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Prologue

- Baisse-toi !

Ses genoux obéirent avant même que l’information ne lui monte au cerveau. Il ne prit conscience de sa situation qu’en voyant le sol se rapprocher dangereusement de son visage. Il sentit ses petits cheveux se dresser sur sa nuque, puis une forte chaleur passer au ras de son crâne, calcinant les pointes de ses mèches noires. Pas grave, ils étaient trop longs de toute manière. Toujours au sol, la face incrustée dans la boue, Obito se prit à vouloir y rester, s’y reposer. Il ferma les yeux. Il entendait le bruit ambiant du combat déséquilibré qui avait lieu. L’arbre à sa gauche craquait, sûrement en proie aux flammes qui ont failli le tuer à peine quelques secondes plus tôt. Il entendait la pluie tomber, il sentait les gouttes glacées passer au travers de son uniforme, et transpercer sa peau comme des aiguilles gelées. Au loin, Minato ralentissait l’allure, et aux bruits de pas qu’il ressentait, son maître était acculé par pas moins d’une vingtaine d’ennemis. De l’autre côté, Rin. Plus éloignée, Obito peinait à comprendre ce qu’il se passait, mais il était sûr qu’elle se battait comme un diable, aux bruits de fer et à ses cris de guerre. Cris qui se transformèrent rapidement en gémissement de douleur. Gémissements qui finirent par s’éteindre. Obito ouvrit les yeux à nouveau. Son corps le faisait terriblement souffrir comme si chacun de ses os avait été piétiné, chacun de ses muscles, déchirés, et puis il y avait la migraine. A trop user du sharingan il se prenait de plein le revers de la médaille. A quoi servirait-il, misérable comme il est, au milieu des combats ? Au mieux, il pourrait attirer deux ou trois ennemis hors du champ de bataille si ses jambes lui en laissent la possibilité; au pire, il serait tué avant de n’avoir pu bouger ne serait-ce que le petit doigt. Mais il en était hors de question. Il ne pouvait pas se permettre d’être faible lorsque son équipe continuait à se battre. Il releva brusquement la tête, surprenant les ninjas venus vérifier s’il était bien hors d’état de nuire. Oubliant ses maux un instant, il profita de leur moment de confusion pour les plonger dans un genjutsu. Ce n’était pas sa spécialité, mais il pouvait gagner quelques précieuses secondes grâce à cela. Il s'accroupit, cracha de la terre, et retira  ses lunettes de protection, pleines de buée et de poussière. Une fois debout, il posa ses mains sur ses genoux, reprit son souffle en attendant que le monde cesse de tanguer. Son analyse de la situation lui montra à quel point ils étaient en mauvaise position. 

 Quand ils étaient arrivés, comme prévu, il n’y avait que 7 ninjas d’Iwa. Après les premiers échanges en faveur de Konoha, les renforts étaient arrivés de partout. Des feuilles, des branches, du sol. De nulle part et de partout à la fois. La tendance avait été inversée, maintenant contre au moins une cinquantaine d’adversaires, même la force de frappe du seul Jonin de l’équipe était insuffisante. Même si ce Jonin n’était nulle autre que Minato Namikaze, futur hokage, l’un des meilleurs ninjas du village caché des feuilles, connu de tous comme l’éclair jaune de Konoha. La bataille n’avait pour l’instant duré qu’une dizaine de minutes maximum, et Obito luttait pour ne pas se dire que jamais ils ne rentreraient au village par leurs deux jambes, ou dans un linceul. Comment avait- il fait ? Il avait eu à affronter la même situation seul et s’en était sorti vainqueur. Comment ? Rin saignait abondement du bras, son visage perdant la teinte rose de ses joues pour un blanc livide. Minato-sensei perdait en vitesse et et équilibre à chaque pas et Obito n’avait plus de chakra ni de force physique. Il se souvenait du nombre de fois où son coéquipier lui avait dit que seul il ne valait rien. Peut-être avait-il raison? Sûrement. Alors il lui fallait rejoindre Rin. Au bout de trois pas tremblants et douloureux, sa gorge se mit à brûler, il retomba sur ses genoux contusionnés et vomit, encore et encore. Comme si la douleur allait partir en même temps que son petit-déj. Le goût métallique du sang lui prit à la bouche. Ça ne pouvait pas être un bon signe. Devant ses yeux dansaient une multitude de points noirs et un grondement assourdissant l’empêchait de réfléchir correctement. Il fallait qu’il se replie. Au milieu du champ de bataille il n’était qu’un fardeau et rejoindre Rin pouvait la mettre encore plus en danger. Mais où était-elle passée ? Il n’y avait encore qu’un instant elle ét-

- Obit-, gémit-elle, plaquée au sol les yeux à moitié révulsés, Cours…

Le jeune Uchiha est resté figé. D’un grand coup de coude, l’adversaire se débarrassa de son amie puis s’approcha vers lui, vite suivi de ses collègues. Sans vraiment réaliser la situation, Obito se mit en position de combat, ou du moins quelque chose censé y ressembler, mais pas impressionnés le moins du monde, les ninjas d’Iwa le dépassèrent sans un seul regard. Il était vraiment pitoyable. Ils étaient désormais tous en direction de Minato. Evidemment. Ils étaient si nombreux pour pouvoir se débarrasser de lui. Rin et Obito n’étaient que des dégâts collatéraux. Après s’être occupés de lui , retirer Minato à Konoha c’était se garantir la victoire, non sur une bataille mais sur la guerre en elle-même. Sans ces deux-là; leur village était voué à des défaites cuisantes et se remettrait difficilement de cette perte. A l’inverse, bien que cela semble impossible, le nombre de shinobis employés ici additionnés à ceux qui ont été anéantis par lui auparavant était ahurissant et devaient représenter la force de frappe d’Iwa presque au complet. Cela signifiait que Konoha pouvait gagner la guerre s’ils gagnaient ici. Il avait dû le réaliser. C’était sûrement la raison qui l’avait poussé à se battre jusqu’au bout. Pour Konoha, il fallait impérativement sauver Minato. Quand même, adopter une tactique comme celle-ci, il fallait vraiment être lâche. Si seulement des secours pouvaient arriver; mais Konoha était bien de trop loin, il ne fallait pas y compter. Ils auraient pu mourir tranquille, l’avenir de Konoha assuré. Il se demanda si il l’avait réalisé lui aussi et si c’était comme ça qu’il avait pu trouver la force de continuer à se battre. Et bien qu’il détestait l’avouer, ils n’avaient pas le même niveau. Comment Obito pouvait-il s’y prendre ? Il n’avait pas vécu un dixième de ce qu’avait pu subir son cadet, mais il se sentait au fond du trou. Impossible de faire quoi que ce soit. Physiquement, mentalement, il était au plus bas. Ils allaient tous mourir, et condamner leur village à des défaites, de lourdes pertes, voire à un anéantissement. Leur faute. Leur faiblesse. Même Minato semblait à bout de force, à court d’idées, d’espoir.

Et puis c’est arrivé. Une puissante envie de tuer a recouvert le champ de bataille, rendant l’air encore plus pesant, plus électrique. Ça y est, c’était la fin. Il sentait ce monstre de chakra s’approcher, à une vitesse phénoménale, égalable à celle de Minato. Il n’eut pas le temps de se préparer à mourir que quatre de ses ennemis s’effondrèrent raides morts, électrocutés. Un mouvement de recul paniqué dans le camp adverse lui donne l’opportunité de se faufiler avec Rin. Il la colla contre son torse afin de la protéger si les combats arrivaient vers eux. Visiblement, les soldats d’Iwa les avaient oubliés, toute leur attention était portée sur le nouvel arrivant. Obito plissa les yeux, mais la pluie l’empêchait de distinguer la moindre action. Son sharingan refusait d'apparaître et son chakra n’était pas celui d’un senseur. Impossible de savoir qui était venu à leur rescousse, alors pourquoi son corps se tordait de douleur comme si on lui tournait un kunai dans la poitrine? L’électricité. Mais c’était impossible. Ce ne pouvait pas être lui . Ses maux commencèrent à s’alléger et sa vision se teinta de vert. 

- Merci Rin, mais ne te fatigue pas pour moi.

- On doit s’en sortir, lui répondit-elle.

Et elle avait raison. Il reporta son attention sur les combats. Minato était désormais inconscient, ses cheveux blonds maintenant gris terre et son front saignait abondamment, salissant son uniforme. L’arbre contre lequel il s'était précédemment adossé, disparu, remplacé par une horde de ninjas ennemis tels des corbeaux autours d’un cadavre. Le nouveau venu était très rapide au point de ne pas vraiment pouvoir suivre le massacre. Tout à coup, il échappa à ses adversaires et prit Minato sur son dos. Et Obito réalisa à quel point il était petit. Le Jonin sensei avait les jambes qui trainaient par terre et il dépassait d’au moins deux têtes son porteur. C’est là aussi que Obito vit que leur allié était un anbu. Un anbu blessé au masque de chien. Les larmes lui montèrent aux yeux, à cause de la poussière, quand le soldat d’élite lui tendit le corps inerte de son maître.

- K..

L’anbu le coupa en passant un doigt sur la bouche dessinée du masque en porcelaine, puis disparut à nouveau dans la vague d'ennemi. On pouvait voir que nombre d’entre eux tombaient pour ne plus se relever, mais c’était toujours un combat inégal, infaisable. Même pour le meilleur anbu. Hound poussa un gémissement de douleur, suivi d’un bruit de porcelaine brisée. Grâce à la médecine de Rin, Obito avait recouvré tous ces sens, mais sa force était encore grandement affaiblie, et il subissait de voir son ami déjà un pied dans la tombe lancé dans un combat sans issue.  Un tremblement de terre réveilla Minato. Perdu, ses yeux reflétèrent d’abord la terreur quand il vit une gigantesque arène sortir du sol, puis la terreur fut remplacée par de la reconnaissance, puis de l’inquiétude. Obito aussi reconnaissait ce mur de boue. Il s’était tant battu contre, et avec, et même dans la version moins puissante qu’il utilisait généralement, il était redoutable.

Le Chunin ne se rendit compte qu’il s’était évanoui que lorsqu’il se réveilla. C’est une autre secousse qui l’avait sorti de l’inconscience. Son cœur se resserra. Le mur s’effritait, s’effondrait, soulevant un gros nuage de poussière. Cela ne pouvait signifier que deux choses; l’une était la victoire de l’Anbu, l’autre étant sa mort. La poussière disparaissait peu à peu mais pas suffisamment pour savoir ce qui se passait de l’autre côté.

- J’ai cru comprendre que Konoha était loyal.

Une technique Fûton dispersa l’écran de saleté qui leur bouchait la vue. Rin se recroquevilla contre lui et Minato se redressa, faisant barrière de son corps pour les protéger. Celui qui avait parlé n’était pas seul. Devant lui, trois autres shinobis, indemnes, en pleine forme. Et avec lui.. Oh kami non, pensa Obito. Il tenait le corps immobile du jeune soldat par le col, au-dessus du vide. Le masque de ce dernier, brisé de son côté droit, dévoilait une pommette ensanglantée. Au bout de ses bras ballants, ses doigts tressaillaient. Il essayait sûrement de reprendre le contrôle de son corps. Il fut brusquement secoué par son raidisseur, lui tirant un grognement de douleur. Le bout de la falaise commençait à s’effriter. 

- Le deal est simple. Je vous laisse en vie tous les quatre, il appuya sur ce dernier mot, et vous acceptez votre défaite. Vous vous montrez réticents, et je lâche malencontreusement votre soi-disant soldat d’élite. Avant de vous tuer bien sûr.

Une vilaine grimace se tordit sur son visage.

- Alors, on a un accord ?

Durant son petit discours, qui avait donné froid dans le dos à Obito, Minato avait placé ses mains sur les épaules de ses élèves, et Rin avait récupéré ses sens. Un symbole brilla aux pieds de deux ennemis les plus proches. Du fuinjutsu. Obito eut un goût de terre dans la bouche. C’était trop dangereux, il allait se faire tuer et les faire tuer. Minato disparut avant qu’Obito ne put lui faire part de ses craintes. Son sensei avait beau tenir à ses élèves, il était le futur hokage et devait penser au village avant tout. Quitte à se mettre, ainsi que Hund et eux, en danger. Il élimina sans soucis ses adversaires en leur tranchant la gorge à la vitesse maximale du Hiraishin. Puis il cracha du sang et s’approcha en titubant du dernier soldat d’Iwa. Il ne pourrait rien faire. Obito prépara son sharingan. Grâce à Rin, il pourrait peut-être placer un genjutsu, mais il lui fallait attirer l’attention. Encore une fois, il fut pris de vitesse. Sharingan activé, il put lire tous les mouvements de ce qui était en train de se passer.  Profitant que Minato ait accaparé l’attention de son ravisseur, Hound avait attrapé son masque de porcelaine, laissant ses mèches grises flotter dans le vent et dévoilant son visage masqué à tous, un sourire sur ses yeux en demi-lune. Le cœur d’Obito se brisa quand son ami trancha la gorge de celui qui le tenait avec le tranchant de la porcelaine brisée. Mort, il lâcha sa prise et précipita le garçon dans le vide. Hound, non. Kakashi se rattrapa in extremis au rebord de la falaise en insufflant un peu de chakra dans ses mains. Obito et Rin se précipitèrent vers lui, mais trop tard, sa conscience le quittait et sa tête bascula en arrière, les yeux clos, vite suivi par le reste de son corps qui disparut dans la brume. Minato venait juste d’atteindre le bout de la falaise. Tombant à genoux, l’éclair jaune de Konoha hurla, hurla à s’en briser la voix. Cria sa peine qui résonna à travers les falaises.

Konoha était sauvée. La guerre était finie. Mais le cœur de l’équipe était aux larmes. Jamais elle n’avait été aussi vide. Des larmes de sang coulèrent le long des joues d’Obito. Il cria son désespoir à son tour, entravé dans les bras de Rin, mais seul l’écho et la noirceur lui donnèrent une réponse.