Archive of Our Own ^beta

Chapter Text

Ellen savait pertinemment qu’elle n’oublierait jamais le début de leur histoire, dut-elle vivre pendant plus de mille ans.

Tout au fond de son cœur, gravé au fond d’elle-même et pour l’éternité, il y avait le souvenir du jour où elle avait rencontré Tom, et puis, encore plus tard, le moment où elle était tombée amoureuse de lui.

Elle se souvenait de comment leur histoire avait commencé, elle se souvenait de leur amour, de leur tendresse, de leur passion, elle se souvenait d’absolument tout.

Elle se souvenait du début, mais elle ne se souvenait aussi que trop bien de la fin.

Elle se souvenait parce qu’elle n’avait pas d’autre choix, parce qu’elle devait se souvenir de lui, d’eux, de ce qu’ils avaient été et ne seraient plus jamais.

Elle devait se souvenir parce que Tom était mort et ne reviendrait plus jamais.

Elle se souvenait parce que bientôt, plus personne ne souviendrait d’eux et de leur histoire, et que tout finirait par partir en poussière.

Alors oui, elle se devait de se souvenir de lui, jusqu’à la fin.

Pour lui.

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Ellen essuya les regards des moines sans même plus y faire attention.

Elle commençait à avoir l’habitude maintenant, ils la détestaient, la méprisaient, et elle le leur rendait bien, et à chaque fois qu’elle mettait les pieds dans le monastère, elle sentait bien leur irritation grandir chaque jour de plus en plus.

Elle en souriait d’ailleurs, c’était presque devenu un jeu pour elle maintenant, et si il n’y avait eu qu’elle et Jack, elle se serait fait un malin plaisir de tout faire pour leur pourrir la vie et leur imposer sa présence.

Mais voilà, ils n’étaient pas seuls, il y avait Tom et ses enfants, et Tom avait besoin de ce travail, il avait besoin de rester le maître bâtisseur de la cathédrale de Kingsbridge, alors elle faisait profil bas le plus possible.

Ce qui ne l’empêchait pas de s’amuser de temps en temps de la peur panique que sa simple présence semblait inspirer à la plupart des moines, le prieur Philippe excepté.

Pourtant, aujourd’hui, ce n’était pas pour cela qu’elle était là, non, les circonstances de sa venue au monastère n’étaient pas liées à la construction ou à son désir de voir Tom, ou même Jack, non, cette fois-ci, c’était bien plus sérieux.

Martha était tombée malade, et les moines n’avaient pas la moindre idée de comment la soigner, et il y avait de nombreux maux que la sorcière pouvait guérir, alors peut-être…

Tom n’avait pas hésité une seule seconde, malgré les protestations des moines, il avait déjà perdu sa femme, il n’allait pas perdre aussi sa fille.

Lorsque Ellen entra dans la chambre de la jeune fille, un silence de mort régnait, même Alfred ne disait rien contre sa présence, ayant sans doute compris que l’heure était grave, et les moines avaient beau lui lancer des regards noirs, Ellen n’en avait que faire.

Ils avaient le droit de la voir comme une sorcière, ça n’avait pas d’importance, tant que Martha survivait.

« Alors ? Finit par lui demander le bâtisseur quelques heures plus tard.

Tout le monde était parti, et ils étaient seuls désormais.

- Ne t’en fais pas Tom, elle va survivre. Tout ira bien.

Un sourire se dessina sur le visage fatigué du bâtisseur.

- Merci Ellen, fit-il avant de l’embrasser. »

Le monde entier pouvait bien la montrer du doigt et la maudire, ça ne lui importait pas, parce qu’il savait pertinemment qu’elle était un trésor et qu’il ne devait absolument pas la laisser partir.

Et elle savait parfaitement que c’était ce qu’il pensait d’elle, qu’il l’aimait plus que tout au monde, au moins autant qu’elle l’aimait.

Elle non plus elle n’avait pas l’intention de le laisser partir.

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Ellen avait toujours aimé danser.

Lorsqu’elle dansait, son esprit se vidait, et elle ne pensait plus à rien, elle n’avait plus à penser au fait que Waleran vivait toujours alors que l’homme qu’elle avait autrefois tant aimé était mort, elle pouvait oublier sa vengeance, sa rage, sa haine.

Elle pouvait enfin se concentrer sur l’instant présent et ne penser à rien d’autre, elle pouvait danser, sourire, rire, et oublier.

Oh, ça ne durait jamais bien longtemps, mais ce n’était pas grave, c’était bien suffisant pour lui rappeler que oui, elle avait elle aussi le droit d’être heureuse, comme tous les autres.

Alors, lorsque la musique s’était élevée dans l’air, et que Martha l’avait invitée à danser, Ellen n’avait pas hésité une seule seconde, cette fois, elle allait faire fi des regards des autres.

Mais pas de tous les regards.

Le regard de Tom était posé sur elle, un regard tendre, amoureux et empli de passion, et elle se mit à sourire.

Elle échangea quelques regards avec lui, le cœur battant et si leurs yeux avaient pu brûler, leurs regards auraient très certainement mis le feu à l’endroit depuis longtemps.

Ces regards n’échappèrent d’ailleurs pas à Martha.

« Pourquoi est-ce que tu ne vas pas danser avec papa ? Lui demanda la jeune fille. »

La sorcière ne trouva rien à lui objecter, après tout, qu’importe les moines et les villageois, ils avaient bien le droit de faire ce qu’ils voulaient, non ?

« Alors dis-moi, Tom le bâtisseur, dit-elle à son amant une fois devant lui, m’accorderais-tu cette danse ?

Il lui sourit et elle lui rendit son sourire.

- Avec joie, lui répondit-il en s’emparant de sa main, et tandis qu’il la faisait tournoyer, son sourire s’agrandit. »

Maintenant ils pouvaient oublier le monde, ensemble, il n’y avait plus qu’eux qui comptaient, leurs regards, leurs mots, leurs éclats de rire, leurs baisers.

Ils avaient oublié le monde et l’univers.

Il n’y avait plus qu’eux maintenant, et la musique, et Ellen souhaita que cela reste comme cela pour toujours.

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Tom grimaça de douleur une nouvelle fois.

Il aurait dû le voir venir pourtant, malgré ses années d’expérience, il avait parfaitement conscience que personne n’était jamais réellement à l’abri d’un accident, surtout sur un chantier de l’ampleur de la cathédrale de Kingsbridge.

Il le savait, et pourtant, ça ne l’avait pas empêché de se blesser malgré tout, alors même qu’il était d’ordinaire si prudent.

Ce n’était rien de vraiment grave, juste une petite coupure de rien du tout, et pourtant, lorsqu’elle s’était rendue compte de cela, Ellen avait immédiatement décrété qu’il devait bien évidemment s’arrêter tout de suite de travailler pour qu’elle le soigne.

Et malgré ses protestations (ce n’était qu’une petite coupure de rien du tout, et il avait encore beaucoup de travail à faire, ce à quoi elle avait rétorqué qu’il n’était pas tout seul et qu’il n’avait pas à s’abîmer la santé pour rien), elle l’avait traîné loin du chantier.

Même si il était évident qu’elle s’inquiétait pour lui, il la soupçonna un peu de prendre cela comme un prétexte pour passer un peu plus de temps avec lui, et il ne s’en plaint pas.

De toute façon, il était effectivement fatigué, et cette erreur d’inattention qui aurait pu être bien plus grave découlait de toute évidence du fait qu’il n’était pas assez concentré.

Se souvenant du regard noir qu’elle avait lancé en direction des autres, mettant au défi quiconque de vouloir mettre sa décision en doute, il se mit à sourire.

« Qu’est-ce qui te fais sourire comme ça ?

- Rien, lui rétorqua en continuant de lui sourire. Je t’aime.

Elle sourit à son tour.

- Moi aussi je t’aime Tom le bâtisseur, dit-elle avant de l’embrasser. »

Et Tom avait soudainement eu presque envie de se blesser plus souvent si ça lui permettait de passer plus de temps avec elle.

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Sa relation avec Ellen n’était pas un caprice, et encore moins une passade, et cela, Tom le savait parfaitement bien.

Il avait aimé Agnès autrefois, il l’avait vraiment aimée, mais elle était morte, et Ellen…

Sorcière ou pas, ce n’était pas important, ce n’était pas grave, elle était l’une des meilleures choses qui lui soit jamais arrivée, une des meilleures personnes qu’il avait rencontrée de sa vie, elle n’était pas une sorcière, non, elle était un ange, elle était la femme qu’il aimait.

Et il n’y avait pas qu’elle, il y avait Jack, qu’il avait fini par considérer comme son propre fils, ils étaient sa famille désormais, au même titre que Martha et Alfred, ils le rendaient heureux.

Et Martha le comprenait mais Alfred…

Pourquoi est-ce qu’Alfred refusait de comprendre à quel point Ellen et Jack étaient importants pour lui, que ce n’était parce qu’il en aimait une autre qu’il oubliait Agnès, et que son fils adoptif n’allait pas le remplacer ?

Il en avait la certitude, jamais son fils ne le forcerait à les abandonner, et il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour qu’un jour, ils deviennent véritablement une famille unie.

(Ça n’avait jamais marché, malheureusement pour lui…)

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Ellen souriait.

Elle n’avait pas forcément eu l’occasion de sourire ces derniers temps, certes, la construction de la cathédrale de Kingsbridge avançait bien, mais les tensions entre Jack et Alfred ne cessaient de grandir, et surtout, elle n’avait pas pu voir Tom depuis des semaines.

À la fois parce qu’il était perpétuellement occupé, mais surtout à cause du fait qu’elle n’avait pas le droit de mettre les pieds au couvent.

Elle serrait les dents et rongeait son frein en silence, mais le fait est que l’homme qu’elle aimait lui manquait atrocement.

Aussi, lorsque Tom, qui avait exceptionnellement une journée de libre, était venue la voir, elle n’avait pas hésité une seule seconde à l’entraîner avec lui dans les bois.

Ils avaient droit à cette journée seuls ensemble, après tout ce qu’il s’était passé, après toutes ces semaines de séparation, ils l’avaient bien mérité.

Alors oui, elle souriait, parce que pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait heureuse, et aussi terriblement vivante.

Et si ils discutèrent durant une bonne partie du trajet, lorsqu’il atteignirent finalement la cascade qu’elle voulait absolument lui montrer, ils passèrent le reste de la journée à s’embrasser sous cette dernière.

Ellen pria pour que cette journée dure pour toujours, mais à défaut de pouvoir passer l’éternité dessous, elle décida d’y revenir un autre jour.

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Tom et Ellen étaient tous les deux des experts dans leurs domaines respectifs.

Tom était un bâtisseur, tandis qu’Ellen, quant à elle, était une guérisseuse (une sorcière selon certains mais quelle importance après tout ? Elle sauvait bien des vies, cela, personne ne pouvait le nier.), et il était plutôt rare que l’un des deux s’immisce dans le travail de l’autre.

Aujourd’hui était l’un de ces jours.

« Tom, est-ce que tu peut m’aider ? Lança la voix de la sorcière au bâtisseur.

- Bien sûr. Qu’est-ce qu’il se passe ? Lui demanda-t-il avant de voir qu’elle transportait quelqu’un.

- L’un des ouvriers s’est cassé la jambe, j’aurais besoin que tu m’aides à le maintenir en place, ce qui va suivre risque d’être assez douloureux pour lui. »

Il hocha la tête et suivit à la lettre ses instructions, l’aidant du mieux qu’il le pouvait à soigner ce pauvre homme, et lorsque plus tard il la vit se rendre chez un autre patient, il ne put s’empêcher de la suivre pour lui proposer son aide.

Lorsqu’elle lui sourit, il dut mobiliser toute sa maîtrise de lui-même pour ne pas l’embrasser sur place, ça ce serait pour plus tard, lorsqu’ils seraient seuls et tranquilles, loin des regards.

Alors qu’il continuait de l’assister, avec succès, il se dit avec fierté qu’ils n’étaient pas uniquement un couple, ou une famille.

Ils étaient également une équipe, et une équipe plus qu’efficace d’ailleurs.

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Ellen avait mis beaucoup de temps avant de réaliser ce qui était en train de lui arriver.

D’un autre côté, ce n’était pas vraiment quelque chose qui était prévu, mais, alors que les semaines s’écoulaient sans que la situation ne change, et qu’elle doive se rendre à l’évidence, elle réalisa finalement la vérité.

Elle avait du retard, et cela ne pouvait signifier qu’une seule chose.

Elle était enceinte, elle et Tom allaient avoir un bébé.

Elle qui pensait qu’elle n’aurait plus jamais d’autre enfant que Jack, tout comme elle croyait autrefois ne plus jamais retrouver un jour l’amour après avoir perdu le père de son fils, elle s’était bien trompée, réalisa-t-elle.

Un sourire apparut sur son visage, tandis qu’elle posait sa main sur son ventre encore plat.

Elle allait être mère à nouveau, et ce n’était peut-être pas du tout prévu, mais elle ne pouvait pas s’empêcher d’être heureuse, elle savait bien que cette grossesse serait mal vue à la fois par Alfred et par les moines (mais bon, ça faisait déjà un certain temps qu’elle avait sa relation avec Tom sans être mariée avec lui, un peu plus, un peu moins, elle n’était plus à ça près), mais là tout de suite, elle ne voulait pas y penser.

Elle ne voulait pas penser aux règles de la société qu’elle transgressait actuellement, elle voulait juste savourer ce nouveau bonheur inattendu.

Lorsque Tom la vit, un grand sourire sur le visage, il ne put s’empêcher à son tour de lui sourire en retour, il ne savait pas exactement ce qui la rendait si heureuse, mais si elle l’était, il l’était aussi.

« Tom, est-ce que je peux te parler ?

Le bâtisseur hocha la tête, laissant la guérisseuse l’emmener à quelques mètres du chantier.

Il vit bien qu’elle avait du mal à maîtriser son excitation et il leva un sourcil étonné.

- Qu’y-a-t-il Ellen ?

- Tom… Je suis enceinte.

Il se figea sur place, stupéfait.

- Tu… tu es sure ?

Elle acquiesça.

- Oui, certaine, il n’y a pas de doute à ce sujet.

Le visage de Tom s’illumina.

Il allait être père à nouveau, et s’il en croyait l’expression sur le visage d’Ellen, elle était au moins aussi ravie que lui par cette nouvelle.

- On… on va avoir un bébé. »

Ils se sourirent à nouveau, et Tom ne put se retenir de l’embrasser.

« Je t’aime, je t’aime tellement.

- Je t’aime aussi.

La joie et le bonheur avaient envahi sa poitrine, et il savait que c’était aussi le cas de son amante.

Il l’embrassa une nouvelle fois, avant de s’arracher de ses bras à regret.

- Je dois aller travailler.

- Je sais, lui répondit-elle, compréhensive et souriante. Je te vois ce soir. »

Ils s’embrassèrent une nouvelle fois, et il retourna sur le chantier le cœur léger.

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Sorcière.

Suppôt de Satan.

Bonne pour le bûcher.

Hérétique.

Monstre.

Ce genre de phrase, Ellen avait fini par avoir l’habitude de constamment les entendre, et à force, ça ne lui faisait absolument plus rien.

Dans le fond, peu lui importait de se faire cracher dessus à longueur de journée par des gens qui auraient probablement un jour besoin d’elle, elle savait bien que ce n’était que des mots, et qu’ils ne lui feraient jamais rien, parce qu’ils avaient bien plus peur d’elle qu’elle n’avait peur d’eux.

Ça faisait mal, bien entendu mais plus autant qu’avant, et elle arrivait à passer au dessus de ça.

Mais pas Tom.

Tom bouillonnait littéralement de rage à chaque fois que les insultes fusaient, et à chaque fois elle avait bien du mal à le calmer, consciente qu’elle était que riposter ne ferait sûrement qu’aggraver les choses.

Parfois, elle n’y arrivait pas toujours, comme ce jour-ci.

Parfois, Tom sortait de ses gonds, et invectivait la personne qui osait la traiter de sorcière, disant qu’elle était une guérisseuse qui sauvait des gens, qu’elle était une femme merveilleuse, qu’il l’aimait et que même si cela le condamnait à l’Enfer alors soit, qu’importe, parce qu’elle en valait largement la peine.

Ellen ressentit un soulagement qu’elle n’avait que peu éprouvé auparavant, elles étaient rares les personnes qui, en dehors de son fils, prenaient sa défense aussi ouvertement et sans crainte du danger et des représailles possibles.

Tom était l’une d’entre elles.

La sorcière le regarda, et elle se sentit tomber encore plus amoureuse du bâtisseur.

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Ellen avait déjà fait preuve de courage au cours de sa vie.

Lorsqu’elle avait dû faire face à la perte de Jack, suivie par la perte de sa foi, lorsqu’elle avait dû se reconstruire après avoir enduré la trahison de Waleran, elle avait été courageuse lorsqu’il s’était agi d’élever son fils, seule, et de faire face à la méfiance et aux insultes des autres alors qu’elle ne voulait qu’aider les gens.

Elle avait dû rester forte durant de nombreuses années, et même lorsque son univers s’était illuminé suite à sa rencontre avec Tom, les choses ne s’étaient pas complètement arrangées, loin de là, elle était toujours vue comme une sorcière, et les Hamleigh ainsi que l’évêque étaient toujours là, en train d’essayer de lui arracher tout ce qu’elle avait jamais aimé.

Mais elle avait le sentiment que jamais elle n’avait dû être aussi courageuse que durant ce terrible jour qu’elle aurait aimé ne jamais vivre.

Tom était mort, il était mort, et ils allaient…

Ils allaient devoir l’enterrer, elle allait devoir lui dire au revoir, et elle ne put bien longtemps contenir ses larmes, les poings serrés, tandis qu’elle sentait un sanglot remonter dans sa gorge, de même qu’un hurlement, et il lui fallut toute sa volonté pour ne pas les laisser tous les deux éclater au grand jour.

Tom était mort, et les monstres avaient gagné.

Mais pas pour longtemps se jura-t-elle alors qu’elle pleurait l’homme de sa vie, un jour prochain, elle parviendrait à obtenir justice et vengeance pour tout le mal qu’ils leur avaient fait subir.

Seulement, pas aujourd'hui.

Aujourd'hui elle allait pleurer, elle allait hurler, jusqu’à ce que sa gorge se déchire et qu’elle n’ait plus de voix.

Demain, elle se battrait à nouveau.

Demain, elle serait forte.

Demain, elle serait une nouvelle fois courageuse, comme elle l’avait toujours été.

Et elle les ferait tous payer.

Les uns après les autres.

Pour Tom, pour son fils, pour Jack et pour tous les autres qui avaient souffert par leur faute.

Elle serait courageuse et peut-être que là-bas, tout là haut, Tom serait fier d’elle.

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Il n’avait jamais voulu que cela se passe comme ça.

Il n’avait jamais voulu mourir, et devenir un fantôme, voir Ellen, Jack, Alfred et Martha pleurer sa mort, pas plus qu’il n’avait voulu que sa famille finisse au bout du compte par s’entre-déchirer, par la faute d’Alfred.

Les choses auraient pu être tellement différentes, et c’était sans doute cela le plus triste dans l’histoire.

Il était mort, et puis…

Et puis on lui avait offert un choix.

Celle de pouvoir vivre à nouveau, vivre une nouvelle vie, recommencer, avoir droit à une nouvelle chance, même si il ne serait plus la même personne, la chance aussi de se souvenir et de ne pas reproduire les mêmes erreurs.

Il l’avait saisie sur le champ, bien entendu.

Revivre, même en étant quelqu’un d’autre, même des centaines d’années après sa première vie, c’était une chance de revoir Ellen, Jack, Agnès, les enfants, c’était une chance de faire les choses bien cette fois.

Peu importe le temps que cela prendrait, il les retrouverait, un jour.

Et ce jour-là, même si Ellen ne se souvenait pas de lui, ce n’était pas grave.

Il ferait en sorte que, à défaut de se souvenir de celui qu’il était autrefois, elle garde à jamais le souvenir de celui qu’il était devenu.

Cette fois, il s’en faisait la promesse.

Ils seraient heureux.

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Tom devait l’admettre, il ne s’attendait pas à voir Ellen sur le perron de sa maison ce matin-là avant de partir sur le chantier de la cathédrale.

D’ordinaire, lorsqu’il partait au travail, il partait seul, et il y retrouvait Jack et Alfred, et il commençait sa journée, travaillant durant toute la journée, et ne voyant la guérisseuse qu’à de rares occasions, durant de brefs instants beaucoup trop courts.

Et pourtant, aujourd'hui, bravant l’interdiction (s’en moquant sans doute complètement, telle qu’il la connaissait, ça lui ressemblait bien), elle était là, le sourire aux lèvres.

Le bâtisseur lui sourit en retour.

« Ellen ? Que fais-tu ici ?

- Je voulais juste te voir et te dire bonjour. Bonjour Tom, dit-elle avant de l’embrasser sur le perron, baiser auquel Tom répondit immédiatement, se moquant bien sur le moment d’arriver en retard au travail.

- Bonjour mon amour. Et tu sais, je ne dis pas non à ce genre de bonjour tous les jours si ça ne te dérange pas. »

Le sourire de la sorcière se fit malicieux.

« Hé bien je vais voir ce que je peux faire pour arranger cela, parce que moi aussi je ne dis pas non à cela. »

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C’était arrivé après la fête au village, après leur danse ensemble, où Ellen avait souhaité de toutes ses forces que le temps s’arrête pour toujours, afin qu’ils puissent profiter éternellement de ce moment.

C’était une journée de fête, de pause, de célébration, un jour où Tom n’avait pas à travailler sur le chantier de la cathédrale et où pour une fois, personne ne faisait de remarque sur la présence d’Ellen, et où tout le monde était heureux.

Tom lui avait bandé les yeux avant de l’emmener dans une clairière, bien entendu, durant tout le trajet, la sorcière avait tenté de comprendre par elle-même où il comptait l’amener, mais ça avait été peine perdue.

Alors qu’elle tentait de se débarrasser du bandeau qui obscurcissait ses yeux, ou au moins de voir à travers, elle entendit le rire de Tom résonner dans l’air.

Cela faisait si longtemps qu’elle ne l’avait pas vu (enfin façon de parler) comme ça qu’elle sentit un sourire monter sur ses lèvres et accepta de se laisser guider là où son amant comptait l’emmener.

Lorsqu’il lui permit enfin de voir, elle écarquilla les yeux, bouche bée.

L’endroit était magnifique, c’était une petite clairière située au bord d’un ruisseau, mais ce n’était pas la seule chose qui stupéfia Ellen, il y avait aussi la petite nappe posée par terre, ainsi que les paniers de pique-nique qui trônaient sur elle, et elle comprit.

« Tu nous as préparés un pique-nique ? Il acquiesça. Sans que je m’en rende compte ?

- Jack et Martha m’ont un peu aidé. Le prieur Philip lui aussi, non sans me glisser au passage quelques mots concernant le mariage, mais ça ne devrait pas t’étonner.

- Non, en effet, sourit-elle, avant de se tourner vers lui. Alors ça veut dire que…

- On a un moment pour nous oui, sans les ouvriers, sans les moines, sans Jack ou Martha, et sans Alfred aussi.

- Je… Merci Tom, merci infiniment, dit-elle avant de l’embrasser. »

Elle avait une preuve de plus qu’il était définitivement parfait.

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Ce n’était pas l’heure du départ de Martha, pas encore, se jura Ellen, ni celui d’Alfred.

Elle n’aimait pas Alfred, il est vrai, et celui-ci le lui rendait bien, mais bon sang c’était le fils de Tom et Tom l’aimait alors même si elle ne l’aimait pas du tout, ça ne changeait absolument rien au fait qu’il était hors de question qu’elle le laisse mourir.

Quant à Martha…

Merde, c’était encore une gamine, et une des gamines les plus adorables qu’elle avait jamais rencontrées, ça ne pouvait pas…

Ça ne pouvait pas arriver.

Tout ça à cause d’une fichue maladie, tout ça parce qu’en dehors d’elle, personne ne savait comment la soigner, tout ça parce que…

Parce qu’elle était une sorcière et que les moines n’avaient pas voulu faire appel à elle.

Elle regarda Tom, inquiet, qui veillait sur ses deux enfants, tout comme elle le faisait également, et elle se fit une promesse.

Celle qu’il ne les perdrait pas, pas aujourd’hui.

Il avait déjà perdu Agnès, et il avait perdu leur fils (même si celui-ci n’était pas mort, il ne pourrait jamais l’élever, et l’enfant ne devrait jamais savoir qui était réellement son père), il ne les perdrait pas eux aussi.

Pas tant qu’elle serait encore là.

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Ellen n’avait pas pu s’empêcher de hurler lorsque c’était arrivé.

« Non, s’était alors alors échappé de ses lèvres sans qu’elle puisse le retenir, alors qu’elle voyait Tom… »

Tom était tombé.

Cela arrivait tous les jours ça, des chutes durant la construction de la cathédrale de Kingsbridge, avec tous ces échafaudages installés un peu partout et tous ces exercices d’équilibristes que devaient faire les ouvriers, mais jusque là, aucune de ces chutes n’avait été réellement très haute, ni n’avait provoqué autre chose que de petites blessures sans gravité.

Mais cette fois…

Cette fois ça risquait d’être bien plus grave, cette fois Tom était tombé, et si la hauteur n’était pas si élevée que cela, en revanche, c’était autre chose qui préoccupait la guérisseuse.

Le bâtisseur s’était cogné la tête, et avait perdu connaissance, et maintenant elle avait peur, tellement peur qu’il ne s’en relève pas, qu’il ne se réveille jamais.

Alors elle avait fait tout son possible pour le soigner, et en attendant son réveil, elle était restée à son chevet durant des heures, ne le quittant jamais, même lorsque Martha, Alfred ou Jack venaient pour voir Tom.

Aucun des moines n’avait essayé de la déloger de là.

Puis, d’un seul coup, un mot avait traversé le silence de la pièce.

« Ellen ?

La sorcière avait levé la tête et lui avait souri à travers ses larmes.

- Tom ? Avait-elle dit avec incrédulité, comme si elle avait peur qu’il lui soit arraché pour de bon. Est-ce que ça va ?

- Je… J’ai mal à la tête, mais en dehors de ça, ça va. »

Elle lui sourit à nouveau et le serra dans ses bras, rassurée de constater que contrairement à ce qu’elle craignait encore plusieurs heures plus tôt, on ne le lui avait pas enlevé.

Tom allait bien, et il irait bien.

Tout irait bien.

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Ce n’est pas une fuite.

Non, ce n’est pas une fuite, parce qu’ils finiront par revenir un jour.

C’est une retraite, une retraite temporaire, et Ellen enrage, elle enrage de devoir partir, tout ça parce que les moines ne supportent pas sa présence, qu’ils la traitent de sorcière tous les jours, dès qu’ils la voient, mais…

Mais ça ne peut pas continuer ainsi.

Non.

Elle pourrait le supporter, c’est ce qu’elle fait depuis déjà des années, mais Tom…

Tom a un jour décidé que c’en était trop, que ça durait depuis bien trop longtemps et que cela devait cesser.

Parce qu’Ellen ne méritait pas cela.

Aucun d’eux ne méritait cela, et quand la sorcière l’avait entendu, un matin, lui dire qu’ils partaient, elle avait senti un pincement au cœur.

Il y avait tant de choses que le bâtisseur était prêt à sacrifier pour elle, pour eux, pour qu’ils puissent rester ensemble, être une famille, et seigneur dieu, elle l’aimait tellement.

Ils reviendraient.

Ils reviendraient, une fois que la situation se serait tassée, une fois que ces idiots auraient enfin compris qu’Ellen avait parfaitement sa place ici, oui, ils reviendraient, et ils la termineraient cette cathédrale.

En attendant, lorsque la guérisseuse regardait Tom le bâtisseur, elle voyait l’homme qu’elle aimait, mais aussi celui qui avait mis absolument tout ce qu’il avait en jeu parce qu’il pensait qu’elle en valait la peine.

Chapter Text

Ils n’étaient pas en train de se cacher.

Pas vraiment.

Après tout, Ellen n’était pas censée être là, elle, la sorcière, celle que les moines méprisaient et craignaient, mais elle était aussi celle que Tom aimait et qu’il ne pouvait pas se résoudre à perdre.

Pas après avoir perdu Agnès.

Alors ils avaient décidé de mettre en place un stratagème.

Ellen avait fait semblant de partir loin de la cathédrale alors qu’en réalité, Tom avait finalement décidé de la cacher quelque part, avec l’aide de Jack, de Martha et même de Philippe, et depuis maintenant plusieurs mois, il venait la voir en cachette dès qu’il en avait l’occasion.

Ce n’était pas vraiment idéal, mais pour l’instant, c’était le mieux qu’ils avaient trouvé pour pouvoir rester ensemble sans qu’on vienne leur causer de problèmes.

Alors non, ils ne se cachaient pas réellement, ils attendaient juste de pouvoir ne plus avoir à mentir, et même si cela devait durer pour toujours, ce n’était pas grave.

Ils étaient ensemble et ils étaient heureux.

C’était largement suffisant.

Chapter Text

Ellen riait.

Il y avait eu une autre fête d’organisée au village, pour fêter l’avancée de la construction de la cathédrale, et la guérisseuse n’avait pas pu ne pas y participer, pas alors que son fils et l’homme qu’elle aimait étaient là.

Si l’Église s’annonçait si belle et si grandiose, c’était notamment grâce à eux, et la sorcière avait eu envie de faire la fête avec eux, ils le méritaient bien après tout, et elle aussi.

Pour une fois, elle voulait ne pas penser à Waleran, à Alfred, ou aux Hamleigh, non, elle voulait juste danser avec Tom, et effacer tous les soucis qui s’affichaient si souvent sur son visage fatigué, et aussi oublier les siens.

Alors ils dansaient, ils dansaient pour oublier, et parce que pour une fois, la vie leur souriait, ils riaient aux éclats, un fou rire joyeux qui monta jusqu’aux cieux.

Ils riaient parce qu’ils étaient heureux.

Et ça, personne ne pouvait le leur enlever.

Chapter Text

Ellen se rappelait du jour de son mariage comme si c’était hier.

Elle se souvenait de la joie, du bonheur dans son cœur et dans celui de Tom, des regards, des sourires, de la foule immense qu’il y avait à la cathédrale, là où elle aurait été déserte quelques années plus tôt (cela voulait bien dire quelque chose, que maintenant elle était acceptée, elle, la sorcière, plus personne ne la craignait désormais), elle se souvenait des cris de joie, des sourires de Jack, Martha et Aliéna, et celui du prieur Philippe aussi.

(Depuis le temps qu’il rêvait de les marier pour de bon ces deux-là.)

Elle se souvenait qu’elle n’avait jamais été aussi heureuse de sa vie que ce jour-là en particulier, et elle se souvenait aussi des cinq années qui avaient suivies.

Plus d’ennemis à combattre, il ne restait plus que la cathédrale à construire, et à profiter de leur amour, de leur famille, de leur bonheur, de cette vie qu’ils s’étaient construite à Kingsbridge au fil des années.

Mais la guérisseuse savait également une chose certaine, c’est que le jour de leur anniversaire de mariage serait également un jour qu’elle n’oublierait jamais.

Un jour de fête également, un jour de joie, de bonheur intense, un jour où elle avait dansé, et rit, et chanté, et sourit jusqu’à en avoir mal, où elle avait pu serrer l’homme qu’elle aimait dans ses bras, et l’embrasser, elle qui avait failli le perdre quelques années plus tôt.

Aujourd'hui Ellen souriait, tout comme Tom.

Et ils le méritaient tous les deux.

Chapter Text

Il y avait beaucoup de choses qu’Ellen et Tom aimaient faire ensemble.

Parler ensemble, rire, participer à la construction de la cathédrale, embarrasser les moines de toutes les manières possibles, s’embrasser, s’aimer, faire l’amour, s’occuper de leurs enfants, et tant d’autres choses lorsqu’ils n’avaient pas à se confronter à Waleran ou aux Hamleigh.

Mais ce qu’ils aimaient également, c’était profiter des moments de calme et de paix, bien trop rares, auxquels ils pouvaient avoir droit lorsque leurs obligations respectives les laissaient tranquilles.

Et c’était le cas aujourd’hui, puisque en ce jour, ils avaient pour une fois le temps d’aller faire une promenade en forêt dans le calme ensemble, avec personne d’autre pour les déranger.

Durant une bonne partie du trajet, ils discutèrent, rirent, se sourirent, s’embrassèrent, et Ellen put voir les soucis s’effacer au moins pendant un temps du visage du bâtisseur, alors qu’il était loin des soucis causés par la construction de l’Église.

De même, maintenant que la sorcière n’avait plus à entendre les remarques des moines ou des villageois, elle rayonnait comme jamais, et Tom lui sourit en la voyant si insouciante et heureuse.

Ils y passèrent toute la journée, se sentant presque seuls au monde, et si au cours de la soirée ils se trouvaient toujours dans la forêt, en ayant presque oublié que c’était l’heure du repas, hé bien…

Oups ?

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Ellen avait la gorgé nouée.

Une part d’elle-même avait envie de reculer, de faire demi-tour, de ne pas voir ça, de fuir à toutes jambes, mais elle serra les poings et s’obligea à rester sur place, s’interdisant de reculer.

Un pas après l’autre, alors qu’elle sentait les larmes rouler le long de ses joues et brouiller sa vue, elle se rendit tout droit vers sa destination, le cimetière.

Là où se trouvait la tombe de Tom.

Elle n’avait pas envie d’y aller, parce que, même si elle avait assisté à l’enterrement, même si elle savait qu’il n’était plus, en un sens, ne pas être confrontée à sa tombe de plein fouet, c’était conserver l’espoir mince que peut-être, tout cela n’était qu’une erreur et qu’il était en vie.

C’était pour cela qu’elle se devait d’y aller, parce qu’elle ne pouvait pas indéfiniment vivre dans le déni.

Le cœur au bord des lèvres, elle se figea brusquement en apercevant la tombe pour la première fois depuis qu’elle lui avait dit au revoir pour toujours, et elle commença à sangloter.

Il était mort.

Tom le bâtisseur était mort, et il ne reviendrait plus jamais.

« Bonjour Tom… Murmura-t-elle une fois ses sanglots calmés. Je… Je suis venue te parler, même si je sais que… Je sais que tu ne pourras pas me répondre, mais j’espère que tu peux m’entendre, et que tu es au Paradis, ce Paradis en lequel tu croyais tant parce que si il y a bien un homme qui mérite de s’y rendre, c’est bien toi Tom le bâtisseur… Je… Je t’aime et je suis tellement désolée… de ne pas avoir pu te sauver.

Elle prit une profonde inspiration.

- Ils disent tous que je suis une sorcière, mais si c’était vraiment le cas, je t’aurais sauvé, je t’aurais ramené mon amour, et si je le pouvais, je le ferais, même si ça impliquait de me condamner à l’Enfer… J’aimerais te dire… que tout va bien ici mais ce serait un mensonge, mais en revanche je peux te faire une promesse… Celle qu’un jour tu seras vengé, qu’un jour, j’obtiendrai la justice pour toi… mais aussi qu’elle sera bâtie cette cathédrale pour laquelle tu t’es tant battu… Je te le dois, et tu le mérites… Je t’aime Tom. »

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Il y avait une chose quasi-certaine, c’est qu’Ellen n’arriverait sans doute jamais à se faire accepter par les moines du monastère.

Tom n’arrivait pas à comprendre pourquoi, c’était une femme de talent qu’il était fier et heureux de connaître, et d’aimer, une personne merveilleuse, et une bonne guérisseuse, et certes, elle ne portait pas l’Église dans son cœur, mais malgré cela, elle n’hésitait pas à venir en aide à ceux qui en avaient besoin, peu importe qu’ils soient des moines.

Et pourtant, malgré cela, elle était encore vue comme une sorcière vouée à la damnation éternelle.

Aussi, lorsque le prieur Philippe avait demandé un coup de main pour le potager appartenant au monastère, Ellen n’avait pas hésité une seule seconde avant d’apporter son aide, puisqu’il bénéficiait également aux gens du village, et Tom en avait fait de même, désireux de soutenir sa bien-aimée.

Il avait vu les regards sombres et méfiants, presque mauvais qu’on lui lançait, et si il avait voulu intervenir au début, elle l’en avait dissuadé.

Elle était capable de supporter ce genre de regard, et si jamais elle avait besoin de riposter, elle le ferait sans hésiter.

Pourtant, au fut et à mesure que les jours passaient, l’attitude des gens commença à changer un peu, à force de la côtoyer, de voir qu’elle était une personne comme les autres, alors qu’ils lui parlaient, et qu’ils constataient qu’elle était loin de l’image que les moines avaient dépeinte d’elle.

En voyant les regards et les comportements changer peu à peu, Tom s’autorisa à sourire.

Il n’avait plus qu’à espérer qu’un jour tout le monde la verrait telle qu’il la voyait.

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Ni Ellen ni Tom n’avaient oublié Kingsbridge.

Façon de parler, bien entendu, puisque au cours de leurs différentes vies ils avaient tous les deux perdu la mémoire de ce qu’ils avaient autrefois vécu, et de ce qu’ils avaient été, mais le fait est que si il y avait bien une chose dont ils s’étaient presque toujours souvenus, en plus de leur amour l’un pour l’autre, c’est de cet endroit qui avait été leur maison.

Aussi, lorsqu’ils avaient fini par enfin se retrouver, dans ce début de vingt-et-unième siècle, ils s’étaient empressés d’y retourner, afin d’au moins revoir la cathédrale pour laquelle ils s’étaient tant battus et qu’ils avaient tenté de construire.

La cathédrale de Kingsbridge tenait encore debout, même plusieurs siècles plus tard, et c’est avec une certaine émotion que Tom put enfin la découvrir, finie, terminée, telle qu’il l’avait imaginée autrefois.

Il sourit à Ellen, ayant un sentiment d’accomplissement qu’il n’aurait autrefois jamais espéré pouvoir ressentir.

Qu’elle était belle son Église, et durant toute la journée, il ne put faire autrement que de la contempler, parce qu’elle était le symbole de leur victoire, elle avait été construite entièrement, les Hamleigh et Waleran étaient morts, et eux, ils vivaient.

Ils eurent même l’occasion de visiter le musée de la cathédrale, s’amusant de la vision que pouvaient avoir d’eux ces gens qui n’étaient pas encore nés à l’époque où ils foulaient cette terre.

Alors qu’ils croisaient le regard de celui qui avait été le prieur Philippe dans une autre vie, et qui désormais travaillait à nouveau non loin de cette cathédrale pour laquelle il avait tant bataillé autrefois, ils se sourirent.

À croire que certaines choses ne changeaient jamais vraiment.

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Tom n’avait aucun problème à l’admettre, il était désespéré.

Cela faisait déjà des jours que son unique enfant, Martha, était malade et il n’avait toujours aucune idée de comment la soigner.

Le bâtisseur avait déjà perdu sa femme, Agnès, plusieurs années plus tôt, il n’avait pas envie de la perdre elle aussi.

Personne n’avait pu l’aider, pas même son ami Philippe, qui était pourtant médecin, personne ne savait ce qu’elle avait ni même comment la soigner, ce dernier avait fini par lui conseiller de faire appel à celle qu’on appelait la Ténébreuse.

« Les gens disent que c’est un démon.

- Autrefois, c’était surtout une guérisseuse réputée, et malgré sa mauvaise réputation, elle aide encore les gens du mieux qu’elle peut, j’en sais quelque chose.

Les yeux de Tom s’écarquillèrent de surprise.

- Toi tu connais la Ténébreuse ?

- Son vrai nom est Ellen, et tu peux me croire quand je te dis que c’est quelqu’un de bien. Elle t’aidera. »

Tom acquiesça.

Il était désespéré de toute façon.

§§§§

Elle n’était définitivement pas telle qu’il l’avait imaginée.

Il s’attendait à ce qu’elle veuille passer un marché avec lui, qu’elle marchande, comme le faisaient les Ténébreux d’après la légende, mais…

Mais en voyant l’état dans lequel était Martha, elle n’avait pas hésité une seule seconde avant de venir s’occuper d’elle, ne lui demandant même pas qui il était ou ce qu’il voulait.

À croire qu’elle le savait peut-être déjà qui sait, elle était la Ténébreuse, ça n’aurait pas été étonnant qu’elle sache tout ce qu’il y avait à savoir sur lui.

Elle n’avait eu qu’à utiliser sa magie pour que Martha soit enfin guérie, et la fillette, épuisée, s’endormit immédiatement.

« Merci, fit Tom, abasourdi, je… je n’ai pas de quoi vous payer.

Ellen lui sourit et son cœur fit un bond.

Elle était magnifique.

- Je le sais Tom le bâtisseur, et crois-moi, je ne fais pas ça pour l’argent, je n’en ai pas besoin. Je l’ai fait parce que c’était la chose juste à faire… »

Non, elle n’était pas telle que les gens la voyaient.

Et c’était très certainement pour le mieux.

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Un hurlement déchira l’air.

Seigneur Dieu…

Elle avait tellement mal.

Tout son corps n’était plus que douleur, et Ellen avait beau pousser, pousser, pousser de toutes ses forces…

La douleur ne cessait pas et surtout, l’enfant…

L’enfant ne voulait pas sortir.

Elle hurla une nouvelle fois, tout en broyant la main de Tom, qui l’observait, impuissant.

Il avait déjà perdu Agnès lorsque celle-ci avait accouché de leur fils, il ne voulait pas aussi perdre Ellen, pas de la même manière, pas encore une fois, ça ne pouvait pas recommencer !

Le même drame ne pouvait pas se reproduire à nouveau, non, non, non…

Elle hurla à nouveau.

Tom aussi voulait hurler, mais à la place, il se tue, priant de toutes ses forces pour que la femme qu’il aimait ne lui soit pas arrachée.

Plusieurs heures plus tard, ils durent se rendre à l’horrible évidence.

Leur bébé était mort.

Elle avait fait une fausse-couche.

Ellen vivrait, mais leur enfant ne viendrait jamais au monde.

Alors qu’il le comprenait, Tom se mit à pleurer, suivi par Ellen.

Qu’avaient-ils donc fait pour mériter ça ?

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Ellen était au final habituée au fait d’être mal vue à force, cela remontait à avant qu’elle n’arrive au monastère finalement, depuis des années tout le monde pensait qu’elle n’était rien d’autre qu’une sorcière qui ne méritait que l’Enfer et les flammes éternelles.

Ce n’était pas plaisant, mais au moins, ça ne la touchait qu’elle et personne d’autre.

Et si elle pouvait accepter qu’on s’en prenne à elle, en revanche, si il y avait bien une chose qu’elle ne tolérait pas, c’était que quelqu’un ose le faire à Tom.

Dans ces moments-là, la colère l’envahissait, et il n’y avait plus qu’une seule chose qui comptait, défendre l’homme qu’elle aimait et faire payer celui qui avait osé attaqué le bâtisseur.

C’était un sbire des Hamleigh manifestement, envoyé à Kingsbridge afin de perturber la construction de la cathédrale, et avant même qu’il ait pu ne serait-ce que poser la main sur lui, Ellen se dirigea vers eux et commença à marmonner des mots dans une langue incompréhensible tout en le fixant droit dans les yeux.

L’effet fut immédiat, et l’homme pâlit aussitôt, de toute évidence, il n’avait pu qu’entendre parler par Waleran de la terrible sorcière qui participait à la construction de la cathédrale, et elle ne savait pas exactement ce qu’il avait entendu sur elle, mais pour une fois, elle fut heureuse d’avoir une si sombre réputation.

Parfois, la peur était la plus efficace des armes.

Sans demander son reste, il s’éloigna de Tom et prit ses jambes à son cou.

Le bâtisseur se rapprocha de la guérisseuse et la serra dans ses bras avant de l’embrasser.

« Merci. Qu’est-ce que tu lui as dit au juste ?

- Tu veux que je te le dise ? Je ne le sais même pas moi-même. »

Il éclata de rire, suivi par la sorcière, avant de l’embrasser à nouveau.

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C’était une surprise.

Depuis déjà plusieurs jours, Ellen et Martha se retrouvaient parfois en secret (couvertes par le prieur Philippe, qui était au courant de leur projet et qui faisait tout pour que Tom ne se doute de rien et que tout paraisse le plus normal possible) afin de préparer quelque chose pour le bâtisseur.

En effet, l’anniversaire de Tom aurait lieu d’ici quelques jours, et si elles avaient déjà préparé les cadeaux qu’elles comptaient lui offrir, elles souhaitaient également lui préparer quelque chose d’un petit peu spécial afin de célébrer l’événement.

Toutes les deux n’étaient pas réellement connues pour leurs talents de pâtissières, aussi elles savaient déjà que Tom ne se douterait pas du fait qu’elles avaient l’intention de lui préparer un gâteau.

C’était Martha qui en avait eu l’idée, après tout, son père travaillait tellement sur la cathédrale qu’il avait bien droit à un peu de repos, et aimant le projet, Ellen avait tout de suite adhéré à l’idée.

Le dessert se devait d’être parfait, aussi elles avaient demandé l’aide des moines qui, face au regard innocent de Martha, avaient fini par céder et par accepter la jeune fille et la sorcière parmi eux, après tout, c’était pour leur bâtisseur, ils ne pouvaient pas dire non.

Et le sourire ravi et ému de Tom lorsqu’il découvrit le gâteau et comprit que c’étaient elles qui avaient fait cela pour lui valait bien toutes ces heures de travail.

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Ce fut lorsqu’elle ouvrit les yeux qu’Ellen réalisa soudainement qu’elle était morte.

Elle s’en rendit compte parce que cette fois-ci, elle ne se sentait pas fatiguée, ou épuisée, ou même mourante (elle était vieille maintenant, si vieille, et tout le monde doit bien mourir un jour, même les sorcières), bien au contraire, elle respirait correctement et alors qu’elle regardait ses mains elle s’aperçut qu’elles n’étaient plus aussi abîmées qu’avant.

Elle était jeune à nouveau.

Elle était jeune et surtout, elle était morte.

La nouvelle lui fit moins mal qu’elle ne l’avait prévu, après tout, elle avait vécu une longue et belle vie, elle avait eu la justice, elle avait eu une famille merveilleuse, elle avait aimé deux hommes merveilleux, deux hommes qu’on lui avaient arrachés bien trop tôt, mais qu’elle avait au moins pu aimer, un temps.

Et maintenant, elle pouvait se reposer, enfin.

Elle se leva, et regarda autour d’elle, elle était dans une forêt, au vu de tout le vert qu’il y avait, les arbres, les feuilles, ainsi que les fleurs, et elle se figea en comprenant où elle était.

C’était la forêt juste à côté de Kingsbridge.

C’était la forêt où Tom et elle s’étaient retrouvés tant de fois autrefois, et où ils s’étaient aimés librement, lorsqu’ils étaient encore vivants.

Est-ce que c’était ça le paradis ?

Si oui, alors elle ne voulait pas le quitter, jamais, et c’était ironique tout de même de constater qu’après avoir passé sa vie entourée de gens qui lui avaient promis les flammes de l’Enfer, c’était plutôt au paradis qu’elle accédait finalement.

« Ellen ?

C’était sa voix.

Celle de Tom, celle de son bâtisseur, celle de son amour, et elle se figea une nouvelle fois, avant de se retourner.

Il était là, il était bien là, tel qu’il était autrefois, souriant et heureux et elle sentit un sourire se dessiner sur son visage.

Enfin.

Après tout ce temps, elle l’avait enfin retrouvé.

D’un seul coup, sa mort n’avait plus la moindre importance, parce que Tom était ici.

Il lui souriait, le visage irradiant de joie et elle se précipita dans ses bras, dans lesquels il l’accueillie immédiatement.

- Tu es là, murmura-t-elle, tu es vraiment là. Oh Tom mon amour, tu m’as tellement manqué.

- Je suis là, lui confirma-t-il, je suis là, je t’aime, et je n’ai pas l’intention de partir. »

Elle l’embrassa, incapable de le lâcher.

Enfin ils allaient pouvoir être heureux.

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Martha devait l’admettre, elle avait un peu peur.

Jamais elle n’était montée à cheval de sa vie, et celui qui se trouvait devant elle était si grand et elle si petite, que c’était véritablement impressionnant.

Et si jamais le cheval ne voulait pas d’elle, ou s’il se cabrait et la désarçonnait ?

Et si…

« Martha ? Lança alors la voix d’Ellen. Ne t’en fais pas, tout va bien se passer, d’accord ?

La jeune fille hocha la tête.

- Oui, d’accord. »

Son père était là lui aussi, et si une part d’elle était triste (c’était sa mère qui aurait dû être là avec son père, mais le destin en avait décidé autrement), elle était malgré tout heureuse qu’ils soient tous les deux à ses côtés.

Parce que, malgré ce qu’Alfred pouvait dire et penser, Ellen faisait partie de leur famille, de même que Jack, et si il y avait bien quelqu’un qu’elle envisageait d’appeler un jour maman, c’était bien elle.

Et puis elle était guérisseuse, et elle savait y faire avec les animaux, il n’y aurait pas mieux qu’elle et Tom pour calmer le cheval si jamais il y avait un problème.

Mais il n’y en aurait pas, ils y veilleraient, et elle leur faisait entièrement confiance, c’était pour cela qu’elle leur avait demandé de lui apprendre à monter à cheval.

Alors qu’elle montait en selle, les encouragements ainsi que les compliments du bâtisseur et de la sorcière résonnèrent à ses oreilles et elle sourit, le cœur léger.

Jamais elle ne s’était autant sentie en famille qu’à cet instant précis.

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La situation était franchement drôle.

Enfin ça, c’est ce que Philippe aurait dit si il n’avait pas été lui-même impliqué dans la situation en question.

Il appréciait Tom et Ellen, vraiment, c’était des gens sympathiques et ils étaient d’une grande aide concernant la construction de la cathédrale, seulement…

Est-ce qu’ils pouvaient s’arrêter de flirter en permanence ne serait-ce que pendant cinq minutes ?

Il était évident pour tout le monde que la guérisseuse et le bâtisseur s’aimaient, et même si cela n’avait pas été le cas, le fait est semble-t-il qu’ils faisaient absolument tout leur possible pour le faire comprendre au plus de monde possible.

À ce stade, même le roi devait être au courant, alors même qu’il n’était jamais venu à Kingsbridge !

En théorie, ce n’était pas quelque chose qui dérangeait le prieur, malgré le fait qu’ils n’étaient toujours pas mariés, leur amour était beau et sincère, et en ces temps troublés, c’était une chose dont ils avaient tous besoin, mais tout de même…

Tom avait une cathédrale à construire bon sang !

Et c’était difficile de le faire lorsqu’il était distrait en permanence par Ellen, même si le fait est que, le moine devait bien l’admettre, il n’était pas vraiment mieux lui non plus.

Au final, Philippe était tellement désespéré qu’il ne savait plus si il devait les séparer, les laisser continuer, ou leur dire de se trouver une chambre.

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C’était un très beau bijou.

Cela, Ellen l’avait su tout de suite, dès qu’elle l’avait vu, dès qu’elle avait commencé à travailler dessus, et elle avait su tout de suite ce qu’elle devait en faire.

Elle devait le donner à Tom.

Le bâtisseur qui partageait sa vie depuis déjà plusieurs années méritait bien un cadeau de sa part, et elle savait qu’il l’apprécierait, et comme elle en avait déjà donné à Jack et à Martha (Alfred ne l’aurait pas accepté, même si elle avait voulu lui en donner un, il aurait sûrement dit que ce n’était que de la sorcellerie, alors que ce n’était qu’un simple bijou), alors c’était son tour.

Le visage de Tom s’était illuminé lorsqu’elle le lui avait donné, et elle lui avait souri.

« Merci Ellen. Je le garderai toujours avec moi, parce que je sais qu’il me portera chance.

Elle avait haussé un sourcil surpris.

- Pourquoi penses-tu qu’il te portera chance ?

Il lui sourit tendrement.

- Parce que c’est toi qui l’as fabriqué, tout simplement. Et parce que quand je suis avec toi, je suis le plus chanceux des hommes. »

Ellen sentit son cœur fondre et elle l’embrassa.

« Et moi, je suis la plus chanceuse des femmes Tom le bâtisseur. Je t’aime.

- Je t’aime aussi. »

Chapter Text

Il y avait des jours où tout se passait bien, sans encombres, sans problèmes, sans soucis, où tout allait bien à la cathédrale, où la construction se déroulait normalement et où aucun incident ne se produisait.

En revanche, il y avait aussi des jours où tout semblait aller de travers, où l’univers semblait avoir décidé de ne faire qu’une seule chose, à savoir, leur pourrir la vie.

Ce jour-là était l’un d’eux.

Pourtant, tout avait bien commencé, il faisait beau, Tom s’était réveillé dans les bras d’Ellen, heureux et reposé, bien décidé à commencer une nouvelle journée de travail, et puis…

Et puis on avait annoncé la venue de l’évêque Waleran, qui comptait constater l’avancée de la construction, et en un seul échange de regard, Ellen, Tom et Philippe avaient immédiatement compris la raison de sa présence.

Ellen.

Soit il était là pour elle, soit pour arrêter la construction de la cathédrale, dans les deux cas, sa venue n’était aucunement une bonne nouvelle.

Cela ne durerait qu’une seule journée, mais ce serait déjà bien trop de toute évidence, et Ellen avait bien entendu serré les dents en comprenant qu’elle allait devoir partir, pour sa propre sécurité.

Elle aurait aimé pouvoir rester, montrer à ce maudit prêtre que c’était elle qui avait l’avantage dans leur combat, dans ce duel qui durait depuis déjà des années, voir la peur luire dans ses yeux et lui prouver qu’il avait raison d’avoir peur.

Mais elle ne le pouvait pas, parce qu’il était puissant, et qu’elle n’était qu’une simple femme, accusée d’être une sorcière de surcroît.

Elle avait embrassé une dernière fois Tom, et serré Jack et Martha dans ses bras après cela, rêvant du jour où elle n’aurait plus à se cacher.

Mais elle ne pourrait pas, pas tout de suite.

En voyant Waleran arriver, Tom avait serré les poings, tentant d’étouffer du mieux possible la bouffée de rage pure qui était en train de se saisir de lui.

Oh Dieu, comme il aurait voulu pouvoir lui mettre son poing dans la figure.

« Où est-elle ? Demanda immédiatement l’évêque en arrivant devant le prieur. La sorcière, où se trouve-t-elle ?

- Je ne vois pas du tout de qui vous voulez parler, mentit Philippe, feignant l’ignorance la plus totale.

Mais il mentait si mal que c’était une évidence que Waleran n’y avait pas cru une seule seconde.

- Je parle d’Ellen… La guérisseuse, ou plutôt la sorcière, celle qui aurait dû brûler sur un bûcher depuis bien longtemps.

Tom se raidit instantanément.

Il voulait hurler, lui dire à quel point il se trompait, et mentait, qu’elle était une femme merveilleuse, alors qu’il n’était lui-même qu’un homme méprisable, qui ne méritait rien de tout ce qu’il avait.

Il n’en fit rien.

Ça n’aurait fait que rendre la situation de sa bien-aimée plus précaire qu’elle ne l’était déjà.

- Vous ne la trouverez pas ici, lança alors le bâtisseur, ne pouvant pas s’en empêcher, parce que, puisqu’il ne pouvait pas le chasser, il pouvait au moins défier l’évêque.

Il devait bien ça à Ellen.

Le regard du prêtre se posa sur lui, empli de dédain.

- Comment pouvez-vous en être aussi sûr ?

- Hé bien vous n’y êtes pas parvenu au cours des dernières années, alors pourquoi est-ce que cela changerait maintenant ?

L’évêque se crispa.

- Ellen est une femme forte, et merveilleuse, et un jour, elle vous détruira… Ce sera elle qui vous fera tomber, cela, je le sais.

Waleran regarda ses hommes qui ne trouvaient rien, et grimaça, avant d’envoyer un regard glacial à Tom.

- C’est ce que nous verrons. »

Lorsqu’ils partirent plusieurs heures plus tard, Tom ne put s’empêcher de sourire.

Ils avaient gagné, même si ce n’était que temporaire.

Mais un jour, ce serait définitif.

Chapter Text

N’importe qui aurait dû se sentir triste à sa place.

Et cela, Ellen le savait parfaitement bien, une autre personne aurait hurlé en voyant son sang être répandu sur le sol, une autre aurait pleuré, sangloté, se serait lamentée, aurait été attristée, ne serait-ce que par compassion.

Mais elle n’y parvenait tout simplement pas, elle en était incapable.

La guérisseuse ne pleurerait pas l’homme qui venait de mourir, pas une seule seconde.

Parce que cet homme c’était Alfred.

Un homme mauvais, cruel, qui n’avait rien fait d’autre que de tenter de leur causer du tort, à elle et à Jack, quelqu’un qui l’aurait vu morte avec plaisir et qui ne les avait jamais acceptés dans sa famille, malgré l’amour que son père leur portait.

Non, elle ne ressentirait aucune souffrance, parce qu’il était mort, tué par William Hamleigh (ce serait sans doute la seule fois qu’elle serait reconnaissante envers le noble d’avoir fait quoi que ce soit), et parce que Tom était vivant et avait survécu à cette attaque.

Tom qui avait été blessé mais qui s’en était sorti, et oh comme Ellen était soulagée.

Tom qui venait de perdre son fils, un fils qu’il aimait malgré ses défauts et ses mauvais comportements.

Alors oui, Ellen ne pleurerait pas celui qui venait de mourir.

Mais elle ferait néanmoins tout ce qu’elle pourrait pour soutenir l’homme qu’elle aimait dans cette épreuve.