Chapter 1: Le sable qu’emporte la mer revient-il un jour sur la plage d’où il provient ?
Chapter Text
« Emma, tu vas attraper froid, sors de l’eau s’il te plaît. »
La jeune femme se retourna. Sa robe blanche flottait légèrement dans l’eau glacé de la mer. L’océan reflétait le ciel étoilé. Une brise souleva légèrement ses longs cheveux roux.
« S’il te plaît. » Répéta le jeune garçon au yeux bleus et à la peau mate.
Elle regarda tour à tour l’eau puis le jeune garçon.
« Ah… J’ai recommencé n’est-ce-pas ? »
« Sors de l’eau s’il-te-plaît. » Répéta calmement son interlocuteur.
Emma se rapprocha du rivage, elle était mouillée jusqu’à mis cuisse. Elle s’arrêta en face du jeune garçon qui faisait à peu près sa taille.
« Quelle heure est-il ? » Demanda-t-elle.
« Une heure du matin. »
« Désolée, je t’ai empêché de dormir. Tu vas être fatigué demain, ou dit-on aujourd’hui ? Je ne sais plus. »
Il s’était penché pour essuyer avec une serviette les jambes de la jeune femme.
« Peu importe. »
Elle le laissa frotter ses jambes jusqu’à ce qu’elles soient complètement sèches. Emma n’avait pas vraiment la force de se pencher ni de bouger d’une quelconque façon. Elle se rendit compte qu’elle était pieds nus.
« Où sont mes chaussures ? »
« Tu ne les as pas pris en partant. »
« Vraiment ? »
« Oui, tu verras, elles sont encore dans l’entrée. »
« D’accord. »
Elle réfléchit encore un peu alors qu’il se relevait et lui pris la main. Il lui fit signe de le suivre et elle l’écouta sans broncher. Emma regarda la route sur laquelle elle marchait, sentant le goudron sec et chaud sur ses pieds. Lui, il avait des chaussures en cuir, il marchait d’un pas assuré. Marchait-il toujours comme ça ? Elle ne se rappelait plus. Est-ce qu’il marchait différemment sur le goudron ? Marcherait-il comme avant sur l’herbe ? Elle leva la tête vers le ciel, se laissant guider par la main du jeune garçon qui la tirait vers ce qu’elle pensait être la maison. On voyait bien les étoile ce soir-là. Emma se surprit à les compter. Voyant bien que c’était peine perdue elle regarda le dos du jeune garçon.
« Phil, est-ce que tu peux me sourire ? »
Il s’arrêta et elle senti sa main se crisper. Où peut-être était-ce juste une impression. Il se retourna, un grand sourire sur ses lèvres. Emma le regarda tristement.
« Pourquoi n’es-tu pas sincère ? »
« Emma, ta tête te joue des tours, il est tard. Je suis sincère. Rentrons. »
Puis il avança à nouveau, son visage caché par l’obscurité. Emma regarda à nouveau le ciel étoilé, il lui semblait que l’étoile polaire brillait moins fort.
« Phil, où sont Norman et Ray ? »
« En voyage. »
« Et tous les autres ? »
« Ils dorment. »
« Où dorment-ils Phil ? »
« Sur l’île. »
« Une île c’est grand. Est-ce qu’ils dorment dans la forêt ou sur la plage ? Est-ce qu’ils dorment sur terre ou dans l’eau ? Est-ce qu’ils dorment vraiment ? Est-ce qu’ils pensent ? A quoi pensent-il ? Pensent-ils à la mer ? Pensent-ils à Maman ? »
« Emma. » Coupa Phil. « Ils dorment. »
Emma regarda l’océan, elle regarda les étoiles se refléter dans les vaguelettes de l’eau, elle regarda l’écume se poser doucement sur les rocher.
« Penses-tu à Maman ? »
Phil ne répondit plus à aucune de ses questions. Emma lui demanda pourquoi est-ce qu’il ne souriait plus, pourquoi est-ce que sa main était froide, pourquoi est-ce qu’il semblait plus grand, pourquoi est-ce que Norman et Ray n’était pas là. Mais Phil ne répondait pas. Elle compta ses pas.
Phil avait 16 ans, et elle 23. Et ils étaient dans le monde des humains.
Le carillon sonna quand la brise passa. Emma coupa le fil dépassant et regarda son travaille. Elle venait de recoudre un bouton de chemise de Phil. Ses pieds baignaient dans l’eau fraîche d’une bassine qu’elle avait installé dans le jardin. On entendait les cigales au loin. Emma posa la chemise à côté d’elle et s’allongea sur le parquet. Le ciel était clair. Il faisait chaud. Donc Emma supposa qu’elle était en été. Elle regarda l’horloge dans la pièce derrière elle en relevant la tête en arrière. Il allait être bientôt 16H. Emma ferma les yeux et se répéta l’heure dans sa tête pour ne pas l’oublier. Quand elle ouvrit les yeux, Phil était accroupi près d’elle.
« Je ne dormais pas. Je comptais les secondes. »
« D’accord. »
« Tu as passé une bonne journée ? »
« Oui. »
Il semblait sincère, et Emma vit qu’il souriait sincèrement. Alors elle sourit aussi, car elle était heureuse.
« J’ai recousu ta chemise. »
« Merci. »
Il se releva et partit vers sa chambre. Emma senti vaguement une odeur d’encens mais l’ignora. Elle regarda l’horloge. Il n’était plus 16H. Comment lit-on l’heure ? La petite aiguille est pour l’heure et la grande pour les minutes. Il était bien 16H.
Ah zut. J’ai encore oublié. Pensa-t-elle.
Elle ferma les yeux à nouveau, essayant de se remémorer des cheveux noirs et des cheveux blancs dans l’herbe verte.
J’ai encore oublié.
Emma regarda la carte posée au milieu de la pièce, elle redessinait un cercle avec son doigt sur un point près de Kyushu.
« Kyushu, c’est au Japon. » Dit-elle tout bas pour elle-même. « Alors… »
Elle refit son cercle autour du point.
« Alors est-ce que je suis au Japon ? »
Elle regarda le nom du point.
« Ça a l’air japonais. »
Emma entendit la porte d’entrée coulisser, puis un visage qui n’était pas Phil apparu. Puis un autre.
« Emma ! Tu fais quoi ? »
Il portait un ballon, Emma ne reconnaissait plus le jeu.
« Je regarde la carte. »
Elle regarda leurs visages, c’était…
« Lannion, Thomas, qu’est-ce que vous faites ici ? »
« Phil nous a demandé de prendre de tes nouvelles ! » Répondit Thomas.
« Où est Phil ? »
« Il travaille ! » Dit Lannion. « Il a un job à mi-temps sur l’île principale, alors il nous a demandé de venir voir si ça allait jusqu’au coucher du soleil ! »
« Je vais bien, pourtant. »
Leurs visages s’assombrirent d’un coup, Emma ne le voyait que trop bien. Puis ils sourirent faussement.
« Evidemment ! Mais c’est pour te tenir compagnie tu vois ! Pour pas que tu te sentes seule ! »
Elle regarda sa carte, puis une collection de coquillages sur une commode dans un coin de la pièce.
« Pour que je n’aille pas près de la mer ? »
Anna attacha le bout de la tresse avec un élastique.
« Et voilà ! Tu seras plus libre de tes mouvements maintenant ! »
Emma pris la longue tresse dans son dos et la posa sur son épaule pour voir le travail de Anna.
« Tu es douée. »
« Je le fais tous les jours après tout. »
« C’est vrai. »
Ça aussi je l’ai oublié. Se dit-elle.
« Tout va bien dans tes études en médecine ? » Demanda Emma.
Anna sembla se figer un moment, puis un grand sourire apparut sur son visage.
Je n’ai pas oublié ça, au moins. Se dit Emma.
« Oui très bien ! Tu sais j’ai appris plein de choses ces dernières semaine, et comme mes résultats se sont améliorés, les professeurs ont dit que je pourrais avoir une carrière dans un grand hôpital ! »
« C’est bien ! Je suis contente pour toi ! »
« Merci ! »
Anna lui parla ensuite de ses travaux à l’université. Emma n’y comprenait rien, mais là elle savait que ce n’était à cause de sa mémoire. Et elle était heureuse.
« Emma ne monte pas trop haut tu vas te faire mal ! » Cria Gilda en bas de l’arbre.
« Tout va bien ne t’inquiète pas ! »
« Si justement je m’inquiète ! »
Emma s’assit prudemment sur l’une des branches de l’arbre et regarda l’horizon. On voyait la mer, et la ville au loin.
« Monte Gilda ! La vue et superbe ! »
« S’il te plait descend ! »
« Tu ne veux pas ? Ça ne te rappelle pas comme quand on était petite ? Et qu’on montait les arbres ? »
Gilda sembla sourire en bas.
« Tu étais la seul à faire ça ! »
« Mais non ! On l’a tous fait ! Vient Gilda ! »
Elle finit par se plier aux exigences d’Emma et grimpa dans l’arbre. Emma l’aida à s’assoir à côté d’elle.
« C’est vrai que la vue et belle. »
« Tu vois ! »
Elles restèrent l’une à côté de l’autre en silence pendant un moment.
« Tu as fait ta robe toi-même non ? » demanda Emma.
« Oui ! Je me suis énormément améliorée ces derniers temps, j’espère pouvoir créer ma propre chaîne un jour ! »
« Je l’espère aussi ! »
Emma ne dit rien pendant un moment, puis un sourire malicieux se forma sur ses lèvres.
« Comment ça avance avec Don alors ? »
Aujourd’hui, sa mémoire allait bien.
Phil rentra tard ce soir-là. Emma l’attendait, assise sur une des marches de l’entrée.
« Tu ne devrais pas être à l’intérieur ? » Demanda Phil.
« Il fait bon dehors, alors je peux t’attendre ici non ? »
« C’est vrai. » Il sembla réfléchir un moment, puis un grand sourire s’étala sur son visage presque encore enfantin. « Demain je pense pouvoir faire du bœuf ! »
Emma sautilla presque.
« C’est vrai ! C’est génial ! Tu as eu beaucoup d’argent aujourd’hui ? »
Phil sembla étonné par sa question. Emma répondit avant lui.
« Je n’ai pas oublié tu sais. Lannion et Thomas on dit que tu avais un job sur l’île principale. »
Il sembla se détendre.
« Oui, je m’en suis fait beaucoup ! Allez, rentre, tu as mangé ? »
« Nat et Anna sont venus faire à manger. »
Alors qu’il enlevait ses chaussures, Emma eut un moment de réalisation.
« Phil ? Pourquoi je ne travaille pas ? »
Il se figea.
« Parce-que tu n’as pas besoin. »
« Alors pourquoi toi tu travailles ? … Pourquoi Gilda, Don, Anna et Nat font des études et pas moi ? »
Il posa son sac dans l’entré. La joie de tout à l’heure avait disparu.
« Pourquoi ne suis-je pas allée au lycée ? »
Il se tourna brusquement vers elle.
« Tu es allée au lycée, mais ça tu l’as oublié. Comme tout le reste. Parce-que tu oublies tout. Tu n’as pas fini le lycée parce-que ta mémoire te causait trop de problèmes. Tu causais trop de problèmes. Tu crois vraiment qu’avec ta mémoire tu peux même penser à travailler ? Tu ne peux même pas espérer sortir dans cet état, auquel cas tu te perdrais ! Alors oui tu ne travailles pas et moi oui. Parce-que moi je peux. Et parce-que moi je peux subvenir à nos besoins avant qu’on épuise nos ressources. »
Emma baissa la tête. Elle ne vit pas les yeux de Phil tout de suite mais il posa ses mains sur ses épaules. Elle releva la tête pour le regarder, il semblait choqué par sa propre réaction.
« Je… je suis désolé, je n’aurais pas dû dire ça… je… je me suis emporté… Je… ! »
Emma le pris dans bras.
« Je sais. Pardonne-moi. J’ai encore oublié. »
« Où sont Norman et Ray ? » Répéta Emma.
« En voyage. » Répéta Phil.
Ils devaient avoir eu la même conversation depuis 8 ans déjà.
« Phil… »
« Oui ? »
« Est-ce que tu peux sourire ? »
Il se tourna vers elle avec le même faux sourire.
« Pourquoi tu ne sais plus sourire ? »
Elle posa sa tête sur son épaule et regarda le ciel rouge. On sentait la mer. Mais on ne l’entendait pas.
« Phil. »
Elle lui prit doucement la main.
« S’il ne reviendront pas, dit le moi. Je ne veux plus voir la mer. »
Il semblait se convaincre lui-même.
« Ils sont en voyage je te dis. »
Chapter 2: Tu crois que l’on peut entendre le son de l’océan en posant son oreille contre une conque ?
Notes:
Chapitre 2 Let's go ! Cette fois c'est du point de vue de Phil !
Chapter Text
Phil posa un nouveau coquillage sur la commode. Il ne les comptait plus depuis le temps. Il en ramenait un chaque jour et le posait sur le meuble. Quand il n’était pas là et qu’ils prenaient la poussière, Emma les nettoyait avec un pinceau qui se trouvait dans un des tiroirs de la commode. Elle le faisait avec beaucoup d’attention et de délicatesse. Et Phil se disait qu’elle avait besoin de ce genre de petites habitudes pour rester en vie.
Emma dormait au milieu de la pièce, à même le sol, ses longs cheveux roux s’étalant sur les tatamis. Ils avaient tous décidé de vivre au Japon, car de tous les pays de ce monde c’était l’un des plus sûr. Apprendre la langue n’avait pas été trop difficile pour eux, et finalement, Phil avait adopté pas mal de tic japonais en 8 ans.
Il se leva vers une petite pièce dans la maison traditionnelle qu’ils avaient obtenu. Une vieille femme qui les avait pris sous son aile après leur arrivée leur avait légué. Elle avait été un peu comme une « Maman » pour eux. Elle les avait cru immédiatement, et avait voué le peu d’année qui lui restait à vivre à les élever. Elle avait payé leurs frais de scolarité, et leurs avait laissé assez d’argent pour vivre indépendamment après sa mort. De ce que savait Phil, elle n’avait eu ni mari ni descendance. Quand elle mourut, tout le groupe avait eu peur qu’ils ne soient séparés dans différents orphelinats, mais Emma ayant obtenu sa majorité elle était devenue leur représentant légal, leurs permettant de vivre indépendamment chacun. Ils avaient tous adopté le nom de famille de la vieille femme en son honneur.
Mais ça, Emma aussi l’avait oublié à priori.
Phil s’assit en seiza en face du petit autel dans la pièce et posa ses paumes l’une contre l’autre dans un geste de prière. Sur l’autel, de l’encens, du riz, et deux photos. Phil reposa ses mains sur ses cuisses et regarda les deux photos.
« Ray, Norman, Bonjour. »
Il laissa ses pensé courir un moment avant de continuer.
« Aujourd’hui, je suis encore allé au lycée, puis j’ai pris le ferry jusqu’à l’île principale, et j’ai travaillé, et quand je suis rentré je suis passé par la plage pour prendre un coquillage comme d’habitude.
« Je ne sais plus si je les prends pour moi ou pour Emma, elle aime tellement les regarder quand je ne suis pas là, et elle aime aussi prendre son temps pour les nettoyer.
« Je pense que bientôt on pourra s’acheter une télévision, ça occupera Emma. Elle a besoin de s’occuper après tout.
« Gilda et Don pensent à se marier vous savez ? Et Anna pourra bientôt devenir médecin j’en suis sûr. Tout le monde travaille dur. Je suis au lycée avec Shelly et on a toujours les meilleures notes, nos professeurs voudraient que l’on aille dans un meilleur lycée sur l’île principal pour aller dans une meilleure école mais… Je ne veux pas laisser Emma seule.
« Je ne sais pas si c’est Emma que je ne veux pas laisser seule, ou si c’est Carol que je ne veux pas laisser seule avec Emma. Carol a 13 ans vous savez ? Elle a bien grandi, elle a quelques difficultés dans son collège mais on l’aide avec Shelley donc ça va. Je… Je ne veux pas la mettre en difficulté en l’obligeant à s’occuper d’Emma. Elle vit chez Gilda et Don… C’est mieux puisque Emma n’est plus autonome. Je suis seul dans cette maison avec Emma. Je ne veux pas qu’elle se sente seule aussi.
« Ray… Norman… Je… Je ne veux pas détester Emma. Je l’aime beaucoup après tout alors… »
Il serra ses poings et baissa la tête.
« Je ne veux pas la considérer comme un boulet malgré son amnésie. Mais… je ne peux me l’empêcher de le penser… »
Phil se recroquevilla et tenta de retenir ses larmes en vain.
« Ray… Norman… Dites-moi que je me suis trompé… Que vous n’êtes pas mort… s’il vous plaît… »
Pendant, Phil était retourné dans le salon, Emma était assise en face du jardin.
« J’ai entendu la mer tu sais ? » Dit-elle.
« Ah bon ? »
« Oui… Elle sanglotait. Pourquoi est-ce que la mer pleure ? »
« Elle doit se sentir seule. »
« Dis, tu veux aller quelque part ? »
Emma releva la tête de son plat et dans son regard on pouvait presque voir des étoiles.
« Je peux ?! Je peux vraiment ?! »
« Je ne t’enferme pas à ce que je sache. »
« Mais tu n’aimes pas quand je sors, alors bon, je croyais que je ne pouvais pas. »
« Je n’aime pas quand tu sors seul. J’ai toujours peur qu’il t’arrive quelque chose, tu le sais n’est-ce pas ? »
« Oui, oui. » Répondit-elle de façon distraite.
« Alors, tu veux aller quelque part ? »
« Tu n’as vraiment rien ? Aucune obligation ? »
« Puisque je te dis que oui ! Allez, j’ai envie d’aller quelque part avec toi. »
Emma sourit. Elle a souri comme elle le faisait quand elle avait 11 ans, et Phil ressenti une pointe de nostalgie dans son cœur.
« Je veux aller dans la forêt ! »
« Dans la forêt ? »
Elle hocha vigoureusement la tête pour acquiescer.
« Je veux voir la forêt ! »
« La forêt dans ce cas. »
Emma courait entre les arbres, sautillant au-dessus des racines et citant les différents noms d’arbre en fonction de ce qu’elle se rappelait. Phil avait du mal à la suivre. Bien qu’étant restée dans leur maison pendant des années en sortant rarement à l’extérieur elle était restée bien athlétique, et Phil qui était arrivée dans le monde des humains a 8 ans n’avait pas suivi « l'entraînement intensif » du monde des démons.
Au bout d’un moment, elle s’arrêta près d’un arbre dont le tronc était séparé en deux. Elle se tourna vers Phil.
« On fait la course ? »
« Hein ? »
Avant qu’il n’ait pu réagir, Emma était déjà plusieurs mètres au-dessus de lui.
« Alors, tu viens ? »
Elle grimpait à l’arbre comme si elle l’avait fait toute sa vie… ce qui était sans doute le cas. Mais à chaque mètre Phil commençait à angoisser de plus en plus. Et si elle tomber ? Et si elle se faisait mal ? Et si elle oubliait comment redescendre ?
« Emma ! »
Elle s’arrêta dans sa monté, elle devait déjà être à 20 mètres au-dessus du sol. Elle jeta un coup d’œil en bas en s’accrochant à une branche, le peu de support qu’elle avait pour tenir en équilibre fit trembler la voix de Phil.
« Emma descends s’il te plait. J’ai peur. »
Aussi rapidement et habilement qu’elle était montée, elle descendit de l’arbre et, une fois à la hauteur appropriée, sauta jusqu’en face de Phil. Elle le prit dans ses bras immédiatement et posa sa tête contre son épaule en lui caressant doucement les cheveux.
« Tout va bien Phil, je suis là, je suis en bas tu vois ? »
Il tremblait encore tandis qu’il rendait l’étreinte de la jeune femme, tentant de calmer sa respiration.
« Je n’oublierai jamais comment grimper dans les arbres. » Dit Emma. « Si ça devait être le dernier souvenir qu’il me resterait ce serait celui-là. Avec toi. Et les coquillages. »
Phil ne voulait pas dire que ce qui le rassurait le plus dans ses mots, c’était qu’elle n’avait mentionné ni Ray ni Norman.
« Et donc, ici x= 3, tu vois ? » Expliquait Shelly en indiquant avec son critérium des notes qu’elle avait écrit sur le carnet de Carol.
« … Ah oui ! Merci beaucoup ! » Répondit Carol en réécrivant au propre ce que lui avait expliqué sa grande sœur d’adoption.
Phil regardait de façon absente le ciel derrière les panneaux coulissant du restaurant dans lequel il s’était posé avec des dango. Shelley était en train de réexpliquer des exercices de maths à Carol qui avait un contrôle le lendemain et avait demander de l’aide pour ses révisions. Contrairement à Shelley ou Phil, Carol n’était pas vraiment une flèche, mais pas stupide non plus. Phil se surpris à se dire qu’elle aurait survécu jusqu’à ses 8 ans au maximum à Grace Field. Il chassa cette pensé en mangeant son dernier dango.
« Tu es sûr que tu peux rester aussi longtemps ici ? » demanda soudainement Shelly. « Emma ne va pas s’inquiéter ? »
« Non ça ira, elle est avec Lannion et Thoma aujourd’hui. »
« C’est ce que je dis. »
« Lannion et Thomas ont beau être un peu brute de décoffrage, ils sont dignes de confiance tu sais ? »
« Ouais ouais. »
« Je pourrais passer voir Emma toute à l’heure ? » Demanda Carol.
« Si tu veux. » Répondit Phil.
« Et je pourrais rester pour manger aussi ? »
« … Carol, dit le juste si tu n’as pas envie de voir Don et Gilda. »
Elle rougit de honte.
« C’est pas ça… C’est juste que… Ils sont un peu trop… Tu vois. »
« Je vois. » Répondit Phil.
« Je vois très bien même. » Renchérit Shelly.
Ils soupirèrent ensemble en se demandant quand les deux allaient enfin se marier depuis le temps qu’ils en parlaient.
« Comment va Emma ? » Demanda Carol.
« Elle va bien, elle oublie encore quelques trucs mais rien de grave pour le moment. Tant qu’elle a une carte et le jardin à proximité elle semble ne pas être trop distraite. »
« Ok. »
Ils finirent les révisions de Carol, se séparèrent de Shelly et partirent vers la maison d’Emma et de Phil. Quand Emma vit Carol un sourire apparut sur ses lèvres et elle s’empressa de prendre la jeune fille dans ses bras.
« Carol ! Tu restes pour manger ? Tu as bien grandi ! »
Carol ne fit qu’acquiescer en souriant, et Phil se demanda si Carol n’avait pas plus de facilités que lui à supporter Emma. Celle-ci parla tout du long avec Carol, lui posant les mêmes questions qu’elle lui avait poser la dernière fois qu’elle se sont vu. Mais Carol, avec une patience digne de la fille un peu lente qu’elle était, lui répondait sans broncher. Cela ne semblait pas la gêner plus que ça, puisque Emma s’excitait du quotidien assez ennuyeux de Carol comme si elle l’avait entendu pour la première fois. Carol pouvait alors lui répéter les évènements d’une même journée sans jamais l’ennuyer. Phil ne comprenait pas en quoi cela pouvait être amusant pour Carol, mais puisque cela faisait plaisir au deux, il n’y pensait pas trop.
La même conversation, avec les mêmes personnes… Phil se demanda quand Emma oublierait Carol.
Phil ne savait pas pourquoi une nuit sur deux il devait aller chercher Emma à moitié trempée dans l’eau de la mer. Elle se réveillait d’un coup, et sans un bruit allait jusqu’à la plage. Phil avait fini par s’installer une petite alarme sur son téléphone vers une heure du matin pour aller vérifier si elle était encore dans sa chambre. Et quand elle n’y était pas, il s’habillait, prenait une serviette et allait jusqu’à la plage où elle allait toujours. Celle-ci n’était pas loin mais c’était une heure du matin, et Phil était généralement fatigué. Il avait fini par s’habituer à ce rythme, au point qu’il se réveillait quelquefois sans le son de son réveille.
Phil ne savait pas pourquoi elle faisait ça. Et d’un côté, la seule solution pour savoir serait de la laisser aller jusqu’au bout de ce qu’elle veut faire, mais Phil ne voulait pas que ses soupçons se confirment. Alors il allait la chercher chaque soir pour être sûr qu’elle n’atteindrait jamais ce bout. Phil ne voulait pas savoir ce qu’était ce bout. Il avait ses doutes et ne voulait jamais arriver à ce bout. Alors comme chaque fois il va la chercher au bord de la plage.
Mais cette nuit-là, Emma n’est pas rentrée dans l’eau, Phil ne l’avait pas arrêtée avant qu’elle y rentre, non, elle n’était juste pas rentrée dans l’eau.
« Emma, rentrons d’accord ? »
Elle resta silencieuse.
« Emma ? »
« Tu entends ? »
Phil se tut pour écouter, mais il n’entendait que le son des vagues.
« Non je n’entends rien. Allez viens, il est tard il faut rentrer. »
« Tu n’entends pas la berceuse ? »
Phil leva un sourcil.
« Quelle berceuse ? »
« Tu ne l’entends vraiment pas alors. »
Elle finit par se retourner vers Phil et pris sa main pour lui indiquer qu’ils pouvaient partir. Sur le chemin elle posa encore la question pour savoir si Ray et Norman était là.
« Ils sont en voyages. »
« Est-ce qu’ils sont rentrés alors ? »
Phil s’arrêta pour la regarder.
« J’ai entendu Ray chanter. » Dit Emma.
Il n’y avait que le son des vagues sur les rochers.
Ils arrivaient à la fin de l’été. Les feuilles des arbres commençaient à devenir rouges, jaunes, oranges… Ils passeraient bientôt à leurs uniformes d’hiver. Phil se demanda s’il ne devrait pas racheter un pull à Emma, celui qu’elle utilisait était assez usé. De toute façon il devait déjà préparer à manger pour ce soir avant de penser à ce genre de chose.
Il passa au supermarché et acheta ce dont il avait besoin, avec une boîte d’encens. Emma devait sûrement le sentir sur l’autel, mais peu importe puisqu’elle ne posait pas la question. Il posa le sac de course dans le panier à l’avant de son vélo et monta lui-même dessus quand…
« Excusez-moi ! »
Phil se retourna pour un voir deux hommes d’environs l’âge d’Emma, il ne voyait pas bien leurs visages.
« Vous êtes du coin non ? » Demanda le moins grands des deux, il avait des cheveux noirs.
Peu importait l’apparence des deux hommes pour Phil, il voulait juste rentrer chez lui. Ils semblaient étrangers, peut-être des touristes perdus, même s’ils parlaient plutôt bien la langue.
« Oui. » Répondit Phil avec plus de froideur qu’il ne l’aurait voulu dans sa voix.
« Ah parfait ! Je… » La personne à côté de l’homme aux cheveux noir toussota. « Nous. Nous sommes à la recherche de quelqu’un en particulier. »
« Ok. » Phil ne les regardait même plus, il ne montrait d’ailleurs pas vraiment son visage non plus.
« C’est une étrangère aux cheveux roux. » Repris l’homme. « Elle s’appelle Emma. »
Phil se retourna brusquement et cette fois il vit le visage de ses interlocuteurs. Ces deux derniers en voyant le siens écarquillèrent les yeux et ouvrirent la bouche, hébétés. Ils posèrent un bref coup d’œil au tatouage dans son cou.
« Phil ? »
Phil lâcha son vélo. Un mélange d’une centaine d’émotion lui traversa le corps. Le sac de course se renversa, avec l’encens. Phil ne voulait pas y croire. Phil n’y croyait pas. Et pourtant…
« Ray… ? Norman… ? »
Chapter 3: Si on connaît moins sur la mer que sur l’univers, alors peut-être que je suis bien un livre ouvert.
Notes:
Le point de vue de Ray ! Que s'est-il passé en 8 ans ?
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
« Ouais, je vois en quoi c’est gênant. » Dis Ray.
« Je pensais que vous étiez mort ! »
« Mais on ne l’était pas. » Renchérit Norman.
« J’ai remarqué ! »
Phil marchait à pas vif. Mais il n’était pas assez rapide pour Ray et Norman qui n’avaient aucun problème à suivre la cadence. Il avait vraiment changé en 8 ans. Plus mûr, plus sombre presque. Ray se demanda même s’il ne ressemblait pas à ça lui-même à 11 ans… c’était irritant.
« Comment vont les autres ? » Demanda Norman, essayant d’avoir un ton léger que Ray savait comme peine perdue.
Phil se retourna vivement. Il semblait vouloir dire quelque chose mais il se retint.
« Comment va Emma ? » Continua Norman.
Et là, Ray savait que Norman avait fait une bourde. Sur le visage de Phil s’imprima une haine et un dégout pur envers eux deux. Ray s’était attendu à un autre accueil mais d’un autre côté cela ne le surprit pas.
« Vous deux n’avez aucun droit de vous inquiéter pour elle après l’avoir abandonnée pendant 8 ans. »
Son ton était sec et tranchant. Était-ce vraiment le gentil, joyeux et courageux Phil en face d’eux ? Les choses avaient tant changé que ça en 8 ans ? Ray jeta un coup d’œil à Norman qui semblait bien plus concerné qu’avant.
« Il s’est passé quelque chose avec Emma ? »
Phil serra le guidon de toute ses forces comme pour s’empêcher de lever la main sur ses deux aînés.
« Elle a juste 23 ans, sans travaille et sans diplôme, et elle n’a plus que la moitié de sa mémoire. Mais sinon oui, ça va très bien ! » Répliqua-t-il sarcastiquement.
Ray tilta.
« La moitié de sa mémoire ? De quoi veux-tu parler ? »
Une sueur froide coula dans la nuque de Ray en anticipant la réponse de Phil.
« Elle perds chaque jour un peu plus de ses souvenirs. Elle ne se souvient parfois même plus de nos propres noms. Carol peut lui reraconter la même journée une centaine de fois ce sera comme si c’était la première fois pour elle. Elle n’a déjà plus de souvenirs de notre bienfaiteur dans ce monde. Et quand vous êtes arrivé… »
Il serra les dents.
« Elle était enfin sur le point de vous oublier tous les deux. »
Enfin. Ray n’avait pas mal entendu. Phil avait bien dit « enfin ». Comme si leurs disparitions serait effectivement un soulagement pour eux. Ray s’était senti comme un étranger à bien des égards, mais là il avait définitivement l’impression de ne plus appartenir au même monde.
« Elle perds la mémoire tu dis ? » Demanda Norman.
« Vous verrez bien en arrivant. »
Emma avait ouvert la porte de l’entré. Puis l'avait refermée. Et l’avait ouverte à nouveau. Si Norman était subjugué par son apparence, Ray n’en était pas moins surpris. Elle avait grandi, avait des traits et un corps de femme maintenant. La seule chose inchangée était ses yeux verts et ses cheveux roux en bataille, qui étaient longs cette fois.
Elle descendit la marche qui séparait la porte du sol et s’approcha d’eux. Elle faisait une tête de moins qu’eux. Elle approcha ses mains de leurs visages et effleura du bout des doigts leurs joues. Norman était au bord des larmes, et Ray ne pouvait pas nier que lui aussi. Petit à petit, les doigts sur leurs joues devinrent des mains entières. Et soudain, elle éclata en sanglots.
De grosses larmes salées roulaient sur ses joues et elle essaya de dire leurs noms entre deux pleurs. Norman et Ray craquèrent et se jetèrent dans ses bras. Norman pleura à chaud de larmes à son tour tandis que Ray tentait tant bien que mal de contenir les siennes. Emma s’accrochait à leurs vêtements comme si sa vie en dépendait. Ils pleurèrent tous les trois les bras les uns des autres un long moment avant de s’écarter, non sans tenir les mains d’Emma.
« Vous êtes revenu… Vous êtes vraiment revenu. »
Ils hochèrent la tête. Une nouvelle flopée de larmes inonda les joues d’Emma.
« Vous êtes là. Vous êtes là. Tous les deux… Vous ne partirez plus hein ? Vous resterez avec moi hein ? »
« Oui Emma, on reste cette fois. On reste. » Dis Norman en caressant sa joue avec le dos de sa main.
« J’ai besoin de vous vous savez ? Vous ne partirez pas hein ? »
« Bien sûr. »
« Je… Je ne veux pas vous oublier encore. Alors ne vous en allez pas s’il-vous-plaît… »
Et quand elle posa la tête sur l’épaule de Norman un moment le temps de respirer. Ray put voir Phil sur le palier de la porte, qui les regardait avec une expression vide. Il repensa à ce que venais de dire Emma, à ce qu’avait dit Phil plus tôt…
-Je ne veux pas vous oublier encore-
« La première chose qu’elle fait après s’être réveillée et manger c’est de nettoyer les coquillages sur la commode. Ensuite elle fait la lessive et range la maison jusqu’à midi. Vous mangez. Puis elle passe les heures à suivre à essayer de se remémorer des souvenirs, généralement avec quelques membres de Grace Field. Elle nettoie à nouveau les coquillages le soir avant que je ne rentre vers 9 heures du soir, si quelqu’un est à la maison à ce moment-là elle mange, sinon elle m’attend. Après avoir mangé elle dort immédiatement. Notez qu’elle dort environs 14 heures par jour, n’essayez pas de la faire dormir moins, elle perd encore plus la mémoire sinon. Ne touchez en aucun cas les objets qu’elle déplace sinon elle ne se repère plus dans son espace. Ne la quittez jamais des yeux. Il faut que vous soyez toujours dans les environs autour d’elle. Si elle sort ne lui lâchez surtout pas la main même si c’est gênant. Si elle vous touche d’une quelconque façon laissez-là faire, sauf si c’est inapproprié, c’est rare mais ça arrive. Répondez clairement à ses questions sans jamais lui donner de faux espoirs. Si elle repose deux fois la même question ne lui faites pas remarquer, répondez juste comme si elle vous l’avait posé pour la première fois. J’ai été clair ? »
« Tu nous en fait digérer pas mal dès le matin non ? » Répondit Ray en finissant sa soupe miso.
« Vous n’en êtes pas capable ? »
« Bien sûr que si, on a survécu bien plus longtemps que toi à Grace Field après tout. »
Ray donna un coup de coude dans les côtes de Norman pour le réveiller.
« Tu t’es trop décalé je te l’avais dit ! Tu as entendu ce qu’a dit Phil ? »
« Bien sûr… » Dit Norman en baillant. « Mais de toute façon je ne serais pas là aujourd’hui. »
« Quoi ? » Demandèrent Ray et Phil en cœur.
Emma était encore en train de dormir dans sa chambre, il était 5 heures 30 du matin.
« Je rappelle à Ray ici présent, que l’on vient de débarquer, et que comme Emma, on est sans travaille. Et qu’il faudrait peut-être qu’on en trouve un. Car on ne va pas vivre à la solde d’un adolescent de 16 ans. Donc je vais m’en chercher un. »
« Un autre adolescent de 16 ans ? » Plaisanta Ray.
« Un travail Ray. Un travail. » Répondit Norman. Il ne réagissait plus à aucune trace d’humour quand il venait de se réveiller. « Contrairement à toi ou Emma, je vais devenir fou si je ne peux pas travailler. »
« Tu es sûr que tu ne l’es pas déjà ? Moi je dis que quand on veut travailler… »
« Et moi je dis que quand on a passé la moitié des 8 ans dans le monde des démons à manger des chips sur le sofa de mon bureau on devrait se taire. »
« Même pas vrai ! Je t’ai servi de garde du corps, de secrétaire, de femme de ménage, de cuisinière et de soutien moral pendant 8 ans et tout ce que tu retiens c’est ce moment où j’ai mangé des chips sur ton sofa ?! »
« Je vois que vous avez fait des choses importantes de l’autre côté. » Les coupa Phil froidement.
Ray et Norman se regardèrent comme deux complices pris dans une impasses par une horde de policier. Phil leurs avait bien fait comprendre depuis qu’ils étaient arrivés qu’il ne les portait pas dans son cœur et qu’au moindre faux pas il leurs trancherait la gorge pour les faire disparaître… définitivement.
Le lycéen se leva et pris la vaisselle vide pour la mettre dans l’évier.
« Je vais au lycée, faite ce que vous voulez de votre journée mais ne perturbez pas les habitudes d’Emma d’accord ? » Dit-il en prenant son sac de cours et en mettant ses chaussures. « Une dernière chose, cachez votre numéro. Il y a du fond de teint dans la salle de bain, et sinon mettez un col roulé et allez en acheter au supermarché. Ici les tatouages sont mal vus, rien que le fait que je puisse aller au lycée est un miracle en soi. Sur ce j’y vais. » Et il sortit de la maison.
Ray et Norman regardèrent l'entrée pendant un moment avant que Norman ne brise le silence.
« Il est toujours aussi attentionné malgré les apparences. Il parle comme toi quand tu avais 11 ans Ray ! »
« S’il te plait ne me le rappelle pas j’espérais que c’était juste mon imagination. »
Comme Phil avait prévenu tous les autres que Ray et Norman était de retour, la majorité de leur journée consista à recevoir leurs différents camarades de Grace Field pleurant dans leurs bras. Ray appris ainsi que Gilda et Don comptaient se marier, que Anna pourrait bientôt travailler dans un grand hôpital à Tokyo, que Thoma et Lannion par un miracle des choses était tous les deux en formation pour devenir coach professionnel et que Nat pourrait bientôt faire des tourné en tant que pianiste virtuose. Mais malgré tout ils vivaient tous encore dans les environs de là où vivait Emma pour le moment. Une indication assez claire de leur inquiétude vis-à-vis des pertes de mémoires d’Emma. Bien que maintenant que Ray et Norman vivaient sous le même toit qu’elle, les autres pouvaient se permettre un peu plus d’autonomie.
Après quelques recherches, Norman dut se résoudre à trouver une formation rapide pour avoir un diplôme afin de travailler.
« Tu ne veux pas chercher une formation toi aussi Ray ? » Dit-il, la tête contre la table à manger en tapotant machinalement la souris d’ordinateur.
« Alors que je peux enfin prendre des congés ? Tu rêves. »
Le soupir de Norman aurait fait avancer un bateau à voile. Emma était en train de lire un livre de recette dans un autre coin de la pièce, notant ce qu’elle avait déjà manger et ce qu’elle n’avait pas.
Ray avait remarqué que ce que Phil considérait comme un « moyen de se remémorer » était constitué d’actions simples : vérifier qu’elle se rappelait l’heure, se resituer sur une carte, vérifier ses connaissances… etc. Si l’un faisait défaut cela signifiait que sa mémoire dégénérait.
Ray avait proposé à Emma de lui montrer les alentours mais elle avait refusé et avait préféré laisser Anna le faire à sa place. Quand Ray lui avait demander pourquoi, elle avait répondu qu’au bout de 30 mètres elle ne savait plus se situer. Au final, leurs univers étaient majoritairement constitués du jardin et de la maison. Une zone bien plus petite que Grace Field House.
Ray avait aussi eu du mal à croire Phil dans premier temps sur les problèmes de mémoires d’Emma, mais après une journée passée à la voir répéter les mêmes actions et à reposer les mêmes questions, il n’y avait plus de doute permis. Ray a fait des recherches pour voir d’où cela proviendrait mais il semblait que c’était bien dû à un choc psychologique. Et de ce qu’il avait déduit des mots de Phil : la cause était Norman et lui. Leur disparition soudaine lui avait fait un choc psychologique assez grand pour que son cerveau décide que lui effacer la mémoire était la meilleure solution. Ses soupçons furent confirmés quand il put déduire que la zone la plus flou dans la mémoire d’Emma était les deux ans avant et après son arrivée dans le monde des humains.
Norman avait dû y penser aussi, mais s’il le savait il n’en parlait pas. Même si Ray ne voulait pas se l’avouer la culpabilité commencer à le ronger. Est-ce que la situation aurait été différent si au minimum lui était resté ? Est-ce que c’était son absence et celle de Norman combiné qui avait fini par achever la stabilité mentale d’Emma ? Il avait fini par se dire que c’était une mauvaise idée d’y penser.
« Ray. »
Il se tourna vers la jeune femme qui lui montrer une page de son livre de recette.
« Tu crois qu’on pourrait essayer de faire ça ? »
Ray regarda la recette. C’était une recette de gâteau au thé vert assez simple.
« Je ne sais pas si on a les ingrédient… »
« Fais voir. » Dit Norman en jetant un coup d’œil au livre. « Je peux aller faire quelques courses sinon. Phil rentre tard, non ? On a le temps pour essayer de faire un gâteau. »
Et ainsi, au bout d’une heure, Norman était revenu avec tous les ingrédients nécessaires et ils étaient tous les trois dans la cuisine avec un tablier.
« Dites. » Commença Ray. « J’ai accepté mais je sens qu’au final c’est moi qui vais tout faire. »
« Considère-toi comme notre prof ! » Répondit Norman avec un grand sourire, Emma hochant la tête à côté de lui.
« Moi j’ai juste besoin de suivre la recette à la lettre et ça devrait aller ! » Dit-elle. Elle prit le livre et le posa entre les mains de Norman. « Tu es le gardien du livre alors lis le attentivement. »
« J’accepte avec joie cette mission. »
Ray soupira mais finit par rentré dans le jeu. Il expliquait comment faire à Emma tandis qu’elle faisait lire la recette régulièrement à Norman qui malgré son intelligence légendaire n’était pas un cordon bleu comme l’avait testé Ray un malencontreux soir.
« C’est beau d’avoir le cerveau si t’a pas la technique… »
« Désolé de ne pas avoir assez de muscle. »
« Tu en as pas besoin c’est un gâteau ! A ce stade là c’est un talent ta nullité en cuisine ! »
« Excuse-moi de remplir ma paperasse ! »
Emma était hilare à côté d’eux deux. C’était comme s’il venait de remonter le temps. Revenir à quand ils n’avaient que 11 ans… Et qu’ils ne savaient encore rien. Sauf que Ray savait déjà. Peut-être que tout aurait été mieux s’il n’avait jamais su. Il avait fini par enfin mettre le gâteau au four.
« Combien de temps ? » Demanda Emma.
« 30 à 40 minute d’après le livre. » Répondit Norman.
« Ça nous laisse le temps de ranger un peu. » Dit Ray. « Il vaudrait mieux avant que Phil n’arrive. Tu t’es plutôt bien débrouillée Emma. »
« C’est parce-que j’ai suivi la recette ! » Répondit-elle fièrement. Soudainement son regard se rassombrit. « Je préfère faire confiance aux livres plutôt qu’à ma tête. »
« Moi de même. » Reprit Norman pour alléger l’ambiance.
« Toi, même les livres ne pourrait arranger ton problème. » Reprit Ray.
« Désolé de ne pas être un chef 5 étoile comme toi O Grand Ray ! »
Quand Emma rit, Norman et Ray se regardèrent avec un air entendu, ravi d’avoir pu la rassurer.
« Vous m’aviez vraiment manquée tous les deux ! Il faudra que vous racontiez ce qui vous est arrivé dans le monde des démons. »
« Ray a mangé des chips sur mon sofa pendant que je bossais. »
« Tu ne vas pas reprendre avec ça quand même ?! »
A force de discuter, le gâteau avait fini trop cuit, il était quand même délicieux.
Notes:
J'ai besoin que Ray et Norman agissent comme les grands couillons qu'ils peuvent être par moment.
Chapter 4: Le chant de la mer n’était pas aussi mélodieux que le son de ton rire.
Notes:
Le point de vue de Norman ! Ca commence à être moins joyeux je vous préviens (est-ce que ça l'a jamais été ?).
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
Emma avait perdu la mémoire. Peu importe, se disait Norman. Emma restait Emma. Elle est belle, courageuse et déterminée. Peu importe si elle avait perdu un peu de la flamme qui l’habitait, Emma restait Emma. Toutes les décisions qu’il avait prises était pour son bien à elle et à tous les autres.
Alors pourquoi doutait-t-il maintenant ?
Après 8 ans, pourquoi doutait-il maintenant ? Parce qu’il devait répondre à la même question plusieurs fois par jour ? Parce qu’il venait de comprendre que si Emma était dans cet état là c’était… Non. Ce n’était pas sa faute. Tout cela était forcément dû à un autre événement. Il fallait qu’il se convainque de ça. Ce n’est pas sa faute. Ce n’est pas sa faute. Ce n’est pas…
« En fait, j’aurais préféré que vous soyez vraiment morts tous les deux. »
Norman s’arrêta face au commentaire de Phil. Il était allé l’accompagner pour faire les courses.
« Si vous étiez restés mort tous les deux, alors peut-être qu’Emma n’aurait pas eu à se rappeler qu’elle avait oublié une bonne partie de ses souvenirs à propos de vous. »
« Sans doute… » répondit Norman sans conviction.
« Pourquoi vous êtes restés dans le monde des démons sans prévenir personne ? »
« On a prévenu ! On a… prévenu ? »
Phil soupira. Il avait tellement changé en 8 ans qu’il en devenait méconnaissable.
« Tout ce que je vois c’est que tu as encore fait des tiennes, tu t’es lancé dans un plan perso en emportant Ray avec toi et en abandonnant Emma sous prétexte d’une fausse sécurité. Je ne pensais pas te le dire un jour Norman mais tu me dégoûte. Ton égoïsme me dégoûte. »
Norman serra le sac de course dans sa main.
« Ce n’est pas aussi par égoïsme que tu t’occupes d’Emma ? Pour te faire sentir mieux dans ton inactivité durant la guerre ? Pour sentir sa dépendance envers toi ? N’es-tu pas toi-même dépendant de sa dépendance ? »
Phil le regarda droit dans les yeux, et il avait les mêmes yeux que Ray quand ce dernier s’était exclu pour sauver uniquement Norman et Emma.
« Bien sûr. Cela ne signifie pas que je ne me dégoûte pas moi-même. Mais même si c’était par égoïsme, au moins moi, j’étais là quand elle en avait besoin. »
Il reprit son chemin.
« Au final, le pseudo-amour que tu ressens pour elle ne serait-il pas qu’une façon de te faire sentir plus humain ? Un amour à sens-unique et rempli de ton propre égo. C’est peut-être ça ta définition d’un être humain Norman. »
Norman n’arrivait pas à répliquer quoi que ce soit.
« Ray ? »
« Oui ? »
« Je l’aime. »
« Je sais. »
« Je l’aime plus que tout au monde. »
« Je sais. »
« Est-ce que je mérite qu’elle me rende le même amour ? »
« Nan, pas vraiment. »
Norman se tourna subitement vers Ray l’air effaré.
« Tu n’es pas sensé me dire à ce moment-là : ‘Mais si Norman tu le mérites absolument après tout tu es tellement intelligent, beau et séduisant ! Qui ne voudrait pas de toi ?’ ? »
« Je suis ton pote, pas ton subordonné. Je vais pas te lécher les bottes vieux, t’aura que la terrible vérité avec moi. »
« Tu es absolument lamentable comme soutiens moral Ray. »
Il éclata de rire.
« Emma m’a dit la même chose un jour ! Finalement vous êtes peut-être fait l’un pour l’autre ! »
« J’aimerais que tu nous mettes ensemble pour une raison différente… »
Ray repris sa respiration et le regarda calmement en fermant son livre.
« L’amour c’est compliqué Norman, tu le sais. Tu es parti pendant 8 ans, il faut non seulement que tu retrouves ta place auprès d’elle mais aussi des autres. »
« Retrouver ma place auprès des autres ? »
Ray sourit tristement.
« Je crois qu’il n’y a pas que Phil qui nous en veux. J’ai l’impression que la plupart d’entre eux nous en veut d’être partis comme ça. Pas tant par rapport à nous que par rapport à Emma. »
« Alors toi aussi tu le pense ? Que l’on est la cause de sa perte de mémoire ? »
« Je ne le crois pas Norman, j’en suis sûr. »
Norman et Ray se regardèrent silencieusement pendant quelque instant.
« C’était une mauvaise idée ? De repartir dans le monde des démons je veux dire ? »
« Je ne sais pas. J’ai beau regarder, personne n’y aurait gagner dans tous les cas, peu importe qui on emmène, ou qui reste. On avait perdu quand on a compris en traversant la barrière que l’on avait encore des choses à faire dans l’autre monde. »
Norman tourna sa tête vers le jardin à l’extérieur de la maison. Il faisait beau, Emma dormait, tout était calme et paisible. Et pourtant…
« J’ai soudainement l’impression que ma vie n’a été qu’une série d’erreur… »
Norman avait réussi à se trouver une université en 2 ans dans la région. Tout ce qu’il lui fallait c’était un diplôme, peu importe lequel c’était. Il avait réussi les examens avec brio et il ne lui manquait plus qu’à attendre le rentré en avril pour commencer les cours. Il avait aussi réussi à se trouver quelques boulots à temps partiel pour gagner l’argent nécessaire à ses études. Il voulait rester à proximité d’Emma et de Ray, ce dernier semblant avoir décidé de devenir ce que l’on appelle dans le jargon japonais un NEET… ou homme au foyer (selon ses dires), cela dépendait du point de vue. Il avait donc décidé de faire une formation de professeur pour enseigner dans les écoles à proximité. Ray lui avait fait remarquer qu’il pourrait devenir politicien ou un grand chef d’entreprise s’il le souhaitait, mais la seule ambition de Norman après être sortie du monde des démons était de vivre une vie paisible près de ceux qu’il chérissait. De plus transmettre son savoir lui semblait bien plus intéressant et enrichissant que de diriger un pays dans les crachats de la population.
Norman aurait bien voulu s'entraîner sur ce point de vue, mais la seul avec qui il aurait pu travailler cela, sous-entendu Carol, était bien plus proche de Phil que de lui, ce qui faisait que son taux de chances pour l’approcher était autour de zéro.
Norman était parti faire quelques courses pour Ray. Il était tard mais il ne faisait pas encore nuit. Il doutait de l’intérêt d’aller faire les courses chaque jour plutôt que tout en une fois mais il savait qu’il allait devoir suivre les habitudes japonaises s’il ne voulait pas sortir du lot. Il arrivait vers la caisse quand une voix d’adolescente résonna derrière lui.
« Norman ? »
Il se retourna pour faire face à une jeune fille de l’âge de Phil, avec des taches de rousseur et des cheveux entre le roux et le châtain. Elle était encore en uniforme et avait un pain au melon dans les mains. Son col roulé en dessous de son uniforme lui cachait le cou.
« Tu es bien Norman ? »
Il hocha la tête lentement, essayant de se rappeler où il avait pu la rencontrer. Quand elle descendit son col roulé pour lui révéler le numéro sur son cou il comprit enfin où il l’avait vu.
« C’est moi Shelly ! »
« She… Shelly ?! »
Elle hocha la tête en souriant à pleine dent.
« Yup ! »
Ils s’étaient assis sur un banc près de la mer pendant que Shelly mangeait son pain au melon.
« Donc tu vis chez Gilda et Don ? »
« La majorité d’entre nous en fait, sauf ceux qui sont sortis du lycée. Emma est plus vraiment capable de s’occuper de nous alors on est allés chez les autres plus âgées. Pas que je n’aime pas Emma mais j’ai encore besoin d’être chouchouter moi. Ah désolé ! C’est vrai que comme vous êtes la génération au-dessus vous n’aviez pas pu rester à Grace Field, je parle vraiment trop ! Faut que j’apprenne à me contenir un de ces jours ! »
« Non non c’est bon, je comprends. Tu es dans le même lycée que Phil non ? »
Elle jeta un coup d’œil à son uniforme.
« Ah ouais ! Ouais on est même dans la même classe. On a les meilleur score du lycée, faut pas dire mais le niveau dans ce monde est vraiment trop bas ! Phil m’a dit que tu avais passé des examens d’université, t’a dû voir non ? C’est beaucoup trop simple ! C’est pour ça que les humains de ce monde sont stupides, mais bon, c’est plus sûr donc la stupidité est une garantie semblerait. Enfin, ça ne les empêche pas de toujours s’entretuer. Tu te rends compte ? On est en 2057 et il y a encore des guerres dans ce monde ! On n’arrivera à rien quel que soit le monde j’imagine. »
Norman était un génie, il arrivait à retenir des informations à une vitesse incroyable, mais il devait s’avouer vaincu face à une adolescente parlant comme une adolescente, à traduire par : parlant rapidement, beaucoup, et en articulant peu. Qui plus est, tout comme Phil, Shelly était habituée au Japon et de ce fait avait commencer et continuer la conversation en japonais. Et Norman, aussi intelligent qu’il était, était encore en train d’assimiler la langue. Ce qui fait qu’il ne comprenait que la moitié de ce qu’elle disait.
Il ne voulait rien dire par politesse mais elle le comprit avant lui et repris en anglais.
« Ah encore pardon ! Je me rends plus compte quand je passe d’une langue à une autre. Tu devais pas comprendre grand choses non ? »
Norman dut s’avouer vaincu et acquiesça.
« Encore désolée ! »
« Pas la peine de t’excuser… Je suis content qu’au moins tu te sois bien adaptée à la vie ici. »
Elle eut un air absent un moment avant de reprendre.
« Adaptée hein ? Je sais pas trop… » Elle indiqua son cou. « Tu sais, Phil dit de cacher son tatouage car c’est mal vu ici, mais en fait c’est surtout parce qu’on a déjà subi du harcèlement à cause ça. Les gens ont reconnu rapidement les tatouages fait au bétail et ils ont commencé à nous traiter ‘d’animaux de ferme’ ou de ‘porcs’. » Elle s’arrêta à nouveau un moment. « Je pensais que la pire des violences était celle du monde des démons mais en fait… je ne savais pas que les humains pouvaient être bien plus cruels et insensibles… »
Avant que Norman ne puisse réagir une larme roulait déjà sur la joue de Shelly.
« Ça avait commencé dès qu’on est arrivé, mais bon, au bout de quelque temps ça c’était calmé de notre côté. Mais je pense qu’il y avait encore quelque remarque car Emma rentrait à la maison couverte de bleu et d’écorchure chaque soir alors… »
« Quoi ?! »
Shelly sursauta.
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Non seulement ce que vous avez subi est injuste est stupide, mais d’où sort cette histoire d’Emma rentrant blessée ?! »
« Je ne sais pas ! » Paniqua-t-elle avant de se reprendre. « Aucun d’entre nous ne sait, même pas Phil. Ni même Gilda, Don ou encore Anna et Nat qui ont passé leurs années de lycée avec Emma. Elle rentrait juste le soir blessée et l’air sombre. Quand on lui demandait ce qu’il s’était passer elle disait juste qu’elle s’était battue, mais on n’a jamais su la raison… On a supposé que c’était parce que des camarades à elle insulter des gens de notre famille et qu’elle s’était énervée. »
Elle semblait s’en vouloir d’avoir visiblement stressé Norman. Il posa une main sur son épaule.
« Désolé d’avoir réagi comme ça… j’étais juste sous le choc. »
« Je comprends, t’inquiète. Emma était étrange durant ses années de lycée, elle était sombre, parlait peu, je crois qu’elle essayait de reproduire l’environnement de danger du monde des démons pour se rassurer de votre absence. Enfin… ça ne l’a pas empêchée de perdre la mémoire au final… Ah zut ! Je parle vraiment trop ! Pardon ! »
Norman lui tapota la tête, et Shelly rougit mais sembla ravie, comme quand elle était petite et qu’elle demandait toujours à voir Norman pour jouer.
« Je suis heureux de voir que tu ça va mieux en tout cas. Surtout que je peux participer à votre vie quotidienne maintenant. »
« Voui. »
Elle se jeta soudain dans ses bras et enfouit sa tête dans son torse pour cacher son visage.
« Tu m’as vraiment manquée Norman ! »
Il hésita un moment, puis posa ses mains sur le dos de la jeune fille.
« Toi aussi tu m’avais manqué Shelly. »
Il pensa à Emma. Ce n’est pas sa faute. Il fallait se convaincre de ça.
Norman aimait sortir dehors avec Emma. Emma lui tenait la main. Est-ce un fait amené par une conséquence ? Si Emma sort, alors Emma ne veut pas se perdre, donc Emma lui prend la main, à lui, la personne de confiance la plus proche. Norman aimait la sensation de la main d’Emma dans la sienne. Il repensait aux mots de Phil.
Est-ce que c’est parce qu’Emma n’a d’autre choix que de lui tenir la main quand ils sortent qu’il aimait sortir ? Dans ce cas-là c’est à cause d’un désir égoïste qu’il force Emma à lui tenir la main n’est-ce pas ? Ou alors cela n’a rien à voir puisqu’Emma lui tient la main de son plein gré. Donc ce n’est pas exactement comme s’il profitait de cette faiblesse là pour ressentir quelque chose ?
Ce n’est pas la même chose même s’il demandait d’y aller seul avec Emma n’est-ce pas ?
« Norman ? Quelque chose ne va pas ? » Demanda Emma.
Il sortit de ses pensées.
« Non ne t’inquiète pas ! Je vais absolument bien. »
Elle le regarda tristement. Ce n’est pas possible, Emma n’avait jamais vu au-delà de ses mensonges. Elle ne pouvait pas le savoir maintenant.
« Toi non plus tu ne sais plus sourire sincèrement ? »
C’était comme une fleur de la mort plantée dans son cœur pour lui aspirer tout son sang.
« Depuis que je perds mes souvenirs, tout le monde me regarde de la même façon. Tu sais, j’ai peut-être perdu de la mémoire, et j’ai peut-être perdu quelques facultés physiques ici. Mais dans ce monde… tu apprends très rapidement à lire chaque subtilité des gestes et émotions pour survivre… »
Elle le regarde droit dans les yeux. Et il eu l’impression d’être un livre ouvert pour elle.
« C’est pour ça que je sais que tout le monde ment quand ils disent qu’ils vont bien, que je ne suis pas un poids, ou que je ne les gêne pas. »
« Je ne te considère pas comme ça Emma ! » Répliqua-t-il.
« Non, tu me considères juste avec pitié. Comme si j’étais un petit chien blessé sur lequel tu avais tous les pouvoirs puisque tu le soignes. »
Norman savait qu’il n’avait jamais été une bonne personne, mais se le faire dire en face par la fille dont il était amoureux était une toute autre chose.
« Je ne t’en veux pas Norman, et je me fiche de comment tu me considères. Juste dis-moi la vérité quand tu vas mal. »
Elle le regardait avec tellement d’inquiétude… Norman avait la gorge nouée. Il serra sa main plus fort et posa sa tête contre l’épaule de la jeune femme.
« Je ne veux pas te considérer comme ça. »
« Je sais. »
« Je t’aime beaucoup tu sais ? »
« Je t’aime aussi. »
Non, il ne l’aimait pas de la façon qu’elle pensait. Il voudrait lui hurler son amour, faire l’impossible pour elle : conquérir les deux mondes, arracher les étoiles du ciel, lui offrir tous les diamants de l’univers… Il voulait juste l’aimer comme on aime une amante.
Il releva la tête, et avec main libre, lui caressa la joue. Elle ne s’écarta pas et lui souris tendrement. Mais peut-importe ce qu’elle pensait à ce moment-là, puisque ce n’était pas l’amour que voulait Norman : un amour à sens unique et rempli de son égo.
Notes:
Oui, sens-unique et angsty à mort.
Chapter 5: Je n’ai pas besoin de mère puisque j’ai la mer.
Notes:
Point de vue inattendue ! Celui de Carol ! (Bah oui elle a bien grandit, elle a 13 ans maintenant elle a le droit de parler !)
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
Carol sonna à la porte comme elle le faisait à son habitude. A cette heure-ci, elle se disait que soit Phil soit Emma était là, elle voulait discuter un peu avec eux et éventuellement se faire aider pour ses devoirs. Alors elle ne s’attendait pas à voir un jeune homme aux cheveux noir en bataille lui ouvrir la porte. Elle resta figé un instant, puis vérifia l’adresse sur le devant.
« Si c’est pour voir Emma ou Phil ce ne sera pas possible désolé. » Dit soudainement le jeune homme, la faisant sursauter. « Phil est au boulot et Emma est sortie avec Norman. Tu viens de Grace Field toi aussi, non ? »
Ayant perdu ses mots elle hocha la tête. Elle vit les yeux de son interlocuteur se poser sur son cou un instant.
« Ah ! Tu dois être Carol ! »
Elle bégaya un peu mais finit par renoncer à nouveau et hocha la tête.
« Incroyable… Tu as vraiment grandi ! Tu peux entrer si tu veux, Emma et Norman ne devraient pas tarder de toute façon. »
Carol prit son courage à deux mains pour réussir à sortir des mots de sa bouche.
« Non merci ! Je suis désolé de vous avoir déranger ! »
« Tu es sûre ? Ça ne me dérange pas sinon. »
« Euh… Je… ! »
Elle s’arrêta subitement en regardant attentivement le visage du jeune homme. Il avait relevé une frange qu’il avait attachée avec une barrette, et on pouvait voir son visage à la fois assez dur mais très élégant aussi. Il devait avoir l’âge d’Emma.
« En fait, je veux bien entrer oui. »
Carol eut soudainement une forte envie de se gifler. Elle venait de dire ça sur un coup de tête. Qu’est-ce qu’elle s’imaginer à 13 ans avec un homme qui avait 10 ans de plus qu’elle ?! Il était beau mais sans plus. Carol se dit que c’était sans doute car il devait connaître des choses sur Emma qu’elle ne connaissait pas. Oui, c’est pour ça. Pour en savoir plus sur Emma.
Le jeune homme s’écarta pour la laisser entrer. Il ferma la porte derrière elle et repartit dans le salon. Carol enleva ses chaussures et le suivit. Essayant de se rappeler ce que Phil lui aurait dit à propos des nouveaux habitants de la maison. Elle arriva dans le salon ou l’homme était en train d’écrire sur des feuilles destinées à la publication en roman, Carol en avait vu dans le club du journal du collège-lycée.
« Excusez-moi… Vous êtes Ray, non ? »
« Yup. » Répondit-il. « Excuse-moi c’est un peu en désordre je ne m’attendais pas à ce que quelqu’un vienne aujourd’hui. »
« Désolée de vous avoir dérangé alors que vous travailliez ! »
« Il n’y a pas de problème je te dis. Dis-moi plutôt, ça va faire 8 ans que je ne t’ai pas vu, tu es au collège maintenant non ? »
« 8 ans ? »
« Ah, c’est vrai que tu n’avais que 5 ans quand on est arrivé dans le monde des humains et comme j’étais assez occupé avec Emma et Norman avant je ne suis pas vraiment venu te voir. »
Elle rougit.
« Vous m’avez connu quand j’étais petite ? »
« Bien sûr. Je t’ai même vu bébé. »
« Aaaaah! c’est gênant ! » gémit-elle en se cachant le visage derrière ses mains, elle écarta quelques doigts pour le regarder. « J’étais quel genre de bébé ? »
Il sembla réfléchir un instant.
« Et bien… Très joyeuse… Mais très calme aussi. Tu dormais beaucoup… Tu aimais beaucoup être portée ! Maman t’avait toujours dans ses bras. Enfin, je ne sais pas si c’est parce que tu aimais ça ou… Bah, pas grave. Bébé très mignon en tout cas. Je n’en connais pas beaucoup plus, c’était surtout Emma qui s’occupait de toi. »
« Emma s’occuper de moi ? » Répondit Carol en écartant ses mains de son visage.
« Oui, les filles les plus âgées s’occupaient des nourrissons à Grace Field. Donc c’est surtout Emma qui a changé tes couches et qui te faisait ton bain. »
« Ok, là c’est VRAIMENT gênant ! »
« Attend, je crois que j’ai encore des photos de toi quand tu étais petite. » Dit-il soudain en se levant. « Je crois qu’elles sont dans un de mes livres, je les garde toujours auprès de moi. »
« Des photos de moi ?! »
« Des photos des enfants de Grace Field. »
Carol soupira de soulagement tandis que Ray sortait de la pièce. Elle se gifla pour avoir dit quelque chose de pareille. Il revint quelques minutes plus tard, un paquet de photo en polaroid dans les mains. Il s’assit à côté d’elle… il sentait bon… A quoi est-ce qu’elle pensait ?!
Il posa les photos sur ses genoux et les montra une par une.
« Tiens, tu vois, là c’était toi. » Dit-il en indiquant une petite fille d’environ deux ans tenant la main d’un jeune garçon d’environ 4 ans.
« Trop mignonne ! » s’exclama-t-elle.
« N’est-ce pas ? Tu tenais la main de Phil là. Et ici, c’était Shelly. »
Il lui montra chacune des photos en lui indiquant qui était sur chacune d’entre elles. Elle découvrait toutes les personnes qu’elle avait connu mais 12 ans plus jeune. Phil était beaucoup plus mignon que maintenant.
« Et là… » Le ton de Ray avait changé, il y avait une légère tonalité de tristesse dans sa voix. « C’est Norman et Emma. »
Carol regarda le cliché représentant une fillette et un garçon de 11 ans. Elle tentait de se protéger les yeux face au flash de l’appareil et l’autre riait de sa réaction.
« J’aurais aimé connaître Emma à cette époque. »
« Tu l’aurais adorée. Une vraie tête de mule, assez stupide aussi… et elle aimait terriblement tout le monde. »
« Elle n’a pas beaucoup changé dans ce cas. »
« C’est vrai ! » Ria-t-il.
« Ça me fait bizarre de la voir avec ses deux oreilles. Je pensais qu’elle était née avec une en moins. Qu’est-ce qu’il lui est arrivé pour qu’elle perde une oreille ? »
« Elle se l’ai coupé parce qu’elle est bête. »
« Quoi ?! On ne fait pas ça par accident ! »
« C’était quand on s’est évadé de Grace Field. » Dit-il abruptement. « Phil ne t’a pas raconté ? »
« Si, mais il n’a jamais mentionné l’oreille d’Emma. »
Ray approcha sa main de son visage et elle se raidit, puis il la posa près de son oreille et posa un doigt derrière celle-ci. Carol sentait son cœur battre très vite.
« Il y avait un émetteur ici. Il permettait de nous repérer dans Grace Field. On était pressé, alors Emma s’est coupé l’oreille dans l’urgence. »
Il retira sa main.
« C’était il y a 11 ans tout ça. Tu n’étais encore qu’un bébé à ce moment-là. Peut-être qu’on devrait te raconter en détail ce qu’il s’est passé pour de vrai. »
« Quand vous serez prêts je pense. »
« Ouaip. »
Ils furent interrompus par Emma et Norman rentrant. Emma se jeta au coup de Carol, et celle-ci put voir combien le jeune Norman de 11 ans avait lui aussi grandi pour devenir un bel homme. Carol se dit que c’était dommage qu’il n’y avait aucune photo de Ray à 11 ans.
Avec l’automne qui était arrivé. Carol avait changé d’uniforme pour passer à l’uniforme d’hiver. Elle aimait beaucoup le cardigan qui allait avec, elle aimait les vêtements amples et confortables en général. Elle aimait beaucoup aussi l’automne au japon, les érables se teintaient de rouge et les autres arbres d’orange et de jaune, cela lui rappelait les cheveux d’Emma.
Carol rentrait du collège en passant sur la route près de la mer. Elle avait envie de trainer un peu. Elle se perdit dans sa contemplation de l’océan.
« Bou. » Fit une voix grave près de son oreille.
Carol sursauta et faillit tomber avant de se rattraper, plaquant sa main sur son oreille et regardant son interlocuteur avec des joues pivoines. Elle rougit encore plus en reconnaissant Ray. Il portait un foulard autour du cou et ses cheveux était lâché, laissant sa frange tomber devant son œil.
« Je t’ai fait peur ? »
Elle hocha la tête.
« Désolé c’était trop tentant, tu étais vraiment perdu dans tes pensé. »
« Qu’est-ce que vous faite ici ? »
« Je me promenais, j’essaie de m’adapter à ce monde et à ce mode vie après tout. Ça fait bizarre de ne plus être tendu en permanence, de s’autoriser à se perdre dans ses pensées. »
« Et bien il semblerait que moi je ne puisse plus. »
« Ha ha ! Allez, je rigolais. Désolé. »
« Je ne vous en veux pas. Je plaisantais aussi. »
Ils restèrent l’un à côté de l’autre dans un silence gênant jusqu’à ce que Carol décide le briser.
« Si vous voulez, je peux vous montrer un endroit que Phil ne vous aurait pas mentionné ! Enfin, je pense qu’il ne l’a pas fait. »
Carol s’avança sur les pavés et regarda de l’autre côté.
« C’est bon, il n’y a personne on peut rentrer ! »
Elle passe de l’autre côté de la barrière et écarta les bras.
« Tada ! Voici le dojo de kyudo de l’île ! »
Elle était rentrée par la zone de tir, sans ouvrir la porte d’entrée. Ce qui n’était pas vraiment légal.
« Tu es sûr que tu as le droit de me faire venir ici ? » demanda Ray.
« Je ne pense pas mais j’avais très envie de vous montrer ! »
« Le kyudo, c’est du tir à l’arc japonais non ? »
« Voui ! Allez, venez ! Faut juste enlever ses chaussures pour pas salir le parquet. »
Elle s’approcha du dojo et enleva ses chaussures avant de monter sur le sol lisse du dojo. Ray avait fini par la suivre.
« Tu vas souvent ici ? »
« Bien sûr ! Je fais partie du club ! Mais comme l'entraînement est fini c’est fermé. »
Ray examina les arcs placés près du mur.
« Ils sont beaucoup plus grand que ceux que j’utilisais dans le monde des démons. C’est donc ça un arc japonais ? »
« Vous utilisiez des arcs ? »
« Oui, dans le monde extérieur, pour chasser notamment. Emma était excellente mais je n’étais pas mauvais non plus. »
« C’est impressionnant ! »
« Ce qui m’impressionne plus c’est que toi tu arrives à tirer une aussi grande corde que celle-ci. »
« On se fait des muscles assez rapidement en fait ! Mais je comprends mieux maintenant pourquoi Emma avait fait du Kyudo. »
« Emma faisait du kyudo ? »
« Oui ! C’est même elle qui m’a donné envie d’en faire. Elle était… majestueuse. »
Comme plongée dans une transe, Carol commença à faire les pas de début de tir.
« Elle marchait avec un calme et une présence… puis… » Carol mima un arc encoché. « Elle préparait son arc… tirait la corde… et… » Elle mima le lâchait de la corde. « Tirait la flèche. Elle atteignait toujours la cible ! Et toujours au centre ! »
Une feuille d’érable tomba sur le milieu du terrain. Carol baissa ses bras.
« Mais un jour. Elle a arrêté. »
Carol ferma les yeux, se rappelant du son des flèches atteignant leurs cibles dans le dojo.
« Elle tirait chaque jour 10 flèches. Puis petit à petit… elle a oublié de le faire… et au bout d’un moment elle a simplement arrêté. Je n’ai jamais pu tirer de flèches avec elle. »
D’autres feuilles d’érables tombèrent sur le terrain. Il faudra nettoyer tout ça demain.
« J’aurais bien aimé comprendre ce qu’il se passait avec la mémoire d’Emma. »
Carol se remémora les photos.
« J’aurais bien aimé la connaître quand elle souriait encore comme cela, sans un semblant de tristesse ou de regret. Est-ce que c’est ça devenir un adulte ? Dans ce cas c’est tellement triste n’est-ce pas ? »
« Je suis désolé. » Répondit Ray.
« Pourquoi vous vous excusez ? »
« Car c’est parce que Norman et moi avons abandonné Emma que… »
« Même si c’était le cas, pourquoi vous excusez-vous ? »
Ray la regarda dans les yeux. Et pour la première fois, Carol eut l’impression de pouvoir imaginer et visualiser le garçon de 11 ans qu’il avait été : perdu.
« Vous n’êtes pas responsable du bonheur ou du malheur des autres. Vous êtes seulement responsable du vôtre. Si vous pensez que votre décision est juste, alors c’est que c’est sûrement le bon choix. »
Il lui sembla que Ray avait compris quelque chose qu’elle ignorait.
« Vous savez, moi je suis bête. Alors j’ai arrêté de penser si ce que je faisais pourrait causer du tort ou si je devais influencer les autres. C’était trop compliqué pour moi. Je préfère vivre dans le moment. Pourquoi penser au passé ou au futur alors que je peux manger de bons repas et dormir dans un lit aujourd’hui ? »
Ray se rapprocha d’elle, et il lui sembla être en face d’un garçon de son âge. Un peu perdu mais qui semblait avoir trouver une pancarte pour se guider.
« Tu es loin d’être bête Carol. Tu es très intelligente, juste pas pour les mêmes choses que les autres… Merci. J’ai bien fait de venir avec toi. Ça m’a remis les idées au clair. »
Carol lui sourit.
« De rien ! Dans ce cas je peux vous demander un service ? »
« Oui ? »
Elle écarta les bras.
« Vous pourriez me prendre dans vos bras s’il vous plaît ? »
Il écarquilla les yeux puis éclata de rire.
« C’est soudain comme demande ça ! Mais d’accord. »
Il passa ses bras autour de ses épaules et la serra contre lui. Carol posa ses mains dans son dos. Il était bien plus grand qu’elle, ce qui faisait que son oreille était posée près de sa poitrine, près duquel elle pouvait entendre son cœur battre. Elle ferma les yeux.
Carol ne considérait pas qu’elle n’avait pas subit l’amnésie infantile. Mais elle avait quelques bribes de souvenirs de quand elle n’était encore qu’un bébé. Des vues de sous une table, une forêt verte. Des bras l’enlaçant, la transportant, murmurant une berceuse…
Instinctivement elle essaya de se rappeler l’air, et les notes sortirent de sa bouche sous la forme d’une chansonnette. Ray se raidit.
« Carol, où as-tu entendu cette chanson ? »
Elle essaya de se rappeler.
« Ray, qui me portait quand j’étais petite ? Qui me prenait dans ses bras en chantant une berceuse ? »
Ray s’était relevé pour la regarder mais avait gardé ses mains sur ses épaules. Il était toujours aussi proche. Il sourit tendrement, et Carol se rappela la photo d’une femme aux cheveux attaché en un chignon serré. Elle avait les mêmes yeux que Ray. Et le même sourire, un peu malicieux et un peu triste.
« C’était Maman. » Répondit-il.
Notes:
Carol est un peu une sorte de Conny qui aurait survécu à mes yeux dans cette fanfiction (mais plus proche de Ray que de Don cette fois). Je l'aime beaucoup même si elle est entièrement faite de headcanon !
Chapter 6: La vie a commencé dans l’océan, et mes souvenirs sont morts dedans.
Notes:
Comment ? On revient au point de vue d'Emma ? Va-t-on en savoir plus sur son amnésie ?!
Chapter Text
Fermer les yeux. Tenter de se remémorer les premiers jours dans ce monde.
Une voix âpre… Deux présences en moins… L’odeur de la mer et le bruit de la machine à laver… Le son des cigales…
Une main calleuse, mais douce, tachée par la vieillesse et ridée par les veines… Caressant ses cheveux roux…
8 ans plus tôt, quand Emma avait encore tous ses souvenirs.
Replonger…
« Vous me dites que vous venez de l’autre monde ? » Demanda la vieille femme, assise en face d’eux et servant du thé dans des tasses au formes variées.
Elle ne semblait pas affectée par l’absurdité que venait de dire ces enfants. Emma était la plus en avant, faisant face directement à la vieille femme, les autres enfants s’étaient agglutinés derrière elle, peu sûrs de comment réagir face à une personne âgée. Emma tenait Carol dans ses bras, la serrant contre elle comme pour se rattraper à ce qu’elle avait perdu.
Elle était seule maintenant, sans Ray ni Norman. Elle devrait se débrouiller pour survivre dans ce monde avec tous les autres. Elle n’avait que 15 ans, et il lui semblait qu’elle en avait déjà 50.
La vieille femme tendit une tasse remplie de thé à Emma. Elle la prit avec hésitation, souffla un peu dessus pour la refroidir, et bu une gorgé. C’était amer, mais sans risque. Elle reposa la tasse.
« Oui. Nous venons d’un monde parallèle à celui-ci où les humains sont élevés pour se faire dévorer. »
La vieille dame regarda le liquide chaud dans sa tasse pensive. Puis elle releva la tête avec un air déterminé.
« Je le savais ! Je m’en doutais ! Personne ne m’a cru mais je le savais ! »
Emma resta décontenancée par sa réaction.
« Vous… vous nous croyez ? »
« Evidemment ! J’étais historienne voyait vous, et de nombreux texte rapporte des sacrifices pour des créatures étranges comme vous me l’avez décrit. Ils racontaient aussi l’histoire d’une promesse entre les êtres humains et ces créatures. Ce n'était donc pas juste des mythes, je le savais ! »
Emma s’attendait à tout sauf à cette réaction-là. Elle avait à peine la force de parler et elle s’attendait à devoir faire un grand discours incompris avant d’être séparée de ses frères et sœurs. C’était presque inespéré qu’on les croit.
« Dans ce cas, si vous nous croyez, est-ce que vous pourriez nous indiquer un endroit où nous pourrions vivre ensemble en paix ? »
« Malheureusement, je pense qu’il n’existe plus de tels lieux ici-bas. »
« Que voulais-vous dire ? »
« Voyez-vous, notre monde est affecté par la mondialisation, il n’y a aucun endroit où vous pourriez vivre en paix. Surtout avec vos particularités. Un jour ou l’autre les médias vous trouveront, et le monde sera à votre poursuite. Pire encore, on pourrait vous prendre pour des fous et vous emmenez en asile ou chez de faux thérapeutes. »
Emma devint livide. C’était donc cela le paradis qu’ils espéraient ? Un monde avare d’une logique propre à la leurs ? Emma sentit ses dernières forces disparaître, même son maintien sur Carol faiblit, faisant réagir cette dernière qui s’accrocha à sa chemise.
« Emma… ! Emma ! »
« Il n’y as donc… rien que l’on puisse faire ? » Dit-elle.
Ray et Norman lui manquaient tellement, elle avait besoin d’eux, elle avait besoin d’eux avec elle. Mais ils n’étaient pas là. Elle était seule avec une horde d’enfants dont elle allait devoir s’occuper seule, dans un monde empreint d’incompréhension.
« Vous pouvez faire quelque chose, si. » Dit la vieille femme.
Emma releva la tête, une dernière lueur apparaissant dans ses yeux.
« Le Japon est probablement l’un, si ce n’est le, pays le plus sûr de ce monde. Ici on ne vous volera pas, et on ne vous tuera pas à priori. Et vous venez d’y atterrir. »
« Nous sommes au Japon ? »
« Oui, plus précisément sur une petite île près de Kyushu. L’île la plus au Sud de l’archipel principal. Il n’y a pas beaucoup de monde ici, mais vous pouvez tout de même avoir tout ce dont vous avez besoin. »
Elle leurs fit un clin d’œil.
« Quant à moi, je suis sans mari et sans descendance pour mon héritage. Je n’aime pas trop la famille du côté de ma sœur, alors… Je pourrais vous donnez ce que j’ai. »
« Vous feriez ça ?! » S’exclama Gilda.
« Au moment de ma mort oui, en héritage. Je n’ai plus longtemps à vivre, alors autant que j’en profite au maximum une dernière fois ! »
L’espoir revint parmi les enfants.
« Je paierais vos études, ainsi que vos dépenses journalières, je vous laisserais ma maison pour que vous ayez un toit où dormir. Cela vous convient ? »
Les enfants crièrent de joie, des larmes perlant de leurs yeux. Mais Emma arrêta tout d’un geste.
« Madame, comme remercie-t-on au japon ? »
« Eh bien, on se prosterne en général mais ce n’est que dans des cas vraiment… »
Avant qu’elle ne puisse finir sa phrase Emma avait déjà posé son front contre le tatami, les mains de chaque côté de sa tête.
« Nous vous sommes infiniment redevables ! Merci beaucoup ! »
« Mais enfin relève toi, voyons ! C’est embarrassant de te voir t’abaisser à ça. »
« Je ne m’abaisse pas Madame. Je dois vous remercier proprement pour votre proposition. Je vous aiderai dans toute vos tâches si vous me le permettez pour vous remercier, et je ferai en sorte que les petits ne fassent pas trop de bêtises alors… ! »
Emma sentit une tape sur sa tête et elle la releva.
« Relève-toi je te dis ! » lui sommait la vieille femme. « Aie donc un peu de dignité ! Tu ne me dois rien c’est moi qui t’offre cette opportunité ! Alors ne t’abaisse plus jamais comme cela tu m’entends ? Fait honneur à ta famille ! »
Emma regarda autour d’elle, Carol était encore accrochée à sa chemise, et tous les autres la regardaient avec une confiance absolue. Elle se leva pour regarder la vieille femme dans les yeux.
« Oui. »
« Je préfère ce regard. Tu feras de grandes choses ma petite. »
S’habituer à mettre du fond de teint sur son cou avant de sortir, mettre ensuite un col roulé pour être sûr de cacher le numéro, tresser ses cheveux de telle façon qu’on ne remarque pas son oreille coupée. Emma avait fini par prendre toutes les habitudes nécessaires à la vie dans ce monde. Elle se regarda une dernière fois dans le miroir. Elle portait son uniforme pour le lycée. La seule chose qu’elle ne pouvait cacher étaient ses origines non japonaises.
« Tu te fait coquette ou quoi ? Tu vas être en retard si ça continue. »
Emma sursauta à la présence de la vieille femme.
« Je vérifiais juste que je correspondais à la norme ! » Dit Emma.
Elle s’approcha d’Emma, et soudain lui pinça son oreille.
« Correspondre à la norme ! Ha ! La norme c’est un concept basique d’une société révolue je pensais te l’avoir dit ! »
« Aïe ! Oui oui je sais mais je préfère éviter les remarques ! Et tout particulièrement de me faire virer je vous signale ! »
« Ils ne vont pas chipoter pour un ou deux tatouages avec le peu d’élève qu’ils ont ! »
« Bah il semblerait que si ! »
Elle lui lâcha l’oreille et Emma se la massa. Malgré son âge elle avait une poigne de fer. Elle était loin de la douce et gentille Maman… Voir son opposé. Une fermeté et une dureté qui laissaient transparaître une grande gentillesse. Emma sourit.
« Quoi ? Pourquoi tu rigoles ? »
« Pour rien ! » Dit-elle. Elle serra la grand-mère dans ses bras rapidement avant de partir. « Je t’aime bien dans le fond Mamie ! J’y vais ! »
Emma ferma la porte derrière elle avant que l’autre ne puisse lui faire une réplique cinglante, et pris son vélo pour aller au lycée.
Il était presque 9 heures du soir quand Emma rentra. Un léger trait de sang dépassait de sa bouche, sa joue était couverte d’un hématome, elle saignait du nez et était couverte de bleu et de coupure en général. Elle s’était habituée à ça aussi. Elle rentra dans la maison.
« Je suis rentrée. »
« Bienve… AH ! Emma qu’est-ce qu’il t’ait encore arrivé ?! » S’exclama Gilda. « Ne me dis pas que tu t’es encore battue ?! »
« Ouais ouais… » Répliqua Emma en enlevant ses chaussures. « Je vais chercher la boîte de soin elle est où ? »
« EMMA NAKAMURA. » Dit soudain une forte voix.
Gilda et Emma se tournèrent vers la grand-mère qui campait les mains sur les hanches avec un air sévère. Ils avaient tous adopté le nom de famille de la vieille dame pour plus de facilité.
« Alors comme cela on rentre encore couverte de sang ?! »
« Désolée, mais je n’ai pas tachée la chemise cette fois. » Répondit Emma calmement devant l’air effaré de Gilda.
La vieille dame s’approcha d’elle, l’attrapa par l’oreille et la tira dans le couloir.
« Aïe ! AÏEUH ! Hé oh j’ai qu’une oreille j’aimerais la garder ! »
« Tu la gardera si tu finis par arrêter tes idioties ma petite ! »
Elle la tira jusqu’à la chambre d’Emma, une pièce assez isolée dans le fond de la maison. On la lui avait aménagée car elle parlait trop dans son sommeil, voir hurlait. La grand-mère la força à s'asseoir, agrippa la boîte à pharmacie et avec un coton désinfecta ses plaies.
« Aïe ! »
« Tu te prends des coups de poing et tu as mal avec ça ? »
« Non, pas vraiment. »
« Alors arrête de te plaindre. »
Elles restèrent un moment en silence, Emma se faisait désinfecter et panser ses plaies sous l’œil sévère et attentif de Mamie.
« Pourquoi fais-tu ça ? » Dit soudain la vieille femme doucement, presque dans un murmure.
« J’ai besoin de me sentir vivre. La douleur me fait sentir vivre. »
« En quoi la douleur te donne envie de vivre ? »
Emma regarda derrière les panneaux de papier de riz les lucioles dehors.
« J’ai l’impression de l’avoir mérité. »
La vieille dame lui caressa la joue, là où plus tôt, on l’avait frappée.
« Personne ne mérite la douleur. Pas même toi. Ce n’est pas ça. Qu’est-ce qui te tracasse ? »
Emma sentit ses yeux s’embuer, elle les cacha derrière sa frange, elle avait bien poussé en 6 mois.
« Je me sens seule. » Dit-elle. « Ils me manquent. »
« Qui te manque ? »
Les visages de Ray et de Norman apparurent dans sa tête, mais ils étaient flous, beaucoup trop flous pour elle. Ray avait gardé les photos, elle aurait tellement aimé les avoir sur elle pour voir leurs visages.
« Mes plus précieux amis. Ils s’appellent Ray et Norman. Ils ont mon âge. »
« Ils n’ont pas pu traverser la barrière ? »
« Je ne sais pas. » Des larmes roulèrent sur ses joues. « J’aimerais tellement savoir. »
La vieille posa calmement sa main derrière la tête d’Emma et la fit basculer pour qu’elle repose sur ses genoux. Elle sentait les fleurs de cerisier et le thé. Elle lui caressa doucement ses cheveux roux.
« Tu sais, je pense que tes amis, ils ne voudraient pas te voir te battre comme cela. Ils préféreraient sûrement que tu sois heureuse ici, avec tout tes frères et sœurs. »
« Je sais. Mais… moi je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à ne pas penser à eux. »
« Alors pense à eux, pense à ce qu’ils feraient. »
« Je sais pas. Je suis trop bête pour ça. » Ria Emma. « Ils étaient bien plus intelligents que moi. Ils auraient sans doute été bien plus à l’aise que moi. »
« Et s’ils avaient été en encore plus grandes difficultés que toi ? Peut-être qu’en fait, tu t’en sors bien mieux que tu ne le penses. »
« A l’école ils sont bêtes. Les cours sont trop simples, et les gens ne comprennent rien. Je m’ennuie. Le seul truc sympa c’est le kyudo. Ça me rappelle quand on chassait dans la forêt. Mais même ça je ne peux plus le faire. »
« Emma, il y a des choses compliqués dans ce monde, mais on s’en sort tous. On s’accroche et on fait de son mieux d’accord ? »
« Oui. »
« Alors ne te bats plus s’il te plait. Tout le monde est inquiet. Prends soin de toi, au minimum pour eux. »
« D’accord. »
« A la place tire plus de flèche au kyudo. Ça te détendra tu verras. »
« Ok. »
Elle lui caressa une dernière fois les cheveux.
« Je suis heureuse de t’avoir rencontrée Emma. Tu es une jeune fille forte, très courageuse… » Elle lui pinça légèrement les joues tandis qu’Emma se retournait pour que sa tête regarde vers le plafond. « Et très jolie aussi. »
Emma sourit tristement.
« Tu le pense ? »
« Evidemment que je le pense. Tu aimes beaucoup ta famille aussi, tu es altruiste et c’est une bonne chose. Reste toujours aussi attentive aux autres, mais n’oublie pas de t’occuper de toi-même. »
« J’ai l’impression d’avoir à nouveau 11 ans. »
« Vraiment ? »
« Oui, quand je ne connaissais encore rien. Ça fait du bien. Merci. »
C’était donc ça la solution ? Ne rien connaître ? Après tout, Emma avait été très heureuse durant les premières 11 années de sa vie ou elle vivait dans l’ignorance. C’était donc ça la solution à son malheur, à ce désespoir qui la rongeait ? Oublier ?
Oublier. Oublier tout.
Oublier Grace Field.
Oublier les démons.
Oublier Ray et Norman.
Si elle ne se souvenait de rien, alors elle ne pouvait pas souffrir n’est-ce pas ? Parce-que c’étaient les souvenirs qui la rongeaient après tout.
Emma souhaitait n’avoir jamais souhaiter d’oublier.
Ça avait commencé avec de petit détail qui pouvaient être pris pour des accidents. Puis les petits accidents avaient fini par se multiplier. Par grossir… pour devenir de gros accidents. Petit à petit, elle oubliait des noms, des visages, des sons, des voix…
« Désolée Mamie. »
Elle oubliait les cheveux noir… les cheveux blanc…
« Je n’y suis pas arrivée. »
Les yeux gris... Les yeux bleus…
« Je ne suis pas arrivée à me raccrocher à ce souvenir. »
Les plaisanteries, les rires, les taquineries, les pleurs, les hurlement…
« Je suis en train de tout perdre. »
L’odeur de ses vêtements… L’odeur des flammes… L’odeur de la forêt… L’odeur du sang…
« Pardon… Je… Je ne veux pas disparaître… »
Il ne restait plus que des noms. Alors elle devait les répéter, pour ne pas les oublier. Il fallait qu’elle se rappelle leurs noms. Alors…
« Où sont Norman et Ray ? »
Elle se fichait de la réponse. Elle se fichait du résultat. Ce qu’elle voulait, c’était savoir si ces noms existaient bel et bien. Si elle n’avait pas oublié le dernier de ses souvenirs.
8 ans passèrent.
8 ans et…
« Emma, tu vas attraper froid. » Dis Phil.
Elle était dehors dans le jardin, pieds nues dans la neige.
« Les idiots n’attrapent pas froid. »
« Qui t’a raconté ça ? »
Emma ferma les yeux.
« Je ne sais plus. »
C’était 9 mois avant le retour de Norman et Ray.
Chapter 7: Un jour on se promènera tous au bord de la mer, en ramassant des coquillages et en comptant les étoiles.
Notes:
Le dernier chapitre enfin ! Et oui j'ai tout publier d'un bloc. Je préfère tout écrire en avances avant de poster car des que j'ai des retours je me bloque. En postant tout d'un coup je me sens beaucoup plus à l'aise !
Quand j'y pense c'est la première fanfiction que je finis ! (Ma première a duré 67 chapitres et je préférerais l'oublier) Merci d'être rester jusqu'au bout !Je laisse à présent le dernier chapitre à Phil.
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
Phil n’achetait plus d’encens. Pourquoi est-ce qu’il le ferait ? Norman et Ray n’étaient pas mort. Mais dans ce cas là… pourquoi avoir gardé l’autel ? Phil ne voulait pas le dire, mais il espérait qu’ils meurent pour de bon un jour. Comme cela, il arrêtera de mentir à Emma. Ce sera mieux pour tout le monde.
D’un côté la présence de Ray et de Norman lui facilitait la vie, de l’autre…
N’est-ce pas aussi par égoïsme que tu t’occupes d’Emma ? Pour te faire sentir mieux dans ton inactivité durant la guerre ? Pour sentir sa dépendance envers toi ? N’es-tu pas toi-même dépendant de sa dépendance ?
C’est vrai. Il était dépendant de la dépendance d’Emma. Il l’avait toujours été.
Il était dépendant de la dépendance de Norman quand celui-ci lui avait confié Emma avant de se faire livrer.
Il était dépendant de la dépendance d’Emma quand celle-ci lui avait confié les autres orphelins avant de s’enfuir.
Il a toujours été dépendant de la dépendance des autres.
Il avait besoin qu’on ait besoin de lui. Il avait besoin que les autres puissent compter sur lui. Il avait besoin de se sentir important dans ces mondes où il ne pouvait rien faire d’autre que regarder des centaines de peuples s’entretuer pour une liberté factice. Il voulait qu’on ait besoin de lui alors qu’il était le seul à savoir que, chaque jour, les adoptions étaient des condamnations. Sans ça…
Il n’était plus rien.
Il n’était plus qu’un adolescent perdu.
Il ne voulait pas être un adolescent perdu.
Il détestait comment Shelly posait plus de question sur Norman que sur Emma maintenant que celui-ci était de retour. Il détestait comment Carol s’était entichée de Ray et qu’elle venait chez eux plus pour lui que pour Emma à présent. Emma était le centre de son monde, et il ne voulait pas que les astres qui constituaient son système gravitent autour d’autres planètes que celle d’Emma. C’était un désir égoïste et puéril, mais rassurant. Car ainsi, Phil pouvait se convaincre qu’il aimait Emma.
Il l’aimait. Sincèrement. C’était juste épuisant. Et Phil était fatigué. Trop fatigué.
Emma ne posait plus la question. Elle ne demandait plus où était Norman et Ray, puisqu’ils étaient là. Elle ne hurlait plus la nuit. Elle commençait à changer ses habitudes. A se rappeler.
Mais Phil, lui, il avait gardé ses habitudes. Ses habitudes qu’il avait millimétré pour Emma. Ses habitudes conçues pour Emma. Et Ray et Norman étaient en train de changer ces habitudes-là. Finalement, c’était peut-être Phil qui avait besoin de ces habitudes pour survivre. Tout comme il avait besoin d’Emma pour avoir un égo propre à lui.
La présence de Ray et Norman lui donnait un temps libre qu’il n’avait plus eu depuis longtemps : il n’était plus obligé de faire la cuisine chaque jour, ou de demander à quelqu’un de la faire à sa place quand il n’était pas là, Ray s’en occupait ; il n’était plus obligé de se réveiller la nuit pour vérifier qu’Emma allait bien, Ray et Norman s’en occupaient ; il n’était plus obligé de faire les courses chaque jour, Norman le faisait…
Mais toute ces petites choses : c’était les siennes. C’était sa routine. Sa routine pour ne plus penser. Pour ne pas penser au manque de sommeil, pour ne pas penser à la fatigue, pour ne pas penser aux cauchemars… à la peur.
Il ne voulait pas penser. Dès que l’on pensait, on souffrait. Et Ray et Norman l’obligeaient à penser. Toute ces habitudes, aussi fatigantes soit-elle : elles lui appartenaient, et du jour au lendemain, on les lui avait volées.
Phil détestait Ray et Norman.
Il détestait tout le monde en fait.
Il détestait toutes ces personnes qui l’avaient abandonné avec Emma, qui l’avaient délégué au rôle de nounou pour une adulte. Il détestait cela.
Il détestait Emma.
Il adorait Emma.
Il adorait le son de sa voix. Il adorait ses longs cheveux s’étalant sur le sol comme des coraux. Il adorait l’entendre prononcer son nom, lui poser des questions, la regarder avec tant d’affection. Il adorait qu’elle ne parle que de lui. Il adorait sa dépendance. Il adorait son ignorance.
Il adorait SON Emma.
Il détestait celle de Ray et Norman.
Il détestait l’Emma qui prenait la main de Norman, ignorante de ses sentiments pour elle, et qui le suivait seule dans des endroits qu’elle ne connaissait pas avec la naïveté d’une enfant. Il détestait l’Emma qui apprenait à cuisiner avec Ray, qui retenait de plus en plus de recettes, qui arrivait à se faire ses propres plats. Il détestait l’Emma qui dormait la tête sur les genoux de Ray et les jambes sur ceux de Norman.
Il détestait l’Emma qui allait tout de même à la plage, chaque jour pour chercher quelque chose qu’il ignorait.
Phil n’allait plus la chercher à la plage.
« Elle est encore sortie cette nuit ? » demanda Phil.
« Oui, mais elle n’est pas rentrée dans l’eau. » Répondit Norman.
« Elle ne rentre plus dans l’eau. »
Phil tourna la tête vers Norman qui le regardait avec une expression indéfinissable.
« Elle t’a dit ce qu’elle cherchait sur la plage ? » Demanda-t-il.
« Non. »
Un voile de tristesse passa sur le visage de Norman.
« Je vois. » Il se releva. « Je vais voir ce que font Ray et Emma dans la cuisine. »
Phil se retrouva seul en face du jardin. Le sol était couvert de feuilles d’automne. Il faisait frais. Il se rappela Emma, les pieds nus dans la neige. Elle semblait aussi chercher quelque chose à ce moment-là.
« Tu viens manger ? » Demanda Norman depuis la cuisine. « C’est prêt. C’est Emma qui l’a fait. »
« Et c’est Ray qui lui a appris c’est ça ? »
Il lui semblait que la coquille de verre qu’il s’était fabriqué se craqueler.
« Oui pourquoi ? »
« Elle apprends beaucoup de choses depuis que vous êtes là. »
Emma sortit de la cuisine pour voir ce qu’il se passait, Ray derrière elle.
« Qu’est-ce qu’il se passe ? » Demanda celui-ci.
Norman s’était retourné pour lui faire signe de retourner dans la cuisine mais c’était déjà trop tard. Phil était debout, les poings serrés.
« Il se passe que vous me faites chier tous les deux ! »
« Phil… ? » Demanda Emma dans un murmure.
« Putain ! Pourquoi vous êtes irréprochables ?! Je peux me plaindre de rien ! Vous aidez, vous faites tout comme il faut et moi je peux rien dire ! »
« On ne t’empêche pas de te plaindre. » Répliqua sèchement Ray.
« FERMEZ VOS GUEULES ! J’en ai ma claque ! Vous débarquez comme des fleurs dans MA vie et vous faites ce qu’il vous chante ! Vous me prenez tout et vous vous pavanez devant moi fier comme des paons ! Vous avez une idée de ce que vous nous avez fait subir pendant 8 ans ?! VOUS SAVEZ CE QUE C’EST ?! »
« Ce qu’il s’est passé durant ces 8 années n’est pas notre responsabilité ! » Hurla à son tour Ray, le visage déformé par la colère. « Tu crois qu’on n’a pas réfléchi à ça ?! Oui on a fait une connerie, et alors ?! Pour le moment on essaie de faire quelque chose dans le présent et penser à ce qu’on aurait pu faire ne nous avancera à rien ! »
Norman s’était posté entre Emma et les deux autres en essayant de calmer le jeu. Emma regardait avec une incompréhension total le spectacle devant ses yeux.
« Parce que tu penses pouvoir réparer 8 ans de solitude ?! »
« Evidemment que non ! Je ne veux rien combler je veux juste pouvoir revenir à la situation d’avant ! »
« LA SITUATION D’AVANT C’EST VOUS DEUX QUI L’AVAIT FLANQUER EN L’AIR. IL N’Y A PLUS D’AVANT ! Il n’y aura plus. Il n’y a plus de Grace Field. Il n’y a plus l’espoir d’un monde nouveau dans lequel on peut vivre. IL N’Y A QUE CETTE REALITE POURRIE ! QUAND EST-CE QUE VOUS ALLEZ LE COMPRENDRE ?! »
La main avait volée avant même qu’ils ne s’en aperçoivent.
C’était comme si on avait coupé un pan d’une scène. Tout ce que comprenais Phil c’était la douleur sur sa joue et Norman en face de lui, la main encore lever après l’avoir giflé. Il ne semblait pas en colère. Phil le regarda avec ses yeux écarquillés vides de toutes émotions. Il ne voyait sur le visage de Norman que de la douleur. Comme si c’était lui qui venait de se faire frapper. Ray, derrière, regardait Norman avec les yeux écarquillé.
Ils ne dirent rien. Norman ne semblait même pas chercher ses mots. Il était clair que c’était avant tout une impulsion. C’était à en rire. Norman, le grand calculateur, qui avait réagi sous une impulsion.
Phil s’avança sans regarder les 3 adultes, arriva dans l’entrée et mit ses chaussures.
« Phil… »
Il se tourna vers Emma une dernière fois.
« Peut-être qu’en fait, de vous trois, c’était de toi dont je voulais le plus la mort. »
Et il sortit en claquant la porte derrière lui. Sans regarder l’expression d’Emma. Il courut. Il courut sans regarder où il allait, sans regarder devant lui, sans regarder derrière lui. Le soleil se couchait à l’extérieur. Il courut loin, encore plus loin puis…
Il hurla.
Il hurla comme il ne l’avait jamais fait. Il hurla comme s’il hurlait encore sur Ray et Norman. Il hurlait de colère, de tristesse, de joie… de douleur. Il avait mal. Il n’avait pas mal à sa joue. Il avait mal autre part, il ne savait pas où. Il avait mal partout et nulle part. Alors il continua de hurler. Il hurlait jusqu’à ce que sa gorge soit desséché. Et quand il sentit le désert dans sa gorge il arrêta. Et continua de courir en silence, sans savoir où il allait.
Il courut jusqu’à ce que le soleil touche l’horizon. Il s’arrêta. La respiration haletante, il regarda autour de lui.
C’était la plage.
C’était la plage sur laquelle Emma allait chaque soir.
Il s’approcha du bord, enleva ses chaussures et marcha pieds nus dans le sable. Il marcha lentement, écoutant les sifflements de sa respiration. Il sentait le sable sur ses pieds, puis il sentit l’eau salé. Il regarda. Il avait marché jusqu’au bord de l’eau. La marée était haute, mais il n’y avait pas de vague. Tout était calme. Sauf lui.
Il entendait le son de sa respiration, le son des vaguelettes et de l’écume sur le sable, le son du vent.
Il ferma les yeux.
Il entendait des rires d’enfants. Il entendait sa propre voix crier le nom d’Emma. Il entendait Emma crier son nom… Elle…
Il ouvrit les yeux et se retourna.
Elle était là. Dans sa robe blanche, avec son cardigan. Ses longs cheveux roux ébouriffés par le vent. Ses yeux verts le regardant sans expression.
Elle n’avait pas parler. Elle était seule. Sans Ray ni Norman. Elle était la seule à connaître le chemin après tout.
« C’était moi… » Dis Phil d’une voix rauque. « C’était moi que tu cherchais sur cette plage… pendant toute ces années… »
Elle ne répondait pas. Ils étaient face à face. En jetant un coup d’œil vers le sol Phil remarqua qu’elle était pieds nue elle aussi.
« Quand j’étais petit… On était allé sur cette plage. Et j’étais allé ramasser des coquillages. Mais je me suis perdu, car j’étais allé trop loin. Alors tu m’as cherché partout. Tu hurlais mon nom pour savoir où j’étais. Tu m’as cherché durant toute la journée, jusqu’à ce que tu me trouve recroquevillé sur un rocher en pleure. Tu m’as pris dans tes bras, et tu m’as bercé en me rassurant. Puis on est rentré, trempé parce que… »
Il se tourna vers l’océan. Là, légèrement caché par les tumultes de l’eau…
« Le rocher sur lequel je m’étais assis était dans l’eau. »
C’était le bout.
C’était le rocher.
C’était le bout que redoutait Phil. C’était ce dont il avait tant eu peur… toutes ces années.
Il s’était assis sur le rocher et la marée l’avait soudain entouré. Il avait encore peur de l’eau alors il était resté bloqué en pleure sur le rocher entouré par les eaux. Mais Emma était venue le chercher. Emma l’avait rassuré. Emma l’avait sorti de l’eau.
Il était dépendant d’Emma parce que… Emma l’avait sauvé.
Il adorait Emma, parce que malgré sa tristesse, elle restait toujours aussi aimante. Il l’adorait car elle était persévérante et courageuse.
Elle était son étoile polaire pour le diriger lors des nuits froides. Elle était son ancre pour que son bateau ne chavire pas.
Elle n’a jamais été dépendante de lui. C’était lui, qui avait toujours été dépendant d’elle.
« C’est moi qui avais oublié… Ce n’est pas toi… C’était moi… »
Elle n’a jamais eu besoin de qui que ce soit. Elle se suffisait. Et sans ça…
Phil n’était plus qu’un adolescent. Plus tellement perdu finalement.
« Mamie nous avait emmenés sur cette plage, tu te rappelles ? » Dit Emma. « Tu avais trouver une conque, et tu me disais entendre Ray et Norman dedans, pour me rassurer. Puis tu as voulu en chercher d’autres, et tu t’es retrouvé coincé sur le rocher. »
Elle s’approcha de lui, lui caressa doucement les cheveux, puis la joue que Norman avait frappée, et Phil se rendit compte qu’il avait mal.
« J’aurais préféré entendre ta voix dans la conque moi. » Continua-t-elle.
Elle se rappelait la plage. Elle se rappelait son premier coquillage. Elle se rappelait la grand-mère. C’était Phil qui avait tout oublié.
Depuis quand était-il plus grand qu’elle ? Depuis quand semblait-elle si frêle ? Depuis quand ses cheveux était aussi long ?
Tous ces petits détails qu’il aurait voulu apprécier plus, c’était lui qui les avait oubliés.
Des vagues sur le sable.
Des larmes sur une joue meurtri, glissant jusqu’à une main pâle, qui les essuyer d’un mouvement de pouce.
C’était comme si on ouvrait un robinet gardé fermé pendant 8 ans.
Il éclata en larmes. Il pleura. Il pleura comme il ne l’avait jamais fait en 8 ans. Il s’effondra sur Emma, la serrant dans ses bras comme on tiendrait un objet précieux, enfouissant son visage dans son cou, passant sa main dans ses cheveux, s’agrippant à ses vêtements. Il voulait sentir son odeur, sentir sa chaleur… sa gentillesse. Elle avait passé ses bras autour de son cou et lui caressait la tête et le visage en lui murmurant des « tout va bien », « je suis là », « je t’ai retrouvé ». Il avait l’impression de déverser un lac sur l’épaule de la jeune femme, mais cela était sans importance pour elle. Elle le berça au son de ses sanglots.
C’était ce qu’ils avaient cherché durant toutes ces années : leur famille.
Ils avaient passé de longues minutes sur le sable, enlacer, à parler de tout et de rien. A parler de leurs enfances et de leurs souvenirs. Sans jugement, sans attentes, juste la chaleur de l’autre. Puis quand le soleil avait disparu, ils marchèrent, main dans la main jusqu’à leurs maisons. L’un à côté de l’autre, sans se tirer ou se traîner. Quand ils arrivèrent, Norman était assis sur la marche à l'entrée. Il se releva d’un coup, se précipita vers eux deux et les serra dans ses bras. Phil ne voyait pas son visage enfoui dans leurs épaules.
« J’étais si inquiet… J’avais imaginé tous les pire scénario possible… Je… snif… »
« Attends tu pleures là ?! » s’exclama soudain Phil, faisant rire Emma.
Il était définitivement en train de pleurer.
« Minute là ! C’est vachement gênant tu peux pas faire ça après m’avoir giflé ! »
Ray apparu sur le palier de la porte. Il semblait sincèrement soulagé, il s’approcha de Norman et lui tapota le dos.
« Allez gros nounours, laisse-les rentrer. »
Norman les lâcha et renifla avant de rentrer dans la maison, suivi d’Emma. Phil se tourna vers Ray.
« Je… Je suis désolé pour toute à l’heure. Je n’aurais pas dû te dire ce genre de chose c’était méchant. Je… »
Il fut coupé par Ray qui l’avait pris par l’épaule et le serra à son tour dans ses bras. Il lui tapota un peu le dos avant de s’écarter.
« Ça, c’est mon moment gênant de la soirée. Tu n’as le droit à ça qu’une fois par an alors… Ne refoule plus tes sentiments d’accord. On est toujours prêt à t’écouter. Même si c’est pour dire des choses pas sympas. »
Phil hocha la tête.
« Ok. »
« Allez, rentre, on a dû tout faire réchauffer à cause de ton coup de colère alors t’as intérêt à tout mangé. »
« Ok. » Ria-t-il.
Il rentra dans la maison suivie par Ray qui ferma la porte derrière eux.
Sur la commode du salon, il y a : des coquillages, des vieux livres jamais terminés et des photos du passé et du présent. Et quand la brise souffle, le grelot tinte au son de la mer.
Et la mer rit.
Notes:
Merci beaucoup de m'avoir lu jusqu'au bout ! Je suis heureuse d'avoir pu finir cette fanfiction et à chaque fois que je la relis je comprends toujours mieux en quoi est-elle aussi importante à mes yeux.
J'aimerais aussi préciser que si vous trouvez que l'amnésie d'Emma ressemble à une quelcquoncque maladie (ce n'est clairement pas de l'Alzheimer elle a 23 ans et l'Alzheimer précoce arrive entre 30 et 40 ans), c'est une coincidence. Je voulais que l'amnésie d'Emma soit quelque chose de poétique et non rationnel. De ce fait elle n'est en lien avec rien.
J'aimerais remercier encor ene fois @rosasharn qui fut ma beta-reader durant ces 7 chapitres. Merci aussi à vous cher lecteur !
I don't have an account but I wNt to say that... (Guest) on Chapter 5 Tue 20 Aug 2019 02:45PM UTC
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I don't have an account but I wNt to say that... (Guest) on Chapter 7 Tue 20 Aug 2019 10:15PM UTC
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Si1v3r on Chapter 7 Sun 15 Sep 2019 11:46AM UTC
Last Edited Sun 15 Sep 2019 11:54AM UTC
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Lulunaire on Chapter 7 Sun 04 Apr 2021 10:24PM UTC
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TempoDreams on Chapter 7 Mon 05 Apr 2021 11:11AM UTC
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Fithesworddweller on Chapter 7 Sat 07 Jan 2023 12:25AM UTC
Last Edited Sat 07 Jan 2023 12:31AM UTC
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TempoDreams on Chapter 7 Thu 12 Jan 2023 02:23PM UTC
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