sais pas si tu as remarqué Regina, mais nous sommes en octobre. »
La brune plissa les yeux.
« Les nuits sont extrêmement fraiches et il n’y a plus d’électricité nul part. »
La brune soupira et réfléchit.
« J’ai une cheminée dans mon salon, souleva Emma. Et du bois. »
Regina la fixa quelques secondes, comme si elle pesait chaque mot
« Très bien… mais c’est uniquement parce que je ne tiens pas à mourir de froid dès la première nuit. »
Emma eut un sourire en coin.
« Bien sûr. »
Elles se relevèrent et reprirent la route vers la maison de la blonde. La lumière déclinante enveloppait la ville d’une teinte dorée, presque paisible, en décalage total avec le vide autour d’elles.
Leurs pas résonnaient sur le bitume. Arrivées devant le perron, Emma déverrouilla la porte et la poussa en grand.
« Fais comme chez toi. »
Regina arqua un sourcil en entrant, son regard balayant la pièce. Emma attrapa quelques bûches près de la cheminée, les empila méthodiquement, puis craqua une allumette. La flamme grandit rapidement, répandant une chaleur bienvenue dans la pièce sombre.
Regina resta un instant debout, fixant le feu, avant de retirer son manteau et de le poser sur le dossier d’une chaise.
Alors que la nuit commençait doucement à arriver, Emma sortit de la pièce et ouvrit les placards. Elle en sortit littéralement toutes les bougies qu’elle avait en stock et en alluma quelques unes qu’elle posa un peu partout dans la pièce.
La brune elle, se contentait de fixer les flammes, la tête perdue dans ses pensées.
« On va devoir réfléchir à des détails plus techniques, engagea la sauveuse.
_ Qu’est-ce que tu veux dire ?
_ S’il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas de frigo. Ni de congélateur. »
Emma vint s’asseoir sur son canapé en soupirant avant d’étaler ses jambes sur la table basse.
« J’ai bien quelques boites de raviolis qui trainent, mais on risque d’être vite limitée.
_ Des raviolis ? répéta Regina en une grimace.
_ Et des petits pois. »
Regina laissa tomber sa tête dans le vide, dépitée.
« Je refuse de passer ma soirée à manger des légumes en conserve, lâcha Regina, dramatique. »
Emma haussa les épaules.
« Eh bien, Majesté, on n’a qu’à faire une descente au Granny’s demain. On prendra tout ce qui se garde… et peut-être qu’on trouvera un trésor culinaire que t’approuveras.
_ Je doute que Ruby ait des filets mignons planqués dans un placard, marmonna Regina. »
Emma esquissa un sourire.
« On peut toujours rêver. »
La brune, toujours affalée dans le fauteuil, se redressa légèrement pour observer la flamme qui crépitait.
« Et le bois, on en a pour combien de temps ?
_ Quelques jours, répondit Emma. »
Regina soupira. Emma s’éclipsa alors une nouvelle fois et balança une couette sur le sofa, un oreiller et un immense plaid.
« C’est ridicule tu sais ? murmura Regina en se tournant vers elle. Si ça se trouve, demain, tout le monde sera revenu et cette journée ne sera qu’une anecdote amusante qu’on pourra ressortir tous les ans pour Noel.
_ J’espère bien. En attendant, je préfère être préventive.
_ Et tu compte dire quoi à Hook si on le croise demain matin et qu’il nous voit dormir comme des SDF dans ton salon ?
_ Je lui balancerais qu’on a décidé de devenir les meilleures copines du monde et que pour fêter ça, on s’est faite une soirée pyjama. »
Regina ne put s’empêcher de pouffer devant l’absurdité de la situation. Elle s’écroula sur le canapé en retirant ses chaussures qui tombèrent sur le sol.
« Je crois même que je dois avoir des marshmallow quelque part.
_ On ferait surtout mieux de dormir, trancha Regina. Plus vite on le fera, plus vite la nuit passera et avec un peu de chance, on sera réveillée avec l’odeur du café. »
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Chapitre 2.
Emma cligna des yeux, aveuglée par une lumière trop claire filtrant à travers les rideaux. Pendant un instant, elle eut ce flottement familier, ce demi-sommeil où l'on cherche à se souvenir de la veille.
Sur le canapé, Regina s'étira lentement sous le plaid, ses cheveux un peu en désordre.
La blonde se leva sans attendre, alla jusqu'à la fenêtre et écarta légèrement le rideau. La rue était exactement comme la veille : éclairée par un soleil franc, impeccablement propre… et totalement vide. Et bien sûr, aucune odeur de café à l'horizon.
« Killian ? appela-t-elle. »
Regina resta en suspens, elle aussi. Seulement, la maison leur renvoya de nouveau ce silence pesant.
« Merveilleux, marmonna Emma en se frottant les yeux. »
Regina soupira, se leva à son tour, remit ses chaussures et attrapa sa veste.
« Il va falloir s'organiser. »
Emma hocha la tête.
« On devrait aller au Granny's en premier. On prend tout ce qu'on peut conserver. »
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Regina s'appuya contre le chambranle de la porte et observa Emma glisser une épingle dans la serrure, la langue tirée.
« Pour une fois que ce genre de don nous est utile.
_ Moi au moins, je sais entrer là où j'ai besoin d'entrer, répondit la blonde avec un demi sourire, concentrée sur le mécanisme. »
Regina croisa les bras sur sa poitrine, vexée.
« Ça veut dire quoi ça ? releva la brune.
_ Ça veut dire que si je n'avais pas été là, tu serais restée coincée dans ton grand manoir frigorifié, à réclamer des tagliatelles aux truffes.
_ Je suis une reine, répondit la brune en levant une épaule. J'aurais été prendre une bouteille de vin dans ma cave.
_ Et tu aurais donc fini torchée, à crocheter cette même serrure en ce moment même, sauf que toi tu n'y serais pas arrivée. »
Emma continua de forcer et jura en s'éloignant d'un pas, énervée. Regina leva alors les yeux au ciel et la poussa en arrière.
« Regina ne fait pas l'idiote, si je n'y arrive pas, alors ce n'est pas toi qui… »
La brune plissa les yeux dans le vide, et agita l'épingle quelques secondes avant d'entendre le clic caractéristique du verrou.
Regina se redressa alors lentement et se retourna vers une Emma bouche bée, et étrangement silencieuse.
Puis, elle lui ouvrit la porte et leva le menton. Emma passa devant elle, grognon.
« T'as juste eu de la chance, marmonna-t-elle. »
Regina retint un rire.
Lorsqu'elles entrèrent dans le dinner, la clochette tinta faiblement. L'intérieur baignait dans une lumière tiède filtrée par les stores. La poussière en suspension scintillait dans les rayons du soleil comme de la poudre d'or.
Les banquettes de skaï rouge étaient impeccables, les tables parfaitement alignées. Derrière le comptoir, le chrome des machines à café renvoyait des reflets métalliques. Pas de bourdonnement, pas de cliquetis mécanique, juste un silence épais.
Regina s'avança, puis ouvrit un placard derrière le comptoir qui grinça. Il n'y avait là que du café en poudre, du sucre et quelques sachets de thé.
Emma la dépassa et s'aventura dans la réserve, un peu plus loin. Une odeur de carton et d'épices sèches planait dans l'air. Les étagères croulaient sous les conserves, les paquets de farine, les bidons de sirop. Sur un crochet, un tablier de Ruby pendait encore, un stylo glissé dans la poche comme si elle venait de prendre une commande.
Emma se tourna et trouva un carton à moitié rempli de pots de mayonnaise. Elle en vida le contenu et s'empara de tout ce qu'elle pouvait trouver d'utile soient, quelques paquets de chips, des conserves de haricots, plusieurs kilos de pâtes et de la soupe à la tomate en brique. Il y avait aussi du pain de mie, trois pots de beurre de cacahuète et un de confiture de mure.
« Je déteste la mure, marmonna Regina. »
Alors, la reine sortit de la pièce et poussa la porte battante de la cuisine. L'air y était plus lourd, saturé de l'odeur de graisse refroidie et d'oignon rance. Un grand bac de vaisselle trônait encore dans l'évier, et deux assiettes tachées de sauce tomate montraient des traces de moisissure.
Regina les prit et grimaça avant de les reposer un peu plus loin. Elle ouvrit le frigidaire qui n'était même plus froid.
« Vaut mieux rien prendre, on sait pas depuis combien de temps c'est là. »
Regina sursauta lorsque la voix de la blonde vint glisser derrière son oreille. Elle se retourna un peu, puis plissa les yeux avant de lui envoyer un regard un peu noir.
Puis, son visage glissa un peu vers l'intérieur d'un autre carton où elle avait trouvé quelques tomates, une salade un peu flétrie, des bananes et un nombre étrangement élevé d'avocats.
« Sérieusement, qui avait besoin d'autant d'avocats ? soupira la reine.
_ Probablement Ruby. Elle est persuadée que tout est meilleur avec un toast à l'avocat, répondit Emma en haussant les épaules. »
La blonde reposa le carton un peu trop lourd sur le plan de travail. Regina attrapa les tomates et les inspecta une à une, comme si elle jugeait un lot pour un concours.
« La moitié est bonne à jeter. »
Emma leva les yeux au ciel. Pourtant, elles empaquetèrent le tout et laissèrent derrière elles la cuisine silencieuse et immobile. La porte battante se referma doucement, et le tintement métallique résonna un peu trop longtemps dans le vide du Granny's.
« Franchement, on va pas tenir cinq jours avec ça, murmura Emma, un peu stressée.
_ Emma, soupira la brune. Cette ville comprends au moins 2000 habitants. Nous sommes deux. Je suis sure qu'il y a de quoi survivre plus de trois ans si on se met à tout fouiller en profondeur. »
Regina soupira et reposa son carton sur le sol. Emma se retourna vers elle, un sourcil arqué.
« Qu'est-ce que tu fais ?
_ Je n'avais pas prévu de parcourir la ville de cette façon. »
Emma baissa les yeux vers la paire d'escarpins que la brune avait décidé d'enfiler et leva les yeux au ciel.
« Sérieusement Regina, dit-elle en reprenant la route. On est seule, pourquoi est-ce que tu t'es senti obligée de t'habiller comme si tu faisais un défilé chez Dolce&Gabbana ?
_ Ce sont des Louboutins, marmonna la brune en se pressant un peu plus pour la rattraper.
_ Et moi des Docs Martens, qu'est-ce que ça change ?
_ La différence doit être d'environ dix centimètres, ce qui me permet de te jauger à ma juste hauteur. »
Emma pouffa un peu. Puis, elle continua son chemin jusqu'à chez elle qui, heureusement, ne se trouvait pas très loin du restaurant. Elle ouvrit sa porte d'un coup de hanche et se retourna avant de cligner des yeux vers la brune.
« Qu'est-ce que tu as fais du carton ?
_ Je l'ai laissé dans la rue, j'en avais marre.
_ Regina… laissa trainer Emma.
_ Quoi ?
_ On doit vraiment garder ce qu'on peut, au cas où. »
Regina haussa une épaule, déjà en train de retirer ses escarpins pour les poser soigneusement près de l'entrée.
« Au cas où quoi ? Que les écureuils décident de se lancer dans le commerce illégal de soupe en brique ? »
Emma lui lança un regard incrédule, mais un coin de ses lèvres se releva malgré elle. Elle déposa son carton de provision sur la table. Pendant un moment, aucune ne parla.
Puis, Regina vint s'adosser au mur et regarda la blonde avec un peu plus d'inquiétude.
« Tu sais qu'à un moment donné, on va devoir trouver le moyen de se laver.
_ On chauffera de l'eau dans une casserole. »
La brune la regarda, incrédule. Emma leva de nouveau les yeux au ciel.
« Ça se voit que tu n'as jamais connu la galère, marmonna-t-elle.
_ Si. Une fois, j'ai eu une lubie, et j'ai suivi ta mère dans les bois en me faisant passer pour une paysanne. »
Regina se redressa un peu, puis réajusta son tailleur, mal à l'aise.
« Ça a été les pires 24 heures de ma vie. »
Emma rit cette fois, bien plus franchement. Elle s'éclipsa dans la cuisine et entama la préparation d'un repas sommaire. Lorsqu'elle revint dans le salon, elle trouva la brune assise sur le canapé, ses jambes repliés sous elle et ses pieds nus. Elle avait trouvé un papier et stylo et griffonnait quelque chose. En la voyant, Emma songea soudain que l'ambiance était rapidement devenue familière entre elles.
« Tu fais quoi ? demanda la sauveuse en arrivant près d'elle avec un saladier remplis de tomates coupés en quartier.
_ Une liste de livres à chercher dans mon caveau, et des ingrédients pour des potions éventuelles.
_ Tu as encore tes pouvoirs au moins ? »
Emma prit un léger recul et Regina leva la main. Elle se concentra, probablement pour y faire apparaître une boule de feu. Ses sourcils se froncèrent. Mais… rien.
Elle croisa alors le regard encore plus inquiet d'Emma.
Alors, Regina insista un peu plus… mais rien, toujours… Rien. Un silence lourd tomba entre elles.
Emma reposa le saladier sur la table, son sourire s'effaçant.
« Attends… pourquoi ça marche pas ? »
Regina, encore concentrée, finit par abaisser lentement sa main. Elle haussa les épaules avec une nonchalance forcée.
« Peut-être que la magie est suspendue, elle aussi.
_ Suspendue ? répéta Emma, la voix plus tendue. Regina, si on n'a plus de magie et plus personne… »
Elle s'interrompit, passant une main nerveuse dans ses cheveux. A son tour, Emma tenta quelque chose, mais rien ne se produisit… Ce qui, de toute façon, ne risquait pas d'arriver vu l'état dans lequel elle se trouvait.
Regina, au contraire, s'était redressée et observait la blonde avec une étrange sérénité.
« Emma. Nous avons survécu sans magie avant. Et regarde autour de toi : nous avons un toit, de la nourriture et de quoi tenir plusieurs jours.
_ Tu réalises qu'on est seules dans une ville entière, sans électricité, sans pouvoir, sans… chauffages, internet, sans rien ? souffla Emma, les yeux brillants d'angoisse.
_ J'ai déjà vécu pire, balança la brune. »
Emma prit prudemment place sur le canapé. Elle déglutit difficilement, et soupira en mettant plus loin le saladier.
« Ça m'a coupé l'appétit.
_ Hors de questions, trancha la brune. »
D'un geste, Regina reprit la cuillère que Emma avait abandonné et servit la moitié du plat dans son assiette.
« Tu vas manger, parce que nous n'avons rien avalé depuis le début de ce phénomène. Ensuite, nous feront des recherches pour essayer de comprendre. On fera un inventaire de tout ce qui pourrait nous être utile : médicaments, eau, bois de chauffe, briquets, trousse de premiers secours, vêtements, lampes de poches, bougies…. »
Regina regarda les tomates d'un air suspicieux et grimaça.
« Et… épices. »
Emma la regarda du coin de l'oeil et soupira.
« T'as oublié le vin, marmonna-t-elle. »
Regina hocha la tête et se tourna pour le noter sur son carnet, mais la blonde leva les yeux au ciel.
« C'était pour rire, lui rétorqua-t-elle. »
Regina hocha les épaules, puis se servit avec décontraction. Emma quant à elle, inspira profondément, et son rythme cardiaque ralentit peu à peu. Le poids sur sa poitrine ne disparut pas complètement, mais la présence assurée de Regina, si proche, suffisait à l'apaiser un peu.
xXx
Lorsqu'elles revinrent de la boutique de Gold, leurs sacs étaient plus lourds qu'au Granny's.
Emma les déposa bruyamment sur la table, secouant ses bras engourdis.
« Sérieusement, tu tiens vraiment à trimballer trois encyclopédies de 800 pages chacune ? »
Regina posa son sac avec beaucoup plus de soin.
« Je n'ai jamais entendu parler de ce genre de phénomène magique en dehors du sort noir. Nous n'aurions pas pu le subir deux fois, et encore moins uniquement toutes les deux. Des recherches sont donc nécessaires. »
Emma soupira. Elle sortit d'un autre sac une lampe tempête et deux briquets. Puis, elle retourna dehors pour prendre le carton qu'elle avait laissé dans l'entrée.
Dans celui-ci, pas de… couvertures poussiéreuse ou de grimoires. Uniquement des médicaments, des compresses et du désinfectant.
Emma aligna les boîtes sur la table comme un jeu de construction.
« Antibiotiques, antidouleurs, bandages… si on se coupe, au moins on se trimbalera pas trois jours avec une infection. »
Regina la regarda faire, puis pencha la tête.
« Tu sais, on devrait voir le bon côté des choses.
_ Quel bon côté des choses, marmonna la sauveuse.
_ C'est comme si on était dans Walking Dead. Mais sans les zombies. Et… sans un fou furieux qui nous poursuivrait avec une batte entourée de barbelées. »
Emma posa la dernière boite sur la table, puis se tourna vers Regina qui lui envoya un sourire innocent.
« Tu connais Walking Dead ?
_ Henry m'a fait regarder, approuva la reine en un hochement de tête. »
Emma resta silencieuse plusieurs secondes, à la fixer avant de se retourner pour tout ranger d'un air incrédule.
« Je crois que c'est l'image la plus bizarre que j'ai eue aujourd'hui. Toi, affalée devant la télé à regarder des zombies. »
Regina croisa les bras, vexée.
« Je ne m'affale pas. Et pour ta gouverne, c'était… instructif. »
Emma étouffa un rire.
« Instructif, vraiment ? Tu te voyais déjà en Rick Grimes ?
_ Pas vraiment. Je dirais même qu'il aurait bien eu besoin d'une reine plus compétente pour l'épauler. Tu vois, moi, par exemple, le gouverneur : je l'aurais tué avec une boule de feu, balança la brune fièrement. »
Emma se retourna, bouche entrouverte.
« Tu viens de dire que t'aurais pu diriger Walking Dead ? »
Regina haussa une épaule, faussement modeste.
« Je dis seulement que j'aurais fait mieux. »
Un silence suivit, puis Emma éclata de rire, cette fois franchement. Le son résonna dans la maison silencieuse et, contre toute attente, tira un mince sourire à Regina elle-même.
Emma riva ensuite son regard sur l'extérieur où le soleil commençait déjà à décliner. Elle frissonna dans sa veste et jeta un regard sur le bois qui partait un peu plus rapidement que ce qu'elle avait prévu.
Alors que Regina s'apprêtait à l'allumer, Emma l'arrêta d'un geste. Et la brune fronça les sourcils.
« Je pense qu'on devrait rationner.
_ Emma tu exagère. Je suis sûre que ça ne devrait pas durer trop longtemps.
_ Mais si c'est le cas, cela voudrait dire que l'on pourrait potentiellement passer un hiver ici.
_ J'ai froid.
_ J'ai des couettes et des plaids supplémentaires là haut. »
Regina soupira, lasse.
« Et je ferme la porte. »
Emma s'exécuta en allant chercher tout le nécessaire avant de lentement coulisser la porte du salon.
« Heureusement qu'on n'a pas été dans ton immense manoir, on serait déjà morte de froid. Comme Jack Nicholson dans Shinning.
_ Il est mort dans le jardin de l'hôtel, marmonna la brune.
_ Tu as aussi regardé Shinning ?! »
Regina leva les yeux au ciel. Elle se débarrassa de son manteau et retourna sur le canapé en s'enroulant dans un plaid.
« Ça a l'air si surréaliste pour toi, marmonna-t-elle. Tu sais qu'on peut faire plusieurs choses à la fois. Je ne suis pas toujours… obligée de rester dans mon salon avec un roman de Jane Austen tout en écoutant un morceau de Bach.
_ Je ne t'imaginais juste pas regarder des trucs aussi gores à la télé.
_ J'étends ma culture, rectifia Regina en étalant ses jambes. Tu devrais essayer. »
La blonde marmonna dans sa barbe. A son tour, elle se saisit de deux couettes et vint s'étaler sur le matelas qu'elle avait mis au sol. Il faisait encore plus froid ici.
Elles ne dirent rapidement plus rien.
La maison se plongea alors dans le silence.
Le vent gémissait parfois contre les vitres, mais le feu éteint laissait place à un froid sec qui s'infiltrait jusque dans leurs couvertures. Emma, roulée en boule sur son matelas improvisé, tremblait malgré la double couette. Elle serra les dents, les yeux fermés, persuadée que ça passerait. Mais rien n'y faisait : ses orteils étaient déjà gelés.
Un froissement de tissu la fit relever la tête. Regina, assise droite sur le canapé, rajustait pour la centième fois son plaid sur ses épaules, visiblement pas plus à l'aise qu'elle.
« Demain, on ira chercher du bois, marmonna Emma. »
Regina grogna, un peu mécontente.
« C'est idiot, je suis sure que des tas de maisons ont des buches.
_ Si ce n'est pas le cas, on le regrettera encore plus fort quand on aura passé un mois ici et qu'on sera en plein milieu du mois de décembre. Sous la neige. »
La brune soupira.
Emma elle, se retourna sur le dos, et frissonna car un vilain courant d'air passait sous la porte. Elle jeta tout de même un regard à Regina qui était légèrement au dessus d'elle et qui semblait contrariée. Emma s'enfonça un peu plus dans son oreiller de fortune, mais la sensation glaciale persistait. Elle frotta ses bras sur ses manches, en vain.
« On ne tiendra pas comme ça, reprit la reine d'une voix rauque. »
Emma la fixa longuement, sans répondre. Ses doigts jouaient nerveusement avec le bord du plaid, signe qu'elle hésitait. Finalement, elle se leva, le tissu tombant de ses épaules pour glisser derrière elle. Regina arqua un sourcil.
« Quoi ? demanda-t-elle, sur la défensive.
_ Ça va peut-être te paraître bizarre, concéda Emma, mais… je pense qu'on se sentirait mieux si je venais avec toi.
_ Tu veux dire, dans le même lit ? souleva Regina, le sourcil arqué.
_ Oui Regina, dans le même lit, répondit Emma en levant les yeux au plafond. »
Regina hésita un peu, perplexe.
« Si tu veux, on peut échanger de places, suggéra-t-elle d'une petite voix.
_ Ne sois pas ridicule, souffla Emma, je ne vais pas te manger.
_ Je sais, c'est juste que… »
Regina afficha une mine bizarre. Puis, elle se redressa un peu sur ses coudes pour fixer la blonde qui attendait, patiente.
« Je n'ai jamais véritablement dormi avec quelqu'un, ça me met mal à l'aise. »
Emma cligna des yeux, surprise.
« Jamais ?
_ Pas autrement que par obligation. »
Sa voix se fit plus basse, comme si elle regrettait déjà d'avoir parlé. Emma, elle, resta figée. Les dernières paroles de Regina résonnaient avec une gravité inattendue. Regina détourna le regard, fixant le vide.
« Ce n'est pas… la même chose. »
Emma se mordit la lèvre, le cœur serré. Lentement, elle se leva avec sa couette, s'approcha et s'assit au bord du canapé.
« Je comprends, souffla-t-elle. »
Regina leva un regard timide vers Emma qui lui accorda un très léger rictus.
« Ce n'est pas grave, affirma-t-elle. On va bien réussir à dormir au bout d'un certain moment. »
Regina observa la blonde retourner sur son matelas en sautillant sur place avant. Puis, elle continua d'hésiter, longtemps. Cela dura de nombreuses minutes, durant lesquels les jointures de ses mains lui faisaient un mal de chien à cause du froid, et aussi ses pieds qu'elles frottaient vainement entre eux.
La reine continua de jeter un regard vers Emma, une fois. Puis, deux.
« D'accord, murmura Regina en se tournant sur le flanc. »
Emma, roulée dans sa couette, avait les yeux mi-clos quand elle l'entendit.
Elle releva doucement la tête.
« Quoi ? souffla-t-elle, presque certaine d'avoir rêvé. »
Regina inspira profondément, les lèvres serrées, puis redressa un coin de son plaid.
« …D'accord, répéta-t-elle, cette fois un peu plus clairement, bien qu'à peine audible. Tu peux venir.
_ Tu es sure ? »
Regina hocha silencieusement la tête.
Le cœur d'Emma battit plus vite. Elle hésita à bouger, craignant de briser la fragilité du moment. Finalement, elle prit sa couette, se leva sans bruit, et se glissa doucement à côté de Regina, en veillant à garder une distance.
La chaleur était immédiate, presque trop soudaine après le froid mordant de la pièce. Emma retint un frisson et se cala maladroitement.
« Juste… ne bouge pas trop, souffla la brune, un peu stressée. »
Emma laissa échapper un petit rire discret.
« Promis. »
Un silence apaisant tomba. Leurs respirations se régulèrent, et Emma sentit peu à peu son corps s'alléger. Regina, elle, continuait de gigoter dans son coin, mal à l'aise.
Emma, avait enfin trouvé un semblant de chaleur et sentait déjà le sommeil l'envahir.
Pourtant, elle se tourna vers la brune, usée.
« Qu'est-ce qui a ?
_ J'ai mal aux pieds, marmonna-t-elle. »
Emma soupira, puis se mis sur le dos en grognant.
« C'est bon, je capitule.
_ Quoi ?
_ Je t'autorise à coller tes pieds glacés à mes jambes. Je suis habituée à être un radiateur humain. Je m'y ferais. »
Regina, après une brève hésitation, glissa lentement ses pieds sous la couette d'Emma. Le contact de sa peau glacée fit sursauter la blonde malgré elle.
Elle inspira vivement mais ne protesta pas. Regina, elle, laissa échapper un soupir étouffé de soulagement, presque imperceptible, ses traits enfin détendus.
Sans trop réfléchir, Emma pivota légèrement sur le côté, se rapprochant juste assez pour que la chaleur circule mieux entre elles. Pas un geste franc, juste ce qu'il fallait pour combler le vide.
Regina ne dit rien. Son corps cessa de bouger, ses épaules se relâchèrent, et ses yeux se fermèrent peu à peu.
La pièce resta silencieuse, si ce n'était le vent dehors et le souffle désormais régulier des deux femmes, si proches que leurs respirations se mélangeaient presque.
Chapter Text
Chapitre 3.
Le lendemain, Emma ouvrit un œil avec difficulté. La lumière déjà haute filtrait par les rideaux du salon, plus vive qu'elle ne l'aurait cru. Son cerveau mit un instant à comprendre : elles avaient dormi bien plus tard que prévu.
Et surtout… elle n'était plus du tout de son côté du canapé.
Elle était collée à Regina. Littéralement.
Sa joue touchait presque l'épaule de la brune, et son bras, sans qu'elle sache comment, s'était glissé contre elle. La chaleur partagée de la nuit avait fini par les rapprocher naturellement.
Emma osa à peine bouger. Son cœur battait trop vite pour un simple réveil, et elle sentit un léger parfum, mêlé à celui du plaid encore imprégné de froid. Regina, elle, semblait toujours dormir, les traits étrangement paisibles.
Un instant, Emma songea à bouger. Mais la tiédeur était trop agréable, et l'idée de replonger dans le froid du matin lui arracha un frisson rien qu'à y penser. Alors elle soupira, et se laissa retomber dans l'oreiller.
Regina, de son côté, remua légèrement, mais ne s'écarta pas. Elle venait de se réveiller, tout doucement.
Emma s'attendait à voir la brune se redresser d'un bond, se recomposer aussitôt, peut-être même lui lancer une pique gênée. Mais non. A l'inverse, Regina se rapprocha d'elle en un soupir d'aise et se blottit dans son oreiller.
Emma esquissa un sourire discret. Elle n'aurait jamais imaginé Regina… comme ça. Paresseuse, détendue, profondément installée dans une grasse matinée. Rien à voir avec l'image de la maire psychorigide, tirée à quatre épingles, qui ne supportait pas la moindre poussière.
« Quelle heure il est, marmonna Regina.
_ 10 heures.
_ Bien, lâcha la brune en se blottissant. Il n'est donc pas encore assez tard pour que j'ai honte de sortir de ce lit. »
Emma écarquilla les yeux.
« … T'es sérieuse ? »
Regina ne bougea pas d'un pouce. Un soupir de contentement lui répondit. Regina s'étira langoureusement, sans même se décoller. Ses pieds glacés vinrent chercher la chaleur d'Emma avec une audace déconcertante.
« Je déteste me lever tôt, marmonna-t-elle.
_ Attends quoi ?
_ Les matins. Je les hais. C'est trop lumineux. Et trop bruyant.
_ Regina Mills, la femme qui adore les grasses matinées… je rêve. »
Emma entama un geste pour sortir, mais Regina la retint en un gémissement faible.
« Reste tranquille, tu bouge trop. »
Sa voix était rauque, encore engourdie de sommeil.
« On doit aller chercher du bois, répondit la blonde. »
Un grognement lui répondit.
« Tu es chaude, argumenta la reine, les paupières closes. Tais-toi. »
Emma leva les yeux au ciel.
« Hier, tu m'as fais tout un discours sur le fait que tu n'avais jamais dormi avec qui que ce soit, j'avais presque honte de m'incruster et là, tu me colle en me disant de me taire ? »
Regina grogna encore, à moitié endormie.
« Oui. Maintenant dors. »
Emma soupira en fermant les paupières. Pour être honnête, elle se sentait encore fatiguée. Et la brune collée à elle dégageait une sorte de sérénité contagieuse.
Alors, elle s'assoupit une nouvelle fois. Une heure. Puis, elle ouvrit un oeil et soupira en voyant que sa montre lui renvoyait onze heure du matin.
« Regina… soupira Emma, lasse.
_ Encore cinq minutes. »
xXx
Emma tirait comme une dingue sur cette fichue brouette qu'elle avait trouvé dans le jardin de Marco. Elle était tombée sur sa réserve de bois, entre autre et avait remercié sa prévoyance. Bien sûr, il faudrait assurer un paquet d'aller-retour, mais elles devraient être tranquille durant un petit moment.
Emma avait bien fait ses calculs, à compter d'environ 4 buches par soir. Maximum.
Regina elle, s'était plutôt portée volontaire pour rassembler plusieurs tas de vêtements propres. Emma redoutait presque ce qu'elle lui réservait.
Elle craignait qu'elle n'arrive avec sa collection entière de tailleurs. Emma empaqueta alors les derniers morceaux de bois qui était empilé dans le fourgon du bricoleur. Elle avait trouvé son jeu de clés dans sa cuisine.
Lorsqu'elle démarra le moteur (difficilement), celui-ci cracha une vilaine fumée noire. Le lecteur CD lui, renvoya un vieux morceau des années 70 qui la fit sursauter. Emma mit moins de quinze minutes à arriver jusque chez elle. Lorsqu'elle gara le fourgon tout près de son garage, la blonde appuya sur le bouton expulser du lecteur radio et en sortit un CD qu'elle détailla. Il n'y avait écrit que « compil » au feutre noir dessus.
« Tu veux de l'aide ? »
Emma sursauta, puis posa sa main sur sa poitrine. Regina venait de s'accouder près de la fenêtre ouverte de la portière. Enfin, la blonde réalisa qu'elle avait attaché ses cheveux en arrière à l'aide d'une pince. Quelques mèches rebelles retombaient ainsi sur son visage.
« Tu m'as fais peur, marmonna Emma.
_ C'est parce que tu étais trop concentrée sur cette chose.
_ Sérieux, mais qui fait encore des compile en 2025, lança Emma en montrant le CD qu'elle tenait entre deux doigts.
_ Probablement quelqu'un qui ne passe pas ses journées à râler, répliqua Regina, pince-sans-rire. »
Emma tira sa langue dans son dos, mais Regina ne remarqua rien.
Ses yeux glissèrent vers le tas de bûches.
« Je suppose que ça devrait suffire. À condition que tu ne joues pas à la pyromane. »
Emma roula des yeux.
« Merci pour la confiance. »
La blonde ouvrit alors sa portière pour descendre du fourgon. Elle tapota ses mains pour se débarrasser de la poussière qui lui restait. Elle ouvrit la bouche, pour demander quelque chose à la reine, puis s'arrêta net.
Débarrassée de se sempiternel tailleur, la brune avait revêtu un jean brut dans lequel elle avait rentré une grande chemise.
« Quoi ? demanda-t-elle soudain.
_ Non, c'est juste, bafouilla Emma en descendant son regard sur elle. »
Regina leva les yeux au ciel, avant de croiser les bras sur sa poitrine.
« Je suppose que je devrais m'excuser de ne pas avoir revêtu ma robe de soirée pour transporter des sacs de linge ?
_ Non, répondit Emma en pouffant un peu. C'est juste… bizarre.
_ Je me doutais que tu ne tiendrais pas cinq minutes avant de faire une remarque. »
Emma ne put s'empêcher de pouffer un peu plus. A sa surprise, Regina contourna le véhicule pour détacher l'arrière et prendre une buche dans ses mains.
« Figure toi que j'ai du aller dans la garde robe de Ruby. »
Puis, elle posa lourdement le bois dans les bras d'Emma qui leva les sourcils.
« Ruby, gronda Regina. Non, mais tu imagine ? »
Emma réalisa qu'elle avait déjà vu la louve porter cet ensemble et ricana. Regina la contourna et la fusilla du regard en lui marmonnant un « tais-toi » qui n'eut aucun effet.
« Au moins, il n'y avait pas que des mini jupes, c'est rassurant, rétorqua Emma en commençant à déposer plusieurs buches dans le salon.
_ Non, tu pense ! Je les ai toutes gardés pour toi ! »
Emma rétorqua un « ha ha » peu enthousiaste. Elle était plutôt rassurée que Regina arrête de se cantonner à ses vêtements hors de prix au vu du contexte.
Elles mirent plusieurs heures à tout ranger et s'écrasèrent dans le sofa, éreintée. Regina soupira, et se recoiffa maladroitement en balayant une fois encore ses cheveux qui tombaient sur ses yeux.
Regina fixa les flammes qu'elles avaient démarré dans l'âtre, l'air ailleurs.
« J'ai envie d'une raclette, balança-t-elle sans broncher. »
Emma éclata de rire.
« On a les cornichons, au moins, souleva-t-elle.
_ On ira loin avec ça, soupira Regina.
_ Je vais faire chauffer une soupe.
_ Merveilleux. Une soupe. »
Emma partit dans la cuisine et un sourire idiot ne décollait pas de son visage.
Un jour passa de cette façon. Puis, un second… Un troisième, et ainsi de suite, jusqu'à trois semaines. Lorsqu'elles franchirent la barrière d'un moins, Emma se sentait juste à bout de nerfs.
La « survie » avait rapidement laissé place à la lassitude, puis à l'ennui. Un ennui… terrible. Emma devenait tout bonnement folle. Elle s'était même mise à parcourir les BD de Henry, à dévaliser les rayons de la bibliothèque, fouiner chaque maison, mais sans électricité, elle se mit vite à tourner en rond.
Regina ne disait rien de plus pour ne pas enfoncer le clou, mais elle virait complètement folle elle aussi. Pour passer le temps, elle s'était même mise à lire le manuel d'utilisation de la centrale électrique, dans l'espoir de pouvoir faire quelque chose. En vain.
C'est durant une soirée où Regina servit une énième soupe qui sentait foutrement l'ail que la sauveuse craqua.
« Pour l'amour du ciel, dis-moi que tu as trouvé un jeu de cartes quelque part, couina Emma en retomba sa tête dans ses jambes. »
Regina cligna des paupières avant d'arriver près d'Emma. Elle posa lentement la casserole sur la table basse.
« J'ai trouvé des notices d'aspirateurs et un guide sur l'élevage des pigeons. »
Emma grogna, à bout.
« Et tu les as lu ?
_ Deux fois. »
Le silence s'installa, lourd, seulement brisé par le clapotis de la cuillère contre la porcelaine. Emma soupira, puis d'un geste brusque, elle posa son bol.
« J'ai besoin d'un verre. »
Regina la scruta comme si elle venait d'annoncer qu'elle allait ouvrir un karaoké au cimetière.
« J'ai bien des bouteilles chez moi, mais je doute vraiment que ce soit une bonne idée, marmonna la brune.
_ Pourquoi ? Tu comptes aller bosser demain matin et assumer une gueule de bois devant tout le conseil municipal ?
_ Non, souffla Regina en détournant le regard.
_ Le seul souci, c'est que je déteste le vin.
_ C'est tout ce que j'ai.
_ Je crois que j'ai vu une bouteille de vodka trainer chez Granny's.
_ Tu ne vas quand même pas boire ça comme ça, marmonna Regina.
_ Je pourrais faire des mélanges, balança Emma, le regard fixé sur le mur. »
Quelques minutes plus tard, la cuisine ressemblait à un champ de bataille. Des bouteilles éventrées trainaient partout, des verres ébréchés s'accumulaient et une boîte de cornichons à moitié vide trônait au milieu de la table. Emma touillait un mélange verdâtre avec un air triomphant sous le regard plus que méfiant de la reine.
« Tadaaam ! balança la sauveuse en levant son verre au liquide douteux dans les airs.
_ On dirait de la potion de grenouille, répondit Regina d'un ton monocorde.
_ Exactement ! répondit Emma avec toute la fierté de l'univers. Tiens, goute. »
Regina prit une gorgée, et son visage se contracta aussitôt dans une grimace inhumaine.
« C'est… infâme ! »
Emma leva les yeux au ciel. Elle lui prit des mains le verre et le porta à ses lèvres avant d'être prise d'un très très violent frisson d'horreur.
« Ok, d'accord. »
Regina leva les sourcils.
Elles finirent par enchaîner les mixtures les plus absurdes, du jus de cornichons à la liqueur d'orange, au lait concentré à la bière en passant par le soda vanille-vodka-cannelle. Emma touillait désormais un mélange marronâtre avec une paille.
« Sérieux, il est presque buvable celui-là. »
Regina prit une gorgée et faillit recracher.
« Presque ? Tu te fiches de moi ? C'est pire que la fois où ta mère a cru bon de s'encanailler dans ce bar sordide ! »
Emma éclata de rire d'un coup sec.
« Oh mon dieu, j'avais oublié.
_ Elle a vidé un seul verre et elle a manqué de balancer cette foutue fléchette dans la tête de ce viking. J'ai cru que j'allais la tuer. »
Regina soupira. Emma, elle, resta silencieuse. Elle se contenta de la fixer, longtemps, avant que la brune ne remarque son état de choc.
« Qu'est-ce que j'ai dis encore ? soupira-t-elle.
_ Des flechettes, murmura Emma. »
Un déclic passa dans le regard d'Emma. Son visage s'illumina, elle bondit de sa chaise. Avant que Regina ne puisse demander quoi que ce soit, la blonde attrapa sa veste et fila vers la porte.
« Mais qu'est-ce que tu fais encore ?! grogna Regina en la suivant.
_ Il y a un jeu de fléchette au Rabbit Hole ! »
Regina resta figée une seconde dans l'encadrement de la porte, son bol de soupe encore à la main, l'air catastrophé.
« Emma, reviens ici tout de suite ! On ne va pas piller un bar pour un jeu de fléchettes !
_ Trop tard, cria Emma, déjà dans l'allée.
_ Mais il fait nuit !
_ Et alors ?! Tu pense franchement qu'on risque une mauvaise rencontre ? »
Regina leva les yeux au ciel, posa son bol sur la rambarde et, contre toute attente, courut derrière elle.
La clochette du Rabbit Hole tinta faiblement quand Emma enfonça la porte. L'intérieur sentait le renfermé et les chaises étaient encore renversées sur les tables. Une petite couche de poussière recouvrait le bar.
« Voilààà ! lança Emma, fière, en s'emparant de cible de fléchettes accrochée au mur. »
Regina, derrière elle, serra les bras contre sa poitrine.
« Tu réalises que c'est du vol, n'est-ce pas ?
_ Du vol ? Sérieusement, Regina ? Y'a plus personne ! Et tu as un t-shirt qui m'appartient sur le dos.
_ C'est différent, nous… survivons.
_ Et ça, c'est de la survie pour mes nerfs, répondit la sauveuse. »
Emma attrapa la boîte de fléchettes et l'ouvrit.
« Et puis, détends-toi. C'est pas comme si Leroy allait surgir pour me demander un reçu. »
Regina ouvrit la bouche pour répliquer, mais Emma lui fourra une fléchette dans la main.
« Allez, fais pas ta rabat-joie. »
La brune plissa les yeux, exaspérée, mais finit par céder. Elle ajusta son tir… et planta la fléchette pile au centre.
Emma resta bouche bée.
« T'as triché.
_ Avec quoi, exactement ? La gravité ? répliqua Regina, un coin de sa bouche s'étirant malgré elle. »
Emma ramassa une autre fléchette, fit mine de viser sérieusement… puis la lança n'importe comment. Elle rebondit sur le mur et alla s'écraser dans un verre vide.
« Affligeant, répondit la brune en levant les yeux au plafond.
_ C'est pas du tout affligeant, protesta Emma, déjà en train de ramasser une bouteille. Tiens, regarde ! Nouveau jeu : qui touche le plus de trucs dans la salle.
_ Emma, non ! s'indigna Regina. »
Mais Emma avait déjà lancé la bouteille qui explosa sur une cible improvisée.
« Tu es complètement folle, s'écria Regina, indignée. Je suis sure que c'est cet alcool débile qui t'es monté à la tête !
_ Mais…
_ Donne-moi ça, gronda la brune. »
Puis, elle se saisit de la cible et des fléchettes.
« On rentre, et peut-être… je dis bien, peut-être qu'on mettra ça dans le salon. »
xXx
Le lendemain après-midi, le ciel était d'un bleu délavé, et le lac de Storybrooke était d'une tranquillité irréelle. Emma, debout sur un petit ponton, fixa une embarcation sommaire attachée avec une petite corde.
« Ça tient encore debout, tu crois ?
_ C'est une barque, Emma, pas une fusée. Monte. »
Regina s'installa avec une élégance surprenante sur une planche de bois bringuebalante. Emma, elle, faillit passer par-dessus bord en essayant de la rejoindre, arrachant un ricanement à la brune.
Elles ramèrent en silence quelques minutes. Le clapotis régulier des rames contre l'eau emplissait tout l'espace.
Regina souffla et rassembla ses genoux contre elle en regardant le paysage. Il faisait un peu froid, alors elle avait prit son manteau en laine et une grosse écharpe. Emma elle, portait ce bonnet beige sur la tête et des mitaines aux mains.
« C'est chouette ici, lâcha Emma en un sourire satisfait.
_ Oui, je n'étais pas venue depuis longtemps, murmura la brune.
_Tu sais que j'adorais faire ça, quand j'étais gamine ? lâcha Emma en laissant les rames pour se laisser porter par l'eau. Enfin… quand j'avais de la chance d'être dans une famille où ils avaient un lac.
_ Moi aussi, répondit Regina après une courte pause. Mais seulement quand j'avais le droit de m'en approcher. C'est à dire pas très souvent. »
Emma releva la tête, surprise.
« Attends… toi aussi ?
_ Ma mère trouvait ça « trivial ». Je n'avais pas à perdre du temps dans des activités enfantines. Alors, je m'asseyais parfois au bord du puits du jardin, et je m'imaginais sur un lac. Libre. Loin d'elle.
_ C'est drôle, je faisais exactement la même chose, avoua-t-elle. Enfin, pas avec un puits… j'étais plutôt sur un toit d'immeuble. Je grimpais là-haut et j'imaginais que je pouvais m'échapper. Prendre une voiture et rouler droit devant. »
Emma laissa son regard se perdre dans le vide, puis plissa les yeux.
« Comme Batman. »
Regina gloussa malgré elle. Elle continua de regarder autour d'elles et soupira d'aise, cette fois. Emma lui jeta toutefois un regard en biais en la voyant souffler entre ses mains pour les réchauffer.
« Je t'avais dis de prendre mes gants. »
Regina marmonna dans sa barbe. Emma elle, retira ses mitaines et les lui tendit.
« Merci, souffla la brune.
_ Alors à ton tour.
_ Quoi ?
_ Raconte moi ta confession honteuse. »
Regina roula des yeux, mais céda.
« J'ai… un faible pour les chips au vinaigre. J'en mange jusqu'à en avoir la langue brûlée. »
Emma grimaça.
« Répugnant. »
Elles rirent ensemble, et le son résonna étrangement au-dessus du lac désert. Puis, plus doucement, Emma reprit.
« Si tu pouvais… je sais pas, tout quitter, aller n'importe où… tu choisirais quoi ? »
Regina mit un long moment avant de répondre. Elle s'appuya sur ses mains en arrière et laissa son regard se plonger dans le ciel, en pleine réflexion.
« Une maison. Simple, sans voisins, avec un jardin. Et un immense arbre, avec un banc en dessous pour m'asseoir sans rien faire. Je veux quelque chose d'insignifiant.
_ Sérieux ? réagit la sauveuse, un sourcil arqué.
_ Pourquoi pas ? Mon manoir est trop grand et je ne te parle même pas des châteaux. Je n'ai jamais aimé ça.
_ Eh bien, c'est pas… vraiment une réponse à laquelle je m'attendais. »
Regina laissa échapper un sourire en coin. Elle s'avança et reprit une position plus confortable.
« Tu pensais que je voudrais une île privé avec serviteurs ? demanda-t-elle, moqueuse.
_ Un peu, plaisanta Emma. Je t'aurais plutôt vue genre… tour de verre, gratte-ciel, limousine, champagne au petit-déj' et vin blanc et huitres tous les soirs. »
Regina éclata d'un rire bref, presque nerveux.
« Eh bien, tu vois comme les apparences sont trompeuses. Et pour ta gouverne, je déteste les huîtres. »
Emma resta silencieuse un instant.
« Moi, j'aurais choisi une maison aussi, souffla-t-elle. Mais pas seule. »
Regina la regarda du coin de l'œil, intriguée. Puis, elle s'avança sur sa place.
« Après, on devrait aller à l'agence immobilière de Storybrooke, murmura la reine.
_ Tu veux acheter une maison avec moi ? la questionna Emma en levant la tête, un sourire amusé sur le visage.
_ C'est l'avantage d'être ici, on peut emménager où on veut sans avoir à demander de prêt à la banque. »
xXx
Emma avait trouvé un carnet d'adresses planqué dans un des tiroirs de la seule et unique agence de la ville. Ils avait dix maisons à vendre, ni plus, ni moins.
Alors, Regina avait du l'aider à éplucher le plan entier de la ville pour se repérer. Emma poussa la porte grinçante de la première maison, une petite bicoque coincée entre deux rues désertes. La poussière volait dans les rais de lumière.
« Bienvenue dans votre futur foyer, déclara-t-elle d'un ton solennel en brandissant la note d'adresse comme si c'était un parchemin officiel. »
Regina soupira et croisa les bras.
« C'est minuscule.
_ Pas du tout, c'est… cosy. »
Regina pouffa en la regardant en coin. Emma s'avança et écarta les bras au beau milieu du salon.
« Vous avez ici un magnifique espace de vie ouvert, dit Emma en désignant la pièce minable. Parfait pour… installer notre canapé.
_ Notre canapé ? répéta Regina en levant un sourcil.
_ C'est pour la mise en scène, murmura Emma. »
De nouveau, Regina gloussa et s'avança un peu plus.
« Il va prendre la moitié de la pièce, soupira-t-elle.
_ Mais non, nia Emma d'un air faussement dramatique. Ok alors imagine : toi, moi, un plaid ridicule, Netflix… bon, ok, pas Netflix vu qu'on n'a plus d'électricité, mais l'idée est là. »
Elle fit un geste théâtral en direction de l'unique fenêtre.
« Et quelle luminosité ! »
Regina rit et s'avança vers l'endroit qui donnait sur la rue, ainsi que le jardin des voisins.
« On visite l'autre ?
_ On visite l'autre. »
La deuxième adresse les mena dans une rue encore plus silencieuse que la première. La maison, un peu plus grande, avait des volets qui battaient doucement au vent et une odeur de renfermé dès qu'Emma força la porte.
Elle leva aussitôt les bras comme si elle présentait un palace.
« Et voici… la demeure de vos rêves ! »
Le plancher grinça sous leurs pas. Emma visita avec elle et glissa un regard sur un escalier.
« Oh, un grenier. Parfait pour ranger ta garde-robe.
_ Tu n'as aucune idée de la taille de ma garde-robe. Un grenier entier ne suffirait pas. »
Emma la fixa, un sourire en coin.
« T'es en train de me dire que tu veux qu'on cherche une maison avec dressing ?! Que veut-tu qu'on en fasse dans ce monde où tu ne porte que des jeans et des t-shirts ?
_ Maintenant que tu le dis, il me semble qu'une cheminée minimum est indispensable.
_ Ouaip. Effectivement, tu marque un point. Ok rien ne sert de s'attarder ici alors. »
Regina hocha la tête et suivit la blonde jusqu'à la troisième adresse. Le soleil commençait sa lente déclinaison et pour une fois, elles n'avaient pas passé la journée à se ronger les ongles en regardant les aiguilles de leur montre tourner.
La troisième maison se trouvait à l'écart, tout au bout d'une rue bordée d'arbres. La maison était plus grande que les deux précédentes, mais sans ostentation. Le portail de bois grinça à leur arrivée.
Emma le poussa, révélant un jardin en friche. Alors elle s'avança, déjà prête à lancer une nouvelle tirade, mais s'arrêta nette.
« … Oh. »
Regina, sur ses talons, leva les yeux. Son souffle se suspendit. À l'ombre d'un immense tamaris, un vieux banc de pierre les attendait, couvert de mousse. Exactement comme elle l'avait décrit la veille.
Emma la regarda du coin de l'œil, puis reprit son rôle, mais sa voix s'était faite moins théâtrale, plus sincère.
« Alors, imagine… Ici, le banc sous cet arbre. On pourrait boire un café le matin, juste là.
_ On ? releva Regina, un sourcil arqué.
_ Bah oui, c'est la règle du jeu. C'est censé être notre maison, non ? »
Regina secoua la tête, mais ses lèvres tremblaient d'un sourire discret.
« Très bien. Alors… ce serait moi qui m'occuperais du jardin. Avec de vraies roses.
_ Et je te le laisse volontiers. Pour ma part, tout ce que je touche en terme de plantes meure instantanément, je sais pas du tout y faire, malgré tous les efforts de ma mère.
_ Je t'apprendrais, murmura la brune en attardant son regard autour d'elles. »
Emma laissa échapper un léger sourire discret, et un peu touché devait-elle avouer.
Lorsque la sauveuse ouvrit la porte d'entrée, elle fit face à une première cheminée, dans le salon. Puis une autre dans la salle à manger. Regina la suivit et sourit de satisfaction.
« Moi je prends la cuisine. Enfin… quand je dis "cuisine", ça veut dire "brûler des trucs jusqu'à ce que ça ressemble vaguement à de la nourriture".
_ Super, lâcha Regina en un souffle. Tu viens de ruiner notre belle maison imaginaire.
_ Pas du tout, protesta vivement la blonde. T'as pas envie de planter des trucs toute la journée et boire une soupe en brique dans une tasse sur ce banc avec moi pendant que le soleil se couche ?
_ Une soupe en brique, mon rêve, murmura Regina. »
Elles montèrent l'escalier branlant, leurs pas résonnant dans la maison vide. Emma poussa une porte au hasard.
« La chambre principale ! annonça-t-elle.
_ Il y a une cheminée, souleva Regina.
_ Super ! On pourrait y mettre… je sais pas, un lit immense. Genre tellement grand que même si tu me vires au milieu de la nuit, j'aurai encore de la place. »
Elles passèrent dans une petite pièce attenante. Regina s'arrêta devant la fenêtre.
« Celle-là ferait un bureau parfait. Vue sur le jardin. Et le tamaris. »
Sa voix avait perdu toute ironie. Emma la regarda en silence, touchée.
« C'est officiel, déclara la blonde avec un sourire doux. C'est notre maison.
_ Tu es ridicule, murmura Regina… mais elle ne quittait plus la fenêtre des yeux. »
Emma s'avança puis, appuya son dos sur le mur en croisant les bras sur sa poitrine tout en fixant la brune.
« Quoi tu veux continuer à squatter mon salon ? Avoue qu'ici, il y aurait bien plus de places et de choses à faire.
_ On est assez éloignée du centre ville, souffla Regina.
_ On a toujours la fourgonnette de Marco. Et puis, je comptais chercher une moto quelque part, j'ai toujours voulu apprendre.
_ Une moto ?! »
Emma hocha la tête avec un sourire bête sur le visage. Regina elle, soupira.
« On aura qu'à prendre des meubles, on a toute la ville pour faire notre shopping, ironisa Emma. Ça nous occupera. Et ça nous permettra de nous rendre compte qu'on se supporte pas et que nos gouts ne sont pas en concordances. Comme ça, on s'engueulera. Tu sais ? Comme les couples qui font leur shopping à Ikea. »
Regina rit un peu.
« D'accord, très bien. Tu m'as convaincu.
_ C'est vrai ? demanda Emma, son regard s'illuminant.
_ Ça fait bien trop longtemps qu'on ne s'est pas disputé, je commence à trouver ça inquiétant. »
Chapter Text
Chapitre 4.
Le soleil tapait sur l'asphalte désert. Une vieille décapotable bringuebalante filait au milieu de la rue principale, ses roues soulevant la poussière. À l'intérieur, Emma tenait le volant d'une main, l'autre battant le rythme sur la portière. La vieille compil de Marco hurlait à plein volume dans les enceintes, saturées mais tenaces.
À côté d'elle, Regina n'était même plus assise : la moitié de son corps dépassait de la fenêtre de toit. Elle était quasiment debout sur le siège, les cheveux fouettés par le vent. Le refrain tonitruant de The Chain secouait la vieille voiture. Regina se laissa emporter par les instruments. Ses bras ondulèrent comme une véritable hippie et ses jambes se balançaient avec une énergie inattendue.
Emma, au volant, éclata d'un rire franc. Mais bientôt, son regard se fixa. Ses yeux glissèrent sur les jambes de Regina, qui bougeaient en cadence, légères, presque insouciantes. C'était ridicule et gracieux à la fois, tellement loin de l'image parfaite et figée qu'elle avait toujours donnée.
Emma sentit son cœur se serrer un instant. Elle releva lentement la tête, et son regard croisa le profil de Regina, ivre de musique, les cheveux en bataille. Un sourire immense naquit sur les lèvres de la blonde, mais aussi sur celles de Regina qui baissa sa tête vers elle. Elles se fixèrent un bref instant, avant de continuer à chanter en riant.
Lorsqu'elles arrivèrent sur Main Street, Emma fit un dérapage et s'arrêta en plein milieu de la place. Elle sortit par la portière en laissant les clés sur le contact. Regina elle, passa par dessus la fenêtre et sortit par le toit. Elles venaient de faire juste un léger détour dans une supérette afin d'y chercher d'autres vivres.
Avant que Regina ne franchisse la porte d'un pas sautillant, Emma la tira par le bras et l'entraina dans une danse improvisée. La brune rit aux éclats en se laissant porter pendant qu'Emma la faisait tourner au beau milieu de la rue.
Puis, sans prévenir, la vieille sono de la voiture grésilla. Le CD passa à la piste suivante, et lorsque les premières notes de l'été indien de Joe Dassin envahirent la rue, Emma s'arrêta en levant aussitôt les yeux au ciel.
« Oh non, mais sérieusement ! Il y a quarante morceaux, et de tous, Marco a choisi ça ?! »
Regina tira sa prise sur la main d'Emma et, sans prévenir, se mit à chanter en français approximatif, la fixant droit dans les yeux.
« Tu sais, je n'ai jamais été aussi heureuse que ce matin-là… »
Emma éclata de rire. Elle la traîna ainsi jusque devant les vitrines poussiéreuses du supermarché, fredonnant de plus en plus fort, comme si c'était un concert improvisé rien que pour elles. Sans réfléchir, la brune fourrait dans un sac des conserves qui passaient par là en sifflotant. Elle balançait sa tête en rythme. Emma riait, la suivant sans résister. Puis, sur un coup de tête, elle glissa derrière elle.
Emma pressa ses bras autour de sa taille et se colla à son dos, sa bouche près de son oreille.
« On ira où tu voudras, quand tu voudras, lui chantonna-t-elle alors que Regina se contentait de glousser. Et l'on s'aimera encore, lorsque l'amour sera mort… »
Regina éclata d'un rire franc, secouée par la chaleur et l'absurdité de la scène. Pourtant, elle ne bougea pas. Ses épaules vibraient encore de son rire, mais elle se laissa aller, un instant, au balancement qu'Emma imposait, leurs pas glissant lentement entre les rayons déserts.
Regina se retourna et glissa ses bras dans son cou en la fixant, sans se défaire des paroles. Elles souriaient, sans doute comme deux idiotes avant que Emma ne l'entraine dans un slow absurde, la faisant tourner autour d'elle et lui prenant la main pour la guider.
Le refrain se calmait dans les enceintes de la voiture restée dehors. Pendant une seconde, il n'y eut plus que le souffle court d'Emma et le regard de Regina accroché au sien.
« Je te jure… si je revois Marco un jour, je lui fais avaler sa playlist entière, murmura Emma. »
Regina eut un petit rire, bas, étouffé. Elles restèrent ainsi un instant encore, suspendues, avant que Regina ne desserre doucement ses bras autour de son cou.
« On devrait finir les sacs, il est tard. »
Emma acquiesça. Elle recula d'un pas, attrapa une boîte de conserve au hasard et la jeta dans un sac pour se donner bonne conscience.
Quand elle releva la tête, Regina la regardait toujours avec ce sourire discret, presque complice, comme si elles partageaient un secret que personne d'autre ne comprendrait.
« Tu imagine, si on n'entends plus que ces trucs jusqu'à la fin de nos jours, souffla Emma. Grease, les Bee Gees, Dirty Dancing, et Joe Dassin.
_ Je te trouve bien défaitiste, souleva Regina, amusée.
_ Ça fait quand même trois mois qu'on est ici, murmura la blonde. »
Regina haussa les épaules, comme si ça n'avait aucune importance.
« Ça ne t'inquiète pas ? demanda Emma, tout bas.
_ En réalité, je ne me suis jamais senti aussi bien, laissa sortir Regina, presque malgré elle. »
Puis, la reine s'arrêta au milieu d'un rayonnage. Elle se tourna lentement vers Emma en grimaçant.
« Désolée… Je… ne parle que de moi, alors que toi, tu as quelqu'un qui t'attends. »
Emma haussa une épaule à son tour, puis lui sourit avec sincérité.
« Et alors ? »
Regina cligna des yeux, comme si elle n'attendait pas une réponse aussi simple. Elle hocha vaguement la tête, puis reprit sa marche, laissant Emma souffler lentement avant de la suivre.
Elles rentrèrent un peu plus tard ce jour là. Lorsqu'elles poussèrent la porte de la maison, l'intérieur ressemblait à espèce de mélange, étrange et pourtant, bizarrement harmonieux. Le bureau massif de Regina, récupéré à la mairie, trônait là haut, à l'étage. La table de l'ancien appartement de Snow occupait le centre de la salle à manger, entourée de chaises dépareillées venues du Granny's. Quelques tableaux égayaient les murs défraîchis.
Il y avait aussi ce fameux canapé clic clac récupéré du salon d'Emma, et quelques petites choses insignifiantes, entre les couverts de la brune et les assiettes du salon de thé trônant dans un vaisselier.
Emma lâcha son sac de provisions sur le plan de travail de la cuisine et commença à ranger les boîtes dans les placards. Regina, après avoir posé son manteau, vint l'aider, alignant méthodiquement les conserves. Pendant un moment, elles travaillèrent en silence, le bruit des boîtes contre le bois donnant un rythme étrange à la pièce.
« Tu sais… »
Regina se tourna vers Emma, curieuse en penchant la tête. Mais la blonde continuait de ranger les provisions, imperturbable.
« La colocation avec Killian… Ça n'a jamais ressemblé à ça. »
Regina fronça les sourcils, intriguée. Emma haussa une épaule en rangeant une dernière boîte.
« On n'a jamais eu… ce genre de simplicité. Rire pour rien. Mélanger des meubles. Inventer une maison à deux. C'était… jamais ça. »
Elle referma doucement le placard et posa sa main sur le bord, comme pour s'y accrocher.
« T'es pas égoïste de le penser. Moi aussi, je me sens bien ici. »
Regina resta figée une seconde, la boîte encore dans ses mains, son expression impossible à lire. Puis elle la rangea à son tour, avec un espèce de sourire en coin qu'elle n'arrivait pas à cacher.
« Tu veux que je te fasse un de ces trucs immondes à la confiture et au beurre de cacahuète ? demanda la brune en grimaçant. »
Emma rit. Puis hocha la tête en s'éclipsant dans le salon. Regina, elle, se tourna et sortit un paquet de pain de mie et de cette ignoble confiture de mure.
Elle remua la cuillère dans le pot, s'attardant une seconde, songeuse.
C'était étrange, pensa-t-elle. Plus d'horaires, plus de tailleurs stricts, plus de talons qui écorchaient ses pieds à longueur de journée. Plus de dossiers interminables, de réunions forcées. Juste une cuisine bricolée, des meubles disparates, une conserve ou deux à ranger. Et, malgré tout… elle se sentait bien.
Un sourire discret naquit sur ses lèvres. Elle porta machinalement la cuillère à sa bouche et lécha la confiture violette. L'acidité du fruit lui piqua la langue. Elle fronça légèrement le nez, puis son sourire s'effaça d'un coup.
« Hm… »
Emma leva aussitôt les yeux et jeta un regard curieux depuis le canapé.
« Quoi ? fit-elle en ricanant, déjà prête à se moquer.
_ Rien, assura Regina, mais sa voix était plus rauque. »
Soudain, la brune porta la main à sa gorge. Elle manqua de tomber et ce n'est que le bruit d'un verre tombant sur le sol qui fit se lever Emma en un bond. La brune inspira profondément mais son souffle siffla. Une rougeur s'était déjà étendue sur son cou.
« Regina ! »
Regina voulut répondre mais sa voix se brisa. Elle toussa, les yeux écarquillés, les mains crispées contre le plan de travail.
Son souffle se fit de plus en plus court et Emma sentit la panique l'envahir.
« On va à l'hôpital. »
Regina voulut lui dire que son idée était une idée idiote, puisqu'il n'y avait aucun médecin. Mais sa gorge se serra, de plus en plus, jusqu'à ce que plus qu'un seul filet d'air passe.
Emma attrapa Regina par la taille et la força à marcher pour sortir. La brune tenta de protester, mais aucun son ne sortit. Emma ouvrit la porte d'un coup d'épaule et la guida tant bien que mal jusqu'à la décapotable.
Elle claqua la portière, s'engouffra derrière le volant et démarra à toute allure. Les pneus hurlèrent sur l'asphalte tandis qu'elle fonçait vers les bâtiments vides. Il ne lui fallut que trois minutes à peine pour que la voiture dérape devant l'entrée des urgences.
Emma bondit dehors, tira Regina de son siège et la soutint jusqu'à l'intérieur. Elle s'attendait au noir complet… mais les néons grésillèrent au-dessus d'elles.
Emma resta figée une demi-seconde.
« … il y a de l'électricité ? »
Regina s'effondra contre elle, haletante. Emma secoua la tête, chassant sa surprise.
« Ok, tiens bon. »
Elle la traîna dans les couloirs vides, ses bottes claquant contre le carrelage. Son cœur battait si fort qu'elle en avait mal à la poitrine. Elle bifurqua jusqu'à la pharmacie de garde et déposa Regina sur un siège avant de passer au dessus du comptoir.
Emma ne s'y connaissait que très peu. Enfin, ses connaissances se cantonnaient à la série Grey's Anatomy et Chicago Med en réalité. Mais David était terriblement allergique aux noix et elle avait déjà vu un stylo injecteur d'Epipen trainer dans ses affaires. Elle songea qu'elle n'avait donc rien à perdre à trouver ça.
Emma se jeta alors sur les tiroirs, renversant boites et flacons, les mains tremblantes.
« Allez, allez, y a forcément… »
Son regard accrocha un emballage orange et blanc. Elle l'arracha, et découvrit un auto-injecteur.
« Oui ! »
Elle se précipita à genoux près de Regina, repoussa la manche de son bras d'un geste brusque. D'un coup sec, elle planta le stylo. Un déclic sonore, bref, et le produit se diffusa. Emma serra sa main contre celle de Regina, son souffle court.
Quelques secondes passèrent. Trop longues. Puis la poitrine de Regina se souleva plus fort, plus régulier. Son visage reprit un peu de couleur.
Alors, Emma la lâcha et s'écroula à côté d'elle, essoufflée par l'émotion, la tête renversée contre le mur.
« T'es allergique aux mures. »
Regina peina à reprendre sa respiration, mais celle-ci se fit plus fluide au fil des secondes.
« T'es. Putain d'allergique. Aux mures. »
Puis, elle se tourna vers elle, le souffle court.
« Tu le savais ? »
Regina secoua la tête négativement, encore bouleversée. Sa respiration s'apaisa peu à peu, encore heurtée mais plus régulière. Elle passa une main tremblante sur sa gorge, comme pour vérifier que l'air circulait bien. Emma, toujours assise par terre à côté d'elle, refusait de lâcher son poignet. Ses doigts étaient crispés autour de sa peau, comme si elle avait peur qu'elle disparaisse si elle relâchait la prise.
« J'ai cru que… que tu allais crever sous mes yeux. J'aurais rien pu faire, Regina. Rien. »
Regina ferma les paupières.
« Tuée par de la confiture de mures ? ricana-t-elle faiblement. Surement pas. »
Emma laissa échapper un rire nerveux, secouée.
« Ouais, ben… n'essaie pas de recommencer, d'accord ? Parce que je crois pas que je pourrais encaisser deux fois ça. »
Regina eut un sourire fatigué, presque tendre. Un silence doux se glissa entre elles. Regina rouvrit les yeux. Puis, presque naturellement, elle laissa tomber sa tête sur l'épaule d'Emma.
Emma sursauta. D'abord figée, elle finit toutefois par laisser retomber sa tête contre la sienne en un soupir fatigué.
« Y'a de la lumière ? murmura la brune en fronçant les sourcils. »
Puis, lentement, Regina se redressa. Emma se leva, puis lui tendit une main que la brune saisit avant de se laisser porter sur ses pieds à son tour.
« Je suppose que l'hôpital doit être alimenté indépendamment du reste, souligna la sauveuse. »
Poussées par la curiosité, ou peut-être par le besoin d'oublier ce qui venait de se passer, elles s'aventurèrent plus loin dans les couloirs déserts de l'hôpital.
Les néons clignotaient par endroits, mais la lumière tenait bon. Regina glissait ses doigts sur les poignées des portes comme pour vérifier chaque pièce. Salle de repos, chambres, bureaux administratifs. L'air sentait encore le désinfectant.
« C'est fonctionnel, constata-t-elle. On pourrait rester ici. »
Emma arqua un sourcil.
« Tu plaisantes ?
_ Non, reprit Regina avec sérieux. Réfléchis : pas besoin d'allumer un feu pour avoir chaud, pas de lit à partager, et… de l'électricité. »
Elle marqua une pause, presque malicieuse.
« Tu n'aurais plus à supporter mes coudes dans tes côtes la nuit. »
Emma secoua vivement la tête.
« Hors de question.
_ Pourquoi ?
_ Parce que on a un chez nous qui fonctionne très bien, et j'adore me prendre des claques pendant tes cauchemars. »
Le ton était si abrupt que Regina resta figée une seconde, surprise par sa réponse. Puis un petit sourire, presque attendri, se dessina sur ses lèvres.
« Oui, mais on pourrait prendre une douche. »
Elles se jetèrent soudain, un regard entendu avant de foncer vers une chambre au hasard. Dérapant sur ses baskets, Emma manqua de tomber en avant dans l'une des salles de bain destinées aux patients. Sans réfléchir, elle enclencha l'eau. Un jet puissant jaillit du pommeau, éclaboussant la cabine carrelée. De la vapeur s'éleva presque aussitôt.
Emma resta un instant plantée là, bouche entrouverte, comme si elle venait d'assister à un miracle.
« … Chaude. Elle est chaude ! »
Regina arriva derrière elle, essoufflée d'avoir couru, et leva les yeux au ciel.
« Tu fais comme si tu venais d'inventer la roue.
_ Regina, tu réalises pas ! Trois mois qu'on se lave avec des bassines d'eau ou des lingettes… Trois mois ! Oh et puis merde. »
La blonde reposa le pommeau, et commença à se déshabiller sous le regard rond de Regina.
« Mais qu'est-ce que tu fais ?!
_ On lave nos dents ensembles, on mange ensemble et la dernière fois, j'ai nettoyé tes chaussettes, alors franchement, j'en ai plus rien à foutre, j'attendrais pas une seconde de plus. »
Regina ouvrit la bouche, abasourdie, avant de la refermer sans trouver quoi répondre.
« Tu es complètement folle… souffla-t-elle, sidérée.
_ Arrête de faire ta prude et déshabille toi, je vais pas t'attendre. »
La brune cligna plusieurs fois des yeux. Emma désormais entièrement nue, fit un pas dans la douche et poussa un soupir de plaisir audible quand l'eau chaude ruissela sur ses épaules.
« Oh mon dieu… c'est le paradis. J'avais oublié ce que ça faisait. »
Regina hésita. Une partie d'elle voulait tourner les talons, mais l'autre…
« Bon, qu'est-ce que tu attend ? Qu'il fasse nuit ? »
La brune laissa échapper un éclat de rire un peu nerveux. Puis, elle secoua la tête et ôta ses vêtements avec lenteur. Elle finit par faire glisser sa chemise, puis son pantalon sur le sol.
Lorsqu'elle entra dans la cabine, la vapeur enveloppa immédiatement sa peau, et un soupir lui échappa malgré elle.
« Mon dieu… »
Emma ouvrit les yeux et se retourna vers elle, l'air hilare.
« Hein ? Qu'est-ce que je disais ! »
Emma attrapa le flacon de gel posé dans un coin et en versa un peu dans sa main.
« Sérieux, même l'odeur… ça sent les agrumes, j'avais oublié ce que c'était d'avoir autre chose que du savon râpé, souffla-t-elle avec un sourire d'enfant. »
Elle se frotta les bras, la nuque, en frottant comme une dingue. L'eau était douce, l'odeur de savon légère, et l'instant prenait des allures de luxe improbable.
Sans un mot, Regina en fit de même et attrapa le flacon de shampooing posé sur l'étagère pour en verser dans sa paume.
« Lève la tête, dicta-t-elle vers la sauveuse. »
Emma obéit sans discuter, et laissa échapper un petit rire étouffé quand les doigts de la brune se mirent à masser son cuir chevelu. La blonde finit par fermer complètement les yeux, presque ronronnante sous les gestes précis de Regina. La mousse coulait en filets fins le long de son cou, puis disparaissait dans le torrent chaud du jet d'eau jusque dans le creux de ses reins.
« Tu fais ça trop bien… marmonna-t-elle.
_ Ne t'avise pas de me demander ça tous les soirs, rétorqua Regina d'une voix sèche… mais sans retirer ses mains. »
Emma se mit à rire doucement, le son se perdant dans la vapeur. Ses épaules s'affaissèrent, complètement détendues, comme si elle avait oublié tout le reste.
« Sérieux… je crois que c'est le meilleur moment de ma vie toute entière. »
Regina leva brièvement les yeux au ciel, mais ses mains continuèrent leur tâche avec une minutie silencieuse. Elle ne répondit pas, mais un petit sourire s'attarda malgré elle au coin de ses lèvres.
« J'en avais oublié que tu étais blonde tu sais ?
_ N'exagère pas non plus. »
Regina gloussa. Et elles se rincèrent avec toute l'application de l'univers.
C'est Emma qui sortit la première. Elle trouva une serviette à proximité qu'elle enroula autour d'elle.
Moins de cinq minutes plus tard, Regina en fit de même, frottant ses cheveux en désordre.
« Tu sais ce qui serait encore plus génial ? demanda Emma.
_ Quoi ?
_ Des draps propres.
_ Il n'y a pas une buanderie ici ? »
Les deux femmes se jetèrent un coup d'oeil.
xXx
Les draps étaient encore rêches, mais ils sentaient le propre. Emma s'y laissa tomber de tout son long, les bras en croix, et poussa un soupir d'aise qui résonna dans la chambre silencieuse.
À côté d'elle, Regina l'imita presque malgré elle. Elle étira ses jambes, cala sa nuque dans l'oreiller, et un soupir lui échappa aussi, profond, libérateur.
Pendant quelques secondes, elles restèrent ainsi, côte à côte, leurs bras presque effleurant le tissu de l'autre, fixant le plafond. Un silence satisfait suivit, ponctué seulement par leurs respirations calmes.
Emma tourna légèrement la tête. Regina avait l'air si détendue, presque vulnérable, qu'un sourire étira ses lèvres.
« Tu crois qu'on va réussir à repartir d'ici un jour ? souffla-t-elle. »
Regina entrouvrit un œil, le coin des lèvres relevé.
« Pas ce soir, en tout cas. »
Un petit rire complice s'échappa d'Emma. Puis elles retombèrent dans un mutisme confortable. D'un geste, Emma étira son bras et attrapa celui de Regina pour la tirer vers elle.
C'est avec naturel que la brune s'enroula contre son flanc, sa tête trouvant place contre son cou et sa jambe juste au dessus de sa taille.
« C'est pas mal, marmonna Emma, déjà à moitié assoupie. »
Regina ferma les yeux, sa main se resserrant un peu sur elle, comme pour l'ancrer.
« Pas mal du tout, admit-elle dans un souffle. »
Emma sourit dans le vide.
Elles dormaient de cette façon depuis le premier mois de grand froid. Et franchement, elles n'avaient jamais arrêté. Mais ce soir, après une douche et dans des draps propres, cette étreinte avait encore plus de saveur.
« Demain, on fait une grasse matinée, marmonna la sauveuse en se retournant pour se positionner derrière la brune.
_ Bien évidemment.
_ Ce n'était pas une question, répondit simplement Emma en arrachant un gloussement à la reine. »
xXx
Emma était appuyée dans la salle de repos du personnel de l'hôpital. La cafetière tournait en arrière plan dans un bruit désagréable. Elle épluchait les seuls pauvres DVD qu'elle avait trouvé dans le coin.
Plus personne n'utilisait ça, depuis Netflix, et toutes les autres plateformes de streaming existantes.
« Qu'est-ce que c'est ? demanda Regina en entrant dans la pièce. »
La brune approcha son visage près de l'épaule d'Emma qui tenait dans ses mains cinq boites : La fièvre du samedi soir, The Rocky Horreur Picture Show, Grease, Top Gun et le pire de tous : Terminator.
« C'est une plaisanterie, murmura la brune. Où est-ce que tu as trouvé ça ? »
Emma se tourna vers Regina et lui lança un regard entendu.
« Chez Marco, répondirent-elles en parfaite synchronisation. »
Regina rit et Emma la suivit.
« Fait ce que tu veux, mais cette fois, c'est sans moi, lâcha la reine en se dérobant.
_ Quoi ?! »
Emma la rattrapa et la tira par le bras.
« Ne me laisse pas, supplia-t-elle.
_ Emma, soupira Regina dramatiquement. On est collée l'une à l'autre depuis le début de ce bazar.
_ Mais j'adore être collée à toi, lâcha la sauveuse d'un ton enfantin. »
Regina rit malgré elle. Elle se laissa donc tirer encore par le bras, partagée entre la lassitude et l'amusement.
« Je me demande bien si tu aurais réagit de la même façon avec ta mère.
_ J'aurais fini par la tuer, souffla Emma.
_ Avec qui aurais tu aimé être coincé ici alors ? demanda Regina en croisant les bras sur sa poitrine.
_ Alors ça, c'est dégueulasse comme question. »
Emma posa fermement ses mains sur les épaules de la brune pour l'asseoir sur le seul sofa décrépi de la salle de pause. Et plutôt inconfortable.
« Et pourquoi ça ? tiqua la brune.
_ Parce que si je ne te réponds pas toi, tu vas bouder.
_ Non, mentit Regina d'une voix très peu convaincante. »
Emma se tourna et lui envoya un regard entendu avant de s'asseoir en tailleur sur le sol et de regarder les DVD qu'elle avait déposé devant elle.
« Bon, qui ? la questionna-t-elle de nouveau. »
Emma prit une inspiration et laissa tomber son regard dans le vide.
« Hook, répondit Regina, presque scandalisée que la blonde n'ait pas donné le nom de son mari.
_ Oula, non. Non, non, il aurait été absolument insupportable. Rester coincée au même endroit sans naviguer, ça l'aurait rendu fou.
_ Vraiment ?! Moi je trouve que… ça ressemble à des vacances, répondait la reine en haussant les épaules. »
Emma arqua un sourcil. « Des vacances ? »
Regina détourna un instant les yeux, puis rougit un peu.
« J'aime cette vie. Avec toi. »
Emma se redressa un peu, surprise. Puis, elle lui accorda un sourire sincère et mit un DVD dans le lecteur au hasard avant de venir s'installer aux côtés de la brune.
« C'est simple, souffla la brune en ramenant ses genoux contre elle. On mange quand on a faim, on dort quand on est fatigué, on n'a pas à subir les discours assommant de tes parents. »
Emma laissa échapper un souffle amusé. Elle sourit, puis prit directement les jambes de Regina pour les tirer sur les siennes, lui arrachant un cri de surprise et un éclat de rire.
« C'est justement ce que j'ai toujours voulu en prenant ce fichu portail.
_ Et ça a marché ? demanda Regina en gloussant.
_ Pas vraiment, glissa Emma. »
Elle haussa les épaules, l'air de rien, mais son sourire restait suspendu, presque fragile. Regina l'observa un instant en silence, son amusement s'effaçant peu à peu au profit d'une expression plus douce. Elle hésita à répondre, puis choisit finalement de poser simplement sa main sur la cuisse d'Emma. Le silence s'installa, avant que Emma ne démarre le film et que Regina récupère sa main.
xXx
« J'me fais chier, balança Emma en arrivant dans le jardin. »
Regina, qui était à genoux en train de planter des rosiers, soupira. Elle redressa un peu la tête vers la sauveuse, et poussa une mèche de ses cheveux sur le côté à l'aide du plat de sa main couvert par un gant de jardinage. Seulement, celui ci était couvert de terre. Alors, elle garda une légère marque sur le front. Et Emma la trouva soudain absolument à croquer.
« Que veut-tu que ça me fasse ? soupira-t-elle.
_ Regarde, j'ai trouvé ça. »
Puis, Emma montra un paquet à la brune qui leva les sourcils.
« Tu veux pas me teindre les cheveux en rose ? Ça va être marrant.
_ Ok, tu m'as convaincu, répondit soudain Regina en se débarrassant de ses gants. »
Quelques instants plus tard, Regina avait installé une serviette sur les épaules d'Emma. Le bol de plastique et le pinceau imbibé de crème rose bonbon était posé sur le rebord du lavabo. D'un geste, Regina appliqua la première mèche avec minutie. Emma sourit. Elle aimait cette façon qu'avait Regina de transformer n'importe quoi en rituel. Même une bêtise pareille.
« Tu veux que je t'avoue un truc ? souffla Emma.
_ Je ne suis pas certaine de vouloir, mais vas-y, dit Regina sans relever les yeux.
_ C'est exactement ce genre de choses que j'ai jamais pu faire avec Killian. »
Regina suspendit un instant son geste, pinceau en l'air, avant de reprendre doucement, comme si cette confession avait ajouté du poids au moment.
« Quoi, lui teindre les cheveux ?
_ Non, pouffa Emma. Vivre comme si rien n'avait d'importance. »
Puis, elle se tourna vers elle et son regard se plongea dans le sien.
« Lui il aurait tout fait pour me dissuader de faire une connerie pareille. »
Regina rit un peu, puis reprit son application.
« Et il aurait sans doute eu largement raison de le faire, souligna Regina.
_ Je pensais que tu étais aussi comme ça tu sais…
_ Comme quoi ?
_ A vouloir faire les choses bien, coute que coute. »
Regina laissa planer un sourire un peu rêveur sur ses traits tout en continuant d'appliquer la couleur sur les cheveux d'Emma.
« J'ai appris à lâcher du lest.
_ Comment ?
_ Grâce à toi, répondit-elle machinalement. »
Emma se tourna cette fois entièrement vers Regina d'un air surpris. Mais celle-ci haussa les épaules.
« Ta façon d'élever Henry m'a conforté dans le fait que je devais lâcher prise parfois. »
Regina passa doucement le pinceau sur les mèches blondes, l'air concentré.
« Robin… il essayait de me faire comprendre ça. Que je devais profiter, arrêter de tout calculer. Mais je n'ai jamais réussi. Pas vraiment. Et puis… il y a eu… toi. »
Elle marqua une pause, le pinceau immobile, avant de reprendre.
« Tu m'as forcée à respirer. »
Elle plongea enfin son regard dans celui d'Emma, un éclat fragile dans ses yeux sombres.
« C'est… grâce à toi. »
Emma resta un instant immobile, la nuque toujours entre les doigts de Regina. Son cœur battait plus vite, sans qu'elle sache si c'était à cause de la teinture ou de ce qu'elle venait d'entendre. Elle pencha la tête vers elle, puis lui sourit.
« Tu es en train de dire que j'ai eu une bonne influence ? »
Regina pouffa, puis haussa une épaule.
« Un peu, oui.
_ Je ne pensais pas que j'en étais capable. Enfin, en dehors de mon rôle de sauveuse je veux dire. »
Le silence dura une seconde de trop, au point qu'Emma crut qu'elle allait regretter d'avoir parlé. Mais Regina se racla doucement la gorge et reprit son pinceau comme si de rien n'était.
« Tu dis ça parce que tu veux que je t'épargne si jamais tu ressors d'ici avec les cheveux orange, glissa-t-elle d'un ton faussement neutre. »
Emma éclata de rire et secoua la tête. Elle resta silencieuse quelque instant, Regina toujours concentrée sur ses cheveux.
« Tu es quelqu'un de bien Emma.
_ Arrête, marmonna-t-elle.
_ Je t'assure que si. Il n'y avait que toi pour me supporter dans ce genre de situations. »
Emma souffla par le nez, faiblement, comme si elle trouvait ses propos absurdes.
« Je n'aurais jamais plongé dans les ténèbres pour toi si je n'avais pas pensé que tu en valais la peine. »
Regina déglutit. Puis elle sourit avec nervosité pour cacher son émotion et termina la dernière mèche de cheveux restante.
« Tu vas en foutre partout sur nos draps ça va être merveilleux à rattraper ces bêtises. »
Emma avait patienté tant bien que mal le temps que la teinture agisse, pestant toutes les deux minutes pour savoir si c'était "prêt". Quand Regina finit par céder, elle la poussa vers la petite salle de bain attenante.
La blonde se pencha au-dessus du lavabo, se rinça, et leva enfin les yeux vers le miroir embué.
« C'est… plutôt rose pale, souligna Emma en penchant la tête.
_ Oui, moi aussi je pensais que ce serait beaucoup plus éclatant que ça.
_ N'empêche que si Killian me voyait, il me prendrait pour une cinglée, souligna Emma en regardant Regina à travers le miroir. »
Regina arqua un sourcil, se rapprocha derrière elle.
« Alors heureusement pour toi, il n'est pas là. »
Emma rit un peu, et Regina la suivit.
xXx
La chambre était plongée dans une obscurité quasi totale.
Elles n'avaient pu se résoudre à dormir une nuit de plus à l'hôpital, surtout parce que les matelas y étaient particulièrement inconfortables.
Etendues l'une à côté de l'autre, Regina soupira. Elle changea de position pour la énième fois, et Emma en fit de même.
« Tu dors ? finit-elle par lui chuchoter. »
Regina marmonna, les yeux fermés.
« Non.
_ Moi non plus. Ça m'arrivait sans arrêt déjà avant.
_ Ferme les yeux, et ça finira par venir. »
Plusieurs secondes de silence s'écoulèrent. Puis, la voix d'Emma vint de nouveau trancher le silence et Regina leva les yeux au ciel.
« Tu crois que tu aurais tenu, toute seule, si j'avais pas été là ? »
Regina se retourna, un peu. Elle la fixa du mieux qu'elle put dans l'obscurité, puis grogna en retombant sur le flanc, avant de rabattre la couverture sur elle.
« Je n'ai pas envie d'imaginer ça.
_ Pourquoi ?
_ Parce que ça ne sert à rien. »
Regina tira la couverture jusqu'à son menton, comme pour couper court à la conversation. Emma, elle, fronça les sourcils dans le noir.
« Ça veut dire que t'aurais pas tenu ? »
La brune poussa un soupir agacé.
« Ça veut dire que je n'ai pas envie d'y penser, Emma. »
La blonde soupira. Elle se mise sur le dos et fixa le plafond, avant de tourner de nouveau la tête vers Regina qui n'avait pas bougé d'un centimètre.
« Désolée, je voulais pas te contrarier, murmura-t-elle. »
Regina laissa échapper une énième expiration lasse. A son tour, elle se tourna et se mit sur le dos.
« Tu ne m'as pas contrariée, rectifia-t-elle. C'est juste que m'imaginer seule, ici… je n'aime pas ça. »
Emma plissa les yeux, puis s'apprêta à se confondre en excuse avant que la voix de la brune ne l'interrompe de nouveau.
« Ça voudrait dire que j'aurais peut-être été maudite, je me serais faite un tas d'idées sur la possibilité que cela vienne de quelqu'un à qui j'aurais encore fait du mal et je me serais probablement laisser mourir pour la simple possibilité que cela arrive. »
Emma se releva sur les coudes, puis la fusilla presque.
« Je t'interdit de dire ça, murmura-t-elle. »
Regina soutint son regard un instant, les lèvres entrouvertes, puis secoua imperceptiblement la tête.
« Tu ne comprends pas… dit-elle tout bas.
_ Non, toi tu comprends pas, la coupa Emma. »
La sauveuse posa sa main sur l'avant-bras de la brune, hésitante mais ferme.
« J'ai pas cette foutue dague pour que tu me balances que tu te serais laissée mourir si j'étais pas là. »
Le silence tomba, lourd mais vibrant. Regina déglutit, ses yeux brillants à peine visibles dans la pénombre. Emma adoucit un peu sa voix, sans la lâcher du regard.
« Je suis là. Et je vais pas te laisser seule. Jamais. »
Un souffle trembla dans la gorge de Regina.
« Ça ne veut pas dire que j'aurais pas tenu, reprit-elle, sa voix plus grave. Je dis juste que… j'ai fait beaucoup de mal autour de moi. Et que ça n'aurait fait que mettre le coup de grâce de finir seule à errer dans une ville fantôme en songeant à quelle bêtise j'aurais pu encore avoir fait pour mériter ça. »
Emma soupira. Sans un mot, elle se mit sur le côté. Elle hésita, puis finit par laisser échapper une longue expiration avant de venir se blottir contre elle.
Regina sursauta un peu avant de laisser son bras libre en suspens. Elle était si peu habituée au contact, si peu. Elle sentait la chaleur d'Emma contre elle, le rythme de sa respiration, et cela l'étourdissait presque plus que ses propres pensées.
« Tu n'es pas obligée… murmura-t-elle, la voix basse et mal assurée. »
Emma ferma les yeux, la joue calée contre son épaule.
« Je sais. »
Il n'y avait rien de plus à dire. La main de Regina finit par retomber doucement, hésitante, sur le bras d'Emma. Elle n'osa pas l'enlacer, mais ce simple contact suffisait à faire vibrer l'air autour d'elles.
Le silence s'installa de nouveau.
« Tu vois… lâcha Emma après plusieurs longues minutes d'une voix à moitié endormie. Tu n'es pas mauvaise. »
Un sourire léger et tendre se posa sur les lèvres de la brune. Elle posa ainsi sa joue juste sur le dessus de la tête d'Emma et ferma les paupières avant de s'endormir.
Chapter Text
Chapitre 5.
La maison était dans une demi-obscurité agréable, éclairée par la lueur des bougies qu’elles s’amusaient à allumer tous les soirs. Emma s’était affalée sur le canapé, les yeux fermés, une main posée sur sa nuque comme si elle tentait d’en retenir la douleur.
Regina qui était assise à ses côtés avec un roman dans les mains, lui jeta un regard en biais. Au bout de plusieurs minutes, elle posa le livre qu’elle tenait sur le buffet, fit le tour du canapé et se plaça derrière elle.
« Qu’est-ce que tu fais ? demanda la blonde. »
Les doigts de Regina se posèrent, précis, sur la base de son cou. Et Emma expira bruyamment, presque soulagée, sans plus dire un mot. Regina savait exactement où appuyer, exactement quand ralentir, et la sauveuse se laissait tomber entre ses mains comme on cède à l’évidence.
«Je crois que tu viens de trouver le seul moyen de me faire taire, marmonna-t-elle. »
Regina esquissa un sourire en coin, même si elle ne cessa pas ses gestes.
« Je prends ça comme un compliment. »
Puis, la brune fronça légèrement les sourcils en sentant la tension sous ses doigts.
« Tu es nouée comme un bloc de marbre. Pourquoi diable est-ce que tu as mal comme ça ? »
Emma laissa échapper un petit rire sans joie.
« Ça remonte à loin.
_ C’est-à-dire ? »
Emma resta un moment silencieuse, hésitant à parler. Puis, elle finit par céder.
« Je suppose que je suis crispée à longueur de temps, à force de rester sur mes gardes. C’est un réflexe qui est resté. »
Les doigts de Regina ralentirent un peu, pour se faire moins techniques, plus doux.
« Et personne n’a jamais pensé à t’aider ? demanda-t-elle, sincèrement surprise. »
Emma haussa faiblement une épaule, ses yeux toujours clos.
« Personne ne s’en est jamais donné la peine, répondit-elle simplement. »
Emma ne voyait rien à travers ses paupières closes, mais Regina la fixait avec un peu de peine dans le regard. Sans prévenir, ses mains quittèrent sa nuque. La brune hésita une seconde, le souffle suspendu, puis laissa tomber toute retenue : elle passa ses bras autour d’Emma par-derrière, l’attirant contre elle dans une étreinte ferme.
Emma se raidit d’abord, surprise, avant que son corps tout entier ne s’abandonne d’un seul coup, comme si la digue avait cédé. Un soupir long, presque brisé, s’échappa de sa gorge.
Regina ferma les yeux à son tour. Elle serra un peu plus fort, sans chercher d’excuse ni de mots pour expliquer. C’était un geste impulsif, irréfléchi, mais terriblement juste.
Emma ne pouvait qu’en prendre entièrement conscience. Parce qu’elle vivait 24h sur 24, 7 jours sur 7 ensemble depuis maintenant presque six mois, et qu’elle n’ignorait pas que Regina avait le contact physique en horreur.
Lentement, Emma leva sa main, puis la posa sur un des avant bras de Regina en un soupir.
« Tu veux pas faire ça plus souvent ? »
Regina laissa échapper un souffle amusé, avant de lentement hocher la tête. Regina finit par desserrer ses bras et se recula brusquement, comme si elle venait de réaliser ce qu’elle faisait. Elle contourna le canapé et se laissa tomber de l’autre côté, reprenant sa place d’avant, raide et un peu trop digne.
Emma la suivit du regard, un petit sourire accroché aux lèvres. Elle ne dit rien. Elle se contenta de tendre une main et, d’un geste doux mais ferme, attrapa le poignet de la brune pour la tirer de nouveau vers elle.
« Emma… soupira Regina, faussement agacée. »
Mais la blonde insista, l’amenant à s’installer de biais devant elle. En un mouvement tranquille, elle passa ses bras autour de sa taille et posa son front contre son dos.
« Voilà, murmura-t-elle dans un soupir satisfait. Comme ça tu ne peux plus m’échapper. »
Regina pouffa nerveusement. Finalement, elle s’autorisa à relâcher un peu ses épaules, sa tête se penchant légèrement en arrière contre celle d’Emma.
Un silence doux s’installa, seulement rythmé par leurs souffles lents et réguliers.
xXx
Le lendemain matin, Emma émergea lentement du sommeil, consciente d’une présence près d’elle avant même d’ouvrir les yeux. Une odeur discrète d’herbes chauffées au poêle flottait dans l’air.
« Tu veux un thé ? murmura la voix douce de Regina qui en lui effleurant l’oreille. »
Emma cligna des yeux avant d’enfin émerger. Regina était penchée au-dessus d’elle, ses cheveux effleurant presque son visage, un bol fumant entre les mains.
Emma resta figée un instant, incapable de trouver une réponse.
« … Je rêve encore ? marmonna-t-elle, la voix rauque. »
Un sourire discret passa sur les lèvres de Regina.
« Non. Mais tu devrais te dépêcher, il va refroidir. »
Emma se redressa un peu sur ses coudes, puis papillonna d’un regard fatigué.
« Fais-moi un bisou pour voir ? »
L’absurdité de la phrase, le ton enfantin de la blonde, la situation entière, tout lui arracha un éclat de rire franc qui résonna dans la chambre encore à moitié plongée dans la pénombre. Alors, sans réfléchir, Regina se pencha pour poser ses lèvres sur la joue de la blonde.
« Voilà. C’est bon ? demanda Regina en un murmure. »
Emma figée, écarquilla les yeux. Elle se retourna vers la brune d’un geste brusque. Puis, sans réfléchir elle aussi, elle vint lui saisir la taille et la renversa sur le lit en lui déposant de multiples baisers dans le cou sous les rires bien plus choqués et impulsifs de Regina.
« Emma ! Arrête ! protesta-t-elle, à moitié suffoquée par le rire et par la surprise. »
Ses mains se crispèrent sur les épaules de la blonde, sans réussir à la repousser. Puis, leurs rires s’éteignirent d’eux-mêmes, comme étouffés par le silence qui prit soudain toute la place. Emma réalisa qu’elle était allongée sur elle, son visage suspendu à quelques centimètres du sien. Le souffle chaud de Regina effleurait sa joue, et son regard s’était accroché au sien, incapable de fuir.
Ni l’une ni l’autre ne bougea.
Le temps s’étira, jusqu’à ce que Regina détourne imperceptiblement les yeux, ses lèvres encore tremblantes d’un rire avorté. Sa main glissa le long du bras d’Emma, comme pour l’inviter à se relever sans oser le dire.
Emma céda à contre-cœur, se redressant lentement, le cœur battant à tout rompre.
« Qu’est-ce que tu veux faire aujourd’hui ? demanda Emma en descendant les escaliers derrière elle.
_ Je dois m’occuper du jardin, répondit la brune en s’emparant de ses gants en cuir qu’elle enfila.
_Tu sais que tu pourrais t’arrêter deux minutes ? répondit Emma en un souffle avant de croiser les bras.
_ Et laisser les mauvaises herbes prendre le dessus ? Hors de question. »
Emma leva les yeux au ciel, mais ne put s’empêcher de sourire.
Quelques instants plus tard, elle sortit et la vit au loin. Instinctivement, Emma s’approcha d’elle et Regina ne prit même pas la peine de relever la tête à son arrivée.
L’odeur discrète d’herbes médicinales flottait encore autour d’elle, souvenir du thé du matin qui s’était imprégné jusque sur sa peau. Emma en inspira malgré elle, surprise par la douceur que ça lui évoquait.
Emma finit par se laisser tomber sur la marche du perron.
« Viens, on se fait une pause. Je t’emmène manger un plat au micro-ondes de l’hôpital. »
Cette fois, Regina releva la tête, les sourcils arqués.
« Ces horreurs sous vide qui sentent le plastique ? »
Emma leva les yeux au ciel.
« Je voulais être gentille moi, couina-t-elle. En plus, j’ai trouvé une moto hier et je comptais la bricoler pour la faire fonctionner avant ce soir. Tu risque de ne pas me voir de la journée. »
Cette fois, Regina cligna vraiment des yeux et ôta lentement ses gants.
« Une… moto ?
_ Ouaip. J’en ai jamais fais, mais je me souviens d’August et il avait commencé à brièvement me montrer comment ça marche. »
Regina soupira, puis leva les sourcils en évitant son regard. Alors, Emma s’arrêta instantanément et la regarda en biais.
« Quoi ?
_ Rien.
_ Ne dit pas « rien », je te connais et quelque chose te chiffonne.
_ Non. »
La brune rebroussa chemin dans la maison et Emma leva les yeux au ciel. Elle se disait qu’elle ferait mieux de la laisser bouder dans son coin et de retourner dans ce vieux garage qu’elle avait trouvé. Mais elle ne pouvait pas se résoudre à s’en aller en sachant que Regina n’allait pas bien.
« Pourquoi ça t’embête ? demanda la sauveuse en la suivant jusque dans la cuisine. C’est génial je trouve. Comme ça, on n’aura pas besoin de carburant tous les dix mètres comme avec la camionnette. »
Agacée, Regina se redressa, et posa un torchon sur le plan de travail.
« Tu n’y connais rien, trancha-t-elle.
_ J’apprendrais sur le tas, répondit Emma en haussant les épaules.
_ C’est dangereux. »
Puis, la reine détourna le regard, fixant un point dans le jardin.
« Il y a déjà assez de choses à gérer sans ajouter des accidents stupides à la liste. »
Emma fronça les sourcils.
« Et voilà, tu recommences.
_ De quoi tu parles, lâcha Regina, un peu trop sèche.
_ Tu cherches à contrôler ce que je fais. »
Regina ouvrit la bouche, prête à répondre, mais ses lèvres tremblèrent un instant. Elle détourna les yeux.
« Ce n’est pas ça, murmura-t-elle.
_ Alors quoi ? insista Emma, les yeux plantés dans les siens. »
Un silence lourd s’installa. Regina serra les mâchoires, incapable de dire la vraie raison. Puis elle rangea ses gants avec un claquement sec.
« Rien.
_ C’est toujours “rien” avec toi, tu es fatigante, grogna-t-elle en agitant ses mains dans le vide. »
Sans ajouter un mot, Emma tourna les talons et s’éloigna vers la maison, le cœur battant trop vite. Regina elle, resta plantée dans la cuisine, les mains crispées sur le bord de la table et la gorge nouée.
xXx
Emma n’était pas retournée au garage. Elle s’était contenté de se balader sur le port, parce que l’été arrivait bientôt et qu’elle avait besoin de respirer autre chose que des vapeurs d’essence. Ce n’est que lorsque le soleil déclina qu’elle se décida à rentrer.
Pour autant, sa colère n’était pas vraiment redescendu.
Emma détestait qu’on lui dise ce qu’elle devait faire, ce qui serait mieux ou non pour elle. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’elle ne s’était pas entendu avec Regina en premier lieu. Elle, l’électron libre et Regina, cette maniaque du contrôle.
La blonde soupira, puis s’assise une dernière fois sur un banc un petit instant.
Elle avait bien conscience que ce qu’elle disait était d’une absurdité sans nom et uniquement animé par le ressentiment.
Car Regina lui avait mainte fois démontré qu’elle n’était pas si psychorigide que l’image qu’elle pouvait véhiculer.
Elle ignorait pourquoi elle avait réagi de cette façon. Et une partie d’elle trouvait cela injuste. Elle aurait préféré que… que Regina se réjouisse qu’elle trouve une occupation et qu’elle lui demande même d’aller faire un tour un jour.
Encore un peu agacée, mais frileuse tout de même, Emma rebroussa chemin. Elle ouvrit la porte sans s’annoncer, puis retrouva Regina campée sur un fauteuil dans le salon, les genoux ramenés contre elle. Elle regardait par la fenêtre le paysage, sans un mot, le menton posé sur ses bras.
Elle ne la regarda même pas quand elle entra.
Emma leva les yeux au ciel, et rebroussa chemin dans la cuisine. Elle y retrouva une tasse de thé tiède que Regina avait très probablement réchauffer pour elle, au même instant où elle avait du faire chauffer le sien. Emma se mordit alors l’intérieur de la joue, contrariée.
Oui, une petite voix en elle qu’elle appelait affectueusement « fierté », lui susurrait qu’elle aurait préféré que Regina ne fasse rien du tout. Comme ça, elle ne se sentirait pas aussi mal.
Mais c’était idiot. Car elle se sentait déjà mal avant d’avoir trouver cette tasse…
Quelque chose se serra dans sa poitrine. Alors, Emma retourna dans le salon avec son the entre les mains. Elle avait été si silencieuse que Regina cette fois, ne l’avait pas remarqué.
Elle vit la brune baisser la tête et renifler en se passant une main sous le nez.
Sans réfléchir, au lieu de venir s’asseoir, Emma resta debout quelques secondes. Puis, elle s’approcha de Regina dont la tension semblait crisper ses épaules.
Emma avait un doute… Un doute sur quelque chose. Alors, bêtement, elle leva une main et écarta une des mèches brunes qui barrait le visage de la reine. Elle n’eut qu’une fraction de seconde pour voir ses yeux rougis, humides encore, avant que Regina ne sursaute et balaie sa main d’un geste sec.
« Qu’est-ce que tu veux ? siffla-t-elle en se détournant pour que Emma ne puisse par la voir. »
Emma la fixa, soufflée par son ton mordant. Son cœur se serra, mais elle resta clouée là, incapable de répondre.
Regina détourna les yeux, sa respiration un peu trop rapide pour son masque de froideur. Elle retourna s’asseoir ailleurs, et sécha ses joues cette fois, sans le cacher. Cela ne servait plus à rien de toute façon.
Emma soupira, puis alla s’asseoir à côté d’elle, sans hésiter. Sa main se posa doucement sur l’épaule de Regina.
« Laisse-moi tranquille, lâcha la brune sans même la regarder, la voix glaciale. »
Elle tenta de s’écarter, mais Emma serra un peu plus, refusant de lâcher. Regina pivota brusquement, son regard dur planté dans celui de la blonde.
« Tu ne comprends pas ? Je ne veux pas de ta pitié, Emma. »
Emma soutint son regard sans flancher. Sa main glissa le long de son bras, remonta à sa nuque avec une lenteur volontaire.
« Pourquoi est-ce que cette histoire de moto te fait réagir à ce point ? murmura la blonde avec douceur.
_ Parce que c’est stupide, voilà pourquoi.
_ C’est pas ça, nia Emma en secouant la tête. C’est autre chose. »
Le masque de Regina vacilla. Ses lèvres s’ouvrirent comme pour répliquer, mais aucun mot ne vint. Ses yeux brillants trahirent ce qu’elle s’acharnait à cacher. Alors, elle tenta de s’écarter et détourna le regard, comme si le dire serait pire que tout.
« Regina, souffla Emma. »
Et là, le barrage céda. Regina secoua la tête, ses épaules s’affaissant brusquement. Un rire nerveux lui échappa, cassé au milieu de sa gorge.
« Et qu’est-ce que tu crois que je ferais moi, si tu te fiche en l’air sur le bitume ? Mmh ? »
Sa voix s’étrangla sur les derniers mots. Pourtant, Regina détourna de nouveau le visage, sèche.
« Mais c’est ridicule de ma part, bien sûr. Je dramatise. Je suis la championne du monde pour ça. »
Ses yeux brillaient malgré elle. Elle essaya de se redresser, de remettre ses épaules raides, mais sa voix se brisa un peu plus à chaque mot.
« Tu peux faire ce que tu veux, Emma. Je ne suis pas ta gardienne. »
Emma ne répondit pas. Elle voyait très bien les mains crispées de Regina trembler légèrement contre le rebord du fauteuil. Alors, sans un mot, elle glissa ses bras autour de sa taille, l’attirant contre elle.
« Lâche-moi, protesta la brune, mais sa voix était éraillée, sans aucune force. »
Emma serra plus fort, son front appuyé dans son dos. Regina resta figée une seconde… puis ses épaules s’affaissèrent, brisant le masque qu’elle s’acharnait à garder.
« Tu ne vas pas gagner à ce petit jeu tu sais, dit-elle une toute dernière fois avant que ses deux derniers mots ne meurent dans un sanglot. »
Mais Emma continua à la maintenir. Pire encore, elle caressa doucement sa joue et y sécha ses larmes.
« Tu as peur qu’il m’arrive quelque chose. »
Regina hocha la tête et finit par accepter l’étreinte de la blonde en se tourna entièrement vers elle. Emma l’agrippa et Regina en fit de même.
« Pourquoi tu ne me l’as pas dis plus tôt ? murmura Emma.
_ Parce que tu es une adulte responsable et… et que c’est idiot, car il n’y a aucune circulation.
_ Regina, soupira la blonde. Je te balance que j’ai envie de me balader en moto, sans permis, sans jamais en avoir monter une de toute ma foutue existence. Franchement, je suis carrément en train de me dire que si tu m’avais laissé faire ça, je serais venue te hanter durant la nuit en te chatouillant les orteils. »
Regina rit, parmi les larmes. Et Emma laissa une expiration soulagée s’échapper avant de poser sa joue sur son épaule. Elles restèrent dans cette position quelques minutes, dans un calme cette fois, bien moins pesant.
« C’est moi l’idiote, je suis désolée, chuchota Emma.
_ Oui, tu es complètement une idiote, approuva Regina, séchant la dernière larme qui avait coulé sur sa joue. »
La blonde rit contre elle. Puis, elle s’éloigna de quelques centimètres et posa sa main sur la joue de Regina pour déposer un léger baiser sur l’autre versant.
« Tu as vraiment de la chance que je te laisse faire ça… marmonna Regina. J’ai ce genre de contact en horreur. »
Emma rit doucement contre elle.
« Tu mens.
_ Non, répliqua Regina, le menton haut malgré les traces de larmes. J’exècre ça. Demande donc à Henry quand on le reverra, tu verras ce qu’il va te répondre. »
Mais ses doigts, eux, restaient obstinément agrippés au tissu du pull d’Emma, refusant de la lâcher.
Emma esquissa un sourire, sans la lâcher.
« D’accord. Alors, je suis vraiment chanceuse. »
xXx
Il faisait chaud. Trop… chaud.
Dépitée par les températures estivales particulièrement élevées, Regina avait ressorti la chaise longue en bois qu’elle gardait habituellement dans un coin du manoir et Emma l’avait aidé à s’installer sur la seule plage de la ville.
C’était un endroit dans lequel Regina ne mettait jamais les pieds. La crique était petite, souvent bondée, mais le sable y était fin, et même si l’eau restait glaciale, l’endroit conservait un certain charme.
La brise marine allégeait à peine la lourdeur de l’air. Retranchée derrière ses lunettes noires, Regina s’efforçait de conserver sa dignité, un livre à la main, mais la chaleur l’engourdissait. Peu à peu, sa posture impeccable s’affaissait, sa main glissait le long de l’accoudoir. Le ressac régulier des vagues s’imposait comme une berceuse, et elle luttait pour ne pas sombrer.
Emma, partie se baigner, observait en riant doucement la scène : la Reine, si rarement prise en défaut, vacillant entre la lecture et le sommeil, ses mèches sombres agitées par la brise.
Rapidement, elle sortit de l’eau en secouant ses cheveux blonds, des perles salées éclaboussant ses épaules. Elle crut un instant que Regina dormait pour de bon, mais la brune fit mine de tourner une page, sans même relever la tête.
« Tu n’as pas intérêt à mettre du sable partout dans ma maison. »
Emma s’arrêta net, arqua un sourcil.
« Ma maison ? reprit-elle. Notre maison.
_ Quand tu commenceras à passer le balai, je deviendrais encline à changer de possessif. «
Emma ouvrit la bouche, abasourdie.
« … Pardon ?!
_ Tu m’as très bien entendue, répondit Regina, faussement impassible, tournant une page de son livre.
_ C’est moi qui m’occupe de dégager les poubelles.
_ Super. Tu veux une médaille ? lâcha Regina en un sourire faussement éclatant tout en décalant ses lunettes pour mieux la fixer. »
Emma s’approcha, bras croisés, le sable collant encore à ses pieds mouillés.
« Je vais finir par croire que tu tiens une liste secrète de tout ce que je fais de travers.
_ Une liste ? souffla Regina, feignant l’étonnement. Pourquoi gaspiller du papier ? J’ai une excellente mémoire. »
Emma éclata d’un rire incrédule, secouant la tête.
« Tu sais que tu cherches les ennuis, là ?
_ Et je l’assume pleinement, répondit Regina, impassible en retournant à sa lecture. »
Emma s’arrêta juste au-dessus d’elle, encore dégoulinante d’eau salée, les bras croisés.
« Ok très bien. »
Regina fronça les sourcils lorsqu’une ombre se projeta sur son livre. Elle releva la tête et eut à peine le temps de réagir qu’Emma se jeta littéralement sur elle.
« Emma ! Non ! s’exclama Regina, repoussant ses bras en éclatant de rire malgré elle. »
Mais la blonde, souriant d’amusement, la serrait de toutes ses forces, collant son maillot trempé contre sa robe légère.
« C’est ma vengeance, lâcha-t-elle.
_ Va-t’en, tu es glacée ! »
Alors, Emma commença une pluie de baisers sur sa joue, son cou, son front. Des baisers exagérément bruyants, volontairement agaçants. Regina riait encore. Elle se débattait en criant, parvenant toutefois à jeter son livre sur le sable juste à côté d’elle.
« Arrête, sinon… explosa-t-elle.
_ Sinon quoi ? Tu n’intimide personne.
_ Sinon je te maudis, lança Regina entre deux éclats de rire, se tortillant sur son transat. »
La blonde trouva justement à cet instant précis le point exact qui chatouillait le cou de la reine. Alors, Regina rit de nouveau, ses mains crispées sur les épaules d’Emma.
Emma inspira et en une seconde à peine, l’odeur salée, chaude, mêlée au parfum léger de Regina, lui coupa le souffle. Sans réfléchir, elle attarda son dernier baiser une seconde de plus. Puis, elle en glissa un autre, un centimètre plus bas. Le rire de Regina se brisa en un souffle. Ses doigts, qui repoussaient encore Emma quelques secondes plus tôt, se figèrent sur ses épaules.
« Mmh, laissa-t-elle échapper, hésitante accompagnée d’un rire nerveux. »
Emma ne dit rien. Elle se contenta de suivre le tracé de sa peau, déposant des baisers de plus en plus calmes, comme si chaque contact appelait le suivant.
« Emma ? souffla la brune. »
Sa voix tremblait, moins ferme qu’elle ne l’aurait voulu. Ses mains, elles, ne repoussaient plus rien. Un peu galvanisée, Emma continua d’explorer sa gorge. Elle la sentit vaciller et osa un autre baiser, plus long, juste sous l’oreille.
« Emma… murmura Regina avant de s’accrocher au bord du transat et de fermer les paupières d’aise. »
La blonde l’embrassa, plus bas encore et Regina laissa échapper malgré elle un soupir.
« Qu’est ce que… qu’est ce que tu fais, reprit la reine, la voix étrangement basse. »
Emma pressa ses lèvres contre sa gorge ce qui la fit mordre sa lèvre inférieure. Puis, elle laissa un nouveau baiser, plus lent, plus insistant.
« Emma… »
Sa main glissa malgré elle dans ses cheveux humides.
« Arrête… »
La blonde laissa filer un souffle chaud contre sa peau avant de l’embrasser au creux de la clavicule. Regina avait fermé les yeux, ses sourcils toujours froncés, comme si elle se débattait intérieurement.
La blonde glissa sa bouche un peu plus haut, si près que ses mots se perdirent directement contre la peau de Regina.
« Laisse-toi aller, murmura-t-elle.
_ Mmh… »
Sa voix n’était plus qu’un souffle rauque, bas, irrésistible. Un long frisson traversa la brune et un nouveau gémissement involontaire échappa à ses lèvres, plus profond, plus chargé.
« Tu… »
Ses mots se perdirent dans un souffle quand Emma effleura son cou d’un nouveau baiser, plus lent encore.
« On va… le regretter… articula-t-elle, alors que le soupir qui accompagna sa phrase la contredisait déjà. »
Emma ne dit rien. Ses lèvres remontèrent juste un peu, trouvant ce point sensible juste sous l’oreille.
Regina ferma les yeux, crispant sa mâchoire.
« On est seules depuis trop longtemps. tenta-t-elle, mais sa voix se brisa, coupée par un gémissement incontrôlé. »
Emma releva la tête juste assez pour que ses lèvres frôlent toujours sa peau. Son souffle chaud s’y perdit, rauque.
« Justement, lui glissa-t-elle. »
Un silence tendu s’abattit, seulement ponctué par le bruit des vagues et le souffle court de Regina. Elle haletait, ses phrases devenaient de plus en plus hachées.
« Ce n’est que… la solitude… tenta-t-elle encore, la voix brisée. »
Emma s’arrêta une seconde. Son souffle chaud se glissa dans son cou.
« …T’en as pas envie, toi ? murmura-t-elle tout bas. »
Le silence pesa. Regina voulut répondre, mais ce fut un soupir long, tremblant, qui sortit à la place. Sa main, toujours accrochée aux cheveux d’Emma, se resserra malgré elle.
« Depuis combien de temps on est là ?
_ Je… je ne sais pas, déglutit la brune. Neuf mois, peut-être… dix, articula-t-elle difficilement.
_ Eh bien, tout ce temps sans rien faire… Je ne suis pas une sainte. »
Regina rouvrit brusquement les yeux, piquée au vif.
« Ce n’est pas une raison, Emma ! Ce n’est pas… »
Sa phrase mourut dans sa gorge quand les lèvres de la blonde se posèrent pile à la jonction sensible entre son cou et son épaule.
Le reste de sa phrase se perdit dans un son étouffé. Sa main glissa un peu plus dans ses cheveux blonds, au lieu de la repousser.
Emma sourit à demi contre sa peau, sentant la faille s’élargir, et continua à cet endroit précis, avec une lenteur calculée.
Enfin, Regina cessa de lutter. Elle bascula légèrement la tête en arrière, incapable de retenir le long soupir qui s’échappa de ses lèvres. Ses doigts, agrippés au crâne d’Emma, se resserrèrent, comme pour l’encourager malgré ses mots contraires.
Alors Emma insista un peu plus. Et elle étouffa un grognement lorsque les jambes de Regina s’arquèrent, juste un peu. La blonde remarqua alors que son maillot, encore humide, collait au tissu léger du paréo que la reine portait.
Elle sentit les mains de Regina glisser le long de son dos, l’attirant plus près. Leurs respirations s’accélérèrent, se heurtant l’une contre l’autre. Emma laissa ses lèvres s’attarder juste sous son oreille, y murmurant des mots indistincts qui firent frissonner la brune. Regina, incapable de retenir un soupir plus profond, poussa imperceptiblement son corps contre elle.
Toutes deux sentirent rapidement une chaleur caractéristique monter dans leur bas ventre et les animer. Sans même s’en rendre compte, Regina entama un léger mouvement involontaire, se frottant à elle une demi seconde avant de réaliser ce qu’elle s’apprêtait à faire. Mais Emma y répondit, à son plus grand malheur.
Leurs gestes, d’abord timides, se transformèrent rapidement en ondulations amples, presque automatiques. Chacune répondait à l’autre sans même y penser, comme si leurs corps avaient trouvé un rythme commun.
Emma, le souffle court, resserra son étreinte, ses lèvres glissant encore sous l’oreille de la brune.
« Mon dieu… Emma… »
La blonde se figea un instant, le souffle heurté contre sa gorge. Ses lèvres tremblaient.
« Ne dis pas ça comme ça… S’il te plait… »
Sa voix rauque vibrait plus qu’elle ne l’aurait voulu. Puis d'un geste, Emma glissa brusquement un bras derrière son dos et la ramena contre elle avec une force soudaine, brutale, presque désespérée.
Regina haleta, surprise, et sa tête bascula légèrement en avant sous l’élan. Emma suivit le mouvement, et ce fut là que leurs regards se croisèrent enfin.
À quelques millimètres l’une de l’autre, leurs souffles se heurtaient. Les pupilles dilatées venaient de s’accrocher. Elles sentaient le nez l’une de l’autre, leurs souffles, leurs lèvres… Mais elles restèrent suspendues là, figées, incapables d’aller plus loin, comme prisonnières d’une tension trop violente pour être rompue.
« Désolée, articula difficilement Emma. Ça a un peu… dérapé.
_ Non c’est… c’est normal, rit nerveusement Regina. Je veux dire, il n’y a que nous… depuis… un moment.
_ Je me suis jetée sur toi comme un animal, rit tout aussi faussement Emma, mal à l’aise. »
Regina la suivit, puis détourna le regard avant de lâcher sa main de son dos.
« Je te pardonne, souffla-t-elle en retrouvant ses yeux. »
Emma sentit aussitôt son ventre se contracter. L’air était encore si lourd.
Et la sauveuse savait que si elle restait une seconde de plus, elle plongerait sur elle, et là… elle ne donnerait pas cher de leurs peaux.
Alors, maladroitement, elle se racla la gorge et s’écarta, encore haletante. Enfin, elle se détacha et se releva lentement. Regina, toujours allongée sur le transat, porta une main contre son propre cou, là où les lèvres d’Emma s’étaient attardées. Ses doigts s’y crispèrent légèrement, trahissant le trouble qu’elle s’efforçait de masquer.
Ses joues s’étaient colorées d’une rougeur qu’elle attribua aussitôt à la chaleur du soleil.
« Tu devrais… retourner nager, murmura-t-elle, mais sa voix rauque n’avait rien de convaincant.
_ Je vais plutôt prendre une douche. Je suis pleine de sable.
_ Mmh, acquiesça à demi Regina, encore troublée.
_ Désolée, j’en ai aussi… mis sur toi. »
Par réflexe, la brune baissa les yeux sur son paréo qui s’était à moitié ouvert. Elle en referma les pans, rougissante et se leva à son tour.
« Oh d’accord, bafouilla-t-elle.
_ On devrait y aller ensemble, le soleil va bientôt se coucher. »
Regina releva les yeux vers elle, et un instant, leurs regards s’accrochèrent à nouveau. Alors, la reine les détourna, son teint virant au rouge écarlate.
« Oui… Oui bien sûr. »
Elles commencèrent à rassembler leurs affaires, chacune trop consciente de l’autre, leurs gestes plus précipités qu’à l’accoutumée, comme si mettre fin à cette parenthèse était la seule façon d’échapper à ce qu’elles venaient de frôler.
Chapter Text
Chapitre 6.
Le lendemain, rien n’avait vraiment changé. Du moins en apparence.
Emma était affalée sur le canapé du salon, les pieds posés sur la table basse, en train de feuilleter un magazine sans grand intérêt.
Regina fit son entrée, droite comme à son habitude, vêtue d’une robe légère couleur ivoire.
« Elle est très jolie, cette robe, lâcha Emma d’un ton distrait sans lever les yeux de sa lecture. »
Après un court silence. Regina s’immobilisa, légèrement prise de court.
« Pardon ? demanda-t-elle, plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu. »
Emma haussa les épaules, tourna une page, l’air faussement détaché.
« Ta robe. J’ai dit qu’elle était jolie. »
La brune pinça les lèvres, tâchant de cacher la chaleur qui lui montait aux joues.
« Tu devrais apprendre à saluer correctement avant de faire des commentaires sur ma garde-robe.
_ Relax. C’était un compliment, pas un commentaire, répliqua Emma avec un demi-sourire en coin, cette fois en relevant les yeux vers elle. »
Leurs regards se croisèrent une seconde de trop. Regina détourna la tête et fit mine de ranger un vase.
« …Merci. souffla-t-elle, presque inaudible. »
Emma, elle, souriait toujours, clairement ravie. La brune vint peu de temps ensuite s’asseoir à ses côtés, légèrement crispée.
« Qu’est-ce que tu veux faire aujourd’hui ? demanda Regina. »
Emma plia alors son magazine et lorsque leurs yeux se croisèrent de nouveau, Regina rougit et détourna les siens. Elle finit par s’asseoir plus droite, comme pour se redonner une contenance.
« Nous devrions penser au bois de chauffe, répondit finalement la sauveuse, la voix posée. Les réserves s’épuisent vite. »
Regina hocha lentement la tête, reconnaissante de cette échappatoire.
« Oui… j’ai vu une vieille remise derrière la maison. Il doit rester quelques bûches. Mais ça ne suffira pas pour l’hiver. A compter qu’on reste encore dans cette situation.
_ Effectivement, admit Emma en serrant les lèvres.
_ Je voulais aussi chercher autre chose à manger. Si je vois encore une seule fois des tomates, je hurle.
_ D’accord, rit la blonde. Alors on pourrait commencer par là. »
Un peu plus tard, toutes deux suivait un petit chemin qui serpentait entre les arbres. Leurs paniers vides cognaient contre leurs jambes à chaque pas. Pendant un moment, elles ne parlèrent que de fruits, de légumes, du meilleur endroit pour couper du bois. Mais Emma finit par ralentir, son regard fixé sur le sol.
« Regina. Je voulais… m’excuser pour hier, lâcha-t-elle tout à coup. »
La brune leva la tête, surprise.
« Pour hier ? »
Emma haussa une épaule, visiblement mal à l’aise.
« Quand je… enfin… quand je me suis jetée sur toi. Je sais pas ce qui m’a pris. »
Regina resta silencieuse, pensive. Son regard glissa un instant vers les mains d’Emma, crispées sur le panier, puis remonta doucement vers son visage.
« Je veux dire… c’est pas comme si j’avais déjà fait ça avec… une femme. Jamais, en fait, dit-elle en riant nerveusement, avant de secouer la tête, le regard fuyant. »
Regina leva les sourcils vers elle, surprise.
« Bref. C’était… complètement dingue. J’sais pas ce qui m’a traversé. »
Regina s’arrêta. Elle observa Emma un instant, les lèvres entrouvertes, puis baissa les yeux. Le silence s’installa une seconde de plus, seulement troublé par le bruissement des feuilles.
Puis, elle inspira lentement, profondément.
« Tu n’as pas à t’excuser. »
Emma releva les yeux vers elle, les sourcils froncés, hésitante. Alors, Regina fit un pas pour reprendre leur marche, sereine en apparence.
« Tu ne m’as pas fait de mal, continua-t-elle d’une voix posée. Et tu ne t’es pas jetée sur moi. »
Elle marqua une pause, ses doigts caressant distraitement l’anse de son propre panier.
« Nous sommes seules ici, Emma. Pour encore… Dieu sait combien de temps. »
Elle marqua une pause, comme pour mesurer ses propres pensées.
« C’est normal d’avoir besoin de contact. De chaleur. D’un corps contre soi. Ça n’a rien de ridicule. »
Son regard glissa vers Emma, puis redescendit.
« Ce n’était pas un caprice. Ni une folie. C’était… humain. »
Emma cligna des yeux, surprise. Mais Regina lui accorda un tendre sourire se voulant réconfortant.
« D’accord, répondit la blonde en un souffle tremblant. »
Regina acquiesça d’un mouvement de tête, satisfaite. Puis, sans un mot de plus, elles reprirent leur marche côte à côte, les pas rythmant le silence retrouvé. Mais ce silence ne dura guère plus de quelques minutes.
« Et toi ? demanda soudain Emma.
_ Moi quoi ?
_ Tu as déjà… fait quoi que ce soit avec une femme ? »
Regina leva les sourcils, surprise. Alors, Emma haussa les épaules en bafouillant.
« Quoi ? Je pose juste la question. »
Regina resta une fois encore muette, se contentant de regarder autour d’elle avant de se mordre les lèvres.
« Une fois, finit-elle par dire à demi mot. »
Emma cligna des yeux, étonnée que la brune lui réponde.
« Quoi… ?
_ Une fois, répéta Regina, son ton calme contrastant avec le trouble évident dans ses yeux. Ça remonte à très longtemps. »
Emma ouvrit la bouche pour dire quelque chose, puis se ravisa, son cœur battant un peu plus fort. Elle s’éclaircit la gorge maladroitement.
« Oh. »
Un silence pesa entre elles. Leurs pas crissaient sur les feuilles alors qu’elles se dirigeaient vers le manoir de la brune pour y récolter ce qu’il restait de pommes dans l’arbre de son jardin.
Le silence pesait encore après l’aveu de Regina.
« Une fois, » avait-elle dit. Et Emma n’arrivait pas à se sortir ça de la tête.
« Et pourquoi une seule fois ? lui demanda-t-elle. »
Regina leva les yeux au ciel.
« Emma. Tu es vraiment douée pour rendre les choses inconfortables, murmura la brune.
_ Oh ça va, je fais juste la conversation. »
Regina soupira de lassitude.
« C’est juste que, enfin, même si j’avais…voulu, continua de balbutier Emma, moi je crois que je saurais pas trop comment m’y prendre. »
Sa voix s’étrangla légèrement sur la fin, et elle détourna aussitôt les yeux, comme si elle regrettait déjà d’avoir ouvert la bouche.
Regina, elle, arqua imperceptiblement un sourcil, mais resta silencieuse quelques pas de plus, savourant presque son aveu. Puis un mince sourire étira ses lèvres.
« Tu serais surprise de voir à quel point ça peut être instinctif. »
Emma haussa les épaules, mal à l’aise.
« Instinctif ?! Avec les hommes, ouais, c’est instinctif. Mais avec les femmes, ça semble bien plus compliqué. »
Regina tourna brusquement la tête vers elle, arquant un sourcil, sa gêne oubliée en un instant.
« Compliqué ? répéta-t-elle, comme si le mot l’avait piquée au vif. Pourquoi compliqué ? »
Emma déglutit, son regard fuyant entre les arbres.
« Non, pas compliqué, c’est pas ça, mais… j’imagine qu’il faut savoir ce qu’on fait. Et moi… »
Un silence suivit, et quand elle osa lever les yeux, elle trouva Regina qui la fixait. Mais cette fois, il n’y avait ni ironie, ni pique dans son regard.
« Ce n’est pas compliqué, dit-elle doucement. C’est comme dans n’importe quelle relation où on choisit bien ou mal son partenaire. C’est le même principe. Il faut juste savoir écouter, être attentive. Et puis, il n’y a rien de plus charnelle qu’une relation avec une autre femme.
_ Charnelle ?! »
Regina ferma les yeux, dépitée. Elle ferait mieux de se taire.
« Tu ne veux pas changer de sujet ? couina-t-elle.
_ J’étais juste curieuse, marmonna Emma. »
Regina soupira, puis laissa une fois encore passer quelques secondes avant de reprendre.
« Disons que ça te change. Tu ne regardes plus les choses de la même façon après, conclut-elle. »
Emma resta silencieuse une seconde, digérant ses mots.
« Alors… pourquoi t’en as pas eu d’autres ? »
Regina grogna et leva les yeux au ciel.
« Toi et ta curiosité !
_ Mais quoi ?
_ Parce que l’occasion ne s’est jamais représenté, voilà. C’est tout. »
Emma cligna des yeux, un peu prise de court par la simplicité de la réponse.
« C’est tout ?
_ C’est tout, confirma Regina, d’un ton calme mais sans équivoque. »
Elles firent encore quelques pas dans le sentier. Emma se mordait la lèvre, visiblement en train de ruminer. Alors, Regina s’arrêta une bonne fois pour toute, agacée.
« Quoi encore ?
_ Rien ! Enfin, je me demandais juste… comment ça se passait… techniquement parlant. »
Regina arqua lentement un sourcil, ses lèvres s’entrouvrant dans un mélange de surprise et d’incrédulité.
« Ben quoi ?! réagit Emma en levant une main vers elle. C’est pas comme si j’avais un manuel d’instructions !
_ Tu pose vraiment les pires questions de l‘univers.
_ Ouais bah tu pourrais quand même me répondre, parce que je n’ai pas Google sous la main actuellement. »
Regina inspira profondément, comme pour rassembler son calme, puis pivota légèrement vers elle.
« Et tu veux que je fasse quoi, exactement ? Ton éducation sexuelle ? A ton grand âge ?
_ Oh ça va, pas besoin de m’humilier, marmonna Emma en prenant le panier de Regina pour continuer la route. »
Un mince sourire effleura les lèvres de Regina, mais elle ne détourna pas le regard.
« Oh, mais tu es parfaitement capable de te ridiculiser toute seule, la preuve. »
Emma roula des yeux et lâcha un « ha ha » volontairement peu convaincant, sur un ton qui n’avait rien de vexé.
Cette fois, c’est Regina qui eut du mal à retenir un vrai sourire, l’ombre d’un rire traversant son regard sombre. Elle détourna vite la tête, mais le pli amusé de ses lèvres resta accroché à son visage.
xXx
Dans la cuisine, la mousse recouvrait déjà la moitié de l’évier. Regina, les manches retroussées, s’appliquait à rincer un verre. Elle sursauta à peine quand deux bras l’enlacèrent soudain par la taille.
« Tu fais quoi ? souffla Emma, son menton venant se poser sur son épaule. »
Regina pinça les lèvres, tenta de garder contenance, mais son dos se relâcha imperceptiblement contre Emma.
« Je fais tes taches, c’est à dire, la vaisselle. »
Emma resserra son étreinte, son souffle chaud caressant la tempe de la brune.
« Désolée je voulais finir le bois avant la nuit.
_ Tu es volontairement mièvre pour échapper à mon courroux ? demanda la brune en se tournant vers elle.
_ Bien sûr que non ma colombe, tu sais comme j’adore me blottir contre toi. »
Regina leva les yeux au ciel. Elle envoya un peu de mousse à la figure d’Emma qui relâcha tout de suite ses bras pour se frotter le visage. Regina gloussa un peu, puis retourna à la tâche.
Mais la blonde retourna à ses côtés et s’appuya contre le comptoir en la regardant.
« Regina… Tu sais, on est seules.
_ … Oui ? répondit la brune, suspicieuse.
_ Je suis… quelqu’un qui aime le contact humain, je suis comme ça, répondit la blonde en haussant les épaules. Ça n’a pas toujours été le cas, mais… je me dis que si ça dure encore un an, deux ans, cinq ans… »
Lentement, la reine releva la tête pour faire face au visage rouge d’Emma qui tentait de cacher son malaise. Puis, elle pencha la tête, intriguée.
« Cinq ans, vraiment ? demanda-t-elle doucement, son ton un peu moqueur, mais sans malice.
_ Je sais pas, répondit Emma en grimaçant. Je n’espère pas, mais ce sera peut-être moins. Peut-être plus. Je dis juste que... ce serait bien de pas devenir folles à force d’éviter tout ce qui rend la vie un peu plus supportable. »
Regina ne répondit pas tout de suite. Elle rinça lentement une assiette, concentrée. Emma se mordit l’intérieur de la joue, puis baissa la tête.
« Enfin… Laisse tomber, murmura-t-elle en s’apprêtant à s’en aller. »
Sans la regarder, Regina attrapa sa main dans la sienne encore trempée. Puis, elle la tira à elle pour l’inciter à reprendre la position qu’elle tenait dans son dos juste avant, toujours concentrée sur la vaisselle.
Emma laissa échapper un léger soupir amusé.
« Je ne veux pas te contraindre à…
_ Tu as l’air de me contraindre ? demanda Regina, finissant la dernière assiette avec ses sourcils froncés. »
Emma hésita, les bras toujours autour de sa taille, puis secoua doucement la tête contre son épaule.
« Non. Pas du tout. C’est juste que… j’ai toujours peur d’en faire trop. »
Regina ferma l’eau, posa l’assiette rincée sur l’égouttoir, et resta un moment immobile. Elle finit par tourner légèrement la tête, juste assez pour que leurs joues se frôlent à peine.
« Tu n’en fais pas trop, souffla-t-elle. »
Emma serra un peu plus ses bras autour d’elle. Elle sentit la peau humide de Regina contre ses poignets, l’odeur du savon et de la mousse, et quelque chose en elle sembla se détendre. Alors, elle lui offrit un sourire tendre et déposa un baiser sur sa joue avant de se détacher d’elle. Regina resta un instant figée, la joue encore tiède là où les lèvres d’Emma s’étaient posées. Puis, elle inspira doucement et se tourna à demi vers elle.
« Il y a encore des choses à faire dans la maison, dit-elle en reprenant un ton plus pratique, presque neutre, mais avec un éclat léger dans les yeux. »
Emma la fixa un instant, surprise par la transition, puis hocha lentement la tête.
« Genre quoi ?
_ Tu veux que je te tienne la main pour te dire ce que tu dois faire peut-être ? »
Emma leva les yeux au ciel.
« Très bien, Majesté, répondit-elle d’un ton théâtral. Je vais donc aller consulter mon peuple de chaussettes orphelines dans le panier du couloir. »
Regina esquissa un sourire, puis secoua la tête.
« Il faudrait d’abord que tu m’aide à étendre les draps que j’ai été nettoyé à la laverie de l’hôpital. »
Emma fronça légèrement les sourcils.
« Pourquoi faire ? La laverie de l’hôpital a un sèche-linge. »
Regina s’arrêta dans son geste, comme si la question l’avait prise de court. Elle la regarda, l’air presque songeur.
« J’aime l’odeur des draps quand ils sèchent à l’extérieur, dit-elle simplement.
_ Bien sûr, répondit Emma en levant les yeux au ciel. Pourquoi se compliquer l’existence maintenant qu’on a de l’électricité ?
_ Tu as fini de râler ?
_ Pour l’instant, oui. Mais je me réserve le droit de recommencer si une guêpe vient me tourner autour.
_ Une guêpe, répéta Regina en levant les yeux au ciel. »
La brune attrapa le panier rempli de linge propre tout près et le fourra violemment dans les bras de la blonde. Puis, elle s’approcha de la porte arrière, qu’elle ouvrit. Une bouffée d’air tiède s’engouffra dans la cuisine.
« Ce ne serait pas la première fois que tu fuis face à une créature volante, lança-t-elle en sortant. »
Emma la suivit, faussement indignée.
« C’était un singe avec des ailes que ta soeur m’a envoyé pour me buter !
_ Et tu as failli te marier avec. »
xXx
Le mois d’août se déroula ainsi avec une certaine sérénité. Les températures élevés s’étaient calmés, et le quotidien filait, toujours à la même allure.
Emma était dehors, et accrochait une dernière chemise, le linge claquant doucement dans l’air. Regina sortit de la maison et vint se placer près d’elle. Elle posa un bras sur son épaule comme si de rien n’était. Emma tourna légèrement la tête vers elle, interloquée, puis céda à un mouvement instinctif : elle pivota d’un quart, assez pour glisser son bras dans le creux des reins de Regina.
La brune lui sourit un peu. Un instant passa, calme, avant qu’elle ne vienne poser son menton sur le haut du bras de la blonde.
« J’aimerais bien qu’on retrouve des piles… pour écouter un peu de musique, ce soir. »
Le souffle contre sa peau fit frissonner Emma. Elle retint de justesse un soupir, serra un peu plus ses doigts dans les reins de Regina.
« Tu es sûre que tu veux encore écouter cette énième compil des années 70 ? »
Un infime sourire passa sur les lèvres de Regina, invisible contre sa peau.
« J’aime bien, moi, cette compil. »
Et sans se redresser, elle continua, plus bas encore, comme si ses mots étaient faits pour se fondre dans sa nuque.
« Ça me rassure, ces chansons-là.
_ Ça te rassure ? répéta Emma, ahurie. »
Regina haussa les épaules, puis lui sourit. Alors, Emma sentit son coeur fondre et céda. Elle ne mit pas vraiment longtemps à trouver des piles à la bonne taille. Un relais dans une vieille boutique de bricolage avait suffit.
Le soir même, la radio grésillait doucement, emplissant le salon de ces accords un peu étouffés mais familiers. Emma avait fini par s’affaler dans le canapé, un bras posé négligemment sur le dossier.
Regina le rejoignit sans un mot, un verre d’eau à la main. Elle s’assit à ses côtés, d’abord droite comme à son habitude, puis céda peu à peu à la fatigue de la journée : son épaule vint effleurer celle d’Emma, et, au bout de quelques minutes, elle se laissa aller contre elle.
La blonde baissa les yeux, étonnée mais muette, avant de détendre son bras le long du dossier. D’un geste naturel, presque inconscient, elle l’enroula autour de Regina pour l’attirer légèrement plus près.
Un morceau de Stevie Wonder continuait de tourner, parfois brouillée par des parasites, mais elles n’y prêtaient qu’une oreille distraite.
Puis, l’été indien retentit et Emma pouffa un peu de rire avec Regina. Elles laissèrent passer quelques secondes, un sourire bête planté sur le visage. Puis, Regina se blottit un peu plus contre Emma.
« On est bien là, non ? murmura-t-elle. »
Et quand le vieux refrain monta un peu plus fort dans les haut-parleurs, Regina le fredonna à demi, les yeux fermés, comme si elle s’autorisait enfin à relâcher ses défenses, au moins pour un instant.
Emma tourna légèrement la tête. Le parfum de Regina, mêlé à l’odeur de savon et de mousse, lui chatouilla les sens. Elle hésita une seconde, les lèvres entrouvertes. Sa main vint caresser son cou et elle remarqua que Regina ne la rejetait pas. Au contraire. Alors, elle prit une inspiration et se pencha.
« …Je peux ? »
Regina entrouvrit à peine les yeux, surprise par la question. Elle hésita, puis se mordit la lèvre et hocha lentement la tête. Alors Emma glissa son visage et déposa un premier baiser léger, timide, dans le creux de son cou.
Regina ne bougea pas. Elle inspira juste plus lentement, comme si ce simple geste avait suffi à la relâcher un peu plus.
Puis, Emma laissa ses lèvres effleurer sa peau une seconde fois, et une troisième, toujours chastes, comme une caresse silencieuse.
Regina se blottit davantage contre elle, accueillant ces marques d’affection sans un mot, la nuque offerte, les yeux fermés.
La radio continuait de grésiller doucement, couvrant leur silence de vieilles chansons familières. Elle allait se reculer, craignant déjà d’en faire trop, quand elle sentit Regina frissonner contre elle.
« Continue… murmura-t-elle en un souffle à peine audible. »
Ses doigts se crispèrent un instant sur le bras d’Emma et la blonde obéit en souriant. Elle sentait le rythme paisible de la respiration de Regina, l’abandon rare de ses épaules, la chaleur tranquille de ce moment. Emma avait les bras bien ancrés autour d’elle, et la brune, après de longues minutes de silence, commença à bouger très lentement ses ongles sur sa peau.
Le mouvement répétitif, apaisant, finit d’ancrer Emma dans l’instant. Ses muscles, tendus depuis des jours, semblaient enfin céder, et elle soupira avant de déposer un baiser à cet endroit précis qui fit tressaillir ses lombaires.
« Pardon, chuchota la sauveuse. »
Regina sourit, amusée avant de se laisser un peu plus couler contre elle. Ses ongles traçaient de fines lignes sur la peau de l’avant-bras, remontaient jusqu’au coude, redescendaient plus lentement. Emma glissa sa joue dans les cheveux de la brune, respirant son odeur. Ses bras, autour de sa taille, se détendirent enfin, mais sans jamais se desserrer. Chaque caresse semblait faire tomber une barrière de plus.
Au bout de quelques minutes, la blonde commença à réagir à son tour. Ses doigts, posés sur la hanche de Regina, se mirent à dessiner de petits cercles au travers du tissu de sa robe. Leurs gestes s’étaient transformés en un langage silencieux. Les ongles de Regina qui glissaient encore et encore, les doigts d’Emma qui répondaient en mouvements circulaires, et, autour d’elles, la maison plongée dans la pénombre, rythmée par les crépitements de la radio.
Un soupir discret échappa à Regina, comme si ce simple échange apaisait une tension qu’elle ne s’était jamais autorisée à relâcher.
« Tu vois ? C’est ça, ne pas en faire trop, murmura-t-elle.
_ Chut, glissa Emma en reprenant ses baisers sur son épaule. »
Puis, elle continua d’embrasser, lentement, patiemment. Elle remontait un peu, redescendait, traçant un chemin invisible sur la peau de Regina.
Chaque fois, ses lèvres restaient une seconde de plus, s’attardaient, se pressaient avec une tendresse infinie.
Regina, muette, avait cessé tout mouvement. Ses ongles ne griffaient plus la peau d’Emma. Ils se posaient simplement, à plat, sur son avant-bras, comme pour s’ancrer à elle. Son souffle s’était ralenti, mais Emma sentait dans ses frissons que son corps tout entier réagissait.
Alors elle continua, encore, encore. Un soupir s’échappa de la brune, involontaire, étouffé contre le creux de son épaule.
Emma resserra un peu plus sa prise, le cœur battant trop vite. Elle glissa sa joue contre celle de Regina, ses lèvres trouvant la courbe entre son cou et son épaule. Et elle y resta, posant un baiser plus long, presque solennel.
« …Ça te va ? souffla-t-elle à demi. »
Regina hocha la tête. Elle ferma les yeux, un soupir lui échappant de nouveau. Puis, ses doigts glissèrent finalement jusqu’à la main d’Emma pour l’entrelacer doucement. Emma serra ses phalanges et elles restèrent ainsi un petit moment.
Puis, dans un mouvement lent, presque à regret, Regina tendit la main vers le dossier du canapé. Ses doigts attrapèrent le vieux plaid roulé là, et elle le déplia d’un geste souple avant de le ramener sur elles.
Le tissu tomba en cascade sur leurs jambes et Regina se tourna mieux s’installer contre elle, son front effleurant sa mâchoire. Emma attrapa le bord de la couverture pour les couvrir, jusqu’à l’épaule de la brune qui soupira d’aise.
Chapter Text
Chapitre 7.
Emma poussa doucement la porte de la chambre. La lumière était tamisée, et Regina était allongée sur le lit, un livre entrouvert sur sa poitrine, les yeux perdus dans le vide.
La blonde s'approcha, un sourire au coin des lèvres.
« Ah, tu es là, toi, glissa-t-elle d'un ton doux. »
Sans prévenir, elle se hissa carrément sur elle, se laissant aller de tout son poids, poitrine contre poitrine. Regina esquissa un sourire et ouvrit les bras, puis même ses jambes, pour l'accueillir sans résistance.
« Quand tu es venue tout à l'heure, je me suis endormie comme une masse, souffla-t-elle, amusée, ses mains venant aussitôt entourer sa nuque. »
Emma se cala plus confortablement, son nez contre la peau tiède de son cou. Elle commença à parsemer la zone de baisers légers, lents, presque possessifs. Regina serra ses bras autour d'elle, ses doigts glissant dans ses cheveux, et un soupir lui échappa.
Le livre tomba sans bruit du lit, oublié.
Regina ferma les yeux, et sa prise se fit plus ferme, pour la maintenir contre elle. Ses doigts s'enfoncèrent dans ses cheveux, ses ongles glissant lentement contre sa nuque.
Un long soupir échappa à sa poitrine, qui se souleva et retomba sous le poids d'Emma. Peu à peu, leurs respirations se calèrent l'une sur l'autre, lentes, profondes, presque lourdes. Emma resta là, lovée dans son creux, ses lèvres toujours posées contre cette peau qu'elle n'avait plus envie de quitter.
« Je dois aller au petit coin, murmura la reine. »
Emma enfouit un peu plus son visage dans son cou, y pressant un nouveau baiser.
« Non, marmonna-t-elle doucement. »
Regina éclata d'un petit gloussement, incapable de retenir sa réaction. Elle se tortilla un instant comme pour protester, mais ses bras restaient bien accrochés à sa nuque. Puis, dans un geste instinctif, elle releva les jambes et les enroula autour de sa taille, scellant encore davantage leur étreinte.
Emma sourit contre sa peau, resserra sa prise, et reprit simplement ses baisers, comme si rien d'autre n'existait.
Regina soupira de nouveau, cette fois plus longuement, et abandonna toute résistance. Puis, après un long soupir, elle leva une main et la posa sur sa joue.
Emma se figea et redressa légèrement la tête en cessant ses attentions. Leurs regards se croisèrent à quelques centimètres l'un de l'autre.
Un petit sourire passa sur les lèvres de Regina. Sa main resta sur sa joue, son pouce effleurant distraitement sa pommette, puis sa bouche.
« On devrait préparer quelque chose à manger, dit-elle doucement, comme si c'était la suite logique de leur étreinte. »
Emma eut un sourire attendri, presque amusé par le décalage, et hocha la tête.
« Tu veux quoi ?
_ Une pizza, murmura Regina, ne cessant de caresser sa lèvre avec son pouce. »
Un éclat de rire échappa à Emma, franc, qui résonna contre elle.
« Tu es cruelle. Tu sais très bien qu'on peut pas. »
Regina haussa imperceptiblement les épaules, ses yeux brillants de malice.
« J'ai dit ce que je voulais. Pas ce qui était possible. »
Emma secoua la tête en riant encore, puis se redressa enfin.
« Viens. On trouvera autre chose. »
Regina glissa ses jambes hors du lit, un sourire toujours accroché aux lèvres. Emma tendit une main pour l'aider à se lever, et elles sortirent ensemble de la chambre. Puis, Regina se rendit dans l'entrée pour enfiler ses chaussures. Elle finit de tirer sur la dernière boucle de sa botte puis releva les yeux vers Emma, qui restait plantée là, à la regarder avec cette hésitation étrange.
« Tu sais, quand mon ventre crie famine, je ne jure plus de rien, donc je ne vais pas t'attendre, plaisanta-t-elle. »
Regina se retourna pour enfiler son manteau. Au même instant, Emma s'approcha d'elle, ses mains un peu tremblantes. Elle glissa ses doigts dans la nuque de Regina et la brune sursauta de surprise.
« Qu'est-ce que tu fais ? »
Surprise, Regina porta la main à sa poitrine. Ses doigts effleurèrent un fin collier pourvu d'une petite flamme dorée qui reposait contre sa peau que Emma venait d'accrocher avec douceur.
« Qu'est-ce que c'est ? souffla-t-elle, plus troublée qu'elle ne voulait le montrer. »
Emma haussa les épaules, maladroite, incapable de soutenir son regard.
« Je l'ai trouvé en ville, hier, marmonna-t-elle. »
Regina resta immobile, ses yeux rivés au bijou, avant de relever la tête.
« Pour quelle occasion ? »
Emma pinça les lèvres, un sourire presque imperceptible les effleurant. Sa voix baissa d'un ton, comme si elle avait honte de l'avouer.
« … Comme ça. »
Regina se sentit étrange. Jamais personne ne lui avait offert quoique ce soit pour le simple plaisir d'offrir. Alors, elle fronça les sourcils, puis se mordit l'intérieur de la bouche.
« Comme ça ? demanda-t-elle en penchant la tête.
_ Je me disais que ça faisait plus d'un an qu'on était là et… je sais pas, il m'a fait pensé à toi. Neal m'en avait offert aussi un un jour et je l'ai toujours gardé, en guise de porte bonheur… Je pense que ça a plutôt bien marché, rit-elle nerveusement en se passant une main dans les cheveux. »
La reine déglutit difficilement. Sa main passa machinalement sur le bijou et elle sentit son coeur se serrer un peu. Elle se pencha et vit la petite flamme dorée scintiller sur son cou.
« Ta magie est basée sur le feu… et… comme on fait aussi souvent des feux de cheminée, je me suis dis que ça avait un côté… réconfortant. Tu vois ? continua Emma, toujours mal à l'aise. »
Regina ne répondit rien. Sa gorge était bien trop nouée pour ça.
« Mais… s'il ne te plait pas, je…
_ Non, souffla Regina. Non, je l'aime beaucoup. »
Au même instant, Regina baissa de nouveau les yeux. La petite flamme dorée accrocha la lueur dansante du feu de cheminée du salon, projetant un éclat chaleureux contre sa peau pâle. Emma détourna le regard, les joues un peu rouges, mais un sourire timide persistait malgré elle.
« Mais je n'ai rien en retour pour toi, souffla la brune d'une voix un peu plus fragile. »
Emma secoua la tête, amusée.
« C'est pas comme ça que ça marche, murmura-t-elle. »
Alors, Regina souffla un air amusé et s'approcha d'un pas hésitant.
« Merci, dit-elle en un murmure. »
Et avant de se raviser, elle se pencha pour effleurer sa joue d'un baiser rapide qu'elle n'était malgré tout, pas coutumière à accorder.
xXx
Bien évidemment, le quotidien entre elles n'étaient pas fait d'amour et d'eau fraiche. Alors, elles se disputaient, parfois, et pour des broutilles, souvent.
Ce jour-ci faisait parti de ce genre de jour.
La maison baignait dans un silence pesant. Regina, assise sur le canapé, feuilletait un livre sans vraiment le lire. Emma traînait dans la pièce, rangeant un peu trop bruyamment quelques affaires pour s'occuper les mains.
Elle réfléchissait. Parce qu'elle avait fait une remarque à la brune sur la quantité de sel qu'elle avait utilisé, que Regina lui avait rabattu le caquet en lui disant qu'elle n'avait qu'à cuisiner si elle n'était pas contente, ce qui avait vexée Emma qui depuis, s'était recroquevillée dans un coin comme un ours mal léché.
Regina tourna une page un peu trop fort, sans lever les yeux.
« Tu comptes bouder encore longtemps ? lança-t-elle, sèche mais pas venimeuse.
_ Qu'est-ce que ça peut te faire ?
_ Ce n'est pas agréable, souligna Regina.
_ Eh bien désolée de déranger votre tranquillité mon petit roudoudou d'amour royal. Au pire, J'irais dormir dehors. Une cabane à oiseaux voudra peut-être bien de moi. A ce qu'on dit, c'est de famille, de kiffer ces trucs. »
Le silence qui suivit fit lever le regard de Regina. Un sourire, mince et malgré elle, étira ses lèvres. Peut-être parce que sa remarque l'avait amusé, ou alors ce surnom ridicule au lieu de Majesté, elle ne savait pas vraiment.
Le silence se prolongea, mais il n'avait plus la même lourdeur. Regina fit mine de replonger dans son livre, mais ses lèvres gardaient ce petit pli amusé qu'Emma avait bien remarqué.
La blonde continua de bouder un instant, puis finit par pousser un long soupir. Elle traversa la pièce sans un mot et s'assit à côté d'elle, un peu raide, les yeux fixés sur les flammes dans la cheminée.
« Je fais des choses dans la maison, se sentit obligé de préciser Emma.
_ Je sais.
_ Ce n'était pas méchant.
_ C'était une critique. Je me donne déjà assez de mal comme ça avec le peu qu'on trouve dans les placards. »
Emma se mordit la bouche. Elle hésita un long instant, puis resta silencieuse quelques minutes avant de se triturer les mains.
« Je peux me faire pardonner ? »
La brune inclina la tête, intriguée.
« Comment ça ? »
Emma s'était déjà rapprochée. Ses doigts glissèrent dans sa nuque avec une douceur désarmante. Elle s'arrêta un instant, cherchant son regard. Elle chercha son approbation, qu'elle recueillit d'un hochement de tête.
Alors Emma se pencha et déposa un baiser lent, léger, à la jointure de son cou.
Regina inspira brusquement, surprise, mais ne bougea pas. Puis, ses yeux se fermèrent d'eux-même et un soupir s'échappa d'elle lorsque Emma continua sa descente. Elle laissa alors tomber son livre, les mains tremblantes.
« Il est beau ce collier, glissa-t-elle contre sa peau. C'est qui qui vous a offerte cette splendeur, Majesté ? »
Regina rit nerveusement, puis se raccrocha juste à temps au bord du canapé lorsque la langue d'Emma caressa une zone, une seule qu'elle savait bien trop sensible.
« Emma, soupira-t-elle.
_ Oui ? répondit la sauveuse en ne cessant ses attentions, tout en souriant malicieusement.
_ Je suis sure que tu le fais exprès, grogna Regina.
_ Tu es vraiment une rabat joie. »
Et elle recommença, plus fort.
Sans le réaliser, Regina gémit bruyamment et manqua presque de monter sur elle.
« Tu as fini ? gronda-t-elle, presque agacée de se faire avoir si facilement. »
Emma soupira de dépit et éloigna alors son visage. Lorsqu'elle rencontra celui de la brune, ses yeux étaient dilatées, tant par le désir que par la colère de se faire avoir si facilement.
« Ecoute, j'y peux rien si tu as un interrupteur ! tenta-t-elle de se défendre. »
Regina secoua la tête, tremblante, ses doigts encore agrippés au canapé. Elle inspira profondément, mais sa voix resta rauque.
« Ça suffit. »
Emma recula à contrecœur, mais son regard brûlant ne se détacha pas du sien. Elle commença à prendre une mine faussement boudeuse, mais Regina elle, tenta de rester intègre. Tenta…
« On ne doit pas… franchir ça. Pas toi et moi. »
Ses yeux s'étaient fermés un instant, mais Emma vit bien la lutte qui se jouait sur son visage. Regina bougea un peu sa nuque pour tenter de se défaire de ce que Emma parvenait à faire monter en elle si facilement.
Un silence lourd s'abattit, coupé seulement par le crépitement du feu. Emma se laissa retomber contre le dossier, mâchoires serrées, mais une lueur malicieuse persistait dans ses yeux.
« Tu es sure que tu ne veux pas que j'aille faire un tour ? Une petite demi heure, ça devrait suffire. Histoire que tu te soulage un peu.
_ Emma ! répondit Regina, d'un ton choqué. »
Puis, la brune frappa le bras de la sauveuse avec son livre, ce qui la fit rire aux éclats.
« C'est dégueulasse, finit par répondre Regina sans la regarder, les yeux plantés dans la cheminée. Tu as trouvé ça totalement par hasard.
_ Ou parce que je suis douée, répondit Emma.
_ De la chance, rien de plus, trancha la reine. Et moi, je n'ai plus qu'à subir. »
Regina prit un air renfrogné et retourna à sa lecture. Emma plissa les yeux, malicieuse, puis hésita avant de céder.
« Bon. D'accord. Tu veux que je te dise le mien ?
_ Franchement, je ne suis vraiment pas sure, répondait Regina placide.
_ Mon oreille. »
Regina arrondit le regard et le tourna vers elle, choquée.
« Pardon ?
_ Oui. La droite pour être plus précise. Il suffit de souffler quelque chose, rien qu'un peu trop près et je perds la tête. »
Regina soutint son regard, puis tenta de cacher un sourire amusé de son visage. Et elle y parvint, enfin, plus ou moins puisque le tressaillement du coin de sa bouche la trahit.
« Bon, ça et les premières notes de Wicked Game de Chris Isaak.
_ Quoi ? explosa de rire Regina. »
Emma se blottit un peu plus dans sa place en haussant les épaules et Regina ne put qu'en rire de plus belle.
xXx
Le soleil commençait à décliner quand Emma poussa la porte. Ses pas résonnèrent à peine sur le parquet alors qu'elle déposait son manteau sur le dossier d'une chaise.
Les piles du poste radio étaient à plat et elle avait mis un temps impossible à en trouver d'autre, tellement elles s'usaient vite.
C'était désespérant. Elle n'eut pas le temps de se retourner qu'une silhouette fonça dans son dos et des bras l'enlacèrent brusquement par la taille.
« Ah ! s'exclama Emma en riant, déséquilibrée par la surprise.
_ Tu es enfin là ! s'échappa la brune dans un rire clair. »
Emma reconnut immédiatement sa voix. Elle éclata de rire à son tour, attrapant les bras de Regina autour d'elle pour les garder serrés.
La brune enfouit un instant son visage contre son épaule avant de déposer un baiser rapide et tendre sur sa joue.
« Où diable est-ce que tu étais ? souffla-t-elle, son menton encore calé dans le creux de son épaule.
_ J'étais en ville. Je cherchais des piles. »
Regina serra un peu plus son étreinte, comme si elle refusait de la lâcher.
« Tu aurais pu m'emmener, marmonna la brune.
_ En te portant sur le dos ? lâcha Emma en levant les yeux au ciel.
_ Excellente idée. »
Puis, Regina s'appuya pour entourer le cou de la blonde qui se tordit pour ne pas la faire tomber.
« On va se promener le long de la rivière maintenant, affirma-t-elle.
_ Maintenant ?
_ Oui. L'air est doux… et je n'ai pas vu le soleil de la journée. »
Emma se retourna enfin pour lui faire face. Elle avait toujours ce sourire tendre, amusé.
« D'accord. Mais seulement si tu descend. Je ne vais pas venir dix mètres de cette façon.
_ Tu es en train de dire que je suis grosse ?
_ Tu es parfaite, lâcha Emma, lasse, en levant les yeux au ciel.
_ Bien. »
Regina descendit, puis avança pour ouvrir la marche. Le chemin longeait la rivière, bordée de hautes herbes qui se penchaient sous le vent. Le courant bruissait doucement, régulier.
Emma avait passé son bras autour des épaules de Regina. Elle la tenait ainsi, sans y penser, comme si c'était la position la plus naturelle du monde.
Regina parlait, les mains parfois animées, son regard brillant de cette flamme qui n'apparaissait que lorsqu'elle évoquait un sujet qui lui tenait à cœur. Elle parlait d'un roman, décrivant les détails de l'intrigue, les personnages, les atmosphères, sans se soucier de mesurer son élan.
Elle parlait vite parfois, plus lentement d'autres fois, ses mains ponctuant ses mots. Emma, elle, avait cessé de vraiment suivre. Elle se contentait de la regarder et de sourire en coin. Regina ne remarqua rien. Elle poursuivait son récit, absorbée.
Mais au bout de quelques minutes, elle se tourna vers elle, les sourcils froncés.
« Tu m'écoutes quand je parle ? finit-elle par soupirer. »
Emma rit doucement, prise sur le fait.
« Pas vraiment.
_ Charmant, répliqua Regina d'un ton sec.»
Regina s'apprêta à quitter ses bras, vexée, mais Emma resserra son étreinte autour de ses épaules, un sourire attendri au coin des lèvres.
« Je te trouve juste mignonne quand tu racontes une histoire de cette façon, lui chuchota-t-elle. »
Regina se figea, ses lèvres s'ouvrant dans un mélange de surprise et de dédain. Elle détourna aussitôt le regard, haussant le menton comme si elle refusait d'admettre quoi que ce soit.
« Je ne suis pas mignonne. »
Emma éclata franchement de rire, secouée contre elle.
« Moi je trouve que si.
_ Oui, et bien, jamais personne n'aurait auparavant osé me désigner de cette façon. Je suis… la méchante reine, répondit Regina. Je suis intimidante, impressionnante peut-être, mais certainement pas… mignonne. »
Emma explosa de rire mais la brune n'en fit rien. Alors, le sourire toujours accroché, la sauveuse resserra son bras autour d'elle.
« Eh bien, il fallait que quelqu'un corrige cette erreur. »
Un coin de la bouche de Regina se releva malgré elle, et elle détourna de nouveau les yeux vers l'eau, comme pour cacher qu'elle avait cédé un instant.
« Est-ce que tu crois qu'il reste encore du bois sec près de la maison ? lança-t-elle brusquement. On aura besoin d'un bon feu ce soir. »
Emma éclata de rire, secouant la tête.
« Tu changes toujours de sujet quand tu sais que je marque un point.
_ Je ne change pas de sujet, répliqua Regina avec dignité, les yeux fixés sur le chemin. Je fais preuve de prévoyance. »
Emma sourit encore, amusée par cette pirouette, et resserra simplement son bras autour d'elle en continuant de marcher. Puis, elles rentrèrent tranquillement à la maison. Comme souvent à la tombée du jour, le froid s'installait doucement.
Emma déposa quelques bûches près de l'âtre et se frotta les mains. Lorsque le feu fut prêt, elle retourna dans le jardin et y trouva Regina allongée sur le banc.
Elle y avait déposé des coussins et un large plaid. Ses expirations laissaient échapper une petite volupté de fumée blanche.
Alors, elle souffla dans ses mains pendant qu'elle écrivait quelque chose.
« C'est prêt, chuchota Emma à son oreille en s'approchant d'elle. »
Regina se tourna vers elle en un sourire. Elle se décala et Emma prit naturellement place à ses côtés, allongée contre elle.
« Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-elle.
_ Je prends des notes. Est-ce que tu te rends compte que ça va bientôt faire vingt mois qu'on est là ?
_ Ah, répondit Emma, indifférente. Eh bien je n'ai pas vu le temps passer. »
Regina sourit tendrement. Elle posa sa joue sur le haut de sa tête et se mit à dessiner des arabesques sur sa feuille qui comptait les jours depuis qu'elles s'étaient retrouvés dans cette situation.
Emma la regarda faire, pensive.
« Je crois que je n'aurais pas tenu sans toi, dit-elle mécaniquement. »
Regina secoua la tête, comme si elle n'en croyait pas un traitre mot. Mais Emma se redressa un peu et fronça les sourcils.
« C'est vrai, assura-t-elle.
_ Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Je suis sure que la vie aurait été tout aussi tranquille avec énormément d'autres gens.
_ Tu n'es pas d'autres gens, murmura Emma. »
Regina laissa échapper un petit sourire avant de se renfoncer contre elle.
« Me mettre au service de sa majesté m'a donné une raison d'avancer, lâcha Emma d'un ton ironiquement solennel. »
La brune pouffa, peu convaincue.
« Une reine ne porte pas de… jean avec des baskets, ni n'a les mains dans la terre un jour sur deux.
_ La princesse Diana l'a fait, releva Emma.
_ Je ne suis pas une princesse, répondit Regina.
_ Oh. Oh ça ferait un surnom génial, souleva mécaniquement la blonde, le regard dans le vide.
_ Oh non, Emma, tu ne vas pas recommencer avec ça, soupira Regina en se laissant retomber contre elle.
_ Tu seras ma princesse, souleva la blonde en levant un index en l'air.
_ Si tu m'appelle comme ça, je te tue. »
Regina leva les yeux au ciel, exaspérée, mais Emma n'en resta pas là.
Avec un sourire malicieux, elle se pencha et commença à déposer de grands baisers bruyants qu'elle savait avoir en horreur.
« Allez viens contre moi, princesse ! chantonna-t-elle en riant, ses lèvres couvrant chaque parcelle qu'elle pouvait atteindre.
_ Emma ! Arrête ! s'indigna Regina en riant malgré elle, tentant de la repousser du bout des doigts. »
Finalement, Regina abandonna la lutte et se laissa tomber contre son épaule, secouée d'un rire qu'elle ne chercha même plus à cacher. Elle leva les mains en signe de reddition.
« Très bien, tu as gagné… souffla-t-elle dans un soupir amusé. »
Emma l'enlaça plus fort, triomphante, son sourire adouci par la chaleur du moment.
« Voilà. Contre moi, comme il se doit. »
Et, le souffle encore court de leurs rires, elles restèrent lovées l'une contre l'autre, le vieux plaid glissé sur leurs jambes, comme si le monde autour d'elles n'existait plus.
Emma sentit la brune se détendre, de plus en plus, et son bras n'accrocha plus qu'à peine sur elle.
Ses propres paupières tombaient elles aussi lourdement et elle reposa sa joue sur sa tête.
« On devrait rentrer, chuchota-t-elle.
_ Encore cinq minutes, marmonna Regina en se serrant contre son flanc et en remontant le plaid. »
Emma rit tout bas, son front appuyé contre sa tempe.
« Tu vas finir par t'endormir ici.
_ Tant mieux, souffla Regina, déjà à moitié partie. »
Et ce fut exactement ce qu'elles firent. Le feu brûlait dans la cheminée de la maison, le vent agitait doucement les branches du tamaris, et sur le banc, elles s'endormirent l'une contre l'autre, leur respiration se calant naturellement.
Chapter Text
Bonsoir à tous. Désolée pour le retard, je suis bien malade depuis une semaine. Du coup, je vous publie ce chapitre rapidos avant de retourner dans mon lit. Bonne lecture !
Chapitre 8.
Le banc sous le tamaris craquait doucement sous leur poids. Le plaid avait glissé dans la nuit, découvrant leurs épaules, mais aucune n'avait bougé. Emma était toujours lovée contre Regina, son bras autour de sa taille, son front niché dans son cou.
Elles furent tirées de leur sommeil par un son inattendu. Un cliquetis régulier.
Emma remua vaguement, fronça les sourcils. Un vélo venait de passer sur la route voisine. Un vrai vélo, dont la chaîne grinçait légèrement à chaque tour de pédale.
Quelques secondes plus tard, le grondement d'un moteur monta, puis une voiture passa non loin, avec ce vrombissement familier.
Emma ouvrit grand les yeux, le cœur battant. Elle se redressa un peu, surprise par ces sons qu'elles n'avaient plus entendus depuis…
« Regina… murmura-t-elle. »
La brune grogna vaguement, remua sous le plaid, puis resserra son étreinte contre elle. Son visage se nicha encore plus dans son cou, ses lèvres frôlant sa peau.
« Non, marmonna-t-elle d'une voix encore endormie. »
Emma la laissa faire un instant, incapable de retenir un sourire attendri. Mais bientôt d'autres bruits s'élevèrent : une portière qui claque, un chien qui aboie, des éclats de voix au loin.
« Tu entends ? murmura-t-elle.
_ Laisse moi encore dormir contre toi, tu sais comme je suis grognon après, marmonna la brune, à demi ensommeillée. »
Emma se leva malgré tout et Regina grogna. Alors elle la suivit en passant une main dans ses cheveux ébouriffés.
« J'espère que tu as une excellente raison de faire ça. »
En avançant vers la ville, les sons se firent plus nets. Des vitrines éclairées, le bruit d'un bus qui freinait, des passants discutant sur le trottoir.
Emma s'arrêta net, incrédule. Elle commença à marcher plus lentement, ses yeux happés par chaque détail, comme si elle avait oublié ce que c'était que la normalité.
Regina, restée deux pas en arrière, était cette fois bel et bien réveillée. Et elle fixa le monde, incrédule. Puis, Emma continua de s'avancer.
« Hé… attends-moi. »
Emma se retourna. Regina s'approchait d'un pas rapide, rattrapant son retard, son visage partagé entre la surprise et une certaine curiosité.
« J'y crois pas… murmura Emma, incrédule. On est revenu à la normalité… juste comme ça ! »
Regina haussa les sourcils, amusée. Dans un geste fluide, elle gloussa et passa ses bras autour de ses épaules, se hissant légèrement dans son dos pour marcher collée à elle.
« Ça n'a pas l'air de te réjouir, souffla-t-elle près de son oreille, espiègle. »
Emma grogna, levant les yeux au ciel.
« J'aurais au moins aimé y être pour quelque chose.
_ Tu as bien trop de fierté.
_ Et c'est toi qui dit ça, princesse. »
Regina rit doucement, son souffle chaud tout près de son oreille. Emma finit par sourire malgré elle, ses mains remontant pour se poser sur les bras qui l'entouraient. Et c'est à ce moment précis qu'une voix, incrédule, s'éleva derrière elles.
« … Emma ?! »
Elles se figèrent toutes les deux. Emma tourna la tête. Snow avançait vers elles, les yeux grands ouverts, clignant des paupières comme si elle doutait de ce qu'elle voyait.
Emma resta immobile une seconde, le sourire encore accroché à ses lèvres, les mains toujours posées sur les bras de Regina.
« Oh ! Maman ! répondit Emma, presque joyeusement, sans bouger d'un millimètre, toujours lovée dans l'étreinte de Regina. »
Le contraste était si absurde que le silence sembla se figer entre les trois. Snow cligna plusieurs fois des yeux, son regard passant de sa fille à Regina, puis de nouveau à leur posture beaucoup trop intime pour être anodine.
La reine, elle, ne bougea pas d'un millimètre. Son menton toujours posé près de l'épaule d'Emma, elle se contenta de redresser à peine un sourcil, comme si cette interruption était parfaitement secondaire.
Snow cligna plusieurs fois des yeux, son regard allant de sa fille à la brune.
« Mais… qu'est-ce que vous faites ? »
Emma haussa les épaules, un bras toujours posé par-dessus ceux de Regina.
« Ben… on est là. »
Snow se tourna vers Regina derrière elle qui haussa elle aussi les épaules en fronçant les sourcils.
« Quoi ? »
Snow cligna plusieurs fois des yeux, comme si elle avait mal entendu.
« Emma, tu… ne te prépare pas pour la remise de diplômes d'Henry ? »
Emma et Regina tournèrent la tête l'une vers l'autre, comme si Snow venait de dire la chose la moins importante du monde. Leurs regards se croisèrent et, à l'unisson, elles lâchèrent :
« Henry ! »
Snow ouvrit la bouche, confuse.
« … Pardon ? »
Mais elle n'eut pas de réponse. Regina avait déjà attrapé la main d'Emma, la tirant avec énergie. La blonde, riant, se laissa entraîner, leurs doigts entrelacés.
Et Snow resta plantée là, bouche bée.
xXx
Les portes du manoir claquèrent derrière elles. Regina et Emma traversèrent l'entrée d'un pas précipité, leurs voix résonnant en même temps.
« Henry ! »
Un silence, puis des pas lourds dans l'escalier. Henry apparut sur le palier, les cheveux en bataille, les yeux encore mi-clos. Il cligna des yeux, surpris de les voir toutes les deux, essoufflées, plantées au milieu du hall.
« … Quoi ? »
Il n'eut pas le temps d'en dire plus. Elles avaient déjà foncé vers lui. Regina fut la première à l'enlacer, et Emma la suivit aussitôt, refermant ses bras autour d'eux deux. Henry, coincé entre elles, écarquilla les yeux, mi-interloqué, mi-amusé.
« Maman… Emma… ? Vous allez m'étouffer ! »
Mais aucune ne desserra son étreinte. Regina avait les yeux fermés, sa main crispée dans ses cheveux. Emma enfouissait son visage dans son épaule, incapable de relâcher la pression.
Henry soupira, une petite moue attendrie au coin des lèvres. Malgré sa taille, malgré son âge, il se laissa aller contre elles, rendant leur câlin maladroit mais sincère. C'était si rare, après tout.
« Qu'est-ce qui vous prends ? C'est mon diplôme qui vous met dans cet état ?
_ Ton diplôme ? répéta Emma.
_ Oui, la remise des diplômes. C'est la semaine prochaine. Ne me dites pas que vous avez oublié. »
Regina se détacha un peu de son fils. Emma et elle se regardèrent au même instant et elles comprirent tout à coup, que tous ces mois qu'elles avaient passés seules n'avaient été vécu que par elles.
xXx
Quand le temps reprit enfin sa course, elles étaient installées dans une banquette du Granny's. La lumière des suspensions baignait la salle, familière et rassurante. Ruby, perplexe, les regardait avec ses yeux écarquillés, son carnet à la main.
« Attendez… vous voulez dire… toute la carte ? »
Emma, accoudée à la table, hocha la tête avec un sourire.
« Ouais. Tout. Des pancakes aux lasagnes, en passant par les milkshakes.
_ Les beignets aussi, ajouta Regina avec son ton le plus naturel, en consultant la carte comme si elle négociait un contrat. Tous. Enfin, deux, pour chaque saveur différente. »
Ruby resta un instant figée, le stylo en suspens.
« Vous êtes sérieuses ? »
Emma et Regina échangèrent un regard, un sourire complice au coin des lèvres.
« Très sérieuses, dirent-elles presque en même temps. »
Ruby secoua la tête, mi-exaspérée, mi-amusée, avant de repartir vers le comptoir.
« Comment est-ce que tu explique un phénomène pareil ? souffla Emma en trempant ses lèvres dans le café que la louve leur avait ramené.
_ Je l'ignore. C'est comme s'il ne s'était rien passé. »
Machinalement, Regina passa sa main sur son cou comme elle le faisait depuis un moment déjà. Seulement, son collier n'y était plus présent.
« Ne sois pas triste, murmura la sauveuse. Tu imagines, ça fait un an et demi qu'on n'a pas eu de vrai repas. »
Regina lui accorda un mince sourire, puis finit par hocher la tête.
« Et c'est moi qui paie, releva Emma en pointant sa cuillère vers elle. Tout pour ma princesse. »
Regina leva les yeux au ciel, mais un rire lui échappa malgré elle.
« Arrête de m'appeler comme ça.
_ Pourquoi ? demanda Emma, feignant l'innocence. »
Regina haussa simplement les épaules… et un sourire bête, incontrôlé, se dessina sur ses lèvres.
Emma la fixa une seconde, le cœur serré par la tendresse, puis se mit à rire doucement, incapable de s'en empêcher. Ruby revint quelques minutes plus tard, poussant un chariot chargé d'assiettes et de plats qui débordaient presque. La table se remplit en un clin d'œil : pancakes fumants, lasagnes, burgers, milkshakes, tarte, beignets… tout y était.
Emma écarquilla les yeux comme une gamine devant un trésor.
« Oh. Mon. Dieu. »
Regina, elle, resta d'abord parfaitement digne, croisant les bras comme si rien de tout ça ne l'impressionnait. Mais ses lèvres trahirent un sourire en coin lorsqu'Emma attrapa déjà une part de tarte.
« Vraiment, Emma ? La tarte avant même le plat principal ?
_ Tais-toi, répliqua Emma la bouche pleine. »
Regina leva les yeux au ciel, mais se pencha tout de même pour piquer un morceau du pancake qu'Emma s'était servi.
« Hé ! protesta la blonde, faussement indignée.
_ Partager, c'est une valeur essentielle, répondit Regina en portant la bouchée à ses lèvres avec une satisfaction évidente. »
Emma et Regina riaient encore, leurs assiettes à moitié vides devant elles, quand la clochette de la porte tinta. Hook venait de la franchir, interpellé.
Il cherchait sa femme partout depuis des heures. C'est qu'il s'était retrouvé seul, dans son lit dès le matin ce qui n'était vraiment pas habituel. Lorsqu'il tourna la tête, il resta quelque peu planté sur place, choqué. Ruby, derrière son comptoir, s'avança discrètement vers lui. Elle jeta un coup d'œil aux deux femmes toujours trop proches à table.
« Elles sont arrivées comme ça ce matin… lâcha-t-elle en séchant un verre avec un torchon qu'elle tenait dans ses mains. Elles ont commandé l'équivalent de trois jours de repas et elles n'ont pas décollé depuis. »
Hook la fixa, incapable de formuler une réponse. Ses lèvres s'entrouvrirent, puis il secoua la tête, comme pour chasser l'absurdité de ce qu'il voyait.
Finalement, il fit quelques pas vers leur table, presque hésitant. Ses yeux ne quittaient pas Emma, figée entre son rire et la présence de Regina à ses côtés.
Il s'arrêta devant elles.
« … Emma ? l'appela-t-il d'un ton incrédule. »
Emma leva la tête. Elle avait encore ce sourire accroché aux lèvres.
« Oh, salut Killian, répondit la blonde, sans émotion. Désolée, on parlera plus tard. Je suis dans un état d'urgence alimentaire absolue. »
Regina tourna légèrement la tête vers elle et un sourire idiot, incontrôlé, s'étira sur ses lèvres. Hook s'assit face à elles, raide, ses coudes appuyés sur la table. Il les fixa longuement sans même qu'elles s'en rendent compte.
« Quelqu'un peut m'expliquer ce qui se passe ici ? demanda-t-il d'une voix un peu plus sèche. »
Emma leva les yeux au même moment que Regina. Elles échangèrent un bref regard, et, sans se concerter, répondirent d'une seule voix :
« Rien. »
Elles se figèrent, se regardèrent une seconde… puis rirent ensemble, leurs épaules se heurtant.
Hook leva les mains, excédé.
« Très bien, c'est quoi ce cirque ? »
Emma le fixa un instant, puis souffla d'un ton posé.
« Je pense que tu ne
_ pourrais pas comprendre, termina Regina, exactement dans la foulée, sans même réfléchir. »
Elles se tournèrent l'une vers l'autre, un sourire complice étirant leurs lèvres.
« Bon. Laisse-nous, on doit manger. Et ensuite, on doit… on doit faire quoi ? demanda soudain Emma en se tournant vers Regina.
_ Acheter de la glace. Beaucoup de glace.
_ Exact, approuva Emma. Et regarder un film.
_ Tout sauf Grease, ajouta Regina.
_ Ou Terminator, grimaça la blonde. »
Regina hocha la tête. En face, Hook restait muet, incapable d'intervenir.
xXx
Un peu plus tard, Emma traversait la rue principale quand elle aperçut une silhouette familière. Elle cligna des yeux.
Regina avançait sur le trottoir, silhouette droite, jupe crayon parfaitement ajustée, talons claquant sur l'asphalte. Elle avait l'air… comme avant. Comme si la veille n'avait jamais existé.
Emma s'arrêta net, bouche entrouverte.
En s'approchant, Regina intercepta son regard et grimaça.
« Je sais. »
Sans cérémonie, elle posa une main sur l'épaule d'Emma pour garder l'équilibre, ôta l'un de ses escarpins et se massa aussitôt le pied avec une petite moue agacée.
« C'est dingue comme j'ai fini par me déshabituer de ces trucs, souffla-t-elle, fatiguée. Et en plus, j'ai complètement oublié cette histoire de réunions, je ne sais même pas de quoi ça parle. »
Regina s'appuya un peu plus contre elle, comme si l'équilibre ne tenait plus qu'à cette main posée là. Emma ne bougea pas, la gardant contre elle.
« Tu aurais du annuler, souffla Emma.
_ Je sais, j'ai essayé mais je n'y suis pas parvenu. Et maintenant, je vais avoir l'air d'une idiote, pesta Regina. »
Puis, la brune se tourna vers Emma, qui ne répondait pas, trop occupée à l'observer en souriant un peu. Regina avait remis un peu de maquillage. Et ce parfum, qu'elle mettait avant. Elle n'en avait jamais changé depuis leur première rencontre, lorsque Henry était parti la chercher.
« Toi, tu n'écoute rien de ce que je raconte, murmura la brune en secouant la tête.
_ Tu es très belle comme ça, lâcha la sauveuse avec sincérité. »
Soudain, les lèvres de Regina s'étirèrent dans un sourire tendre. Elle laissa sa main posée sur son épaule un instant de plus, presque comme une caresse retenue. Emma resserra alors imperceptiblement sa prise dans son dos, ses doigts appuyant juste assez pour dire reste.
Le sourire de Regina s'élargit légèrement, fragile mais complice, comme une réponse muette.
« Je peux venir ? demanda soudain la sauveuse.
_ Tu n'en as pas encore eu assez de rester collée à moi pendant plus d'un an non-stop ? demanda la brune en haussant un sourcil. »
Emma se pencha, sa bouche effleurant son oreille.
« Non, lui murmura-t-elle au coin de l'oreille d'une voix vibrante. »
Regina se figea légèrement, son souffle suspendu. Elle était toujours dans ses bras. Alors Emma ajouta, d'une voix douce, presque fragile.
« Tu me manques.
_ Oui eh bien, on se reverra dés ce soir figure toi car ta mère a eu l'idée ingénieuse, ironisa Regina, de faire une « réunion exceptionnelle » pour « parler de ce qui nous est arrivé ».
_ On aurait peut-être du garder ça pour nous, marmonna la blonde.
_ Et comment, soupira Regina. Mais il aurait fallu expliquer pourquoi tu as des reflets roses dans les cheveux et comment les miens ont poussé à une vitesse surnaturelle du jour au lendemain. »
Elles restèrent là, trop proches pour que ce soit innocent, la rue entière comme estompée autour d'elles. La main d'Emma glissa lentement dans le dos de Regina, traçant de petits cercles invisibles. Regina, malgré elle, se laissa aller, ses doigts resserrant un peu plus leur prise sur l'épaule de la blonde.
« Je te laisse, finit par souffler la brune. Souhaite moi bonne chance et… profite de ce temps pour aller revoir ton mari parce qu'il a l'air de s'inquiéter pour toi. »
Emma leva les yeux au ciel. Regina sourit, puis prit sa mâchoire et colla ses lèvres sur sa joue avant de s'en aller, non sans pester discrètement sur la hauteur de ses talons.
Emma laissa échapper un sourire ravi et tourna les talons, peu décidée pourtant à retourner dans son ancienne maison pour le moment.
Ce n'est que près de deux heures plus tard que Emma décida de revenir à la mairie. Elle toqua discrètement au bureau de Regina qui lui marmonna de rentrer.
Fatiguée, la brune était accoudée à son bureau et réagit à peine à l'entrée de la sauveuse.
« Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle machinalement en faisant défiler des factures sur son ordinateur, lasse.
_ Bon. Je sais que la journée est difficile, surtout pour toi. »
Regina marmonna, agacée. Alors, Emma contourna son bureau, écarta ses cheveux et glissa dans son cou, une petite chaine.
« Mais regarde ce que j'ai retrouvé tout à l'heure, lui murmura-t-elle. »
Regina baissa les yeux. Là, posé sur son sternum, brillait le petit pendentif en forme de flamme. Le même qu'elle avait porté, sans jamais l'enlever, pendant plus de six mois. Les doigts d'Emma effleurèrent sa peau en fermant le fermoir.
« Comment est-ce que tu as fais ? souffla la reine, sa main tremblante touchant le bijou.
_ Je me suis souvenu de la boutique dans laquelle je l'avait eu et je l'ai acheté pour toi. »
Regina laissa échapper un soupir, un peu tremblant. Sa gorge était un peu nouée, mais sa main elle, continuait de tenir le pendentif, comme si elle craignait qu'il disparaisse de nouveau.
« Tu n'aurais pas dû… souffla-t-elle, presque en reproche, avant que sa voix ne se radoucisse… mais merci. »
Emma sourit doucement, puis, sans rien ajouter, glissa ses bras autour de ses épaules. Elle se pencha jusqu'à coller sa joue contre la sienne, se blottissant dans son dos.
Regina ferma les yeux. Un souffle plus calme qu'auparavant quitta ses lèvres, comme si la présence d'Emma faisait tomber un poids invisible. Elle porta instinctivement sa main sur l'un des bras de la blonde, l'y laissant reposer.
Un long silence s'installa.
« Tu ne devrais pas être en train de bosser, affirma Emma avec mélancolie. »
Regina esquissa un sourire amer.
« Et toi, tu ne devrais pas être ici.
_ Je suis venue pour ton histoire de réunion tu sais ?
_ C'est dans une heure, ici.
_ Ok je peux rester en attendant alors ?
_ Oui, tu peux rester, rit un peu la brune. »
Emma dévia alors sa bouche et commença à parsemer la nuque de la brune de baisers lents. Regina ferma les yeux et soupira d'aise en se laissant aller.
La poignée de la porte s'abaissa soudain.
« Madame le Maire ? appela la voix de son adjointe, en poussant la porte. »
Emma se redressa brusquement, les bras toujours autour de Regina, qui rouvrit les yeux avec un sursaut. La jeune femme s'arrêta net en les découvrant ainsi enlacées.
« Oh… pardon. Je… je repasserai, balbutia-t-elle avant de refermer aussitôt la porte. »
Un silence retomba. Regina inspira profondément, tenta de se recomposer, mais Emma sentit son sourire revenir malgré elle contre sa peau.
« Madame le Maire ? répéta Emma d'un ton solennel.
_ Ça ne m'avait pas manqué, je peux te le garantir. »
Emma rit doucement, puis reprit son exploration. Ses lèvres retrouvèrent la nuque de Regina, y déposant de nouveaux baisers lents, comme si rien n'avait pu vraiment briser leur bulle.
Regina, cette fois, ne chercha plus à résister. Elle inclina la tête pour lui offrir plus d'espace. Un silence, doux cette fois, s'installa entre elles.
« Tu sais… j'ai pensé à hier soir, murmura la blonde. »
Regina entrouvrit les yeux, un peu troublée.
« Hier soir ?
_ Oui. À la maison, dit Emma doucement. Celle qu'on a perdue. »
Regina se figea légèrement, le souffle suspendu. Son coeur se serra douloureusement. Elle n'avait pas osé y retourner. Imaginer revoir le jardin en friche lui donnait déjà envie de pleurer. Depuis leur retour à la normale, tout ce qui avait été fait semblait avoir disparu.
Emma resserra ses bras sur elle, sa bouche frôlant encore sa nuque.
« J'ai pas envie que ça reste juste… vide.
_ Et que veut-tu qu'on y fasse, Emma, murmura douloureusement la brune. Elle n'est pas à nous cette maison.
_ Elle était à vendre, tu te souviens ? souffla la sauveuse.
_ Emma… répondit Regina en secouant la tête.
_ Quoi ?
_ C'était différent là bas, tu le sais.
_ On en reparlera, affirma Emma. Mais moi, je refuse de la laisser comme ça. Et je sais que c'est pareil pour toi. »
Regina soupira, sans répondre à sa suggestion. Emma s'arrêta et Regina fronça les sourcils dans le vide.
« Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-elle en se retournant un peu.
_ La réunion ne va pas tarder et je sens que je vais encore me prendre des réflexions si on me trouve ici.
_ Je m'en fiche, c'est moi la reine. »
Puis, Regina tira le bras d'Emma pour l'inviter à retourner à sa position initiale.
« Tu reste, chuchota-t-elle. »
Emma gloussa et reprit alors ses attentions avec amusement et douceur. Alors, Regina ferma de nouveau les yeux en souriant.
« Si ta mère t'agace, je te ferais un massage des épaules, murmura Regina.
_ Oh oh, j'espère qu'elle va m'énerver très très fort. »
La reine gloussa contre elle. Elle allait ajouter quelque chose, mais la poignée de la porte tourna d'un coup. Les deux femmes se figèrent.
« Madame la Maire ? lança une voix dans l'embrasure. Tout le monde est arrivé, nous pouvons commencer. »
Emma retira lentement ses bras, comme à regret, tandis que Regina reprenait aussitôt son masque, redressant les épaules et lissant machinalement sa jupe. Elle répondit d'un ton ferme, presque sec.
« Très bien. J'arrive. »
Emma, elle, resta en retrait, les yeux fixés sur elle, un petit sourire encore accroché aux lèvres malgré l'interruption.
« Tu es si sérieuse, répondit Emma d'un ton moqueur en fronçant les sourcils. »
Regina rit un peu en se retournant vers elle pour lui accorder un regard complice, puis s'avança pour ouvrir la porte.
Snow et Charmant entrèrent, puis tombèrent sur Emma. Il la fixèrent, surpris.
Henry les suivit et se fut à Hook de fermer la marche. Emma vint s'installer à la grand table, juste à côté du bureau de la brune. Et celle-ci vint prendre place à ses côtés en lui accordant un léger sourire.
« Bon, je crois qu'on avait tous plus ou moins besoin d'un moment pour poser les choses, entama Snow. »
Emma croisa les bras sur la table, regardant droit devant elle. Regina, elle, se pencha légèrement, son coude posé, le menton dans sa paume.
David enchaîna, posément.
« Vous dites que… vous êtes réveillées hier dans Storybrooke… mais pas celui qu'on connaît. C'est ça ? »
Emma répondit d'un simple hochement de tête. Regina prit la parole sans qu'on le lui demande.
« Nous avons atterri là bas il y a de cela… presque deux ans en réalité, réalisa Regina, mais nous étions seules. Puis nous sommes revenu maintenant, comme si de rien n'était !
_ Attendez, rit nerveusement Snow. Deux ans ? C'est une plaisanterie j'espère ?
_ Si on vous dit que c'est vrai, murmura Emma d'un ton se voulant convainquant.
_ Pour nous, rien n'a changé, c'est comme si on avait dîner ensemble hier mon cœur, lâcha Snow vers sa fille. Et puis… »
Soudain, Snow s'arrêta, interpellée.
« Pourquoi tu as les cheveux roses ? »
Emma leva les yeux au ciel. Mais Regina, elle, se redressa.
« Je n'ai pas les cheveux roses, nia Emma.
_ Je t'avais dis qu'il restait des traces, murmura la brune.
_ Bon. C'est une longue histoire. »
Snow arqua un sourcil, surprise.
« Pour notre part, nous nous sommes réveillés un beau jour, dans une ville complètement figée par le temps, continua Regina. Comme une maquette vide. Avec encore de la vaisselle sales dans les éviers, et des commerces fermés. Et nous avons vite réalisé qu'il n'y avait que nous.
_ Il n'y avait même pas d'électricité, souffla Emma. »
Henry fronça légèrement les sourcils. Il semblait être le seul à les croire entièrement.
« Comment est ce que vous avez fait ?
_ On a cherché d'abord, répondit la blonde. Tous les jours, pendant des semaines. On refaisait les mêmes trajets. On a commencé par le bureau du shérif, on a épluché les radios, les talkies walkies, rien. Ensuite, il a bien fallu qu'on commence à se débrouiller. Alors on s'est mit à faire des réserves, du bois, des vivres…
_ Et ta magie ? avança Snow en se tournant vers Regina.
_ Rien. Pas un sort, pas un frémissement. Même les objets enchantés étaient inertes. C'était comme si… le monde lui-même avait été mis en pause.
_ C'est bizarre.
_ Oui eh bien, il a bien fallu s'y faire, lâcha Regina en grognant.
_ On a fini par arrêter de chercher, lâcha Emma en haussant les épaules. Parce que c'était fatiguant, énergivore et que ça nous rendait anxieuse.
_ Vous avez essayé de sortir de la ville ? demanda David.
_ On n'a pas osé. On n'aurait jamais pu savoir l'effet que ça aurait eu. »
L'homme hocha la tête dans le vide, le regard perdu, comme plongé dans ses pensées.
« Mais qu'est-ce que vous avez fabriqué tout ce temps alors ? demanda Hook en grimaçant.
_ Que vouliez-vous qu'on fasse ? grogna la brune. On mangeait, on dormait et on priait pour ne pas devenir dingues.
_ Regina m'a forcée à jouer à un jeu de mémoire avec des plantes, marmonna Emma en croisant les bras sur sa poitrine d'un air renfrogné.
_ C'était pour stimuler ton cerveau, reprit la reine d'un air se voulant convainquant. »
Emma se pencha légèrement vers elle, un sourire narquois au coin des lèvres.
« T'as jamais admis que j'avais gagné.
_ Parce que tu trichais, chuchota Regina. »
Henry pouffa, puis s'interrompit en voyant Hook lever les yeux au ciel. Regina se redressa un peu dans son siège, reprenant une contenance plus formelle.
« Donc, vous… êtes restées à deux ? Tout ce temps ? insista Snow.
_ Que voulais-tu qu'on fasse au juste ? siffla Regina. Qu'on s'évite tout le reste de notre vie en se jetant des tomates pourries comme des voisines qui se détestent ? »
Cette fois, ce fut à Emma de pouffer, tant elle trouvait cette suggestion ridicule. Elle s'appuya en arrière sur son dossier et laissa traîner ses yeux sur le dossier de la robe de Regina. Un simple tissu noir ajusté découvrait légèrement ses omoplates. Son regard glissa vers la nuque dégagée. Elle pinça doucement les lèvres et réprima un sourire.
Regina tourna légèrement la tête au même moment, intercepta son regard, et sans dire un mot, lui lança un sourire en coin. Emma détourna les yeux vers la table, un peu prise en faute. Elle s'humecta vaguement les lèvres, comme pour se concentrer. Mais sa jambe resta collée contre celle de Regina.
« Ce n'est pas pour revivre chaque instant que je vous ai fait venir, reprit cette dernière, toujours d'un ton calme, mais ce retour n'est pas anodin. Ni pour vous. Ni pour nous. Et il faut qu'on comprenne ce qu'il s'est passé.
_ Oui bien sûr, souffla Snow.
_ Je songeais à fouiller les livres qu'a laissé Rumple dans sa bibliothèque personnelle. Je les ai déjà épluché mais on ne sait jamais.
_ Je t'aiderais, murmura Emma en glissant sa main dans le dos de la brune. »
Regina se retourna, et lui adressa un sourire ravi.
« Merci, dit-elle en levant le menton. »
Snow les fixa, le regard plissé et alterna son regards entre elles.
« Vous me semblez bien proches toutes les deux. »
L'affirmation de Snow avait été donnée sur un ton neutre. Mais dans l'air, elle avait explosé comme une grenade silencieuse. Emma se redressa, les sourcils froncés.
« Quoi ? Non. On a juste… survécu ensemble. »
Regina cligna des yeux, agacée.
« C'est une réunion ou une séance d'interrogatoire ? »
Hook sourit sans humour.
« On a le droit de vous demander, siffla-t-il.
_ Eh bien tout le monde peut garder ses spéculations pour soi, coupa Regina, la voix plus sèche. Vous avez demandé un compte-rendu. On vous en donne un. Mais si le but est de déterminer à quelle distance exacte nos lits étaient placés, je vous épargne la peine : ça ne vous regarde pas.
_ De toute façon, c'est simple, on dormait dans le même, balança Emma sans réfléchir. »
David se tourna vers sa fille, le regard rond et Regina fila un coup de pied loin d'être silencieux dans le mollet de la sauveuse. Elle se racla la gorge et Hook, lui, semblait de plus en plus agacé par la situation.
« Vous m'en direz tant, grogna-t-il.
_ Ecoutez, s'énerva Regina une bonne fois pour toute. J'aurais bien aimé vous y voir, quand il faisait -5 dehors et que nous étions sans chauffage en train de crever de froid. On a trouvé les seules solutions qu'on avait sous la main, c'est un crime ? »
Emma tourna la tête vers elle, l'observa un instant. Elle remarqua la tension dans ses épaules, sa mâchoire serrée et ses poings. Alors, sans un mot et d'un geste purement automatique, Emma tendit lentement la main pour la poser dans le bas du dos de la brune, juste là où la colonne vertébrale rencontre sa hanche.
Aussitôt, Regina sembla relâcher la tension de ses épaules. Son regard resta fixé devant elle, mais son souffle s'adoucit.
Elle baissa les yeux un bref instant, puis soupira.
« Pardon. Je m'emporte. Mais vos sous-entendus sont… fatigants. »
Henry ne disait rien. Mais il observait. Tout. Hook, lui, pinça les lèvres, le regard noir.
« On a fait ce qu'on a pu, compléta Emma. Et pour être honnête… ça a plutôt bien marché.
_ Tout à fait, acquiesça la reine. Ce n'est pas parce qu'on a vécu quelque chose d'extrême qu'on a perdu notre bon sens. Ou nos limites.
_ Ce n'était pas une attaque, Regina, rectifia Snow. C'était juste… une constatation. »
Regina acquiesça, sans chaleur.
« Dans ce cas, ma réponse est non. Nous ne nous sommes pas rapprochées. Pas du tout. Je ne vois même pas ce qui vous fait dire ça. »
Emma souffla doucement, sans la contredire. Mais ses mains elles, commencèrent un long va et viens le long de sa colonne.
Un silence avait suivi la réponse tranchée de la reine. Elle venait de dire, sans broncher, qu'elles ne s'étaient pas rapprochées. Que tout allait bien. Que tout était normal.
Et pourtant, Emma laissait ses doigts glisser le long de son dos, sans y penser. Ou plutôt… si. Très consciemment. Lentement, juste là, entre les omoplates, là où la fermeture éclair descendait en ligne droite.
Une caresse presque absente, comme si elle suivait une couture invisible.
Regina, elle, continua de parler comme si de rien n'était.
« Et je crois que nous avons tous mieux à faire maintenant que d'épiloguer sur des choses qui n'ont pas existé. Nous sommes revenues, c'est l'essentiel. Non ? »
Elle ne se retourna pas. Elle ne bougea pas, malgré les gestes de la blonde derrière elle.
Emma, elle, fixait la nuque de Regina comme si elle en déchiffrait un secret. Son regard était concentré, presque tendre. Sa main, elle, s'était immobilisée au creux de sa colonne, là où la peau semblait toujours appeler les lèvres.
Henry jeta un regard rapide à la scène. Il ouvrit la bouche, comme pour dire quelque chose, puis se ravisa.
Snow pinça les lèvres, les yeux fuyants.
Hook, lui, ne disait plus rien depuis plusieurs minutes. Il fixait la main d'Emma. Et il bouillonnait.
« Quoi ? demanda Regina en haussant les épaules. »
Emma leva les yeux au ciel en glissant lentement sa main le long du dos de la brune avant de la reposer sur la table calmement.
« Ecoutez, si vous avez des doutes, posez vos questions une bonne fois pour toute, renchérit-elle. Sinon, vous pouvez arrêter de nous regarder comme si on avait assassiné quelqu'un.
_ Deux ans en vase clos et soudain vous ne vous quittez plus d'un souffle, lâcha Hook. Et puis, votre histoire me parait bien bancale. Emma a essayé elle aussi, d'utiliser ses pouvoirs là bas ?
_ Je peux savoir ce que vous insinuez, pirate ? grogna Regina.
_ Disons que ce serait pas exactement la première fois que vous brouillez les pistes, Majesté, gronda-t-il. »
Emma souffla, en secouant doucement la tête.
« Wow. Ok. On y est.
_ Vous êtes sérieux ? Vous pensez donc que j'ai attendu patiemment que votre femme soit revenu en ville pour la piéger dans une version de cette ville vide, avec moi, histoire de bouffer des haricots en conserve pendant vingt long mois ? Oh oui, c'était mon rêve, ironisa Regina. »
Emma laissa glisser ses doigts jusqu'au poignet de Regina, qu'elle entoura lentement, sans forcer. Elle la tira juste assez pour qu'elle recule un peu.
« Respire, lui murmura-t-elle. »
Regina l'écouta. Machinalement. Et Emma se retourna, le regard noir.
« T'as fini de lui parler comme ça ?
_ Moi ?! couina Killian, outré.
_ Oui, toi, accusa-t-elle. Arrête de la provoquer. »
Emma, elle, n'avait pas bougé. Sa main reposait toujours sur celle de Regina. Ses yeux plantés dans ceux de son mari. Henry cligna des paupières. David déglutit, mal à l'aise.
« Elle a passé des années à construire une image de femme inébranlable et voilà que vous devenez subitement les meilleures amies du monde, mes interrogations sont plus que légitimes. Et puis, c'est pas comme s'il n'y avait pas de précédents.
_ Oh, ça suffit maintenant, s'emporta Emma en se levant d'un bond. »
Regina, cette fois, ne dit rien. Elle avait baissé les yeux, comme si la colère qui montait en elle avait été aspirée d'un coup.
Emma la fixa une seconde de plus. Puis, doucement, elle se rassit et reposa sa main sur dans son dos, calmement.
Un silence avait suivi. Les épaules de Regina s'étaient détendues d'un centimètre. Emma restait droite, son regard planté dans celui de Hook.
Et c'est là que Snow intervint. D'une voix douce. Trop douce.
« Emma… »
Elle tourna lentement la tête vers elle. Snow avait ce ton blessé, mi-maternel, mi-inquiet qui avait le don de fortement agacer sa fille.
« Est-ce que tu peux au moins nous dire ce qui t'est arrivé là-bas ? Tu m'as l'air bien agressive.
_ Je ne suis pas agressive, siffla-t-elle.
_ Tu n'as jamais parlé comme ça. C'est comme si…
_ Comme si quoi, maman ? demanda Emma d'une voix extrêmement tendue. Tu veux que je sois comment ? Détendue ? Gentille ? Tu sais même pas ce que c'était, là-bas. Tu sais pas ce que ça fait de… »
Sa respiration s'emballa autant que sa voix, et sa gorge se noua. Regina le sentit et se tourna vers elle en lui lançant un regard entendu.
Emma tomba sur ses prunelles et soupira. Puis, sa voix reprit, plus calme.
« Pour ce que ça vaut… Nous sommes restées soudées, c'est tout. Alors, désolée, mais j'ai un peu de mal avec les insinuations. »
Regina hocha la tête, sans chercher ses mots.
« Oui. On est… »
Elle jeta un regard à Emma.
« Amies, dirent-elles d'une même voix en hochant la tête d'un seul et même geste. »
Un silence un peu pesant s'était installé dans la pièce.
Snow regardait ses mains. David toussota. Henry observait alternativement ses deux mères, clairement perplexe. Hook, lui, semblait toujours prêt à exploser.
Emma fut la première à briser le malaise, en croisant les bras, plus sérieuse.
« Bref. Voilà. On a survécu. Ensemble. On est restées amies. Fin de l'histoire. »
Regina hocha la tête, d'un air neutre.
« Très proches, certes. Mais toujours amies. »
Son regard croisa celui d'Emma une seconde de trop, mais elle se reprit aussitôt. Puis, la brune se redressa légèrement, ses paumes à plat sur la table.
« Maintenant que c'est dit… Est-ce que quelqu'un ici a une idée de ce qui a pu provoquer ça ? »
Snow prit une inspiration, afin de réfléchir avant de secouer la tête.
« Comme nous vous l'avez souligné, rien n'a changé pour nous.
_ En effet. A part une malédiction, je ne vois rien d'autre, affirma David.
_ Ce n'était pas une malédiction. Aucun de nos souvenirs ne s'est effacé.
_ Je pense qu'on devrait interroger les personnes dotées d'assez de pouvoirs pour provoquer ce genre de phénomène, suggéra Emma.
_ Vous pensez que vous pouvez organiser cela au bureau du shérif ? demanda Regina vers David.
_ Avec votre aide, oui.
_ Bien. Alors, commençons par là. »
Le petit groupe se leva de concert. Mais tous, semblaient trop mal à l'aise pour les regarder « normalement ». Regina remarqua la réaction étrange de son fils et leva les yeux au ciel.
Lorsque la porte se referma derrière Snow, David, et Henry, Emma resta debout un instant, figée. Elle gardait les bras croisés et son regard s'était déjà perdu dans le vide.
Regina referma lentement un dossier devant elle, puis vint s'appuyer contre le bord de la table à sa droite. Emma soupira, avant de se tourner vers la brune. Celle-ci en fit de même, puis se posta derrière elle pour venir masser lentement sa nuque.
« Je pige pas pourquoi ils sont tous comme ça, lança la sauveuse. Sérieux. On a juste répondu aux questions. On a été calmes, factuelles, normales. »
Regina acquiesça tranquillement.
« C'est ce que je me dis aussi. On a fait preuve d'une retenue exemplaire.
_ Oui ! Ils s'attendaient à quoi ? Qu'on se saute dessus devant tout le monde ? »
Regina la regarda et répondit en penchant la tête pour qu'elle la voie.
« Quelle vulgarité. On ne se saute jamais dessus en public. »
Emma secoua la tête avant de rire doucement.
« Sérieusement. Je comprends pas. On est juste proches. C'est pas un crime. »
Regina, un sourire tranquille au coin des lèvres, continua de passer ses mains dans sa nuque. Ses pouces appuyèrent à cet endroit, très précis qui lui faisait toujours si mal et elle soupira d'aise.
« Les gens ont toujours peur de ce qu'ils ne comprennent pas, lâcha la brune en un murmure. »
Emma pouffa, la tête un peu inclinée vers l'arrière.
« Ou alors ils sont juste jaloux. »
Regina se pencha légèrement, ses lèvres à quelques centimètres de son oreille droite.
« Évidemment. »
Emma ferma les yeux d'un coup, une inspiration plus profonde lui échappa. Un frisson lui remonta la nuque.
Sa mâchoire se contracta. Ses épaules aussi.
Et elle soupira longuement
« Tu vas arrêter, oui ? »
Regina haussa un sourcil, innocente.
« Arrêter quoi ? »
Emma rouvrit les yeux, lentement, et tourna légèrement la tête vers elle, sans la regarder en face.
« Tu sais très bien ce que tu fais. »
Regina s'humecta distraitement les lèvres, le ton toujours très posé.
« Moi ? Je t'offre un service de bien-être. Et c'est bien parce que ta mère t'a énervé que je fais ça. Pour le reste, ce n'est pas de ma faute si tu as toute cette tension là. »
Emma serra les lèvres.
« Oui et bien, cette tension bien précise, juste là, elle vient de toi. »
Regina ne répondit pas tout de suite. Elle baissa juste un peu la voix.
« Tant mieux. Ça veut dire que je te fais encore de l'effet. »
Emma leva les yeux au ciel.
« … Je te jure. »
Regina rit avec un mélange de malice et d'amusement.
Sammii (Guest) on Chapter 1 Mon 22 Sep 2025 01:10AM UTC
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