Work Text:
Imagine... tu as passé toute ton enfance dans un hôpital. Ta mère était malade, ton père était médecin, et votre famille ne supportait pas d'être séparée, du coup tu as grandi entre la chambre d'hôpital de ta mère et les leçons des enfants malades. L'éducation à la maison la plus bizarre qui soit !
Ta mère s'est affaiblie de plus en plus, pourtant son amour est resté fort et stable jusqu'à la fin. Envers toi, envers ton père, envers la famille que vous formiez tous ensemble.
Et à la fin, c'était juste elle et toi, toutes les seules seules face à la mort. Ton père était déjà en deuil longtemps avant sa mort. Il est devenu froid et distant, comme s'il avait peur de quelque chose.
Quand ta mère est morte tu as perdu ton père en même temps. Il a disparu de la circulation, ayant tout réglé pour que tu ailles suivre une scolarité dans un pensionnat. Te voilà brusquement orpheline et étrangère dans un endroit étrange. Encore heureux que ton enfance bizarre t'ait préparée à la bizarrerie, même d'un type différent, et à la solitude.
Tu passes plusieurs années ici, t'adaptant lentement à une nouvelle façon de vivre. Et tu te fais des amies ! Tu étais heureuse...
Tu as eu le temps et la prise de distance nécessaire pour en venir aux termes avec la mort de ta mère, le sort qui fut le sien, ta responsabilité ou non dedans, le ressentiment puis l'indifférence de ton père, et ton propre sort.
Jusqu'à ce que ton père revienne. Et tu crains qu'il te reproche encore de ne pas être elle. Mais il reste ton père, ta famille, tout ce qui t'en reste désormais.
Tu as fait de ton mieux pour regagner ses bonnes grâces. Couper les liens que tu pouvais avec la Forêt, avec l'Éther, avec les Psychopompes, jusqu'à sacrifier tes cheveux longs, renoncer au maquillage de ta mère, ce lien avec elle, cet héritage. Et la charge que Coyote t'a confiée, d'être un lien entre la Cour et la Forêt, ces deux mondes que tu aimes tout autant? Peux-tu vraiment en négliger un en faveur de l'autre ?
Tu croyais le pouvoir. Tu l'as fait.
Et voilà que quelqu'un débarque, qui te ressemble exactement, parle comme toi, se comporte comme toi. Ça ne peut être qu'une imposture ! un piège tendu par la Forêt à la Cour ! mais... elle partage la même connexion envers Renard... elle est toi. Simplement, sans les faveurs de ton père.
Elle est toi... en plus libre.
Oh, la jalousie qui te saisit !
Et tu dois bien admettre... elle est toi. En plus chanceuse ? difficile à dire. Et si elle est jalouse en retour de la relation que tu as avec ton père et pas elle ? on ne peut pas tout avoir, apparemment.
Elle est toi et elle n'est pas toi. Elle sait tout ce que tu sais jusqu'au jour où tu es revenue à la Cour alors qu'elle est restée dans la Forêt. Elle ressent les mêmes choses que toi, toutes les choses.
Vous avez vécu la même enfance, la même jeunesse. Elle raisonne et fonctionne de la même façon que toi. Mais vous êtes en passe de devenir des jeunes femmes et êtes à même de devoir faire des choix difficiles qui affecteront votre vie et celles de votre entourage, et tout à coup la moindre différence est démultipliée. Malgré tout tu comprends toujours comment et pourquoi elle a fait un choix différent du tien, et de la même façon elle te comprend.
Tu n'es plus seule, tout à coup. Pas de la même façon qu'avec une meilleure amie, pas comme avec Kat. Alors... est-ce que c'est comme ça, d'avoir une sœur ? C'est... chouette. Et à côté, c'est inquiétant de se dire qu'il y a peut-être, du coup, une autre réalité sans Annie du tout, où aucune de vous n'est jamais revenue, et qu'il faudrait réparer ça, mais... mais en attendant, oui, c'est chouette d'être deux et vous n'avez pas tant envie de vous précipiter pour vous retrouver seule à nouveau.
(Mais peut-être, si vous finissez par vous agacer mutuellement à ne plus savoir partager de façon civile le même espace de vie, les mêmes objets quotidiens, la même garde-robe et que vous découvrez la fameuse rivalité entre sœurs, alors là, oui... Bon. Vous verrez bien.)