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Français
Stats:
Published:
2025-01-03
Completed:
2025-01-03
Words:
4,660
Chapters:
3/3
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4
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9
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84

9 de nacre

Summary:

- C’est le nouveau centurion.

- Quoi, le nouveau centurion ?

- Ben, rien, il est nouveau. Il est là, quoi. Ils l’ont nommé, ramené du bercail, il est là quoi.

Arthur reste silencieux un moment. Pas qu’il réfléchisse, non, pas du tout. Juste, il attend que Merlin continue. Parce que là, il voit pas bien c’est quoi l’info.
Comme Merlin continue pas et qu’il le regarde avec la même tête comme si on lui avait dit de faire la statue, Arthur se voit forcé d’insister.

- Non mais là, je vois pas bien c’est quoi l’info.

- Bah, il veut vous voir ! Rencontrer le roi, le protocole, vous savez.

Notes:

Secret santa pour @cloudy-cloud-of-satan-sky ♥

(See the end of the work for more notes.)

Chapter 1: L'invitation

Chapter Text

Arthur se prépare pour décarrer. Une matinée de doléances qui s’est bien passée. Il est pas onze heures du matin que c’est déjà fini. Il va pas se faire de vieux os, hein ! 

- Une dernière chose, Sire.

Si un soupir pouvait faire tomber des murs, Kaamelott serait déjà à terre.

Peut-être que s’il fait mine qu’il a pas entendu, Merlin insistera pas. Nan mais quoi, il est le roi, il peut dire que c’est fini, non ? Depuis le temps qu’il tient la baraque debout, ça devrait marcher comme ça. En plus, là, y a zéro pécore à la porte, donc il y a plus de doléance ! Aussi simple que ça. Il rassemble sa cape et tout le toutim et il se lève.

- Nan vraiment Sire, y a une dernière chose.

Léodagan aussi, il soupire, et c’est ce qui donne la force à Arthur de tenir bon. Appelez ça l’esprit de contradiction.

- C’est quoi encore ? Ça a intérêt d’être fendard, hein.

- C’est le nouveau centurion.

- Quoi, le nouveau centurion ?

- Ouais, quoi déjà ? en rajoute Léodagan. Toujours là pour se taper dessus au besoin, fidèle au poste.

- Ben, rien, il est nouveau. Il est là, quoi. Ils l’ont nommé, ramené du bercail, il est là quoi.

Arthur reste silencieux un moment. Pas qu’il réfléchisse, non, pas du tout. Juste, il attend que Merlin continue. Parce que là, il voit pas bien c’est quoi l’info.

Comme Merlin continue pas et qu’il le regarde avec la même tête comme si on lui avait dit de faire la statue, Arthur se voit forcé d’insister.

- Non mais là, je vois pas bien c’est quoi l’info.

- Bah, il veut vous voir ! Rencontrer le roi, le protocole, vous savez.

- Ben non, je vois pas bien. Je les ai rencontrés, moi, les derniers centurions ?

Il se tourne vers son beau-père à la recherche d’une réponse qui lui échappe. Il a pas la mémoire qui flanche, mais les Romains, ça fait longtemps qu’ils se tapent dessus plus pour faire plaisir à l’empereur qu’autre chose.

Léodagan hausse les épaules. « Bah non. » Lui aussi il s’en fout. C’est bon, Arthur est pas maboul. Ça le tracassait pas plus que ça, mais ça fait du bien de se rassurer.

- Bah les autres, c’était des glandus ! s’énerve Merlin. (Pourquoi il s’investit comme ça, aucune idée, mais il a ses marottes des fois. Vaut mieux pas demander.) Lui, il a des manières ! Et il veut vous rencontrer demain à midi pour vous présenter ses respects. Il dit qu’il y aura du porcelet grillé au citron confit dans du miel !

- Bah il se respectera tout seul.

Et là-dessus, il part vraiment. Merlin insiste bien, mais il entend déjà plus rien (il entend toujours, mais il fait tout comme). L’enchanteur se tourne vers Léodagan.

- Me demandez pas d’aller lui dire, j’le ferai pas. La seule chose que je mange avec les Romains, c’est leurs tripes.

 


 

Bien entendu, ça sort de l’esprit du roi aussi vite que ça y est rentré. C’est même pas bien sûr que ça y soit vraiment rentré à un moment, mais clairement ça n’a pas pris racine. Il se passe un bon mois, ou peut-être même deux, pour ce qu’il s’en préoccupe, avant de se rappeler à son bon souvenir.

C’est Bohort qui lui apporte le papelard, cette fois.

- Une missive officielle, fait-il avec ce sourire de connivence qui ne va vraiment bien qu’à Bohort.

À peine voit-il le SPQR en relief en haut du court texte qu’il arrête de lire. « Non merci, » fait-il, et il lui rend.

Bohort, qui respecte le roi plus que tout, mais les ragots encore plus, jette un œil au courrier.

- Mais majesté ! C’est une invitation au camp romain ! De là à dire que c’est pour discuter la paix, il n’y a qu’un pas !

Il s’excite déjà. Arthur jauge la patience qu’il a aujourd’hui avant de penser à lui répondre.

- Ouais, il m’a déjà demandé de se rencontrer. Mais il se prend pour quoi, vraiment ? Je lui ai déjà collé un lapin et il recommence ?

- C’est dire si c’est important !

- Ouais nan, Bohort, là j’ai pas le temps. Bohort, qui l’a attrapé dans les couloirs alors qu’il filait s’occuper d’autre chose. Pas beaucoup plus important, mais il n’a pas à le faire savoir.

- Sire ! Laissez-moi vous rappeler qu’en tant que chef d’État, il est de votre devoir de…

- Bohort, des nouveaux centurions, ils en nomment tous les combien ? Si je devais les rencontrer à chaque fois qu’ils en bombardent un nouveau, j’en verrais pas la fin !

- Mais Sire !

Il est déjà loin.

 


 

- Le centurion vous…

- Non.

 


 

- J’ai entendu dire que le camp romain…

- C’est non !

 


 

- Dites Sire, lance Perceval à la cantonade, vous parlez latin ?

- Je vous préviens, si on vous a dit de me faire penser au centurion, je vous envoie à ma place vous faire botter le cul.

Il sait que ça n’arrivera pas, mais même l’affection d’Arthur envers Perceval connaît la limite de sa patience.

 


 

Et puis celui-là, il reste. Des fois, en bataille, Arthur y pense. Pas forcément quand ses troupes vont dérouiller du Romain, d’ailleurs. Mais juste que des chefs, effectivement, on en voit passer. Pas des rois ; ça, il faut plutôt que ça tienne le coup. C’est pour ça que les Romains sont une menace de moyenne envergure : leurs empereurs se font zigouiller trop vite pour que ça sente pas le déclin. Mais des chefs, des généraux, des têtes d’escadrille, ça ouais. En général, Arthur fait pas l’effort de se souvenir de leur tête. Surtout chez les Angles, chez qui ça va plus vite que le rhume des foins.

Mais à mesure qu’il entend plus parler du nouveau chef du camp romain, Arthur se rend compte qu’on lui en n’a pas annoncé de nouveau. L’absence de ses sollicitations se fait même remarquer, tant c’était devenu des embuscades, à force.

Il est pas comme les autres, celui-là.

 


 

Y a une invitation qui arrive.

C’est le printemps, il fait carrément beau, Guenièvre, Demetra, les jumelles sont toutes de bonne humeur en même temps, ce qui mérite d’être signalé, et… Et Arthur il sait pas trop. Sans doute qu’il se ramollit avec le fond de l’air.

Mais quand une invitation arrive, un an après la première, des mois et des mois après la dernière… Il y peut rien, il se trouve un peu curieux. Faut avouer que c’est quand même curieux, qu’il lâche pas l’affaire. Les Romains sont friands de leur petit cérémonial, mais là ça va un peu loin.

Il espère qu’il va pas payer cher sa curiosité et se retrouver devant un zinzin de l’étiquette. Ça fait un petit moment qu’il a oublié dans quel ordre on est censé manger quel fruit si l’on en croit la noblesse désuète de l’empire. Y a peu de chances, mais l’idée le fait frémir quand même.

- Je vois pas pourquoi vous vous en faites toute une histoire.

Guenièvre le regarde dans le reflet du miroir, toujours adossée à la tête de lit, en train de terminer son petit déjeuner dans le lit.

Le potage et les tartines lui ont bien suffi ce matin. Elles lui pèsent déjà sur l’estomac. Mais il préfère l’ignorer et resserrer un peu plus le cuir de sa ceinture.

(Il pourrait mettre son armure, mais à quoi bon ? Il en a deux : la bretonne, et la romaine. La vérité, c’est que la bretonne reprend tous les éléments sans signe distinctif de la romaine. Même le centurion en saurait rien, en vrai. C’est juste que quitte à mettre un armure, il mettrait la romaine, parce qu’elle en jette plus. Mais le message renvoyé n’est pas le bon. Il sait pas ce qu’il est, mais c’est pas le bon. S’il mettait deux secondes son esprit diplomate en marche, il verrait bien le message que ça renvoie ; il préfère ne pas y penser.)

Non, il va en jeter avec tout ce que Kaamelott en jette. Ses cuirs, son textile, ses lainages. Rome est coquette aussi, Rome est douée aussi, elle maîtrise son artisanat. Mais la mode n’est pas la même, et en vrai, ça en jette. Il est tout en layers et en tentures, en aplats de cuir. C’est propre, ça en jette, et ça le protège presque aussi bien qu’une armure. Certes, ce n’est pas du métal, mais essayez un peu de transpercer trois couches de cuir superposées, vous verrez. C’est plus compliqué, bien plus glissant que ça n’en a l’air.

Lancelot lui a proposé de polir sa couronne. Arthur lui a également confié le fourreau et son épée. Il sait ce qui est important, contrairement à Lancelot (aucun reproche, Lancelot sait mieux que lui parfois ce qui importe auprès des clans de tradition chevaleresque). Il laisse ses cheveux courir sur sa nuque ; s’il ne peut pas parer de crins lustrés un casque, il pourra au moins ne pas être tête nue.

Il ne sait pas ce qu’il va dire, il faut qu’il se prépare. Peut-être qu’il devrait causer de Rome, pour apprivoiser le boug comme c’était prévu depuis qu’il a été bazardé roi de Bretagne ? Ou alors moins risqué, la supériorité numérique bretonne ? Ça devrait lui couper le sifflet, ça !

 


 

C’est le printemps, il fait carrément beau. Y a pas un loup dans la forêt qu’il leur faut traverser pour rallier le camp romain, les oiseaux gazouillent un truc plutôt agréable qu’il essayera de répéter au père Blaise pour changer de la messe, et son équipée n’est pas trop chargée : un page, deux soldats, et Calogrenant. Pour le soutien moral. Et puis, si jamais y a besoin de dégainer, Calogrenant a été maître d’armes en son temps.

Le soleil réchauffe son front. Il a le vent dans les narines. Ça lui rappelle bizarrement le vent dans son pif sur la première plage de Bretagne. Rien à voir : y a pas de sel, y a pas de ressac ; et pourtant personne l’emmerde et du coup il peut contempler en silence.

Quand ils arrivent au camp : d’un coup, l’air s’engouffre dans leurs poumons. La forêt leur laissait entendre la moindre de leur respiration, de leurs battements de cœur. Sur la plaine où s’étendent tentes et simulacre de maisonnettes, l’atmosphère est bien plus venteuse. Ça fourmille d’une indéniable manière. Arthur en est tout de suite troublé, prêt à en découdre avec un ennemi qui n’existe pas.

Pas encore, si ça se trouve. Peut-être un ennemi l’attend-il devant la tente du chef.

Sa petite délégation descend la pente douce qui les mène à l’entrée du camp. On se dépêche de les faire entrer, avec un affairement qui étonne Arthur.

« Par ici Messire », « Veuillez me suivre s’il vous plait », « Puis-je prendre vos affaires », « Voudriez-vous un verre de vin ? On en a importé tout spécialement de Rusaddir. » Il est pas venu pour l’apéro non plus ! Mais à la mention du vin, le roi de Bretagne se ravise et leur prend du vin. Arthur les envoie bouler fissa ; il va pas se faire désapper par le premier Romain venu, et certainement pas leur laisser son épée. Certes, elle est plus fine que le premier glaive venu, mais le feu et tout, ça en jette. C’est pas parce qu’ils ont sa vinasse préférée, par le plus grand des hasards, que tout ne va pas beaucoup trop vite. C’est quoi cet empressement ?

Au bout de l’allée principale, il voit des grattes papiers se faire jeter sans ménagement.

- Euh, vous préférez peut-être qu’on attende ?

Arthur est prêt à être solide sur ses appuis. Il veut avoir l’ascendant quel que soit le numéro qui a clairement été bien mis en place. Il y met un stop immédiatement. On ira à son rythme, ou pas du tout. Son acceptation bien tardive de cette invitation devrait leur avoir fait comprendre.

Et puis, si jamais c’est pas une manigance pour le troubler, c’est peut-être pire. Ça veut carrément vouloir dire que c’est un sanguin à l’intérieur. Les cons trop détendus du fourreau, il s’est assez fait taper dessus par leur engeance, merci bien.

Alors vraiment, il préfère attendre que ça se calme dans le centre de commandement.

- Non non non ! Le pauvre soldat a l’air verdâtre d’un coup d’un seul. Le centurion a bien dit que vous êtes la priorité absolue. Tout doit être débarrassé lorsque vous arrivez !

Il écarquille les yeux, réalisant sans doute qu’il en a beaucoup trop dit.

Arthur n’a même pas le temps de réfléchir aux implications de telles informations, que le pan de toile de la tente d’un blanc relativement propre s’ouvre, et qu’il se retrouve mi-poussé à l’intérieur, mi-éjecté par le fameux centurion qui sort de là.

Et là.

Et là, c’est Caius.

Chapter 2: Centurion

Chapter Text

Comment ça c’est Caius ?

Attendez, rembobinons.

- Caius Camillus, la Bretagne. En poste à Brocavum.

Un coup de stylet dans l’argile, et on l’envoie bouler. Il s’attendait pas à un chœur de mioches, mais un coup de cloche ou quelque chose, quand même. C’est pas n’importe quand qu’un gamin de la street se fait bombarder centurions. Ok, il a passé des années à faire son bout de chemin, mais ça fait longtemps qu’il y a plus assez de guerres pour se faire un nom.

Et les guerres qu’il reste, Caius a tout fait pour éviter d’y aller. Il aime pas ça, se battre. Il est soldat parce que c’est la seule chose qu’il connait. Parce que sa femme le foutrait dehors sinon.

C’est pas qu’il aime pas ses gosses, c’est juste que la légion ça vous lâche pas la grappe. Quand t’es de garde, quand t’es de tour, quand t’as ta propre centurie dans la milice… Surtout, quand tu sais pas trop comment tu t’es retrouvé là à part par la force du temps et du léchage de cul mais que tu peux te faire éjecter fissa. Bref, il a les miquettes pour sa place, alors il bosse, et il bosse encore, et puis il bosse encore plus. Il l’aime bien sa femme, mais elle s’énerve quand il rentre pas, et il rentre pas pour pas se faire engueuler.

Et puis un jour il se retrouve bombardé centurion.

Alors bon, il a plutôt souvent léché des culs pour sa gueule, mais quand y a une ouverture qui se présente, y a comme un truc qui lui dit de sauter dessus.

Parce que bon, à la base, il est censé se retrouver à Cordoue. Alors quitte à être loin de tout et de ses loupiots… Quartus a vraiment pas l’air chaud quand les affectations se chuchotent dans les couloirs, avant le bombardement officiel, il se dit qu’il y a un coup à jouer, le Caius. Il lui en faut pas beaucoup pour lui faire changer d’avis, à Quartus. Coup de bol, il est frileux, et le soleil Vandale, ça le chauffe d’avance.

Quant à Caius… Et bien, à en croire le Sénat, il se dit que le taulier actuel de Bretagne est quelqu’un que Caius a envie de revoir.

Sa femme gueule, mais il reviendra en permission.

 


 

- Comment ça, nan ?

- Ben, le roi, il viendra pas ?

Attendez, quoi ?

 


 

Ça va faire un mois. 

Si cet enculé d’Arturus pouvait répondre à ses foutues invitations, ça lui ferait une belle jambe. Nan, pour de vrai, une vraie jambe et tout.

Nan parce que s’il est venu se peler les miches pour se faire ghoster, merci mais non merci. Il a rien fait pour mériter ça, Caius. Ouais, c’est un petit chef romain, ouais. Mais Arturus peut pas lui en vouloir pour ça, hein ? Ouais ok, il a pas été le plus loyal des potes. Mais tout le monde le sait, qu’il est qu’une sale baltringue qui lâche tout à la moindre menace de douleur physique ! Et puis si Mani et Arturus l’avaient mis au courant, il serait parti avec eux ! Ouais, il aurait gueulé, flippé, argumenté, mais à la fin, voilà. Caius aurait quand même été avec celui qu’allait devenir imperator là-bas ! Ouais, si Glaucia lui avait demandé il les aurait vendus, mais encore une fois ! Il est ce qu’il est.

Il peut pas lui en vouloir quand même, c’est complètement con.

 


 

Ça va faire encore plus de mois. Caius compte plus. Il fait des batailles, des incursions. Il sait qu’il est pas très futé, mais faut dire qu’il a aussi une sacrée bande de bras cassés à gérer. Alors ils font de leur mieux. Il essaye de zieuter le camp de commandement en campagne, mais ils sont toujours trop loin. Même dans les plus petits trucs, il voit rien. Pas d’Arturus, pas de Mani.

Arturus se fait appeler Arthur maintenant, ce qui sonne nul à chier, mais Caius veut pas juger. Il se demande comment Mani se fait appeler – ça doit être encore plus chelou pour qu’il ait pas repéré.

 


 

Il arrête d’envoyer des messages. Il essaye de pas y penser. Il essaye de s’énerver. De l’écrabouiller dans les batailles.

Mais Caius est pas comme ça.

Comment ça disait dans la légion ? Trop mou, le Caius. Qu’il irait pas loin, le Caius. Qu’il a pas de suite dans les idées, ou pas assez pour avoir l’ambition de ses idées.

Ils ont pas tort, en vrai, il le sait. Ça fait longtemps qu’il a arrêté d’essayer, de faire des efforts, parce qu’il sait qu’il est qu’un nul qui n’arrivera à rien.

Il se résigne. Arturus doit l’avoir oublié, en vrai.

 

Mais s’il l’avait oublié, il l’aurait pas regardé comme ça en rentrant dans sa tente. Si ?

Chapter 3: L'invité

Chapter Text

Attendez les gars, c’est Caius , en fait.

Le centurion, c’est Caius. Qui a fait sortir tout le monde et les a fait rentrer direct et qui a insisté et insisté et insisté . Et quand il leur dit Ave c’est tout l’accent du passé qui revient dans sa voix.

Arthur fait volte-face. Il a le cœur dans la gorge, ou du moins ses battements ; des suées froides qui courent sur son corps tout entier.

- Sire ?

- On rentre.

À peine plus haut qu’un murmure, tout l’inverse de ses bottes qui martèlent le sol. 

Dans son dos, le sourire de Caius s’éteint.

 


 

Sur le chemin du retour, son escorte a beau être des bons gars, ça cause à bon train. Ça essaye surtout de causer discret, mais Arthur n’est pas à la tête d’une fédération d’États sans savoir quand ça cause sous le manteau.

Même Calogrenant lui jette des regards qui disent toutes les questions qu’il n’ose pas poser. C’est avec ça qu’Arthur tente de se distraire : il parie avec lui-même combien de temps ça lui prendra de poser sa fichue question. Il le connait bien à force, ça le fait même rire, quelque part au fond de son esprit sous le choc.

C’est pas avant d’avoir franchi les portes de Kaamelott qu’il arrive enfin à tenter sa chance. Bien plus long que ce qu’Arthur avait imaginé à la base. 

- Vous voulez qu’on s’occupe du camp romain ?

- Hein ? Qu’est-ce que vous voulez vous occuper ?

- Et bien, sans vouloir présumer, vous avez l’air franchement en pétard… Je sais que vous êtes pas du genre sanguinaire, mais personne ne vous en voudrait, de temps en temps… D’avoir un coup de sang… Une vengeance personnelle…

Arthur reste interdit pendant quelques secondes. Puis il éclate de rire.

Tous les soldats autour de lui se jettent des regards inquiets.

- C’est bon, c’est bon, calmez-vous, j’ai pas perdu la boule. Nan, vous êtes gentil Calo, mais c’est rien.

- Vous êtes sûr, hein ? Je suis sûr qu’on a des gars qui voudraient bien.

- C’est gentil. Mais non merci.

- Qu’est-ce qu’on fait du coup ?

- Ce qu’on fait ? Avec les Romains ? Ce qu’on a toujours fait.

C’est un peu lâche. Il faut bien qu’il réponde quelque chose, pourtant. On mélange pas le militaire et le privé, comme dirait Lancelot.

 


 

Devinez qui n’est pas lâche ? Vous allez jamais le croire.

Caius.

Ouais, c’est du jamais vu ; tout le monde s’accorde à le dire. Tout le monde, c’est Arturus et ses copains, et c’était il y a des années.

Pourtant, même si c’est Arthur qui reçoit la nouvelle, il se sent très fort comme Arturus prêt à la faire à l’envers à Sallustius.

Mais il est pas au bord de la plage, avec un peuple qu’il ne connaît pas, et juste une épée à son nom. (Logres, ça comptait pas encore, à ce moment-là. Il avait tout à prouver.) Non, il est dans son château, derrière ses remparts, entouré de ses hommes (ils valent ce qu’ils valent, mais on peut pas dire que ce soit personne non plus), et c’est l’ennemi qui vient à sa rencontre.

Depuis quand Caius c’est l’ennemi ?

Il doit bien se rendre à l’évidence : ça fait des années qu’il tarte du Romain à tour de bras. Ça fait des années qu’il ne se bat plus sous la bannière rouge, des années que la plante de ses pieds tente de cicatriser par-dessus le SPQR au fer blanc.

Est-ce que Caius c’est l’ennemi ? Il avait l’air contente de le voir. Il avait son vin préféré. Il l’a même pas fini, d’ailleurs, son verre de Rusaddir. Peut-être bien que la coupette lui est tombée des mains, que le vin a fini dans la terre molle des plaines. Un beau gâchis.

 

Bref, c’est Caius qui est courageux. Qui vient tambouriner à la porte de Kaamelott, et paraît qu’il a même pas d’escorte avec lui. (La vérité, c’est que son escorte est restée à la lisière de la forêt, parce que quand même, c’est pas lui qui fait les rondes et il connait pas bien la région non plus.)

Même pas le lendemain, qu’il débarque, non. Le jour même. Le soir même, à l’heure des loups.

Le mot a vite tourné du retour rapide du roi, que l’on a vu dans les murs de Kaamelott moins d’une demi-journée après qu’il soit parti. Les commérages ayant fait le reste, la rumeur veut qu’il veuille la tête du centurion sur un plateau. Les paris vont bon train quant à l’insulte qui l’aurait mis en rogne.

Alors on y prend avec des pincettes pour lui annoncer la nouvelle. Arthur rirait presque si ce n’était pas un jeune page qu’il avait sous les yeux et qu’il ne voulait pas l’effrayer encore plus. Une tache de pisse sur le pavé, ça leur mettrait une vie à éponger, et ça empesterait bien plus vite.

- Sire, un centurion romain demande audience… Il est seul… Voulez-vous lui envoyer la garde ?

Il s’avance un peu, le petit jeune, mais Arthur ne lui en veut pas. Il est installé sur son trône parce qu’il avait des doléances à lire avant la séance de demain, et que c’est plus commode assis.

D’un vague geste de la main, il le renvoie.

- Non, non, faites-le rentrer. Et l’embêtez pas ! rajoute-t-il d’un cri hâtif. Il veut pas qu’on tente de lui faire plaisir de la mauvaise des manières.

Il a toujours des suées, toujours les battements sourds de son cœur, il entendrait la pierre grincer, pendant le temps qu’il faut pour ramener Caius à lui. Lancelot et Léodagan, dieu foutre sait comment, rentrent dans la pièce et viennent s’asseoir autour de lui comme pour une véritable séance de doléance. Arthur est pas sûr de les vouloir ici, mais il dit rien, parce qu’il est tendu comme un arc.

Il se prépare.

À quoi ? Il sait pas trop. Mais il sait qu’il mérite ce qu’il va se prendre dans la gueule.

 

Et là, Caius.

Il entre, en jupette et en cape rouge, et il regarde autour de lui en s’avançant dans la pièce. Il a le même regard dénué de garde-fou, la même curiosité avide et la même innocence, presque. Il dirait le contraire, mais Arthur l’a connu, un jour, et il le reconnaît maintenant.

Il s’arrête devant le trône. Il ne salue pas, ne ave pas. Il le regarde.

Ils se regardent.

- T’as ramené le pinard ?

Alors plusieurs choses se passent en même temps. Caius glousse. La tension se brise. Lancelot et Léodagan le regardent, Léodagan s’étouffe à moitié. Alors Arthur éclate de rire.

- J’avais tout un truc de prévu, à te dire, lâche finalement Caius quand ils se sont calmés. Je te jure, j’l’avais même écrit et tout. (Lancelot tique sous le coup du tutoiement, Arthur le remarque.) Mais j’étais tellement sûr que t’ouvrirais pas les portes, je pensais pas arriver jusque là. Du coup j’ai tout oublié.

- Tu veux dire que t’as pas ramené le pinard, c’est ça ?

Cette fois-ci, c’est Léodagan qui tique, comme si son con de beau-fils avait définitivement tourné maboul.

- Non, j’ai pas ramené le pinard, non. Désolé, sa majesté, j’ai oublié le pinard ! T’avais qu’à rester pour le boire !

Il sourit encore, mais plus pour longtemps on dirait. Arthur est pas sûr d’avoir jamais vu Caius en colère. Énervé, ça oui, pour sûr, quand personne faisait son plumard à la caserne ou bien qu’il devait se prendre des coups de fouet à leur place parce qu’ils avaient fait le mur.

- Descendez d’un ton, vous vous adressez au roi de Bretagne ! s’insurge Lancelot.

Caius se tourne vers lui, et le regarde vraiment pour la première fois.

- Ouais, bah moi j’suis le centurion du coin. Et vous, vous êtes qui ?

- C’est le seigneur Lancelot du Lac, répond Arthur. Il faut pas déjà laisser la situation partir en couille. C’est un peu, euh, mon ministre, comme un bras droit si on veut.

Caius ne répond rien.

- Comment ça, ton bras droit ?

- Mais je vous demande bien pardon ! Lancelot est à moitié levé de son siège, la main sur le pommeau de son épée.

Arthur lève son bras pour le retenir. Ils échangent un regard, le genre qu’ils échangent souvent en réunion politique. C’est bon, lui fait comprendre Arthur. C’est pas bon du tout, lui fait comprendre Lancelot.

- Bah ouais, tu vas pas me faire croire que ton bras droit c’est un blond . Il est où Mani ?





 

 

Bon.

Il devrait pas être surpris. Il devrait pas avoir le bide ouvert en deux. En fait, c’est normal qu’il sache pas. Pourquoi il est surpris. Pourquoi il y a pas pensé ?

 

Parce qu’il pense pas à Mani.

 

(Il peut pas. Pour faire quoi ? Pour en parler à qui ? Personne ne parle de Mani parce que Mani n’existe pas. Virtuellement, il n’existe pas, en Bretagne. Il y a personne pour l’avoir connu, personne pour le regretter. Il peut pas y penser. Il y a celle qui lui a échappé, et ça il y peut rien. Et y a celui qu’il a tué.

Il peut pas y penser.)

Bon. Au moins ce sera hors du chemin.

- Il est mort.

Ça fout un choc à Caius, un peu.

- Il est jamais revenu, quand on est allé à Rome. J’ai un gars à moi qui l’a cherché, après. Mais… Bah, tu sais comment ça marche.

Pitié, faites que Caius lui demande pas des détails.

- J’avais un autre laïus, mais quand je suis arrivé. C’était y a des mois, alors j’ai aussi oublié, mais c’était pas cool de nous laisser.

- Euh, ouais…

Il assume pas, c’est ça le truc. Rome, c’est pas censé s’inviter à Kaamelott. Il a bien tout fait pour les foutre dehors et leur voler la clef. Et maintenant, faut qu’il justifie des trucs qu’on lui a fait faire – et la seule chose qu’il a vraiment faite par lui-même une fois qu’il a pu couper les fils de marionnettes qui lui pendaient aux poignets.

- Pardon, mais vous êtes qui ?!

Ah, oui. Il a presque oublié l’imposante stature de Léodagan derrière son épaule. 

- Caius Camillius, m’sieur, ave .

Un silence s’impose. Aucun des deux n’en mène large, et l’air dans la salle d’audience pourrait aussi bien être celui d’un château en ruine, pour ce qu’ils contemplent ce qui un jour a été, mais n’est manifestement plus.

 

- Tu sais quoi ? Viens, on va à la taverne se jeter un petit godet.

Arthur se lève, immédiatement invectivé par ses généraux.

- À cette heure ? Seul ?

- Avec un Romain ?!

- Oui maintenant, oui avec Caius, écarte-t-il d’un revers. Allez, viens.

Ils sortent ; franchissent la salle, les couloirs, la cour du château, le mur d’enceinte. Il est plus à une pensée bizarre pour aujourd’hui, mais Arthur se dit : il va bien plaire au tavernier.

Notes:

Ça faisait longtemps que je gambergeais sur ce genre d'idée, j'espère que ça aura plu !