Chapter 1
Notes:
J'écris ça, mais je n'ai aucune base sur ce qu'il se passe vraiment dans cette Essence journalistique-- j'espère que ça ne va pas être trop incohérent une fois le trailer annoncé—
(Update : THATS ACTUALLY GOOD)
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Chapter Text
Tout commence quelque part. 📽
Annie Lester marchait à pas rapide dans le long couloir aux murs couverts de photos jaunies et d'articles encadrés. Ses pas résonnaient légèrement sur le parquet, trahissant en un seule son excitation et son appréhension.
Elle venait d’être convoquée par le rédacteur en chef, une première depuis qu’elle avait intégré la rédaction il y a à peine quelques mois. Sa tête bouillonnait de questions et de scénarios, mais il y a bien l’une d’elles qui se démarque plus que les autres : Pourquoi Kurt Frank serait-il présent dans ce bureau avec elle ? Elle avait lu ses articles depuis qu’elle s’était intéressée au journalisme, et chaque mot qu’il écrivait étais tissé telle une toile d'araignée pour piéger ses lecteurs une fois appâtés.
Annie était une jeune femme d’une vingtaine d’années, aux cheveux blonds qu'elle attaché souvent en une queue-de-cheval pour travailler. Son visage était un reflet net de la douceur de l'enfance avec de grands yeux curieux, elle reflétait bien cette passion constante à chaque fois qu'elle entreprenait quelque chose. Naïve, oui, mais terriblement déterminée et pleine d’admiration pour ses aînés, elle avait toujours rêvé de faire ses preuves aux côtés des plus grands.
Elle inspira profondément avant de frapper à la porte du bureau du rédacteur en chef. Une voix grave et posée lui répondit d'entrer. Annie tourna la poignée et entra dans la pièce spacieuse aux murs tapissés de bibliothèques débordantes de documents. Derrière le large bureau en bois, se tenaient M. Baron DeRoss, le rédacteur en chef du Silk Thread, un homme dans la cinquantaine.
Assis sur une autre chaise face au bureau, Kurt Frank, l'incontournable journaliste new-yorkais, jeta un regard vers Annie. Sa silhouette était plus petite que ce qu'elle s'imaginait et les traits de son visage étaient marqués par des nuits blanches à rédiger des articles. Kurt est un homme qui a bâti sa réputation en couvrant sa propre vie de surmenage, des scandales politiques aux complots les plus opaques, c'est lui qui a eu le culot et le prestige de les écrire, l'audace en personne.
Annie le fixa avec des yeux lumineux comme des guirlandes, difficile de cacher l'admiration qu'elle avait pour lui, même si elle remarqua ensuite qu’il avait l'air agacé.
"Lester, asseyez-vous," dit DeRoss d'une voix monotone. "J'ai une mission spéciale pour vous."
Annie s'installa sur le fauteuil de cuir usé face à lui. À sa droite, Kurt la salua d'un léger mouvement de tête, bien que ses yeux restent fixés sur un dossier qu'il feuilletait distraitement.
"Vous vous demandez sans doute pourquoi je vous ai convoquée ici," reprit le rédacteur en chef avec un léger sourire, sans chaleur. "Une situation particulière nous a été rapportée dans une petite ville quelque part au nord-est, une anomalie géographique. Il y pleut constamment, un brouillard épais y règne jour et nuit, et les habitants ont cessé d'essayer de trouver des explications. C’est une affaire qui mérite notre attention."
Il se tourna vers Kurt, qui ferma enfin son dossier pour fixer Annie.
"Vous et Frank partirez demain matin," continua M. DeRoss. "Vous enquêterez sur place et rédigerez un article qui, je l'espère, fera sensation. Mais je n'en doute pas."
Annie sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Travailler aux côtés de Kurt Frank sur une enquête aussi étrange était bien plus qu’elle n’aurait osé espérer.
"Vous avez des questions, Lester ?" Ajouta-t-il.
"Non, monsieur," répondit-elle en se redressant sur son siège. "Je ferai de mon mieux."
Kurt se contenta de hocher la tête, le coin de ses lèvres s’étirant en un sourire poli. "Espérons-le," murmura-t-il, assez fort pour qu’elle l’entende.
"Parfait," conclut DeRoss en claquant des doigts. "Vous avez carte blanche, mais je veux un rapport détaillé de vos progrès chaque semaine."
La convocation s’acheva sur ces mots. Annie se leva, un sourire presque parfait sur son visage, tandis que Kurt fis de même. Il ajusta sa veste avant de suivre Annie vers la porte du bureau. Lorsqu’ils furent dans le couloir, Annie se tourna vers Kurt. Elle s'était déjà beaucoup retenu jusque-là.
"Monsieur Frank, c’est vraiment un honneur pour moi de travailler avec vous sur cette enquête !" Dit-elle d’une voix légèrement tremblante.
Kurt s’arrêta, glissant ses mains dans ses poches. Il la regarda un instant, son expression aussi inexpressive qu’un mur de briques, avant de détourner le visage et de soupirer.
"Écoutez, Lester, c’est juste une mission comme une autre, pas une balade en montgolfière. Alors, calmez votre enthousiasme, on a du boulot. Suivez-moi."
Annie, un peu refroidie, hocha la tête en silence, mais son excitation n'était pas prête à fléchir pour si peu. Elle se mordilla la lèvre pour réprimer un sourire et emboîta le pas à Kurt, qui l’emmena à travers les couloirs de la rédaction.
Ils arrivèrent devant une porte en bois, à moitié entrouverte, d’où s’échappaient des éclats de voix et un éclatant rire féminin. Kurt entra sans frapper, dévoilant un bureau en désordre absolu. Des piles de papiers menaçaient de s’effondrer sur des chaises, une machine à écrire trônait au milieu d’un bureau encombré de tasses de café vides, et des coupures de journaux étaient collées au mur de manière anarchique.
Percy et Demi étaient là, occupés à discuter. Le premier, Percy, un homme d’une trentaine d’années, propre sur lui avec des lunettes rondes, était assis sur un coin de bureau, un carnet de notes à la main. Demi, en revanche, était appuyée contre une bibliothèque, un sourire moqueur sur les lèvres. Ses cheveux bruns aux mèches bicolores et son regard vert lui donnaient presque une allure supérieure à Percy.
"Eh bien, voilà notre grande légende qui se prépare pour une nouvelle aventure ? Ta carrière d'explorateur reprend ses ailes regarde !" Lança Demi en croisant les bras, un sourire en coin.
Kurt roula des yeux. "Pas maintenant, Demi."
Mais connaissant Demi, elle ne fit pas ce qu'on lui avait demandé. "Non mais sérieusement, Kurt, emmener une nouvelle avec toi ? Et dire que tu as eu du mal à nous accepter, nous, tes meilleurs amis de tout l'univers !"
Percy, toujours plus mesuré, leva les yeux de son carnet. "Allons, Demi, meilleur ami de toute la rédaction plutôt. Et ce n’est pas comme si c’était de sa faute, tout le monde doit bien commencer quelque part."
"Oh, mais je sais," reprit Demi, se détachant de la bibliothèque pour s’approcher de Kurt. "Je me dis juste qu’on devrait peut-être envoyer une carte postale à la ville pour les prévenir que Monsieur Frank arrive avec une apprentie. Ils pourraient se préparer à l’impact."
Kurt plissa les yeux, visiblement exaspéré. "Tu as fini ?"
Demi éclata de rire et leva les mains en signe de reddition. "Ok, ok, j’arrête." Elle se tourna alors vers Annie, qui regardait la scène avec un mélange de stress et d’amusement.
"Toi, par contre ma belle," dit Demi en pointant un doigt vers elle, "bonne chance, Lester. Gérer ce type comme première expérience, c’est pas rien."
Annie rougit légèrement, mais haussa les épaules, un sourire timide aux lèvres. "Ah... Je ferai de mon mieux."
Demi lui fit un clin d’œil avant de se tourner vers Percy. "Je te laisse avec eux. Moi, j’ai un article à terminer avant que Dennis ne m’arrache la tête." Puis elle passa devant Kurt, lui tapa légèrement sur l’épaule. "Amuse-toi bien, boss."
Quand Demi quitta la pièce, Percy poussa un soupir avant de se tourner vers Kurt et Annie. "Ne fais pas attention à elle Lester. Elle a une manière un peu… Trop direct de s’exprimer, mais elle a un bon fond."
"Si tu veux bien nous épargner le discours, Percy," coupa Kurt en s’asseyant sur une chaise, tout en désignant une autre à Annie. "Tu vas lui expliquer les détails, ou tu veux que je le fasse ?"
Percy ajusta ses lunettes et continua. "Alors, voilà ce qu’on sait sur la ville. Elle est petite, en bordure d’une forêt. La pluie et le brouillard constants ne sont pas naturels, ça, tout le monde s’accorde à le dire. Les habitants ne posent plus de questions, mais plusieurs de nos sources locales nous disent qu’il y a quelque chose de bizarre."
"Quel genre de choses bizarre ?" Demanda Annie, curieuse.
Percy haussa les épaules. "Ça, c’est à vous de découvrir. Une chose est sûre, ça ne va pas être une promenade de santé. On a envoyé des journalistes là-bas il y a quelques années, mais leurs articles n’ont jamais rien donné de concret."
Kurt, qui écoutait en silence, tapota ses doigts sur le bord de la table. "Bon, on en saura plus sur place comme toujours. Tu as préparé ce que je t’ai demandé ?"
Percy acquiesça et désigna un dossier épais sur le bureau. "Tout ce que j’ai pu trouver. Les rapports précédents, des cartes, quelques photos des lieux."
Kurt se leva et prit le dossier sans un mot. Il se tourna vers Annie. "Prends des notes si tu veux, mais ne perds pas ton temps à poser des questions inutiles."
Percy adressa un vieux sourire encourageant à Annie. "Tu verras, il n’est pas si terrible une fois qu’on s’habitue."
Annie hocha la tête.
Et les heures s’écoulèrent.
Encore et encore.
Demi étais revenue avec une pochette rouge à un moment et les discussions s'avaient enchaînées.
La nuit avançait aussi, et la rédaction commença à se vider. Les bruits des machines à écrire s’étaient éteints, remplacés par le léger grincement des chaises et le froissement des papiers.
Demi finit par refermer un dossier avec un soupir dramatique. "Bon, les enfants, il est temps pour moi de rentrer chez moi. Certains ont une vie en dehors de ce trou à rats, vous savez ?"
Kurt, qui examinait des coupures de journaux, releva à peine les yeux. "Bonne nuit, Demi. Essaie de ne pas te perdre en route. On dit qu'Edward Gein c'est échappé de l'asile, et il a un faible pour les barmaids."
Elle esquissa un sourire railleur en attrapant son manteau. "Ah bon ? Tu as lis ça dans le journal peut-être, tu sais que je ne crois qu'aux articles écrits par Kurt Frank." Demi déposa sa veste sur ses épaules avec un petit gloussement à la sensation froide du tissu. "D'ailleurs, essaie de ne pas traumatiser la petite nouvelle avant même qu’elle ait posé un pied dans cette fameuse ville."
Demi se tourna une dernière fois vers Annie, l’air amusé mais sincère. "Bonne chance pour ton enquête, Lester. Tu vas en avoir besoin."
"Merci, Mlle Bourbon," répondit Annie avec un sourire timide.
Demi fit un geste de la main avant de disparaître dans le couloir, son pas résonnant sur le parquet.
Quelque temps plus tard, Percy consulta sa montre et referma son carnet. "Je vais y aller moi aussi. J’ai tout ce qu’il me faut pour l'itinéraire du voyage. Je te donnerais tous les détails demain, Kurt."
Il se leva, rangeant proprement ses affaires, et adressa un sourire à Annie. "Bon courage pour la suite de votre préparation. Et ne vous inquiétez pas trop pour demain, vous avez l’air d’être à la hauteur."
Annie le remercia. Percy salua Kurt d’un signe de tête et quitta la pièce, laissant le bureau plongé dans un nouveau silence.
Il ne restait plus qu’eux deux.
Mais seulement pendant un temps.
Finalement, Kurt se leva. Il rassembla quelques papiers qu’il fourra dans une pochette en cuir, puis posa son regard fatigué sur Annie.
"Lester ?" Commença-t-il d’un ton calme, brisant le silence. Annie releva immédiatement la tête.
"Je vois que vous êtes vraiment excitée pour cette mission, mais comprenez une chose : ce boulot, ce n’est pas... un conte. Il y a des vérités que les gens n’aiment pas voir écrites. Et dans cette ville, d’après ce que j’en pense, fait partie de cette catégorie."
Annie sentit un frisson, mais resta muette, le regard fixé sur lui. Un silence s’installa entre eux, seulement troublé par le bruit de la pluie qui tambourinait contre les fenêtres de la rédaction.
"Je ne dis pas ça pour vous faire peur," continua-t-il, baissant légèrement le ton. "Je dis ça parce que là-bas, vous allez peut-être voir des choses que vous ne comprenez pas. Et même avec toute mon expérience, je ne pourrais pas clarifier c'est chose. Alors, gardez les yeux ouverts, prenez des notes, et surtout…"
Il marqua une pause, ses mots flottant dans l’air comme une mise en garde.
"… ne vous fiez pas aux apparences."
Annie hocha doucement la tête, essayant de graver les mots dans sa tête autant que dans son carnet. "Je comprends, Monsieur Frank. Merci."
Il détourna le regard et attrapa son manteau posé sur une chaise. "Rendez-vous demain matin, à cinq heures précises. Essayez de dormir un peu."
Puis, sans un mot de plus, il quitta la pièce, laissant Annie seule dans le bureau.
Elle resta immobile un moment, écoutant le bruit des gouttes de pluie qui résonnaient contre les fenêtres de l'immeuble. D'ailleurs, elle jeta un coup d’œil par la fenêtre. La pluie tombait encore...
Le prélude.
Quelque part, au loin, il y a une ville où le soleil ne brille jamais, où le brouillard avale tout sur son passage.
Annie inspira, profondément, puis elle se remit à son travail.
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Chapter 2: I am not deer
Notes:
OOOHHHHHH LE TRAILER EST SORTI (•`O´•)9
Je n'arrive pas à y croire, mais, mise à part le nom du journal et que Kurt est littéralement le propre chef de son journal, le prologue a l'air de bien correspondre !
Le Trailer n'a pas l'air de contredire les personnalités que j'avais prévues, j'adore ٩(ˊᗜˋ*)و ♡
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(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
Sur la route parsemée d'arbres, une Mustang grise roulait doucement, son moteur ronronnant dans l’air frais de fin d’après-midi. Elle est élégante même si son éclat semble terne sous le ciel gris. C'est la voiture personnelle de Kurt, à vrai dire, c'est assez rare qu'il utilise pour le travail puisque le bureau leur fournit déjà une voiture. Disons que cette ville là sort un peu du cadre autorisé.
Le silence règne aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur. Annie Lester, assise sur le siège passager, observe la route défiler. Ses doigts jouant avec son carnet posé sur ses genoux. Peu à peu, des gouttes de pluie commencèrent à frapper contre le pare-brise. Annie releva les yeux et observa les fines traces d'eau que les gouttes laissait derrière elle.
Kurt activa les essuie-glaces, et le mouvement régulier ajouta une cadence encore plus hypnotique à leur voyage. La pluie s’intensifia, mais sans devenir un déluge ni même une averse. Elle formait une légère pellicule sur l’asphalte, s’accumulant dans les creux et dans les flaques.
Avec un peu de lumière, peut-être que cela aurait pu créer un arc-en-ciel, mais les arbres, biens hauts dans le ciel, sont comme des barrières naturelle contre la lumière. Alors Annie se mit à regarder la forêt qui bordait la route.
"Au moins, les arbres ont toute l’eau dont ils ont besoin," pensa-t-elle en observant les gouttes glisser le long des épines sombres des sapins.
De son côté, Kurt, tout en gardant les yeux sur la route, jeta un regard rapide vers les bois. Un bon endroit pour cacher des corps, songea-t-il sinistrement, presque amusé par sa propre pensée.
Deux âges.
Deux expériences.
Mais soudain, presque brutalement, un flash brun, ou noir, traversa leur champ de vision. Kurt réagit instantanément, frappant les freins d’un coup sec.
Les pneus crissèrent sur l’asphalte humide, et Annie fut projetée en avant contre sa ceinture de sécurité. Le carnet qu’elle tenait glissa de ses genoux pour tomber sur le tapis de la voiture.
"Mais qu’est-ce qui… !?" S’exclama Annie, le souffle court, tandis qu’elle se redressait.
Kurt posa une main sur le volant et pointa du doigt la route devant eux. "Un cerf," répondit-il.
Il désigna rapidement l’endroit où l’animal avait traversé. Annie tourna instinctivement la tête vers la forêt, mais elle ne vit rien d’autre que la route détrempée et les arbres touffus.
"Vous êtes sûr ?" Murmura-t-elle, plissant les yeux comme pour percer le rideau de pluie.
Kurt hocha la tête en silence. Il se frotta les yeux et soupira. "Un choc avec un cerf comme ça et ma voiture n’aurait pas survécu."
Le cerf n'ont plus.
Annie tourna la tête pour le regarder. Elle avait entendu ses mots, mais choisit de ne rien dire. Elle retourna de nouveau son regard vers la forêt, espérant apercevoir la bête, mais elle était probablement déjà partie, avalée par les bois.
Après un instant, Kurt remit les mains sur le volant et s’apprêta à redémarrer. Mais lorsqu’il appuya sur l’accélérateur, la voiture patina sur place.
"Sérieux...," grogna-t-il, frappant légèrement le volant de sa paume.
Annie fronça les sourcils, se penchant un peu en avant. "Qu’est-ce qu’il y a ?"
"Embourbé," répondit-il sèchement, appuyant de nouveau sur l’accélérateur. Les pneus tournèrent en vain, projetant de la boue sur les flancs de la voiture.
Kurt secoua la tête et coupa le moteur. "Exactement ce dont on avait besoin."
Annie se mordilla la lèvre, incertaine de ce qu’elle pouvait faire pour aider. "On… on descend pour pousser ?" Proposa-t-elle.
Kurt haussa un sourcil, puis éclata d’un rire bref. "Lester, je doute que vos 50 kilos fassent une grande différence."
Elle rougit légèrement, mais ne répondit pas, se contentant de regarder par la fenêtre. La pluie tombait juste un peu plus fort maintenant, c'est à se demander s'ils ne sont pas déjà dans la ville.
Kurt ouvrit sa portière, sortit sous la pluie, et s’approcha des roues arrière pour voir la situation. Il passa une main dans ses cheveux mouillés et soupira. "Bien sûr, il fallait que ça arrive aujourd’hui…"
Annie baissa la vitre, sa voix hésitante se frayant un chemin à travers le bruit de la pluie. "Vous pensez qu’on peut s’en sortir, ou… ?'
Kurt la coupa d’un geste. "Restez dans la voiture, Lester. Je vais voir ce que je peux faire."
Annie obéit, bien qu’elle se sente un peu inutile. Elle serra son manteau contre elle et regarda Kurt tenter de dégager la voiture dans le rétroviseur, la pluie s’accrochant à ses épaules et ruisselant sur son visage, elle sentit un sourire nerveux étirer ses lèvres.
Elle baissa la vitre pour mieux voir et comprenant qu’il galérait, Annie ouvrit la portière et sortit de la voiture, serrant un peu plus son manteau contre elle pour se protéger de la pluie.
"Je vais voir si je peux trouver quelque chose pour aider," dit-elle en haussant un peu la voix pour couvrir le bruit.
Kurt, accroupi près des roues arrière, agita la main sans même lever les yeux. "Bien sûr, faites ce que vous voulez," marmonna-t-il, bien plus intéressé par autres choses.
Annie fronça légèrement les sourcils. Il n’avait clairement pas écouté, mais ce n'est pas nécessaire d'insister. Elle s’avança sur le bord de la route, ses chaussures s’enfonçant légèrement dans la boue. Qu'est-ce qui pourrait être utile, peut-être une branche assez grande pour servir d'accroche au pneu ?
C’est là qu’elle l’entendit.
Un craquement, quelque part dans la forêt. Elle s’arrêta net, tendant l’oreille. Le bruit ne ressemblait pas à celui d’une branche qui tombe naturellement, mais plutôt à quelqu’un qui marche dans les bois. Elle regarda en direction des arbres, plissant les yeux pour éclaircir la pluie et le brouillard.
Un deuxième craquement, plus proche cette fois. Un cerf, peut-être ? Pensa-t-elle, bien que l’idée ne la rassure pas complètement. Elle jeta un coup d'œil derrière elle pour vérifier que la voiture était toujours là, puis fit un pas hésitant vers la forêt.
Vus d'ici les arbres sont vraiment jolis, ils doivent avoir des dizaines d'années, possiblement cent ans pour certains.
Elle avança encore un peu, "Il y a quelqu’un ?" Murmura-t-elle, sachant pertinemment qu’elle n’obtiendrait aucune réponse.
Le craquement se répéta, plus profond dans les bois cette fois, comme si ce qui en était la source s’éloignait. Annie hésita, ses pieds s’arrêtant à la lisière de la route. "Je ne devrais pas…" Pensa-t-elle, mais son regard s’attarda entre des troncs d’arbres, où elle croyait percevoir une forme.
Pendant ce temps, Kurt, après plusieurs tentatives infructueuses, parvint enfin à sortir les roues de la boue. La Mustang bondit légèrement en avant, avant de s’immobiliser. Il se redressa, un sourire satisfait sur le visage, et tapota la carrosserie d’une main.
"Voilà, et maintenant on ne s'arrête plus sur cette route," marmonna-t-il, se dirigeant vers la portière du conducteur.
Il jeta un coup d’œil à l’intérieur de la voiture, voyant vaguement le dossier du siège d’Annie à travers la vitre embuée. Vide ?
Il ouvrit la portière et effectivement, le siège était vide.
Haussant un sourcil, il regarda rapidement dans le rétroviseur et aperçut une forme sur la banquette arrière. Qui irait dehors sous la pluie de toute façon ? Elle est montée à l'arrière.
Sans plus réfléchir, il accéléra doucement, écrasant une flaque d’eau dans un bruit flasque. Annie, toujours plantée près de la forêt, entendit le moteur rugir. Elle tourna la tête, un sourire rassuré sur les lèvres, croyant que Kurt allait l’attendre. Mais à son grand étonnement, la Mustang accéléra et s’éloigna sur la route.
"Non, non, non… NON !" Cria-t-elle, s’élançant sur la chaussée, ses mains levées pour signaler sa présence.
La voiture continua de rouler, ses feux arrière disparaissant peu à peu dans le brouillard. Annie resta figée sur place, l’eau s’infiltrant dans ses chaussures.
"Il m’a oubliée…" Murmura-t-elle. Elle serra c'est bras autour d’elle pour se protéger du froid et regarda autour, les arbres se moquent d'elle maintenant.
Et le craquement dans la forêt se fit de nouveau entendre, mais cette fois, elle n’osa pas bouger, espérant que le bruit ne soit rien d'autre qu'un bruit et que la Mustang fasse demi-tour. Mais les minutes passaient, et le ronronnement du moteur s’était éteint depuis un moment.
Elle soupira, un mélange de malaise et d'incompréhension dans le regard. "Il m’a vraiment oubliée…" Pensa-t-elle, avant de secouer doucement la tête. Elle sourit faiblement, malgré la situation.
"Ce n’est pas grave… ça arrive." Murmura-t-elle, cherchant à se rassurer.
La pluie commencée à imbiber son manteau. Elle regarda la route devant elle, longue et droite. "De toute façon, cette route mène à la ville."
Elle inspira et commença à marcher. Ses chaussures faisaient un bruit mouillé sur le goudron irrégulier, tandis que ses pas évitaient les flaques d’eau. Le vent souffla légèrement, agitant les branches des arbres.
Le bruit constant de la pluie n'est pas si mal pour accompagner ça marche. Elle jeta un coup d’œil autour d’elle : des arbres sombres, des troncs épais, et au loin, parfois, le cri d’un oiseau ou le bruissement de feuilles.
Elle s’arrêta.
Un croisement.
Trois chemins s’ouvrent devant elle, et elle n'a aucune idée de la direction à prendre. Elle fronça les sourcils, mordillant légèrement sa lèvre inférieure. À gauche, la route est plus étroite. À droite, un sentier de gravier s’éloigne en pente. Devant elle, la route asphaltée continue, mais elle semble disparaître dans un virage.
Annie leva les yeux au ciel, exaspérée. "C’est l’endroit parfait pour planter un panneau, alors pourquoi il n’y en a pas !?"
C’est grâce à ça qu'elle pus apercevoir, à travers la brume et la pluie, une haute cheminée d’usine qui se découpait sur le ciel gris au-dessus des arbres. Une épaisse fumée noire s’en échappait, contrastant avec la blancheur du brouillard.
"Oh… Ça doit être par ici," murmura-t-elle, reprenant espoir.
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Avez-vous déjà fait une randonnée ?
Annie peut vous dire qu'elle n'aime pas ça. Peut-être est-ce l'endroit où alors le temps qui lui donne cette mauvaise impression, elle n'a ni carte, ni vêtements adaptés, ni quoi que ce soit pour une randonnée.
Elle aurait pu trouver ça plus agréable si la cheminée ne paraissait pas s’éloigner à chaque pas. Elle s’arrêta, mi-essoufflée, les pieds trempés et le manteau dégoulinant.
"Bon sang… où est cette usine ?" Dit-elle à voix haute, ses mots se perdant dans le vide.
Elle regarda autour d’elle déconcertée. Les arbres étaient si denses qu’ils formaient un mur et la pluie, bien qu’apaisée en un simple crachin, rendait l’air lourd. C’est alors qu’elle vit une forme sombre entre les troncs.
Un bâtiment.
Elle plissa les yeux, hésitant à y croire. En s’approchant, elle distingua une structure : un manoir. Il semblait abandonné. Ses murs en pierre étaient ternes et usés, envahis par le lierre, et plusieurs fenêtres étaient cassées. Une grille rouillée entourait le domaine, mais elle était entrouverte, battant doucement sous le vent.
Annie resta un moment immobile, scrutant le manoir. L’endroit avait quelque chose de sinistre, mais elle était trempée, fatiguée, et avait besoin d’une pause.
"Juste une minute," se dit-elle à voix haute, "je me réchauffe un peu et je continue."
Elle s’avança prudemment et monta les marches du perron. Sous l’abri du porche, elle frappa à la lourde porte en bois, trois coups nets.
Le silence.
Elle frappa à nouveau, un peu plus fort cette fois. Toujours rien. Elle attendit, essayant de calmer les battements de son cœur, lorsqu'un le bruit de pas se fit enfin entendre de l’autre côté. La porte s’ouvrit et un homme apparut.
Il était grand, vêtu d’un costume sombre qui semblait trop formel pour l’état du manoir. Ses cheveux châtain foncé étaient plaqués en arrière, et une épaisse moustache chevron ornait son visage. Son regard était perçant, et il semblait peser Annie juste avec son regard.
"Oui ?" Dit-il froidement, d’une voix rauque.
Annie tenta un sourire maladroit. "Bonjour, je suis désolée de vous déranger. Je… je me suis perdue."
L’homme fronça les sourcils. "Perdue ? Dans ce coin ? Vous êtes venue comment ? Vous n’avez pas pu arriver ici à pied."
"Eh bien… la personne avec qui je voyage m’a, euh… oubliée sur la route," répondit Annie en évitant son regard.
Un silence s’installa. L’homme resta impassible, comme si l’information ne le surprenait pas ou ne l’intéressait pas. Annie continua, légèrement nerveuse, "Je suis journaliste, en fait. Je suis venue ici pour écrire un article sur la ville."
À ces mots, les traits de l’homme changèrent immédiatement. Une lueur d’intérêt traversa son regard, et un sourire mince apparut sur ses lèvres.
"Journaliste, dites-vous ?" Il tendit une main. "Enchanté, mademoiselle. Je suis Mr. Gardener."
Annie, bien qu’un peu surprise par ce changement d’attitude, serra sa main. "Annie Lester."
Gardener fit un geste invitant vers l’intérieur. "Entrez, mademoiselle Lester. Vous êtes trempée. Venez vous réchauffer."
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L’intérieur du manoir était aussi délavé que son extérieur. Le hall d’entrée était sombre, éclairé seulement par quelques chandeliers qui illuminés les murs. Les meubles étaient anciens, poussiéreux, et semblaient pourrir à cause de l'humidité.
Gardener mena Annie jusqu’à une grande pièce où un feu crépitait dans une cheminée. Il sortit un service à thé d’un buffet et prépara une tasse, qu’il tendit à Annie sans qu’elle ne demande rien.
"Merci beaucoup..." dit Annie en s’installant près du feu.
Gardener s’assit sur un fauteuil en face d’elle, ses mains croisées, il la regarda sans dire un mot.
Annie, restait debout, assez mal à l’aise brisa le silence. "C’est un très beau manoir… Vous vivez ici seul ?"
Gardener haussa les épaules. "Pas vraiment seul. Je préfère la solitude, c'est tout." Il pencha légèrement la tête, son regard ne quittant pas Annie. "Et vous, mademoiselle Lester ? Une jeune comme vous, perdue dans les bois, ce n’est pas commun. Vous avez un supérieur, j’imagine ?"
Annie hésita, préférant ne pas mentionner Kurt pour le moment. "Oui, mais nous avons eu un problème, et comme vous pouvez le voir, on a été séparé. On vient à peine d'arriver donc… il n'y a encore rien d'intéressant à noté."
À ces mots, Gardener se redressa légèrement, un sourire sur le visage. "Vraiment ? Rien du tout ?"
"Non, pas encore, mais ça va arriver une fois qu'on sera en ville."
Gardener hocha la tête, visiblement ravi. "Eh bien, vous avez de la chance. Vous êtes tombé sur la bonne personne au bon endroit. Je suis probablement le seul homme dans cette ville capable de vous dire la vérité."
Annie, intriguée, le questionna. "Vous êtes le seul à le pouvoir ? Quelqu'un essaie de cacher quelque chose ic ?"
Gardener acquiesça. "Voulez-vous entendre une histoire, mademoiselle ?"
"Bien sûr," répondit Annie avec un enthousiasme naïf.
Gardener prit une grande inspiration et un sourire, "À l’époque, cette ville n’était qu’un petit village insignifiant, comme le sont toujours les endroits éloignés des capitales. Mais avec la révolution industrielle, les choses ont changé. Les trains ont apporté bien plus que du charbon et du fer… Ils ont aussi amené une famille. Les Leroyᝰ.
Un nom que personne ici n’a oublié.
Une famille d’étrangers.
Ils venaient de France… enfin, non, ils étaient belges, à ce qu’on raconte. Peu importe, des étrangers quand même. Ils sont arrivés ici avec leurs grandes idées et leur arrogance comme le font toujours les explorateurs. Personne ne sait vraiment ce qu’ils fuyaient–
La Révolution française, ou peut-être autre chose.
Toujours est-il qu’ils ont réussi à s’installer.
En peu de temps, les Leroy sont devenus comme des sorte de dirigeant locale. Ils avaient le sens des affaires, mais aussi du charme, un certain magnétisme avec les habitants, pas seulement de la ville mais du pays.
Ils se sont bâti une fortune et une réputation.
À un moment, tout le monde dans l'État connaissait les Leroy."
Gardener marqua une pause, il observa Annie griffonner des notes dans son cahier. Satisfait de voir qu’elle buvait ses paroles, il continua, "Leur fortune grandissait à vue d’œil, et des années plus tard ils ont décidé, comme tous les ambitieux, de viser encore plus haut. Ils ont construit une usine, une énorme usine…"
Annie leva les yeux de son carnet. Se pourrait-il que ce soit l'usine qu'elle est aperçue dans la forêt. "Une usine pour faire quoi ?"
Gardener haussa les épaules. "À poupées dites-vous. Du moins, c’est ce qui était prévu. Mais le destin a frappé avant l’achèvement du projet. Les parents Leroy sont morts, et tout a changé lorsque Servais, leur fils unique, a hérité de tout. Il a changé les plans de l'usine à jouet pour en faire une usine à prothèses."
Annie cligna des yeux. "Une usine à prothèses ?"
Gardener tourna la tête vers elle, comme si elle venait de poser une question inutile. "Oui. Des prothèses mécaniques ou, si vous préférez, des membres de poupées taille réelle. L'utilité immédiate était que lorsque les soldats reviendraient du front, mutilés, le gouvernement paierait pour ces prothèses. Il voulait en vendre à l’armée, à grande échelle, et faire fortune une fois de plus."
Annie secoua doucement la tête, notant l'usine à prothèse et le nom de son ambitieux rénovateur dans son carnet. Cet homme a dû jouer un rôle crucial dans l’histoire de la ville.
Gardener reprit, "Servais n’était qu’un enfant lorsque l’usine a commencé à être construite. Ses parents sont morts avant qu’elle ne soit achevée, et il a hérité de tout. Tout. Le manoir, l’usine, les terres. Avec son imagination et ses idées, il a transformé ce projet d’usine à jouets en ce qu'il est aujourd'hui. C’est aussi à ce moment-là qu’il m’a convaincu de me joindre à lui. Et moi, naïf que j’étais, j’ai investi tout ce que j’avais."
Annie sentit un changement dans l’attitude de Gardener, il c'est tendue d'un coup.
"Le jour où l’usine a démarré pour la première fois... c’était pour des tests. Il y avait beaucoup de mains-d’œuvre. Payée généreusement, par Leroy lui-même. Beaucoup trop généreusement. À croire qu’il cherchait à se donner bonne conscience. Et puis est venu le moment où le gouvernement est entré en scène. Ils n’ont pas réagi comme nous l’espérions. Un haut placé a débarqué ici le lendemain pour déclarer que ce genre d’usine ne devrait pas être à but personnel. Que tout ça devrait être des dons lucratif pour les soldats. Des simple dons ! Comme si c’était gratuit de produire ça ! Ces bâtards ne comprennent pas combien j’ai investi dans ce projet !"
Il tapa du poing sur l’accoudoir, faisant sursauter Annie.
"Et ce connard de Servais, cet égoïste, qu’a-t-il fait ? Il a accepté leur fichu contrat et a fermé l’usine. Comme ça, sans cérémonie. Il a tout vendu, abandonné. Il a abandonné l’usine. Mon usine." Annie nota soigneusement tout en évitant de croiser son regard. Elle trouvait étrange qu’il insiste autant sur le fait que l’usine soit la sienne alors que tout semble pointer vers Servais comme véritable propriétaire. Mais vu son état, elle préféra ne rien dire.
Gardener continua, sa voix rauque, "Je me suis ruiné pour ce projet. J’y ai mis tout ce que j’avais. Regarder autour de vous ! Ce manoir tombe en ruine parce qu’il ne me reste rien pour l’entretenir !" Annie resta silencieuse, un peu effrayée par son comportement. S'il n'a plus les moyens pour l'entretenir autant le vendre et en tirer de l'argent ? C'est toujours mieux que de le laisser pourrir. Après un moment, Gardener reprit, plus calme mais toujours amer, "Les employés de l’usine ne voulaient pas partir. Ils savaient qu'elle était à moi, pas à Servais et celui qui a mené la rébellion s’appelait Jeffrey Bonavita. Un fichu communiste, bien sûr. Jeffrey et ses camarades ont refusé de quitter l’usine. Alors Servais est revenu avec des policiers pour les déloger. Et là, les choses ont dégénéré... Ça s’est terminé en bain de sang. Les ouvriers contre les flic. Une vraie boucherie."
Annie sentit sa gorge se nouer. "Mais... vous étiez là ?"
Gardener acquiesça. "Oh, oui. J’étais là. J’ai essayé de les arrêter. Je leur ai dit que c’était insensé, que Servais n’avait rien à faire ici et c'est policiers encore moins. Mais ce connard…"
Il tapa à nouveau sur l’accoudoir. "Ce connard de Servais était enragé. Jeffrey a essayé de lui tenir tête. Et tu sais ce qu’il a fait ?"
Gardener se pencha vers Annie, ses yeux brûlant de colère. "Il l’a poussé. Comme ça, dans la fournaise brûlante de l’usine."
Annie ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit.
"Jeffrey n’a même pas eu le temps de crier," murmura Gardener, "je peux encore entendre le sifflement du métal fondu."
Annie était paralysée, son crayon griffonnant involontairement sur ça feuille blanche. Gardener termina finalement son récit en lâchant un soupir, ses yeux désormais fixés sur le feu qui crépitait dans la cheminée.
"Après tout ça, l’usine a bel et bien fermée..."
Annie reprit son souffle et hocha la tête. Mais la phrase suivante de Gardener la fit tressaillir de nouveau.
"... Mais seulement pendant quelque temps."
Elle fronça les sourcils, interloquée. "Comment ça, seulement quelque temps ? Je croyais que le gouvernement avait exigé sa fermeture définitive."
Un rictus narquois déforma le visage de Gardener. Il ricana, un rire sans joie. "Oui, c’était bien ce qui était prévu. Fermeture définitive, interdiction de reprendre les activités... Tout ça, c’était écrit noir sur blanc. Mais aujourd’hui, cette foutue usine est bel et bien en fonction. Elle n’a été fermée que pendant un moment, à peine un printemps. Les fleurs commençaient tout juste à éclore que les machines ont redémarré. Et croyez-moi, cette fois, c'était bien pire qu’avant."
Annie se redressa, son stylo suspendu au-dessus de son carnet. "Pire qu’avant ?"
Gardener hocha la tête, "Depuis qu’elle a redémarré ce jour-là, la ville n’a plus jamais été la même. Le brouillard s’est installé pour ne plus repartir. Et cette pluie... ne s'est jamais arrêté. C’est comme si l’usine avait maudit cet endroit."
Annie se frotta pensivement le menton, cherchant une explication logique. En plus de ses lectures classiques Annie a l'habitude de lire des thriller policier, être la personne qui enquête à la place de celle qui lis est un parallèle glacial maintenant qu'elle y pense. "C’est étrange qu’elle ait redémarré comme ça... le gouvernement aurait fait une annonce. Peut-être que c’est Servais qui l’a enclenchée ? Vous avez une idée de pourquoi ?"
Mais avant qu’elle ne puisse élaborer davantage, Gardener lui coupa la parole, son visage s’assombrissant. "Servais ? Est-ce qu'il a encore les moyens pour ça lui ? Vous savaient, certains disent autre chose. Ils prétendent que c’est Jeffrey qui est sorti de la fournaise et a redémarré l’usine."
Un silence lourd tomba sur la pièce, seulement troublé par le bruit des flammes. Annie sentit un frisson parcourir son dos. Puis, même si elle finit par y être habituée, Gardener cria presque en reprenant la parole.
"Des conneries, tout ça !" Diffama-t-il, "Ces idiots de paysans hallucinent. Ils cherchent des raisons pour d’halluciner, comme si cet endroit n'était pas assez misérable comme ça. La fumée leur est montée à la tête ! On est simplement dans une mauvaise période météorologique, c’est tout !"
Il croisa les bras, son visage fermé, comme pour clore définitivement le sujet. Peut-être que Gardener avait raison, ou peut-être était-ce simplement la pollution constante de l’usine. Même un mélange des deux serait plausible. En tout cas le fait que l'usine est en marche aujourd'hui n'est pas normal, est-ce que le gouvernement est au courant ? Ce ne serait pas étonnant qu'ils aient fait ça sans consulter les habitants de la ville si il sont considéré comme "fou" pour eux.
"Où puis-je trouver Servais Ler—" demanda-t-elle, mais sans finir de prononcer le nom.
L’effet fut immédiat. Gardener explosa de rage, son visage virant au rouge. "QUOI ?! Pourquoi vous voulez savoir où il est ?! Vous êtes de son côté, c’est ça ? Vous êtes tous de mèche ! Vous êtes là pour m’avoir !"
Annie recula d’un pas, stupéfaite par cette réaction. "Pas du tout, monsieur, je veux seulement entendre sa version des faits. C’est important pour l’article que—"
Mais il ne l’écoutait plus. Son visage, crispé par une haine dévorante, exprimait un mélange de mépris et de méfiance. "ÇA VERSION DES FAITS ?! Vous, les journalistes, êtes tous pareils. Des profiteurs ! Des parasites qui grattent la misère des autres pour écrire vos foutus mensonges ! Vous écrivez uniquement ce qui VOUS arrange !"
La voix de Gardener tonna dans la pièce, résonnant dans chaque coin sombre. Annie tenta de l’apaiser, mais il ne l’entendait même pas. "Monsieur, écoutez-moi, vous vous emportez trop, ce n’est pas ce que vous croyez, je—"
"Tais-toi !" hurla-t-il, ses mains tremblant. La situation s’aggrava trop vite pour qu'Annie puisse réaliser. L’homme saisit un chandelier posé sur une vieille commode. Il s'avança vers elle l’objet levé au-dessus de sa tête.
Annie recula, trébuchant presque, son carnet glissant de ses mains tremblantes pour atterrir sur le sol poussiéreux. "Monsieur Gardener, attendez..." balbutia-t-elle, sa voix apeurée.
Mais croire que Gardener allait l'écouter était stupide. Il leva le chandelier encore plus haut au-dessus de sa tête. Annie, paralysée, leva les bras pour protéger son visage. Elle ferma les yeux, convaincue que le coup allait tomber.
Et soudain...
TOC. TOC. TOC.
Trois coups résonnèrent à la porte, secs et sans hésitation, Gardener s’arrêta net, le chandelier toujours levé. Annie, profita de cet instant et se précipita vers la porte. Elle l’ouvrit frénétiquement, presque à bout de souffle persuadée que Gardener était déjà derrière elle, mais elle tomba sur une silhouette familière.
Kurt Frank, debout sous la lumière grise de l’extérieur, la regarda avec une surprise discrète. "Ravie de vous revoir, Lester," dit-il simplement.
Annie n’attendit pas une seconde de plus. Elle se réfugia presque sous le bras de Kurt, son visage cacher contre sa veste derrière lui. Kurt resta figé un instant, observant le geste. Il posa doucement une main sur le dos d’Annie, non pas pour la réconforter, mais par instinct curieux. Puis il releva les yeux pour faire face à Gardener, qui s’avançait vers l’encadrement de la porte.
L’expression de Kurt changea à peine. Pas de colère, ni de panique. Juste une neutralité, presque clinique. Il n’avait pas besoin d’explications. L’état d’Annie et l’attitude de Gardener suffisaient à comprendre, même pour le plus idiot.
Gardener, quant à lui, sembla reconnaître Kurt immédiatement. Son regard vacilla entre colère et stupéfaction, avant de finalement se poser sur un masque de calme. "Kurt Frank, le célèbre journaliste," dit-il d’un ton étrangement affable. "On dit beaucoup de bien de vous."
Kurt ne répondit pas. Gardener continua, comme si de rien n’était, parlant avec une fausse cordialité. Annie resta cachée derrière Kurt, tremblant encore.
"Vous êtes venu pour raccompagner votre collègue, je suppose ?" demanda Gardener en souriant, son ton mielleux contrastant avec la situation.
Kurt leva légèrement la main pour l’interrompre. "Pas vraiment," dit-il froidement. "Je suis venu récupérer son carnet. Il est là-bas, dans votre salons."
Gardener tourna la tête vers l’objet abandonné. Il s’avança, ramassa le carnet, puis le tendit à Kurt. Au moment où il tendit l’objet, l’araignée mécanique posée sur l’épaule de Kurt émit un clic sonore, prenant une photo instantanée.
Le flash éblouit légèrement Gardener, qui cligna des yeux avec confusion. "C’était quoi, ça ?" demanda-t-il, perplexe.
"Rien."
Sans un mot de plus, Kurt se retourna, il glissa le carnet dans sa poche et guida Annie hors du porche jusqu’à la voiture garée non loin. Le vent soufflait assez pour agitée les feuilles mortes sur le sol et sous la voiture. Annie, encore fébrile, monta sans un mot du côté passager. Kurt prit place derrière le volant, et le silence de la route s'installa à nouveau.
Les phares de la voiture découpaire la brume. Pendant un long moment, ni l’un ni l’autre ne parla. Puis, doucement, Kurt brisa le silence.
"Je tiens à m’excuser, Lester."
Annie tourna légèrement la tête vers lui, surprise.
"J’ai cru que vous vous étiez mise à l’arrière pour vous reposer. Je ne pensé pas que vous serait partie dans la forêt. Quand je m’en suis rendu compte, j’ai fait demi-tour, mais... vous n’étiez plus là où nous nous étions arrêtés."
Un silence suivit, brisé uniquement par le bruit régulier des pneus sur le bitume mouillé.
"Vous pensiez vraiment que je serais restée tranquille dans une voiture garée au bord de la route ?" répondit Annie, le ton piqué.
Kurt eut un léger rictus, mais il ne répondit pas. Annie, de son côté, retrouvait son calme. Sa colère ne visait pas Kurt, mais la situation. Elle soupira longuement avant de murmurer, "Cette journée est vraiment un désastre… je n’en reviens pas d’avoir été aussi bête."
Kurt haussa légèrement un sourcil, gardant les yeux fixés sur la route. "Les débuts sont toujours difficiles, vous vous en êtes bien tiré, j'en connais qui se sont retrouvés dans de drôles de situation pour moins que ça."
Annie frissonna légèrement, mais acquiesça.
Un moment de silence plana à nouveau, seulement troublé par le ronronnement monotone du moteur. Et Kurt reprit encore.
"L’homme dans le manoir, qui était-ce exactement ?"
Sa voix avait cette tonalité professionnelle qui était typique des journalistes expérimentés. Annie prit une seconde pour rassembler ses pensées. "Il s’appelle Gardener. Un ancien ouvrier, je suppose, ou peut-être quelqu’un qui vivait près de l’usine. Il avait beaucoup à dire sur ce qu’il s’est passé ici..."
Kurt hocha la tête, mais son expression resta inchangée. "Peu importe ce qu’il vous a dit, ne prenez rien pour argent comptant."
Annie fronça légèrement les sourcils, mais il continua, "Vous savaient comme moi qu’un témoignage comme le sien est une source morte. Vu son état, il n’a probablement raconté que bêtises sans queue ni tête. Il cherchait simplement un auditoire pour ses divagations. Ne vous laissez pas influencer, surtout pas pour une première impression sur cette ville."
Elle acquiesça, bien que ses pensées revinssent encore et encore à l’histoire que Gardener avait racontée. Les fleurs du printemps, la reprise de l’usine, Jeffrey… Cela sonnait faux, mais étrangement cohérent dans la folie de cette ville.
Annie tapotait nerveusement ses genoux du bout des doigts, plongée dans ses pensées et d'un coup, un détail horrible lui revint en mémoire. "Mon carnet !" s’écria-t-elle.
Kurt tourna calmement la tête vers elle, l’air légèrement amusé. Il glissa une main dans la poche intérieure de sa veste et en sortit un carnet de notes.
"Vous parlez de ça ?" demanda-t-il, d’un ton neutre.
Annie s’empara du carnet avec un soupir de soulagement, comme si elle venait de retrouver une partie d’elle-même.
"Oh, merci, merci, merci !" balbutia-t-elle en vérifiant que ses notes étaient intactes.
Kurt haussa un sourcil, un léger sourire aux lèvres. "Vous devriez envisager d’utiliser l’équipement Sick Thread. Ça évite de perdre des choses importantes."
Il désigna l’araignée mécanique sur son épaule d’un geste. L’appareil bougea légèrement, comme si elle prenait vie. Annie, fixa la machine avec une certaine appréhension, marmonna tout bas : "Je n’aime pas les araignées…"
Kurt haussa les sourcils, feignant l’indignation. "Vous venez de dire que vous n’aimez pas les araignées ?"
Annie rougit légèrement et se recroquevilla dans son siège. "Non, pas du tout," rétorqua-t-elle en détournant les yeux vers la fenêtre, faisant mine de ne pas avoir parlé.
Kurt laissa échapper un léger rire, le premier de la journée. "C’est noté, Lester. Pas d’araignées pour vous. Dommage, elles font d’excellentes coéquipières."
Annie lui lança un regard en coin, nerveuse, tandis que la voiture continuait de rouler dans la brume.
"Monsieur Frank, est-ce que vous voulais écouter une histoire ?"
- 📰
Notes:
Pour les personnes qui ne savent pas qui est Gardener, c'est cette homme qu'on voit dans le trailer du Goatman.
Petit lien vers la vidéo ; https://youtu.be/k0Pyl1AFt3A?si=KVMHjRBGgHdO7DQe
Chapter 3: Welcome here
Notes:
Je voulais écrire plus mais comme ça c'est bien aussi.
(Je garde le reste pour le prochain chapitre)
🗞📰
Chapter Text
"Monsieur Frank, est-ce que vous voulez entendre une histoire ?" 📽
"Non."
"..."
Silence absolu.
Brisé seulement par le grincement des essuie-glaces.
"Vous êtes souvent comme ça... ?" Finit-elle par lâcher, piquée par son refus.
Kurt haussa légèrement les épaules, "Comme quoi ?"
"Comme... ça !" s'exclama-t-elle en agitant les mains. "Vous refusez d'écouter quoi que ce soit avant même que je commence à parler. Ça pourrait être important !"
Il laissa échapper un petit rire, un mélange d'amusement et de lassitude, "Oh, je connais déjà cette méthode, Lester. Vous me racontez une histoire, je finis par tirer les conclusions que vous voulez me faire avaler, et voilà que je perds mon temps précieux."
Annie ouvrit la bouche pour répliquer, mais il ajouta, sans lui laisser le temps, "Je préfère me fier à mes propres faits et mes propres observations. Pas aux récits de quelqu'un qui vit isolé dans une forêt au bord de la ville."
Elle serra les dents, "Alors quoi ? Je suis censée me taire et vous suivre comme une muette ?"
Kurt jeta un coup d'œil rapide vers elle, un sourcil arqué, "Parler autant que vous voulez, mais je ne m'encombrerai pas de ce qui ressemble à des contes pour faire peur aux enfants... même si j'apprécie leurs contenus de manière générale."
Annie arqua un sourcil à cette petite remarque personnelle, mais intérieurement elle bouillonnait. Elle était persuadée que, même si Gardener avait l'air dérangé, il y avait quelque chose à creuser dans son histoire, pourtant, Kurt ne lui donnait pas la moindre ouverture.
Elle poussa un soupir agacé, se tournant vers la fenêtre, étudiant les gouttes de pluie glisser sur le verre. Finalement, elle finit par murmurer, plus pour elle-même que pour lui, "Je devrais juste écrire un livre sur tout ça moi-même..."
Kurt haussa les épaules, sans la moindre trace d'amusement. "Faites donc. Peut-être qu'il finira dans la section fiction de la bibliothèque locale."
Elle le foudroya du regard. "Vous êtes incroyablement insupportable, vous savez ?"
Il esquissa un sourire en coin, mais ne répondit pas.
Ils continuèrent à rouler dans le silence, jusqu'à ce qu'Annie, fatiguée de rester passive, décida de changer de tactique. Il y a toujours une petite chance que le plan B soit meilleur que le plan A.
"Bon, très bien. Et si je vous disais que je veux écrire un article perso du genre... unique, quelque chose qui capte vraiment l'attention. Vous auriez quoi à dire là-dessus ?"
Kurt ne répondit pas tout de suite. Puis, d'un ton détaché, il répliqua, "Si vous voulez vraiment écrire quelque chose d'unique, Lester, commencez par regarder au-delà des mots de vos interlocuteurs. Cherchez ce qu'ils ne veulent pas dire. C'est là que se trouve la vraie histoire."
Annie resta silencieuse. Ce n'était pas une critique, ni une moquerie. C'était... presque un conseil, mais elle n'eut pas le temps de répondre que Kurt ajouta, comme pour couper court à toute gentillesse, "Et arrêtez de donner des titres à des articles que vous n'écrirez jamais."
Annie se renfrogna, mais elle retint malgré elle un sourire. "Bien sûr, on verra bien qui écrira quoi."
Kurt secoua la tête, mais n'en dit rien, concentré de nouveau sur la route, le silence reprenant doucement sa place.
Le reste du trajet se déroula dans le même silence, ponctué seulement par le martèlement régulier de la pluie contre les vitres. La monotonie de la route donnait l'impression qu'elle s'étirer à l'infini, comme si la ville qu'ils cherchaient ne voulait pas vraiment les accueillir.
Mais c'est toujours quand on se dit ça que les choses changent.
Soudain, une silhouette se découpa à travers le brouillard. Les premières structures industrielles de la ville apparurent. Le paysage paraissait figé à l'ancienne et tous les bâtiments suinter la désuétude et la mélancolie.
Au loin, une immense cheminée perçait le ciel sombre, vomissant un nuage épais de fumée noire qui se mêlait au brouillard ambiant. Cette vue fit naître une étrange oppression dans la poitrine d'Annie...
"Voilà notre fameuse ville," déclara Kurt, ses yeux fixés sur l'horizon.
Ils traversèrent les premières rues, désertes. Les bâtiments semblaient abandonnés, bien que des lumières vacillantes brillent à travers quelques fenêtres. La pluie semblait plus lourde ici, presque asphyxiante. Les gouttes contre la carrosserie de leur voiture sonnaient comme des tambours funèbres.
Annie se redressa, son regard attiré par l'usine qui dominait le centre de la ville. Ses murs de briques noircis par la suie et son énorme architecture la rendaient presque vivante, comme une bête endormie. Les conduits de métal serpentaient dans les airs, et la faible lumière vacillante qu'elle aperçut à travers les vitres brisées donnait l'impression qu'elle respirait encore.
"Alors, c'est ça..." murmura Annie, incapable de détourner les yeux.
"Et « ça », je doute que ça ait réussi au test sanitaire." Kurt tourna le volant pour s'engager dans une rue plus étroite. "Le cœur du problème. La ville n'existe que pour l'usine."
"Vraiment ?" Demanda-t-elle, le ton hésitant. Dans ce cas-là, ça irait dans le sens de Gardener.
Kurt haussa légèrement les épaules. "Je ne pense rien. Pas encore. Mais quand toutes les anciennes presses tournent autour d'elle, c'est souvent un bon point de départ."
Ils continuèrent à avancer, et bientôt, ils arrivèrent sur une petite place centrale. Une statue trônait au milieu, bien qu'elle soit à moitié effacée par l'érosion et la crasse. Une inscription à peine lisible était gravée à sa base :
« À ceux qui ont construit notre avenir. »
Annie frissonna. L'ironie de ces mots ne lui échappa pas alors qu'elle levait les yeux vers la statue. C'était la représentation d'un ouvrier, ses mains tenant une immense clé à molette, mais son visage semblait déformé, comme si la pluie et le temps avaient effacé toute humanité de ses traits.
Kurt arrêta la voiture. Il observa la place un instant avant d'annoncer, "On est officiellement sur place. Vous avez encore envie d'entendre des histoires, Lester ? Je suis sûr que cette ville en regorge."
Annie croisa les bras, le défiant du regard. "On verra bien si elles sont meilleures que celles que je voulais vous raconter. Mais ça m'étonnerait beaucoup."
Kurt esquissa un sourire en coin, mais son attention se détourna. Quelque chose semblait le préoccuper, et son regard s'arrêta sur un homme qui les observait depuis un porche, son long Duster noir était trempé, mais il restait immobile, malgré la pluie.
"On commence par quoi ?" Demanda Annie.
Kurt, dont l'attention qu'il trouvait à l'homme devint bien vite ennuyeuse, lui répondit directement, "Par trouver une chambre. Percy s'est occupé de nous en réserver. Maintenant, il faut trouver l'hôtel."
Un autre regarde vers l'homme et il marche déjà au fond de la rue. Kurt plissa les yeux puis fit avancer la voiture dans le sens inverse. Les rues sont étroites et mal éclairées, mais après quelques détours, ils tombèrent sur une enseigne décrépite accrochée à un bâtiment en pierre. Les lettres délavées indiquaient « Hotel ».
Kurt gara la Mustang juste devant, laissant le moteur ronronner quelques secondes avant de le couper. Il sortit le premier, contourna la voiture et ouvrit le coffre. Annie descendit à son tour, ajustant son manteau pour se protéger de la pluie battante.
"Charmant," ironisa-t-elle en observant l'hôtel.
Kurt lui tendit sa valise, puis prit la sienne. Ensemble, ils montèrent les quelques marches glissantes menant à l'entrée. À l'intérieur, l'air était opaque et sentait le renfermé. Un homme trapu, le crâne luisant sous une lumière clignotante, se tenait derrière un comptoir en bois. Il leva les yeux en entendant la cloche de la porte.
"Vous devez être les journalistes," dit-il d'une voix rauque.
Kurt hocha la tête. "Deux chambres réservées au nom de Frank."
L'homme fouilla dans un registre jauni avant de leur tendre deux clés accrochées à des plaques de métal numérotées. "Deuxième étage, chambres 205 et 206. L'une à côté de l'autre."
Kurt récupéra les clés, remercia brièvement l'homme, puis se dirigea vers l'escalier, Annie sur ses talons. Le bois des marches grinça sous leurs pas et sous leurs valises. Pour briser se climat crispée, Annie se racla la gorge.
"Dites, Kurt... si vous me permettez de vous appeler par votre prénom, vous me laisserez conduire votre voiture ?"
Kurt tourna légèrement la tête, intrigué. "La Mustang ?"
"Non, votre trottinette. Bien sûr, la Mustang," répondit-elle en roulant des yeux.
Il haussa un sourcil. "Depuis combien de temps vous avez votre permis ?"
Elle hésita une fraction de seconde avant de répondre, "Quelques semaines."
Kurt éclata d'un petit rire feutré. "Quelques semaines ? Vous plaisantez, j'espère."
"Pas du tout," répliqua-t-elle en secouant son bras. "Je me débrouille même très bien."
"Peut-être pour éviter des plots de stationnement, mais pas pour conduire ça," répondit-il sans ralentir son pas.
"Vous ne me laissez même pas essayer ?" Insista-t-elle, agacée.
"Non."
Elle accéléra pour marcher à sa hauteur, le regard confiant. "Vous savez, je pourrais très bien être meilleure que vous pour la conduite."
Kurt esquissa un air indifférent sans s'arrêter. "Lester, si vous avez une envie soudaine de casser une voiture, cassez-en une autre."
Annie ouvrit la bouche pour répliquer, mais ils arrivèrent devant les portes de leurs chambres. Kurt glissa la clé dans la serrure de la 205 et l'ouvrit.
"Bonne nuit, Lester," lança-t-il avant d'entrer et de fermer la porte.
Annie resta immobile quelques secondes, la mâchoire serrée. "Bonne nuit à vous aussi, « Frank »," murmura-t-elle avec un ton faussement poli en entrant dans sa propre chambre.
Elle inspira un grand coup, savourant l'air frais et étonnamment propre de la pièce, un gros contraste après l'humidité de l'extérieur. La chambre était modeste mais agréable, un lit double couvert d'une épaisse couverture, des murs peints d'un beige doux, et une petite lampe de chevet.
Elle posa sa valise à côté du lit et s'agenouilla pour l'ouvrir. Les vêtements qu'elle portait étaient imbibés d'eau, collant désagréablement à sa peau. Elle fouilla rapidement dans ses affaires et en sortit un pyjama à motifs d'oursons. Il détonnait complètement avec son air renfrogné, mais elle s'en fichait : ce soir, elle voulait juste du confort.
Sous le pyjama, elle aperçut d'autres vêtements soigneusement pliés. Une veste imperméable, des bottes jaunes et une, oui, vous serez surpris, mais une robe, cependant spécialement conçue pour les temps pluvieux. Elle a découvert cette merveille dans une pub, classe et pratique.
Mais pour le moment, ces vêtements-là étaient pour demain, se dit-elle en les touchant du bout des doigts. Avec ça, elle espérait pouvoir affronter la pluie sans se sentir détrempée toute la journée. Elle aurait peut-être dû prévoir quelque chose d'autre que cette robe si elle n'est pas efficace...
Annie se redressa et saisit sa trousse de toilette, puis se dirigea vers la salle de bain attenante. Elle fut agréablement surprise de découvrir un espace propre, presque moderne, avec des carreaux blancs éclatants et une douche spacieuse.
"Eh bah, c'est déjà ça," murmura-t-elle pour elle-même en allumant l'eau.
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Après s'être lavée et avoir enfilé son pyjama, les petits oursons dansaient joyeusement sur le tissu. Elle se regarda dans le miroir et esquissa un sourire. "Pas très intimidant, Lester, mais au moins, c'est confortable."
De retour dans la chambre, elle s'assit sur le lit, la tête légèrement penchée. Malgré la fatigue, son cerveau était toujours en marche. Le visage de Gardener, l'usine, les habitants de la ville... Tout ça formait un drôle de puzzle où quelques pièces manquaient. Elle attrapa son carnet posé sur la table de nuit et le feuilleta rapidement, relisant ses notes.
Servais Leroy.
Elle soupira, ferma le carnet et posa la tête sur l'oreiller. Les draps étaient frais mais avaient une légère odeur vieillie, sûrement à cause de leur âge. Elle fixa un instant le plafond, laissant la mélodie de la pluie contre la fenêtre bercer ses pensées.
Demain, elle va avoir du travail. Beaucoup de travail.
Mais pour l'instant, elle ferma les yeux, espérant que le sommeil viendrait sans les ombres de la journée pour la hanter.
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Un bourdonnement, presque mécanique, tira Annie du sommeil. Ce n'était ni le chant des oiseaux ni la lumière du soleil à travers les rideaux. Elle quitta ses rêves à contrecœur, fronçant les sourcils.
Toc. Toc. Toc.
Un bruit sec retentit, cette fois bien plus clair. Elle grogna légèrement en se redressant.
"J'arrive, j'arrive..." lança-t-elle d'une voix ensommeillée, sans même savoir qui était à la porte.
Elle se redressa, chancelante, et attrapa ses nouveaux vêtements soigneusement préparés la veille. La veste imperméable, les bottes et la robe, parfaite pour la météo. Une fois habillée, elle ouvrit la porte.
Et nul autre que Kurt se tenait là, son araignée mécanique posée dans ses bras comme un gros bébé. Il ajustait un petit levier sur le corps métallique. Lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir, il releva les yeux vers Annie, son expression habituelle toujours inchangée.
"Bien dormi ?" Demanda-t-il d'un ton presque compatissant avec sa fatigue.
"Aussi bien qu'on peut avec ce bruit," répliqua Annie en bâillant. "Qu'est-ce que vous voulez si tôt ?"
Kurt finit d'ajuster son araignée, qui émit un léger clic mécanique. "On va interviewer Leroy. On part dans cinq minutes."
Annie resta figée sur place, écarquillant les yeux. "Servais Leroy !?"
Kurt hocha la tête, son attention déjà revenue à son appareil.
"Attendez une seconde," dit Annie en fronçant les sourcils. "Comment connaissez-vous ce nom ? Je ne vous en ai pas parlé hier, vous ne vouliez rien savoir !"
Kurt posa calmement sa main sur l'objectif photo de l'araignée, presque comme s'il la caressait, et répondit de son ton habituel, "J'étais au courant avant qu'on arrive ici. Demi m'avait passé quelques infos. C'est mieux que de devoir faire connaissance avec le cinglé des bois."
Le sang d'Annie bouillonnait légèrement, et ce n'est encore que le matin. "Et pourquoi vous ne m'en avez pas parlé plus tôt, alors ?"
Kurt releva brièvement la tête, mais ses mains continuaient de manipuler l'araignée. "Vous avez passé une bonne partie de la soirée à la rédaction avant notre départ. Je pensais que vous vous étiez déjà renseignée ?"
Annie marmonna pour elle-même, agacée. "Vous pensez beaucoup de choses, pour au final tout le temps vous trompé..."
Kurt stoppa son mouvement et la fixa, un léger rictus s'étirant sur son visage, presque imperceptible. "Je dirais plutôt que vous avez une longueur d'avance sur des choses que je n'arrive pas à prévoir. Très fort Lester."
Annie resta muette un instant, avant de détourner les yeux. Venant de la bouche de Kurt, ça peut compter comme un compliment. Elle se racla la gorge. "Euh... bien, si je suis si imprévisible, il se pourrait que je conduise extrêmement bien, donc vous pourriez me laisser conduire votre voiture ?"
Kurt haussa un sourcil, ses yeux fixant Annie. "Non."
Elle soupira, exagérant tout de son exaspération. "Vous êtes tellement... prévisible."
Kurt haussa les épaules, visiblement peu concerné par sa remarque très très pertinente. Ils descendirent ensemble vers le hall, Annie continuant de ruminer tandis que Kurt avançait tranquillement. Quand ils atteignirent le hall, Annie pensa que peut-être les informations de Gardener pourraient avoir des similitudes avec celles de Demi. Et elle s'apprêtait à en faire la remarque.
"Ce que cet homme m'a dit hier..." commença-t-elle.
Kurt l'interrompit sans même une hésitation. "On est ici pour Leroy. Même si c'est très bien que vous n'ayez aucun traumatisme là-dessus, arrêtez de m'en parler."
Annie, surprise, ne dit rien, mais elle n'était pas d'accord pour autant. C'est-à-dire que d'un côté elle ne pouvait pas nier qu'il avait un peu raison. Lorsqu'ils franchirent les portes de l'hôtel pour rejoindre la Mustang, Kurt continua sur ce qui concernait Leroy.
"Il est censé être sur la place. Il doit faire un discours."
Annie tourna la tête vers lui, curieuse. "Un discours ? Pourquoi ?"
"Probablement pour calmer les gens. On l'écoute, on prend des notes, et on évalue ce qu'il a à dire. Ça pourrait être le point de départ parfait pour notre article."
Ils arrivèrent à la voiture. Kurt déverrouilla les portières, et Annie se hâta d'y entrer, la pluie ayant repris de l'aplomb. Elle se pencha légèrement contre la fenêtre pour observer au loin l'usine, la voiture commença à avancer, et le mouvement éloigna l'usine de sa vision.
Lentement, dans les rues pavées de la ville, le contraste apparut. L'endroit si vide hier, était aujourd'hui débordant de vie. La pluie tombait toujours, mais cela n'empêchait pas les habitants de se rassembler.
"Il y a du monde," débita Annie, les sourcils froncés. "Comment une ville si vide peut avoir autant d'habitants ?"
Kurt répondit par simple logique, "Quand il y a des ennuis, tout le monde sort. Deux aspects en un."
Il gara la Mustang sur le bord de la route, non loin de la place. Ils descendirent, Annie serrant son imperméable contre elle alors que la pluie continuait de tomber en un fin rideau glacé. La place était pleine à craquer. Une estrade en bois avait été montée au centre, un peu à côté de la statue.
Kurt fit signe à Annie et elle le suivit en silence, ses yeux curieux parcourant la scène. Des murmures couraient dans la foule, et elle ne fut pas la seule à tendre l'oreille pour les écouter.
"Tu penses qu'il va vraiment dire quelque chose d'utile, cette fois ?" Chuchota une femme à un homme à côté d'elle.
"Pff, utile ? Il parle beaucoup, mais il ne fait rien de rien," répondit l'homme en hochant la tête vers l'estrade. "S'il voulait vraiment aider, il fermerait cette usine pour de bon."
"L'usine ne peut pas fermer, sinon on crève tous de faim," rétorqua un autre homme en colère.
"Tu connais quelqu'un ici qui travaille dans cette usine peut-être ?"
Annie prêtait beaucoup plus d'attention aux brides de conversation qu'elle pouvait entendre qu'à l'estrade elle-même, l'ambiance était tendue et ça l'intéressait. Ça l'intéressait jusqu'à ce qu'un murmure parcourut la foule et que Kurt désigne un homme monter sur l'estrade.
Annie tourna la tête et fit face, du regard, à l'homme dont l'allure contractée avec ce qu'elle s'imaginait. Elle avait supposé la soixantaine, mais à tout casser, il en était loin, la trentaine peut-être ?
Il portait un long manteau bleu marine, bien ajusté qui s'ouvrait légèrement pour révéler un gilet bleu joliment brodé sous une chemise blanche immaculée. Une broche dorée en forme de losange scintillait sur son manteau.
Ses gants noirs donnaient une impression froide, tout comme son visage pâle, encadré par une barbe blonde bien taillée. Mais ce qui attira immédiatement l'attention d'Annie fut son haut-de-forme noir, orné d'une délicate structure métalliques dorées à sa base et d'une véritable flamme vivante à l'intérieur. Elle n'avait jamais vu un chapeau pareil.
Kurt observant également l'homme sur l'estrade, prêta moins d'attention à son chapeau et plutôt, avec un sourire en coin, murmura à Annie d'un ton légèrement taquin, "Ça, c'est Servais Leroy. Un french et un blondie en prime."
Annie fronça les sourcils, jetant un regard vers son collègue, "Il est belge."
Kurt haussa un sourcil et pencha légèrement la tête, "Ah ?"
Un sourire amusé joua sur les lèvres d'Annie, mais elle reporta vite son attention sur l'estrade. Servais Leroy levait maintenant une main, demandant à la foule de se calmer. Sa gestuelle était élégante dans tout ce qu'il faisait, presque humble, mais une chose dérangeait Annie. Elle fronça les sourcils en fixant cette main levée. Elle avait l'air normale à première vue, sincèrement normale, mais quelque chose paraissait... étrange, sans doute, presque artificiel. La rigidité du mouvement peut-être ?
Elle secoua légèrement la tête pour chasser cette pensée. Pour une première impression, Annie, tu te fais sûrement des idées.
Servais prit alors la parole, sa voix plus que prudente dirigeait vers la foule. "Messieurs, mesdames... Je vous remercie d'être ici aujourd'hui, malgré ce temps capricieux qui, je le sais, pèse sur vos épaules depuis bien trop longtemps."
Il marqua une pause, comme pour s'assurer que chacun écoutait. "Cette ville a vu des jours meilleurs, je ne le nierai pas. Nous avons tous vu des jours meilleurs."
Les murmures cessèrent peu à peu, se transformant en silence attentif, bien que certains regardaient déjà Servais avec méfiance.
"Je comprends vos frustrations," continua-t-il, son ton s'adoucissant légèrement. "L'eau qui s'infiltre dans vos maisons, le brouillard qui obscurcit vos journées, et cette impression que personne ne vous entend... que personne ne vous voit."
Annie sentit un frisson. Cet homme sait comment parler, c'est indéniable, même s'il y a une certaine distance dans ses mots.
"Je sais que beaucoup d'entre vous ont des questions, des inquiétudes, et que cette usine, que certains considèrent comme le cœur battant de la ville, est également perçue comme une source de problèmes."
Avant de continuer, il sembla hésiter, juste fraction de seconde, comme s'il cherchait ses mots ou pesait le poids de ce qu'il voulait dire.
"Je ne peux pas résoudre tout cela seul," reprit Servais, sa voix se crispant légèrement. "Mais je suis ici. Avec vous et pour vous. Nous pouvons surmonter ces problèmes. Tout ce que je vous demande en échange... c'est de ne plus vous mêler, de quelque manière que ce soit, à ce qui concerne l'usine. Laissez ça en dehors de vos préoccupations."
Un silence d'incompréhension s'installa après ces mots. C'est... tout ? Une demande si simple, presque dérisoire, mais pourtant très claire. Leroy ne semble pas vouloir donner plus d'explications que ça. Puis, une voix féminine brisa l'air tendu.
"Et... mon frère ? Il à escaladé les barrières et il est entré dans l'usine. Ça fait déjà quelques jours. Où est-il ?"
Un silence beaucoup plus lourd s'abattit sur la foule. Tous les regards se tournèrent vers Servais, qui, après un bref instant de silence, releva les yeux vers elle.
"J'ai effectivement remarqué des traces de pas de l'autre côté des barrières," répondit-il calmement, comme une triste évidence.
La femme serra son parapluie, s'avançant davantage de l'estrade. "Alors où est-il ? Vous l'avez retrouvé ?"
Servais pinça ces lèvres, comme s'il cherchait les mots appropriés. Puis après un moment il déclara, "L'usine est vaste, autant qu'elle est dangereuse. Votre frère n'a pas encore été retrouvé, mais je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour le localiser."
La femme écarquilla les yeux, son visage se décomposant. Dans ce genre d'affaires, quand même la police parle de "faire tout son possible", c'est souvent une façon plus douce d'annoncer qu'il était déjà trop tard. Et quand ils évoquaient la dangerosité des lieux avant de parler de résultats, c'est encore pire.
La femme resta figée, incapable de prononcer un mot de plus. Servais, quant à lui, évita de la regarder directement, son regard balaya la foule, et il reprit d'un ton plus neutre, "C'est précisément pour cette raison que j'insiste, ne vous mêlez pas à l'usine. Ne franchissez pas la clôture, et encore moins ses portes. Même des professionnels ne sont pas plus en sécurité que vous."
De l'inquiétude parcourut la foule avec des murmures. La journaliste fit passer son regard allant de la femme accablée à Servais, dont le comportement cache bien des choses.
Leroy, sans perdre son aplomb, se redressa légèrement. Il termina par un simple, "Merci de m'avoir écouté." Et descendit immédiatement l'estrade après ses derniers mots, évitant soigneusement de croiser le regard de qui que ce soit.
Kurt l'observa, remarquant le léger signe de main qu'il fit à deux hommes postés non loin qui attendaient près d'une voiture noire. Chiens de Garde.
Dans la foule, l'ambiance se détériora que trop rapidement. Des voix d'abord hésitantes, puis furieuses, fusèrent des insultes à tout va. Passant du menteur à l'assassin et du vendu au complotiste
Les cris redoublèrent et Annie sentit la foule s'agiter de plus en plus autour d'elle, certains la bousculant presque. Une main se posa soudain sur sa manche.
Elle sursauta et tourna vivement la tête, cherchant du regard l'auteur de cette main. Son regard croisa celui de Kurt presque instantanément, bien plus proche qu'elle ne l'avait imaginé. Leurs visages se retrouvèrent à quelques centimètres l'un de l'autre, si proches qu'elle percevait même le souffle du journaliste.
Instinctivement, Kurt recula à l'instant, une lueur troublée dans les yeux et il lui lança un regard accusateur, comme si c'était de sa faute. Annie, outrée, lui retourna son regard encore plus accusateur, mais il n'insista pas.
"Viens," murmura-t-il, en tirant légèrement sa manche.
Surprise, Annie le suivit sans poser de questions, zigzaguant entre les gens pour le rejoindre.
"Où ?" Finit-elle par demander.
Kurt répondit en désignant Servais du menton, qui s'éloignait déjà vers une voiture. "On le suit."
Les yeux d'Annie s'illuminèrent, son étonnement laissant place à l'excitation. "Une filature ? Sérieusement ? Comme dans les romans ?"
Kurt haussa légèrement les épaules tout en continuant à travers la foule. Annie éclata discrètement de rire, ravie. Ils atteignirent la voiture, et Kurt grimpa derrière le volant. Annie s'installant rapidement à côté de lui, toujours excitée.
"Rien qui soit spécial, Lester," prévint Kurt, lançant un regard à la voiture de Servais qui démarrait. "Reste sérieuse."
Annie sautilla sur son banc, Kurt démarra la voiture, les yeux posés sur la berline sombre qui s'éloignait déjà. La mustang, bien que rugissante, se fondit étonnamment bien dans la circulation. Annie, quant à elle, bouillonnait comme une bouilloire, ses mains nerveusement croisées sur ses genoux.
"Ça t'arrive souvent ?" Demanda-t-elle finalement. Elle tourna la tête vers Kurt, un sourire narquois aux lèvres. "Filer des gens comme dans des best-seller."
Kurt esquissa un demi-sourire, se demandant intérieurement pourquoi Annie était si excitée, sans quitter la route des yeux. "Ce n'est pas une nouveauté. Avec Percy on a eu quelques... exercices pratiques."
"Avec Percy ?" Répéta Annie, son ton intrigué, mais délibérément non surpris. Elle connaissait ce nom, mais c'était la première fois que Kurt le mentionnait de cette manière.
Kurt, l'air de rien, ajustant légèrement le volant pour éviter un nid-de-poule, continua. "C'est le meilleur pour ce genre de choses. Un as du volant... contrairement à une certaine personne ici, je pense."
C'est plus fort que lui de ne pas l'embêter avec ce genre de remarque.
Annie lui lança un regard faussement outré. "Hé ! J'ai mon permis, et je te signale que j'aurais pas pu l'avoir si j'avais une mauvaise conduite. Quelques semaines d'expérience, d'accord, mais ça ne veut rien dire vraiment."
"Quelques semaines," répéta Kurt, son ton d'un sarcasme parfaitement dosé.
"Un jour tu me prêteras cette voiture, tu verras," marmonna Annie en croisant les bras, mais elle ne put réprimer un sourire amusé.
Le silence retomba brièvement, la pluie martelant le pare-brise. Annie observa Servais dans la voiture devant eux. Il était assis à l'arrière, le haut de son chapeau toujours visible à travers la vitre grâce à sa chandelle. À côté de lui, un homme en costume semblait lui parler, mais Servais paraissait indifférent, presque ennuyé.
"Pour deux frères, vous travaillez plutôt bien ensemble. Chez moi, on dit que trop connaître son partenaire, c'est un handicap." Dit soudainement Annie à Kurt, rompant à nouveau le silence.
"Tes parents devraient changer de slogan," lança-t-il avec un sourire en coin. "Ce n'est pas juste avantageux de connaître son partenaire... c'est gagnant."
Il marqua une légère pause, son amusement toujours visible dans son regard, avant de reprendre, "Avec Percy, même si on se retrouve parfois au mauvais endroit au mauvais moment, savoir comment l'autre réagit, ça change tout. Agir sans se concerter, c'est un truc que peu de gens peuvent se permettre."
Il tourna brièvement la tête vers Annie et ajouta d'un ton curieux, "Et toi, Lester ? Des frères, des sœurs ?"
Annie leva un sourcil, agréablement surprise que Kurt lui pose la question. "Appelle-moi juste Annie," puis elle fit mine de réfléchir. "Non, je suis fille unique."
Kurt hocha la tête. "Très bien, Annie."
La conversation s'arrêta alors que la voiture de Servais ralentit pour tourner dans une rue bordée de maisons plus luxueuses que les autres. Kurt imita le mouvement, veillant à garder une distance suffisante pour ne pas éveiller les soupçons.
"On dirait qu'on arrive," murmura Annie en jetant un coup d'œil autour d'elle. Les maisons étaient grandes, chacune avec d'immenses porches contre la pluie et le vent. Ces maisons étaient sans doute habitées par des gens aisés, bien loin des rues plus modestes qu'ils avaient traversées pour arriver ici.
La berline de Servais s'arrêta finalement devant la plus grande des demeures, flanquée de deux lampadaires de style victorien à l'entrée. Servais descendit de la voiture, suivi d'un des deux gardes du corps. Il s'arrêta une seconde devant le portail pour lui parler, puis disparut dans la cour.
Kurt gara sa propre voiture tout en gardant Servais dans leur champ de vision, et il coupa le moteur. Annie scruta les deux gardes qui, à sa grande surprise, remontèrent dans leur voiture et quittèrent les lieux sans plus.
"Étonnant," murmura-t-elle, le regard fixé sur le véhicule qui disparaissait au loin. "Maintenant qu'on sait où il vit, on pourra venir l'interviewer quand on veut," dit-elle innocemment, un sourire naïf sur les lèvres.
Kurt secoua la tête tout en ouvrant la portière. Il sortit, de préférence avec la clé du véhicule, refermant la porte derrière lui. Annie fronça les sourcils et ouvrit à son tour, l'interrogeant du regard alors qu'il se dirigeait vers les grilles.
"Tu fais quoi ?" Demanda-t-elle.
"Je vais jeter un œil," répondit-il simplement, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon comme si tout cela était parfaitement normal.
"Jeter un œil ?" répéta-t-elle, incrédule. "Tu plaisantes ?"
Mais Kurt ne répondit pas. Il se rapprocha du portail, posa une main sur le barreau froid et mouillé, puis inspecta rapidement les alentours. Sans hésiter, il agrippa une des barres verticales et commença à grimper.
"Kurt, non ! Tu ne peux pas... Sérieusement ?!" S'écria Annie à voix basse, la panique perçant dans son ton.
Il ne ralentit pas. "Reste là et surveille les alentours," lança-t-il par-dessus son épaule.
"Quoi ?! Mais qu'est-ce que je suis censée faire si quelqu'un arrive ?"
"Te cacher," répondit-il laconiquement, avant de passer de l'autre côté avec une agilité surprenante.
Annie resta figée, les yeux ronds. Elle entendit un léger bruit sourd lorsque Kurt atterrit de l'autre côté, son mouvement parfaitement exécuté. L'araignée mécanique sur son épaule pivota légèrement, ses pattes métalliques s'ajustant, comme si elle analysait la maison au loin.
"Super," marmonna Annie en croisant les bras, pestant contre l'audace de son supérieur. Elle commença à marcher de long en large devant le portail, lançant des regards nerveux aux passants occasionnels qui traversaient la rue.
Qu'est-ce que je fais ici ? Pensa-t-elle, ses nerfs à vif. Et s'il y a des caméras ? Et si quelqu'un appelle la police ? Et si Kurt se fait attraper ?
Elle tournait en rond, comme une fourmi perdue. Et rester là, seule, ne faisait qu'empirer son anxiété.
Annie jeta un dernier coup d'œil autour d'elle avant de poser une main hésitante sur le portail. Elle tâta les barreaux froids, puis regarda de l'autre côté. L'idée de rester ici la terrifiait plus que celle de suivre Kurt.
"D'accord, tu peux le faire," marmonna-t-elle à elle-même, en grimpant maladroitement sur la grille.
Quelques instants plus tard, elle bascula de l'autre côté, ses genoux heurtant légèrement le sol à l'atterrissage. Elle grimaça mais se redressa vite fait, ses vêtements ruisselant de pluie.
"Kurt ?" appela-t-elle à voix basse, avançant prudemment. "Il va me tuer pour ça, mais au moins je ne suis pas plantée là comme une idiote."
Annie avança vers l'entrée de la maison, ses pas étaient étouffés par des dalles en pierre qui cheminaient jusqu'au porche d'entrée. Lorsqu'elle posa une main sur la poignée, elle fut surprise de voir que la porte n'était pas verrouillée. Pourquoi quelqu'un laisserait-il sa porte ouverte comme ça ?
Elle entra, refermant doucement la porte derrière elle, et fut émerveillée par la splendeur de l'intérieur. Le hall était spacieux, baigné de lumière tamisée provenant d'un lustre en cristal suspendu au plafond. Les murs étaient ornés de papiers peints, et des meubles en acajou bordaient la pièce.
"C'est la classe..." pensa-t-elle en passant une main sur une rampe en bois verni d'un escalier en colimaçon. Elle s'apprêta à explorer davantage lorsqu'une voix tranchante tonna derrière elle.
"Je peux savoir ce que tu fais ici ?"
Annie sursauta, laissant échapper un cri aigu. Elle se retourna précipitamment, "Je suis désolée ! Je ne voulais pas... Enfin, c'était une erreur ! Je me suis trompé de maison !" Balbutia-t-elle, ses joues en feu et son cœur battant à en éclater.
Une main se posa soudain sur son épaule, et elle hurla à nouveau avant de se retourner pour voir Kurt, son visage consterné.
"C'est moi," dit-il doucement, en lui serrant légèrement l'épaule pour la calmer.
Annie poussa un soupir de soulagement, ses mains se pressant sur sa poitrine pour calmer son cœur affolé.
"Tu m'as fait peur !" Elle essuya nerveusement une larme naissante, encore sous le choc.
Il haussa un sourcil, les bras croisés. "Qu'est-ce que tu fais ici ? Je t'avais dit de rester dehors."
Annie baissa les yeux, feignant peut-être même cette timidité pour ne pas se faire trop sermonner. "Je... Je ne voulais pas rester dehors toute seule. Et puis tu m'as laissée là... Je voulais aider."
Kurt secoua la tête, soupirant de nouveau profondément. "Faire le guet, c'était déjà aider."
Avant qu'elle ne puisse répondre, une autre voix intervint, glaciale et farouchement sarcastique, juste derrière eux. Elle aurait sûrement frôlé l'arrêt cardiaque si c'était cette voix-là qui l'aurait surpris avant celle de Kurt.
"Quelle adorable scène."
Kurt sursauta à son tour et pivota, se retrouvant face à Servais Leroy en personne. Debout juste là, l'homme les fixait avec un mélange de mépris et de curiosité, ses yeux glissant d'un intrus à l'autre.
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